AMIS DE MOZART ET DES MAÎTRES
CLASSIQUES (subventionné par la Direction de la Musique et la Ville de Paris)
SECRÉTARIAT : 5,
PLACE BOULNOIS - 75017 PARIS — TÉL. 42 67 36 47
(Permanence du mardi au vendredi, de 10h 30 à 17 h 30)
Le Président d'Honneur :
Prof. Jacques CHAILLEY
C'est avec infiniment de regrets que
j'ai dû au dernier moment, pour raisons de santé, renoncer au privilège de
venir à Rome présider la conférence de presse organisée par le Centro Studi
Rinascimento Musicale pour célébrer le 350ème anniversaire de la mort de
Claudio Monteverdi. Nom illustre dont la première partie évoque la hauteur de
son art, et la seconde le printemps de sa destinée.
Monteverdi n'est pas seulement une
gloire de la musique italienne, qui en compte tant. Par son génie il se place
au rang des maîtres universels tels qu'aucun siècle n'a pu en engendrer au
delà des doigts d'une main. Son secret est peut-être qu'il n'a rien ignoré du
passé de son art et a tout prévu de son avenir, dominant de haut la
"seconda pratica" sans rien renier de la "prima".
Singulière leçon, dont l'actualité
ne saurait nous échapper. Et qui peut donner confiance à beaucoup de ceux que
l'on avait prématurément enterrés. Si la gloire de Montererdi aujourd'hui est
incontestée, faut-il rappeler qu'elle a été précédée d'une longue période
d'oubli? Je ne suis pas assez vieux pour avoir assisté, le 25 Février 1904 ,
à la Schola Cantorum dont je devais plus tard devenir le directeur, aux
premières résurrections de l' Orfeo par Vincent d'Indy, et celuici, dès
1901, avait déjà établi un parallèle louangeur, prémoniteur à cette
époque, entre Monteverdi et le Debussy d'un Pelléas et Mélisande à peine
achevé. Mais j'ai le souvenir, étant jeune étudiant, de notre émerveillement
lorsque mon maître Nadia Boulanger, vers 1925, nous réunissait chez elle tous
les mercredis pour déchiffrer et découvrir les merveilleux madrigaux dont l'enseignement
du Conservatoire ne soupçonnait pas encore l'existence.
Que de chemin parcouru depuis lors! La
gloire de Monteverdi est aujourd'hui internationale, et c'est sans doute ce
qu'ont voulu marquer les organisateurs de cette rencontre, en demandant à un
Français de la présider. Il leur en exprime sa sincère gratitude et les prie
d'en accepter un modeste témoignage sous forme de cette brochure officielle des
célébrations nationales françaises. Ils y verront que n'a pas été oubliée
la gerbe de 3 grands maîtres italiens dont 1993 nous rappelle le souvenir: Monteverdi, Frescobaldi, Boccherini, trois maîtres que dans trois jours
exactement la Sorbonne célébrera dans le cadre de ses Concerts de Midi. Mais
si je suis sensible à l'honneur qui m'a été fait, ma fierté se teinte de
tristesse devant l'absence de celui qui normalement eût dû tenir le rôle que
vous m'assignez, le professeur Annibale Gianuario, fondateur de ce Centre. J'ai
raconté un jour que mon maître Henry Expert, qui fut le découvreur de la
musique française de la Renaissance, évoquant devant moi les difficultés
rencontrées dans sa tâche, avait comme pour lui-même laissé échapper un
soupir: «De notre temps, cela ne se serait pas passé ainsi.» Notre
temps, pour lui, c'était l'époque de Josquin des Prés ou de Roland de Lassus. Pour Annibale Gianuario, c'était l'époque de Peri, de Caccini, de Monteverdi.
Sans craindre la polémique, fût-elle violente, il la vivait habité par la
seule passion de la musique et de la vérité historique, et grâce au talent
et à la science de son incomparable collaboratrice Nella Anfuso, il a su
transformer la science en art et la sortir des écrits pour aborder la vie.
Comme jadis la découverte de
Monteverdi que j’évoquais à travers le souvenir de Nadia Boulanger, l'art
vocal des maîtres de l'Italie, qui allait bientôt conquérir l'Europe, a
été pour beaucoup une véritable révélation. Qu'en soient remerciés tous
ceux qui y ont oeuvré, parmi lesquels une place spéciale doit être réservée
à Nella Anfuso. Et qu'avec elle soient remerciés tous ceux qui, avec elle,
participeront au succès de ces journées, que je souhaite aussi fécondes dans
leurs découvertes que prestigieuses en leurs manifestations .