Jugement, jugement de Dieu

Devant Dieu

Dieu seul peut pénétrer au plus profond du cœur et mettre en lumière toute ombre cachée; à Lui seul rien n'échappe et tout devient transparent pour Lui. Que le monde continue aussi à lancer ses javelins empoisonnés contre ceux qui veulent, comme et quand ils veulent, spécialement contre ceux qui ne veulent pas revivre que la passion du Christ. Lui aussi, Jésus, fut jugé par le monde, et les siècles ne verront pas en éternel verdict plus inique. Contre le monde, l'âme a un appel triomphal en elle-même: celui qui la juge est seulement le Seigneur.

Le jugement de Dieu est inapplicable. Je peux, devant les hommes, paraître être ce que je ne suis pas; devant Dieu, non: je suis ce que je suis. Et le jour de la révélation solennelle viendra. Tout ce qui est caché aujourd'hui, que l'on prend soin de garder caché, apparaîtra dans la lumière méridienne. "Regarde", dira Dieu aux bons et aux mauvais, aux petits et aux grands, "regarde ; ceci est la vérité, ceci est la lumière, ceci est l'obscurité. A la lumière la gloire, aux ténèbres la défaite". Et il en sera ainsi pour toujours: le juste avec Dieu, l'injuste avec le diable. La paille sera infailliblement séparée du blé; au blé, les greniers célestes seront ouverts; la paille sera attirée vers la flamme éternelle.

Courage, soyons toujours prêts! Le dernier jour du monde viendra, mais il sera précédé de notre dernier jour: la mort. Après le dernier souffle, l'effort suprême dans la bataille terrestre, nous nous tiendrons devant le Juge. Et le juge est Jésus, l'ami, le frère, la victime d'hier. Pouvons-nous le regarder ? Ou bien la peur nous saisit-elle et nous tire-t-elle vers le bas, et ressentons-nous déjà l'irréparable condamnation ? Et n'y aura-t-il aucun espoir de salut? Il est encore temps de nous préparer à cette rencontre : courage, abandonnons les ténèbres et prenons le chemin de la lumière!

Sans Dieu

L'enfer est là. Jésus le dit, l'Église l'affirme, les saints le savaient. Saint Jean Chrysostome, tout feu tout flamme d'amour pour Dieu, fit peindre un tableau dans sa cellule afin d'avoir toujours sous les yeux les tourments de l'enfer. Et nous? Nous évitons d'y penser et notre vie n'est pas sainte. Nous avons peur : et nous voudrions parfois nous persuader que Dieu ne peut pas être si sévère. Mais Dieu a parlé et sa parole n'est pas annulée. Pourquoi ne suivons-nous pas le conseil de saint Bernard et ne descendons-nous pas en enfer de notre vivant, de peur d'y descendre après la mort? Pensons plutôt que Dieu a fait l'enfer pour peupler le Paradis de saints, et que même la vision du châtiment éternel est un effort admirable de sa miséricorde, lui qui veut nous sauver à tout prix.

Eloignez-vous de moi, maudits, qui soutenez l'inexistence de l'enfer! Ces mots sont sans remède: l'enfer est tout entier là. Loin de Dieu dans la malédiction éternelle! Pour ceux qui ont connu la Passion du Christ, pour ceux qui ont médité les mystères du Cœur de Jésus, puis se sont moqués de la Passion et ont méprisé les mystères, ces paroles auront la force et la terreur de la foudre qui s'abat et incinère. Pourtant, l'âme veut Dieu, car Dieu seul est cette vie, cet amour, ce bonheur que l'âme va chercher et soupirer en errant dans les champs du monde. Pourtant, l'âme sent qu'elle ne peut pas vivre sans Dieu, et entre-temps, elle le déteste alors qu'elle le désire, et entre-temps, elle le blasphème alors qu'elle le craint. La nature rapproche l'âme de Dieu; le péché l'en détache et la jette dans les tourments éternels, revêtue d'une malédiction.

Dans le feu éternel! Voici la malédiction: le feu et tous les tourments. Le riche épulone, qui avait englouti le monde, le savait ; il le savait et soupirait en vain une goutte de rafraîchissement. Chaque mal accompagne l'âme éternellement rebelle, et il n'y a aucune pitié pour les années qui passent, pour les siècles qui passent. L'enfer est hors du temps, il est dans l'éternité. L'âme et le corps auront des tourments qui se renouvellent sans jamais se reposer, parce que l'âme et le corps, reniant Dieu, se sont adonnés au péché, fermant pour toujours les portes de sa miséricorde.

Qui se sauve

Le salut des âmes est dans les mystères de Dieu. Lorsque certains ont interrogé Jésus à ce sujet, il n'a pas voulu répondre. La réponse viendra, mais seulement dans la vision claire des cieux de Dieu. Quant à nous, ce serait une vaine et mauvaise présomption que de nous arroger le droit de juger du nombre des élus. Même face à une mort tragique, à une vie brisée dans le mal, nous n'avons pas d'éléments pour un jugement certain. Laissons cela à la justice miséricordieuse de Dieu et suivons plutôt le conseil de Jésus: efforçons-nous d'entrer par la porte étroite qui mène au ciel. Nombreux sont ceux qui disent vouloir le faire, et tous n'y parviennent pas. Soyons prudents!

Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. Il n'est pas d'âme à laquelle ne vienne du ciel la vague mystérieuse de la grâce, la douce impulsion du Cœur de Dieu qui, comme la main d'une mère, la pousse aux bonnes œuvres. Il n'y a aucune âme qui ne puisse avoir droit à une goutte du sang du Christ: sa croix et son sang appartiennent à tous; pour tous, ses bras blessés s'ouvrent largement sur le bois rédempteur. Et il est la nourriture pour tous, la nourriture divine descendue du ciel, le Pain de Vie. Si quelqu'un échappe à l'étreinte du Christ, c'est parce qu'il a volontairement, obstinément, piétiné la grâce, méprisé le Pain, renié la croix.

J'espère et je veux être sauvé. Si la miséricorde de Dieu est si grande, pourquoi dois-je désespérer? Je veux être éveillé aux voix du Seigneur, et bien que je le sache si bon, je ne veux pas que la vision de sa justice s'éloigne de mes yeux. Je dois suivre le chemin étroit de la mortification, de la pureté, de la charité. Combien de fois l'ai-je évité et combien facilement suis-je allé au mal, ai-je fait le mal, suis-je resté dans le mal ! Aujourd'hui, sans plus d'hésitation, je recommence à vivre avec la grâce de Dieu.