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CHAPITRE III
 RABBAN ÇAUMA ET RABBAN MARCOS VEULENT ALLER
À JÉRUSALEM

    Un jour ils se dirent: Il nous serait très profitable de quitter cette contrée et de partir pour l'Occident, car nous pourrions y vénérer les tombeaux des saints martyrs et des Pères Catholiques. Et si le Christ, Seigneur de toute chose, prolonge notre vie et nous aide de sa grâce, nous irons à Jérusalem afin d'obtenir l'indulgence plénière de nos péchés et l'absolution de nos fautes.
    Rabban Çauma reprenait vivement Rabban Marcos et voulait l'effrayer par la fatigue du voyage, la difficulté des routes, la crainte des souffrances et de l'exil. Mais Rabban Marcos bouillait de venir. Sa pensée lui révélait en quelque sorte que des trésors lui étaient réservés en Occident(1). Il pressait Rabban Çauma par ses paroles et l'excitait au départ. Étant enfin convenus que ni l'un ni l'autre n'abandonnerait son compagnon, même s'il  devait subir des inconvénients à cause de lui, ils se levèrent, distribuèrent aux pauvres leurs haillons et leurs menus objets et allèrent à la ville [de Péking] pour prendre des compagnons de route et se munir de provisions.
    Quand les chrétiens de ce lieu connurent leur dessein, ils se réunirent auprès d'eux pour les detourner de leur projet. Il leur disaient: «Vous ne savez donc pas combien est éloignée la contrée où vous allez? Vous ignorez donc la difficulté du chemin? Vous ne pensez pas que vous n'arriverez pas là-bas. Restez ici: luttez dans le genre de vie auquel vous êtes appelés. Il est dit, en effet:(2) "Le royaume du ciel est parmi vous.»
    Eux répondirent: «Il y a longtemps que nous avons revêtu l'habit monastique, que nous avons renoncé au monde, que nous nous considérons comme morts pour lui, et la fatigue ne nous fait pas peur, la crainte ne nous trouble pas. Nous ne vous demandons qu'une chose: pour l'amour du Christ, de prier pour nous, de laisser de côté toute parole sceptique et de demander à Dieu que notre dessein s'accomplisse.»
    Les chrétiens leur dirent: «Allez en paix.»
    Ils s'embrassèrent les uns les autres en pleurant et en sanglotant. «Allez en paix, leur disent-ils; que notre Seigneur, que vous avez cherché, vous accompagne; qu'il fasse avec vous ce qui lui plaît et ce qui vous est avantageux. Amen.»
    Ils allèrent à la ville de Koschang.
    Quand les habitants de la ville et les parents de Rabban Marcos apprirent l'arrivée de ces deux moines, ils se rendirent au-devant d'eux et les conduisirent à l'église avec joie et grand honneur. Ils leur demandèrent: «Comment se fait-il que vous veniez ici?» Ils pensaient qu'ils allaient rester auprès d'eux et que Rabban Marcos avait fait cela pour se rapprocher de sa famille. Mais en apprenant qu'ils allaient à Jérusalem, que leur dessein et leurs pas étaient dirigés vers l'Occident, ils eurent beaucoup de peine et furent profondément affligés.
    Le bruit de leur arrivée parvint aux gouverneurs de la ville, Konbogha et Ibogha(3), gendres du Roi des rois, Khoubilaï-Khan(4).
    Ils envoyèrent aussitôt des messagers et firent venir les deux moines au camp; ils les reçurent avec joie et furent enflammés d'affection pour eux.
    Quand ils apprirent qu'ils s'en allaient, ils se mirent à leur dire: «Pourquoi abandonnez-vous notre contrée et allez-vous en Occident? Nous nous donnons beaucoup de peine pour attirer ici de l'Occident des moines et des évêques, comment pouvons-nous vous laisser partir?(5
    Rabban Çauma leur répondit: «Nous avons renoncé au monde. Tant que nous serons près des nôtres, nous n'aurons pas de repos. Nous devons donc fuir pour l'amour du Christ qui s'est livré lui-même à la mort pour notre salut. Nous avons abandonné tout ce qui est du monde. Quoique votre affection nous excite (à rester), nous partirons. Votre bonté nous charme; votre bienveillance s'est amplement répandue sur nous, mais si nous avons du plaisir à rester avec vous, nous nons souvenons aussi de la parole du Seigneur, qui dit(6): «Que sert à l'homme de posséder tout l'univers s'il vient à en perdre son âme? Ou que donnera l'homme en échange de son âme»? Nous désirons la perfection. Tout ce que nous pouvons dans notre faiblesse, c'est nous souvenir de votre royaume jour et nuit dans nos prières.»
    Les princes, voyant que leurs paroles ne servaient à rien et qu'ils ne pouvaient changer leur dessein, leur offrirent des présents : des montures, de l'or, de l'argent et des vêtements.
    Les moines leur dirent: «Nous n'avons besoin de rien; que ferons-nous de ces biens? Comment pouvons-nous nous charger de ce poids?»
    Les princes susdits leur répondirent: «Vous ne connaissez pas, vous, la longueur de la route, ni les dépenses qu'elle exige. Mais nous, nous le savons et nous vous conseillons de ne pas aller avec rien; car vous ne pourriez pas atteindre le but que vous vous proposez. Prenez donc ces présents comme un dépôt; si la nécessité vous y oblige, dépensez-en; si vous n'en avez pas besoin et si vous arrivez sains et saufs, distribuez-les aux couvents, aux monastères, aux moines et aux évêques de là-bas, afin que nous soyons en communion avec les Pères de l'Occident. Il est dit, en effet(7): «Que votre abondance subvienne à leur pauvreté.»
    Les moines, voyant qu'ils leur offraient ces choses avec un coeur sincère, acceptèrent ce que les princes leur donnèrent.
    Ils se séparèrent les uns des autres ayant le coeur gros. On répandait des pleurs mêlés de joie en les congédiant.
    De là, ils arrivèrent à la ville de Tangout(8).
    Les habitants apprirent que Rabban Çauma et Rabban Marcos étaient venus pour se rendre à Jérusalem. Aussitôt les hommes, les femmes, les jeunes hommes, les adolescents et les tout petits enfants sortirent au-devant d'eux, car la foi des habitants de Tangout était très ardente et leur pensée pure. Ils comblèrent les moines de présents, reçurent leur bénédiction et les accompagnèrent tous en pleurant et disant: «Que Notre-Seigneur, qui vous a appelés à l'honneur de le servir, vous accompagne. Amen.»
    De là, ils allèrent à Khotan(9), lieu éloigné de deux mois [de marche], avec peine et fatigue, car c'est un désert aride et privé d'habitants parce que les eaux sont amères(10). On n'y sème rien et à peine les voyageurs trouvent-ils de l'eau à emporter après une marche de huit jours.
    Il y avait eu une guerre entre le Roi des rois, Khoubilaï-Khan, et le roi Oco(11), qui s'était enfui et était venu dans cette contrée, où il fit périr des milliers d'hommes; les routes et les chemins étaient coupés; le froment manqua: on n'en trouva plus et beaucoup de gens périrent de faim.
    Après six mois, les moines sortirent de là et arrivèrent à Kaschghar(12).
    Ils trouvèrent la ville privée de ses habitants, car elle avait été saccagée récemment par les ennemis. Parce que leur intention était droite et qu'ils travaillaient de tout leur coeur à plaire à Dieu, il éloigna d'eux toute calamité. Ils ne firent pas de mauvaise rencontre. Il les délivra des pillards et des brigands.
    Ils parvinrent prés du roi Kaïdou(13), à Talas(14), et allèrent le trouver: ils lui souhaitèrent longue vie, appelèrent les bénédictions du ciel sur son royaume et lui demandèrent des lettres patentes afin que personne de sa contrée ne pût leur nuire.
    Ils arrivèrent difficilement, avec fatigue et crainte, dans le Khoraçan(15). Comme ils avaient perdu en route la plus grande partie de ce qu'ils avaient avec eux, ils allèrent au monastère de saint Mar Çéhyon(16), près de la ville de Tous(17). Ils reçurent la bénédiction de l'évêque et des moines de cette ville. Ils croyaient alors renaître et rendirent grâces à Dieu en qui ils avaient mis leur confiance; ils espérèrent en lui, et ils furent délivrés, car il vient au secours et à l'aide de quiconque le prie.
    Après s'être délectés dans la conversation de ces frères, ils partirent pour 1'Adherbaidjan(18) pour aller de là à Bagdad près du Catholique Mar Denha(19). Or, il arriva que le patriarche était venu à Maragha(20), où ils le rencontrèrent. A sa vue, leur joie grandit, leur allégresse s'accrut, leur esprit se tranquillisa et ils se reposèrent de toutes leurs préoccupations. Ils tombèrent à terre devant lui et le vénérèrent en pleurant comme s'ils voyaient Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la personne du Catholique Mar Denha de mémoire bénie.
    Ils lui dirent: «Les miséricordes de Dieu se sont multipliées et sa grâce s'est répandue sur nous, puisque nons voyons le visage lumineux et spirituel de notre Père général.»
    Celui-ci les interrogea: «D'où êtes-vous?» - Ils répondirent: «Des pays de l'Orient, de Khan-Balik, la ville du Roi des rois, Khoubilaï-Khan. Nous venons recevoir votre bénédiction et celle des pères, des moines et des saints de cette contrée, et, si nous le pouvons, si Dieu nous en fait la grâce, nous irons à Jérusalem.»
    Le patriarche, voyant leurs larmes mêlées de la joie de le rencontrer, s'attendrit sur eux, les consola et leur dit: «En vérité, mes enfants, l'ange gardien vous gardera dans cette route difficile et il sera votre guide jusqu'au terme de votre dessein. Si vous vous fatiguez ne le regrettez pas, car il est écrit dans le prophète(21): «Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie.»
    [Il ajouta]: «Vous atteindrez l'objet de votre espoir, et au lieu des peines et des angoisses que vous supportez, vous recevrez en ce monde une rétribution et une récompense double et parfaite, et, dans le monde futur, les biens qui ne passent pas et les délices qui ne finissent point.»
    Ils le vénérèrent et le remercièrent.
    Après avoir joui pendant quelques jours de sa conversation, ils lui firent cette demande: «Si nous avons trouvé grâce aux yeux de notre père, qu'il nous permette d'aller à Bagdad(22), pour vénérer les saintes reliques de Mar Maris, l'apôtre qui a évangélisé l'Orient(23), et de celles des autres Pères qui sont en ce lieu, et de là aux monastères de la région du Beth Garmai(24) et de Nisibe(25), pour demander leur bénédiction et leur secours.»
    Le Catholique, voyant leur bonne volonté, la candeur de leurs pensées et la droiture de leurs intentions, leur dit: «Allez, mes enfants, que le Christ, maître de tout, vous concède, de son riche et surabondant trésor, l'objet de vos désirs; qu'il mette le comble à ses bienfaits envers vous, et que sa miséricorde vous accompagne partout où vous irez.»
    Il leur écrivit des lettres patentes pour ces pays, afin que partout ils fussent reçus avec honneur. Il envoya avec eux un homme pour leur montrer la route, leur enseigner les chemins. Ils arrivèrent à Bagdad et de là à la grande église de Koka(26).
    Ils allèrent donc au monastère de Mar Maris, l'apôtre, et vénérèrent les reliques qui sont en ce lieu; ils repartirent de là et revinrent dans la région de Beth Garmai. Ils vénérèrent le tombeau plein de secours et de salut de Mar Ézéchiel(27). Ensuite ils allèrent à Arbèle(28), de là à Mossoul(29), puis ils gagnèrent Singar(30), Nisibe et Mardin(31), où ils vénérèrent les reliques de Mar Eugène le second Messie(32), ils passèrent ensuite à Gozarte de Beth Zabdai(33) et témoignèrent leur vénération aux tombeaux, aux couvents, aux monastères, aux moines et aux évêques de ces régions; ils reçurent leur bénédiction, accomplirent les voeux qu'ils avaient faits, distribuèrent des presents et firent des aumônes selon leurs moyens.
    Ils revinrent et arrivèrent au monastère de saint Mar Micael de Tar'el(34); ils y achetèrent une cellule(35) et furent reçus tous les deux par les moines de cet endroit. Ils perdirent le souvenir de ce qu'ils avaient enduré pendant leurs voyages, quoiqu'ils ne fussent pas parvenus au terme.
    Quand le Catholique Mar Denha apprit le fait, il leur manda de venir près de lui. Ils y allèrent aussitôt et le saluèrent selon la coutume. Le patriarche leur dit: «Nous avons appris que  vous étiez reçus dans le monastère. Cela ne nous plaît pas, car dans ce couvent vous obtiendrez la paix parfaite pour vous deux et ce sera tout, tandis qu'auprès de nous, vous servirez l'intérêt et la paix générale. Restez donc près de nous et aidez-nous près du roi.»
    Ils lui dirent: «Tout ce qu'ordonnera notre Père, nous le ferons.»
    Lui reprit: «Allez près du roi Abaka(36) et prenez des lettres patentes pour nous.»
    Ils répondirent: «Ainsi soit-il, mais que Monseigneur notre Père envoie avec nous un homme qui prenne et lui rapporte les lettres, et nous, de là, nous irons à Jérusalem.»  Il leur accorda cela et les combla de bénédictions(37).
    Quand ils arrivèrent au camp béni, des officiers les introduisirent devant le roi qui leur demanda le but de leur venue et quel était leur pays. Ils répondirent en lui manifestant leurs intentions. Le roi ordonna aux grands de son royaume d'accomplir leur demande, et de leur donner des lettres telles qu'ils les voulaient. Ils remirent la lettre demandée par le Catholique à son envoyé et eux, avec des compagnons, prirent le chemin de Jérusalem.
    Ils parvinrent à Ani(38), dont ils visitèrent les couvents et les églises; ils admirèrent le grand nombre et la splendeur des édifices. De là, ils entrèrent en Géorgie(39) pour suivre la voie sûre; mais, en arrivant, ils apprirent des habitants de la contrée que la route était interceptée à cause des meurtres et des pillages qui avaient eu lieu dans ces régions.


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1. En Mésopotamie et en Palestine, régions occidentales par rapport a la Chine.
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2. LUC, XVII, 21.
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3. Konbogha signifie adorateur du soleil; Ibogha, adorateur de la lune (BEDJAN).
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4. Ce fut, on effet, sous le règne de ce prince célèbre que nos deux pèlerins quittèrent la Chine. Khoubilaï, quatrième fils de Touloul et petit-fils de Gengis Khân, succéda a son frère Mangou, comme empereur de la Chine septentrionale ou du Kathay, et de toutes les possessions mongoles de l'Asie septentrionale, en 1259. Mangou-Khân mourut au mois d'août, sous les murs de Ho-tcheou, dans la province de Chen-si. Khoubilaï apprit la mort de son frère dans le Ho-nan, où son armée se trouvait alors, s'avançant vers le Hou-Kouang pour conquérir cette dernière province. Mais, s'il continua de faire la conquête de la Chine, il ne succéda pas comme empereur a son frère Mangou, parce que ce successeur devait être nommé à l'élection par tous les princes Gengiskhanides réunis en assemblée générale (Kouriltaï), selon l'ancien usage des tribus mongoles. Khoubilaï, malgré les menées de son frère cadet Arik-Bouka, qui commandait en Mongolie, fut élu empereur souverain, en été à la 4e lune (4 juin 1260), par l'assemblée réunie a Kaï-pingfou, nouvelle ville construite par Khoubilaï, à environ 22 lieues au nord-est de la grande muraille, et qui fut plus tard appelée Chang-tou, résidence d'été de l'empereur Khoubilaï. Houlaghou, frère puisné de ce dernier et qui régnait en Perse, ainsi que les descendants de Djoutchi et de Djagataï, qui régnaient dans le Kiptchak et l'ancienne Sogdiane, envoyèrent leur adhésion a l'élection de Khoubilaï. Aussitôt après son élection, ce prince donna un nom à sa dynastie (la 20e), qu'il appela Yuen, et à ses années de règne qu'il désigna par Tchoung-toung. (Voir HOWORTH, History of the Mongols, part. I, et PAUTHIER, Le livre de Marc Pol, t. I, p. II, n.) Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de l'histoire de ce prince, célèbre entre tous les princes mongols, et dont nous aurons encore à parler plus loin. Disons seulement que, malgré les guerres nombreuses qui l'occupèrent et ses vastes entreprises militaires, il fit fleurir les lettres, encouragea l'agriculture, l'industrie et le commerce, et mourut en 1294. C'est à sa cour, comme je l'ai dit, que vécut, pendant dix-sept ans, le célèbre voyageur vénitien Marco Polo, qui nous a laissé les détails les plus intimes sur la vie de ce monarque.
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5. Ceci est tout à fait conforme aux données de MARCO POLO (Liv. II, chap. IV et suiv.), d'après lesquelles les guerres mongoles elles-mêmes auraient amené les chrétiens dans l'extrème Orient. Elles leur ouvrirent du moins l'accès de la vie publique. Khoubilaï-Khan, tout en se montrant sectateur zélé du bouddhisme, les favorisait et ils occupèrent à sa cour des postes élevés.
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6. MATTH., XVI, 26.
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7. II COR. VIII, 13.
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8. Le métropolitain de Tangout figure dans la liste d'Amrou. Mais ce nom doit s'entendre d'une contrée, et la ville dont parle notre récit doit étre la capitale appelée Hia-tchéou au XIIe siècle, et aujourd'hui Ning-hia fou. Le Tangout (Tangkout dans Raschid ed-Din, Tangat dans Mirkhound, Thangchou en chinois, et Hô-si, c.-à-d. «pays à l'occident du » ou fleuve jaune) appartient originairement à la partie de l'Asie centrale comprise entre les 83° et 103° de long. E. et les 33° et 45° de lat. N. Il est donc borné à l'est par le Houang-Ho et le versant méridional de la chaîne des monts Célestes; au sud par la chaîne des monts Bayan Khara qui le sépare du Tibet proprement dit; à l'ouest ses limites se perdent dans le désert, et au nord elles dépassent, en certains endroits, la chaîne des monts Thian chan ou Célestes. MARCO POLO ne donne pas tant d'étendue au Tangout parce qu'il en élimine la partie occidentale qui était sous la domination de Kaïdou.
    «Ce nom, dit KLAPROTH (Journ. as. t. XI, 462 et suiv.), est dérivé de celui de la grande nation tibétaine, appelée, dans les Annales de la Chine, Thang-hiang. C'étaient des descendants des San-miao, ou anciens habitants primitifs de la Chine, qui furent repoussés par les Chinois..... Ils se vantaient de descendre d'une grande espèce de singes.» Les Thang-hiang ou Tangkout, vers le commencement du XIIe siècle, formaient déjà une principauté particulière dont la capitale était Hia-tchéou, ou Ning-hia fou de nos jours. Un de leurs princes donna à son royaume le nom chinois de Hia ou Si-hia. La capitale s'appelait, en langue tangkoute, selon RASCHID ED-DIN, Eyirkaï, et, en mongol, Eyirkaya. Ce royaume fut détruit par Gengis-Khan, qui s'empara de sa capitale en 1227. «Le Tangkout, ayant alors une population ouïgoure mélée d'Arabes, avait des sectateurs de la religion lamaïque, bouddhisme dégénéré, et des sectateurs de celle de Mahomet appelés partout Sarrasins, enfin des Nestoriens et des Jacobites qui avaient obtenu la faveur et la protection des chefs ouïgours».
    MARCO POLO, parlant des habitants de la province de «Tangut» (chap. LVII), dit: «Il sont tuit ydolàtres, mais auques y a crestiens nestorins et y a aussi sarrazins. Les idles ont language par euls. La ville est entre grec et levant. Ils vivent del profit des blés que il recueillent de la terre. Ils ont maintes abbaies et maint moustier plains de leur ydolos de pluseurs façons, as queuls il font grand honneur et grant reverence, et ont grant devotion et leur font grant sacrefices. Car tous ceux qui ont enfants font nourrir un mouton en l'onneur de l'idle; et au chief de l'an ou à la feste de l'ydole, cil qui ont nourri le mouton le menjuent avec les enfans devant l'ydole.
    «Et sachiez que tous les ydolastres du monde quant muerent les vifs les font ardoir, et les portent ardoir... Et quant il est aportez au lieu où il doit être ars, ses parents font entaillier hommes de chart parchemin et cie papier, et chevaux et chameaux et roe comme bosans et toutes ces choses font ardoir avec le mort.
    «Et sachiez qu'il ne le feroient ardoir le corps mort se il ne fosoient veoir à leur astronomiens lequel jour doit être bon à ce faire: c'est d'ardoir... Et quant il leur dist lequel jour, si le gardent jusques au terme. Et il est tel fois que il gardent le corps bien six mois.» L'auteur décrit ensuite par quel procédé et à l'aide de quelle méthode ils conservent ainsi les cadavres.
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9. Le texte porte Lôtôn, mais l'identification ne parait pas douteuse. Khotan est la transcription, avec le signe de l'aspiration, du nom chinois Ho-thian, qui est celui d'un royaume nommé Yuthian, depuis le Ier siècle de notre ère, époque à laquelle les Chinois commencèrent à le connaitre (58-64). Vers le milieu du siècle dernier le gouvernement a fait de la ville de Khotan (Ho-thian) une ville fortifiée avec garnison militaire, à laquelle il a donné le nom de I-li-tsi (S. y. th. tch., k. 5, fol. 25. S. y. th. w. tcâ., k. 23, fol. 9). Hauteur du pôle 37°; long. 0, de Péking, 35° 52'.
    Sous les Thâng, ce pays formait le gouvernement général de Pi-cha ou des Sables productifs. En 648, il fut annexé à l'empire. Dans le commencement, il formait cinq arrondissements; en 675, on les érigea en départements (fou). Au midi, les monts Tsoun-ling sont à une distance d'environ deux cents li (= 20 lieues) (ib.).
    Le pèlerin chinois bouddhiste FA-HIEN, qui visita Khothan, l'an 402 de notre ère, en parle ainsi: «Le royaume de Yu-thian est heureux et florissant. Le peuple y vit dans une grande abondance. Tous les habitants sans exception y honorent la loi (bouddhique) qui leur procure la félicité dont ils jouissent» (Fo-kouié-hi, trad. par M. ABEL RÉMUSAT, p. 16). «Il y avait beaucoup de religieux bouddhistes, et des monastères de forme carrée où les religieux recevaient l'hospitalité. Le roi du pays fit reposer Fa-hien et ses compagnons dans un grand couvent où il y avait trois mille religieux. Il y en avait dans le royaume quatorze de cette étendue et un nombre considérable de petits. A certains jours de l'année on faisait avec une grande solennité la procession des images [bouddhiques].
    «A sept ou huit li à l'ouest de la ville, dit le pèlerin chinois, il y a un monument qu' on nomme le nouveau temple du roi. On a mis quatre-vingts ans à le bâtir et il a fallu le règne de trois rois pour l'achever. Il peut avoir vingt-cinq toises de hauteur. On y voit beaucoup de sculptures et d'ornements gravés sur des lames d'or et d'argent. Tout ce qu'il y a de plus précieux a été réuni dans la construction de la tour. On a élevé ensuite une chapelle de Foë, admirablement décorée; les poutres, les piliers, les battants des portes, les treillis des fenêtres sont couverts de lames d'or. On a aussi construit séparément, pour les religieux, des cellules qui sont si belles et si bien décorées qu'il n'y a pas de paroles qui puissent les décrire. Les princes des six royaumes qui sont situés à l'Orient de la chaîne des montagnes y envoient en offrandes tout ce qu'ils peuvent avoir de plus précieux et y font de riches aumônes dont une petite partie seulement est mise en usage.» (Id., p. 17-18).
    Dès le VIIe siècle de notre ère (644), un autre pèlerin bouddhique chinois, HIOUEN-THSANG, visita aussi Khotan qu'il nomme Kiu-sata-na. «Ce royaume, dit-il, a environ quatre mille li de tour (400 lieues environ). Plus de la moitié du sol n'est qu'un désert aride et les terres cultivables sont très étroites. Elles sont propres aux grains et abondent en fruits de toute espèce. On tire de ce pays des tapis, du feutre de fine qualité et du taffetas habilement tissé. Il fournit en outre du jade blanc et du jade noir. Le climat est doux et tempéré. Il règne des tourbillons de vent et de poussière.» (Voyage des pèlerins bouddhistes, trad. JULIEN, p. 223.)
    Un roi de Khotan ayant épousé, avant notre ère, une princesse chinoise, celle-ci introduisit le ver à soie dans le pays et fit élever un temple en l'honneur de la déesse des vers à soie.
    ABEL RÉMUSAT a publié l'Histoire de Khotan, traduite des livres chinois (Pien-i-tien, k. 55). On y lit une curieuse tradition de laquelle il résulterait que le philosophe chinois Lao-tseu serait allé à Khotan, plus de cinq cents ans avant notre ère, prêcher sa doctrine.
    L'auteur persan des Sept Climats dit que cette ville était autrefois célèbre, mais qu'elle conserve à peine quelques restes de son ancienne splendeur. «Le commerce et le payement des marchandises s'y font en nature les vendredis on voit environ vingt mille hommes qui se réunissent de tous les cantons, de toutes les provinces, et se livrent au trafic de cette manière. Autrefois, on se rendait de Khotan au Kathaï dans l'espace de quatorze jours et tous les chemins étaient tellement couverts de villes et de villages que l'on n'avait nullement besoin de chercher des compagnons de route ou de se joindre à une caravane. Aujourd'hui (1578), la crainte des Kalmaks a fait abandonner cette route; celle que l'on suit d'ordinaire a cent journées de longueur.»
    MARCO POLO (chap. LIII), dit qu'il y a à Khotan «habondance de toutes choses et y naist coton assez. Et si ont vignes et jardins possessions assez» (I, p. 144). Voir ci-dessous, p. 591, le dernier paragraphe de la notice concernant la ville de Kaschgar.
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10. «Et quant l'en se part de Siarciam (Kharaschar, entre Khotan et Lop) l'en chevauche bien cinq journées par sablon là où il y a de mauvaises aigues et amères.» MARCO POLO (chap. LV).
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11. Je crois qu'il s'agit du général O-chô, chef de l'armée du Mien. Le titre de roi qui lui est donné ne doit pas nous surprendre, car nous verrons par la suite qu'il était attribué aux princes du sang et aux gouverneurs de provinces.
    En 1271, le chef mongol du Yun-nau méridional avait envoyé des ambassadeurs au roi du Mien (pays avoisinant le golfe du Bengale), pour lui demander de reconnaître la suzeraineté du nouvel empereur de Chine. Il s'ensuivit des négociations qui ne se terminèrent pas pacifiquement. Les Burmeses (habitants du Mien) passèrent la frontière du Yun-nam, en 1277, avec l'intention de construire des forts pour leur défense, dans le pays de Theng-yüe et de Yong-tchang. Le général mongol qui commandait dans le «circuit» de Tali, en fut informé et prit ses dispositions pour repousser les Burmeses. Les deux armées se rencontrèrent et, après un terrible combat, la victoire resta aux Mongols. MARCO POLO (chap. CXXI) nous a laissé un récit très détaillé «de la bataille qui fu entre l'ost et le senechal au grant Kaan et le roy de Mien», dont il paraît avoir été le spectateur. Les annales de la Chine s'accordent dans les détails du récit avec le voyageur vénitien. Elles ajoutent que les troupes mongoles poursuivirent celles du Mien jusqu'à plus de trente li par des sentiers sinueux et des défilés, en s'emparant des dix-sept forts que les troupes du Mien avaient construits pour la défense de leur territoire et en empêcher l'invasion. Le carnage fut si grand que «les membres épars des ennemis qui furent tués dans cette bataille, avec ceux des éléphants et des chevaux que l'on put découvrir, remplirent trois grands fossés». Peu de temps avant la bataille, O-cho avait déployé sa cavalerie dans le Nâu-tien (pays situé sur la frontière du Tibet à l'ouest de Yong-tchang). On comprend très bien qu'il se soit réfugié, après sa défaite, du côté de l'ouest, dans la région que devaient traverser nos moines, pour se rendre du Tangout à Kotan.
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12. Kaschghar, en chinois Ké-chi-ko-eurh (= Kachekar), est une ville frontière des possessions chinoises actuelles dans l'Asie Centrale, à 39° 25' de latitude N. et 71° 13' de long. E. Il y a une garnison tartare de cinq à six mille hommes.
    Avant l'invasion mongole, les Chinois appelaient cette ville Sou-le. L'an 73 de notre ère, une attaque de Koueï-tseu (Bichbalikh) fit périr son roi. En l'anné 635, ce pays devint possession de l'empire; en 670, les Toufan (Tibétains) s'en rendirent maîtres; mais, en l'an 693, le gouverneur général chinois fut rétabli.
    L'auteur persan du Heft-iklim (Géographie des Sept Climats) décrit la province de Kaschghar en ces termes: «C'est un pays extrèmement fertile et agréable. Il est borné au nord par les montagnes du Mogolistan, d'où sortent plusieurs fleuves qui prennent leur cours vers le Midi... A l'occident, est une longue chaîne de montagnes d'où se détachent celles du Mogolistan. Elle donne naissance a plusieurs fleuves, qui coulent d'Occident en Orient, et toute la province de Kachgar et de Khoten est comprise dans la vallée que forme cette chaîne de montagnes. A l'Orient et au Midi règne un vaste désert qui n'offre que des landes arides et des collines de sable mouvant. Autrefois, on y voyait plusieurs villes dont deux seulement ont conservé leur nom; celle de Tob (ou Lop?) et celle de Keng. Tout le reste est enseveli sous le sable. Ce désert renferme des chameaux que l'on prend à la chasse; Kachghar, capitale de la province, est située au pied de la montagne occidentale. Toutes les eaux qui descendent de cette chaîne vont arroser les maisons et fertiliser les campagnes. Une de ces rivières, appelée Temen, passait jadis au milieu de Kachghar. Mais Abou-Beker, un des sultans de la contrée, ayant détruit l'ancienne capitale et en ayant fait construire une autre à côté, cette rivière coule aujourd'hui à l'extrémité de la nouvelle ville..... La province de Kâchghar réunit à une température salubre des eaux excellentes; les maladies y sont rares; le climat y est froid, et, quoiqu'il produise en abondance des grains et des fruits, ils y mûrissent difficilement.
    «Parmi les objets de commerce..... un des plus précieux est la pierre de jaspe, qui, excepté dans cette ville et dans Khoten, ne se trouve nulle part ailleurs.» (Trad. QUATREMÈRE, Notices et extr... des manuscrits, t. XIV, p. 474.)
    Le même auteur donne aussi une notice très curieuse sur les sultans de Kaschghar, depuis la conquête de Gengis-Khân. L'un d'eux, Djebeh-noviau. ayant fait proclamer après la conquête que chacun serait libre de suivre telle réligion qu'il voudrait, des sectes étrangères à l'islamisme vinrent s'établir dans le pays, entre autres les Nestoriens dont parle Marco Polo (chap. IV, p.135): «En cette contrée a maint crestien nestorins qui ont leur église.»
    «Kachkar, dit TIMKOVSKI ( Voy. à Péking, t. I, p. 406), une des villes les plus considérables du Turkestàn, est éloignée de mille li (100 lieues) d'Aksou et de trente journées de Semipalatinsk. Cette ville est très importante; son territoire forme l'extrême frontière de l'empire chinois vers le sud-ouest...; il est fertile en blés et en fruits. On fabrique dans ces contrées du drap d'or et d'argent, du satin, des étoffes de soie, du fil d'argent et d'or et de la toile. Les productions du sol consistent en grenades, coings, melons, pommes, fruits en pâtes et raisins secs (sic); une partie sert à payer les impôts à la cour de Péking.
    «La ville est bâtie près d'une citadelle et très peuplée. Les habitants, au nombre de seize mille, payant l'impôt, sont à leur aise et très habiles dans l'art de polir le jade et dans la fabrication des étoffes d'or. Le corps des marchands est nombreux, le commerce florissant et le concours de marchands de différentes nations très grand. On trouve dans cette ville un grand nombre de chanteuses et de danseuses habiles. Les gens riches en entretiennent chez eux, et les y élèvent, pour former leur éducation, comme en Chine.»
    Dans la Statistique de la Chine, traduite du Taï-thsing-hoeï-tien par PAUTHIER (publ. en 1841) la population, d'après un recensement de 1812, est ainsi portée: «Les villes de Kachghar, Yarkyang, Ho-tan (Khotan), Askou, Koutchaï, Harachar, toutes mahométanes dépendent d'un Beg. Elles forment avec le territoire spécial de Ili, habité par des tribus de race musulmane, une population de 69644 portes ou feux... Les habitants doivent un tribut d'étoffes d'or, de raisins, de fils d'or, etc. outre les impôts en grains.»
    On peut lire dans les récits de MIR-IZZET-OULLAH (Magas. asiat. de KLAPROTH, t. II, p. 1 suiv.) et de WHATHEN (Journal of the Asiatic soc. of BengaI, déc. 1835) des détails curieux sur ces mêmes contrées.
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13. Kaïdou, petit-fils de Gengis-Khan par son père Ogotaï, disputa l'empire de la Tartarie au grand Khan pendant plus de vingt ans. Après avoir longtemps éludé de se rendre à la cour de Khoubilaï, il se déclara ouvertement son ennemi. L'empereur comptait sur l'appui de Borak dont les domaines étaient situés à l'ouest de ceux de Kaïdou. Ces deux princes ne tardèrent pas, en effet, à se faire la guerre. Après des chances diverses ils en vinrent à un accommodement qui mit le pays de Dchagataï, composé du Turkestan et de la Transoxiane, dans la dépendance de Kaïdou. Borak mourut en 1270, empoisonné, dit-on, par Kaïdou. Son successeur Nikbey fut tué, en 1272, dans une guerre contre Kaïdou, qui mit sur le trône Droua fils de Borak, avec lequel il s'unit pour envahir le pays des Ouïgours. Khoubilaï envoya contre eux, en 1275, une armée; en 1277, plusieurs des chefs de cette armée embrassèrent la cause de Kaïdou. La lutte continua entre ce prince et les rois Mongols de la Perse Abaka et Argoun, dont nous parlerons plus bas. L'empire de Kaïdou s'étendait sur le Turkestan et s'arrêtait du côté de l'est, aux limites de l'ancien royaume de Kaschghar. MARCO POLO (chap. CXCIII et suiv.) nous a laissé les plus intéressants détails sur ce prince, sur ses guerres, sur sa cour et sur les prouesses de sa fameuse fille Agiaint qui ne voulait épouser que l'homme qui l'aurait vaincue à la lutte. - Kaïdou mourut en 1301.
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14. Tâlas «désigne une rivière de l'Asie centrale qui prend sa source dans les montagnes à l'ouest du lac Issy-koul, coule par le nord-ouest et se perd dans le lac Sikherlik. Sur ses bords inférieurs était située la célèbre ville de Talas très célèbre dans l'histoire de l'Asie centrale, et que feu M. Abel Rémusat a toujours confondue avec celle de Tharas en Transoxiane sur la rive droite du Syr-Daria» (KLAPROTH, Journ. as. juin 1832, p. 514; oct. 1833, p. 284). Cette route, il est vrai, suppose un détour de quelques jours de marche; mais le but indiqué (obtenir des sauf-conduits) justifie suffisamment cette hypothèse.
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15. Le nom de Khoraçan désigne actuellement une province du N.-E. de la Perse; mais dans un sens plus général, il se prend pour le vaste pays de l'Iran situé entre l'Irak-Adjemi et l'Afghanistan, l'Amou-Daria (Oxus) et le désert salé de l'Iran Central. Ce nom qui signifie «lieu du Soleil», c'est-à-dire «contrée de l'Orient», n'a été originairement qu'une appellation sans limites définies, ce qui en explique l'acception plus ou moins étendue dans les auteurs orientaux. Il comprenait, d'après quelques-uns, tout l'Afghanistan actuel, jusqu'à la vallée du Sindh et la Boukarie jusqu'au Syr-Daria ou Iaxartes. Cette région fut célèbre dès la plus haute antiquité dans les fastes de l'Asie, tant sous son nom oriental que sous les dénominations de Bactriane, d'Arie, de Margiane, qui furent connues des Grecs à partir des guerres médiques et de la conquête d'Alexandre. Nous ne pouvons retracer ici l'histoire intéressante de cette province. A l'époque qui nous occupe, la terrible invasion de Gengis-Khan, en 1220, la mit à feu et à sang et la fit passer de la domination des Turcs Seldjoucides sous celle des Mongols. Lors de la division de l'empire Gengis-Khan, le Khoraçan fit partie de l'empire Perse fondé par Houlaghou, et nous verrons par la suite même de cette histoire, qu'il forma ordinairement l'apanage de quelque grand prince. La province a aujourd'hui pour capitale Méched et compte encore un certain nombre de villes importantes.
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16. Je n'ai trouvé, jusqu'à ce moment, aucun renseignement sur ce saint.
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17. Thoûs, Toûs ou Touz, fut la capitale du Khoraçan et une des villes les plus célèbres de l'Orient. Haroun ar-Raschid y mourut on 809; Firdousi, l'auteur du Chah Namèh, la grande épopée persane, y naquit vers 940 et y mourut vers 1020. L'astronome Naçr-ed-Din, fondateur de l'observatoire de Maragha, y naquit aussi. La tradition attribue la ruine de cette ville à Gengis-Khan, mais à tort; elle ne se dépeupla qu'à la fin du XVIIIe siècle (cf. de Khanykof, Mém. sur la partie mérid. de l'Asie Centr.). Il ne reste de cette cité que des ruines parmi lesquelles on remarque les débris d'une tour, qui servait probablement d'abri aux sentinelles, et ceux d'une mosquée qui a dû être considérable. Ces ruines sont situées à 22 kil. au N.-N.-O. de la ville actuelle de Mesched, sur un torrent près de la rive gauche du Kéchef-Roud, affluent du Héri-Roud.
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18. L'Adherbaïdjan ou Azerbaïdjan, l'Atropatênê des Grecs et des Latins et l'Ardabigânê des Grecs du Bas-Empire, est une province frontière de la Perse, qui forme l'extrémité nord-ouest du royaume entre l'Arménie russe (N.), l'Arménie turque (O.), le Kurdistân (S.-O. et S.), l'Irak-Adjemi (S.), le Ghilan et le Talidji (E.). Elle est entourée de limites naturelles formées presque de toutes parts par des chaînes de montagnes assez élevées. Elle est située entre les 36°-38° 50', lat. N. et 41° 50'-46°', long. E. de Paris.
    La plupart des événements de notre récit se sont passés dans cette province. Toute cette contrée appartient à une région volcanique où les secousses de tremblement de terre sont très fréquentes. Les grandes villes et surtout Tauriz, la capitale, ont eu beaucoup à en souffrir.
   Comme le nom d'Adherbaïdjan peut s'expliquer en persan par «Terre du Feu» ou «Maison du Feu», on a généralement supposé que le mot tirait de là son origine, ou bien de ce que cette partie de l'Iran avait été jadis un des foyers principaux du culte de Zoroastre où le feu sacré tient une grande place (V. BARBIER DE MEYNARD, Dict. de la Perse, p. 15). SPIEGEL (Erân, p. 27; Berlin, 1863) conteste cependant cette étymologie et s'en tient à l'explication des anciens qui dérivent le nom de celui du satrape Atropatès, à qui Alexandre laissa le gouvernement après la mort de Danus (STRABON, Géogr., XI, 13).
    Cette province est un bon pays, dont le climat, à cause de l'élévation du plateau et du voisinage de la mer Caspienne, est frais et salubre. La chaleur toutefois est grande en été dans les vallées et le froid rigoureux durant les mois d'hiver. C'est ce qui explique les changements de lieu presque réguliers dans les résidences des princes mongols, qui avaient, comme nous le verrons, une station d'été et une station d'hiver. Nous aurons occasion de parler dans différentes notes de Tauriz, capitale de l'Adherbaidjan, et de quelques-unes des villes de cette province, comme Maragha et Ourmiah.
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19. Denha succéda à Makika qui mourut le 18 avril 1265. Son élection fut approuvée par le roi Abaka. «En l'année 1577 (1266), dit BAR HÉBRÉUS (Chron. eccl. II, 439) on choisit pour Catholique, Denha qui était métropolitain d'Arbèle. Il s'était déjà rendu au camp royal lorsque survint la mort du roi Houlaghou et du Catholique Makika. On exposa à la reine chrétienne Dokouz-Khatoun qu'il avait été jugé digne auparavant de recevoir la dignité patriarcale, mais que Makika l'avait évincé, grâce à ses présents et à ses calomnies. La reine ordonna qu'il fût choisi comme Catholique. Il revint donc, muni d'un diplôme et accompagné des évêques, à Arbèle, puis à Bagdad, et reçut la consécration épiscopale à Seleucie-Ctésiphon, au mois de novembre 1266, le troisième dimanche de la Dédicace de l'Eglise.» - Cfr. ASSEMANI, Bibl. or., t. II, p. 251, 455; t. III, p. 565.
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20. Maragha, ville de l'Adherbaidjan, agréablement située à 80 kil. au sud de Tauris, dans une vallée étroite au milieu des vignes et des vergers, sur les pentes méridionales de Sehend Koh, sur un ruisseau qui gagne la rive occidentale du lac d'Ourmiah. La ville actuelle, qui compte de 13 à 15,000 habitants, consiste en un assemblage de buttes entourées d'une haute muraille à demi ruinée. Elle n'a d'autre édifice important qu'un grand bazar et un beau hammam ou bain public. - Maragha fut la capitale de Houlaghou-Khan et sa population est encore actuellement composée de Turcs-Moukadam. Cette ville a eu au moyen âge une grande renommée scientifique. C'est là que vécut, au XIIIe siècle, le célèbre astronome Naçr ed-Din, auquel Houlaghou fit bâtir un observatoire.
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21. Ps. LXXV, 5.
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22. Bagdad. Une des villes les plus célèbres de l'Asie musulmane, autrefois la capitale de l'empire des khalifes et aujourd'hui la résidence d'un pacha turc, chef-lieu d'un gouvernement qui répond à peu près à l'ancienne Babylonie.
    La ville fut fondée en l'an 145 de l'hégire (762-63) par le khalife Abou-Djafar al-Mansour qui y transporta dès l'année suivante la résidence impériale. Elle remplaça Ctésiphon la capitale des rois parthes, qui était un peu plus bas sur la rive gauche du Tigre. Elle fut bâtie en partie de ses débris et de ceux de Séleucie, qui faisait face à Ctésiphon sur l'autre rive du fleuve, et elle demeura la capitale de l'empire des khalifes jusqu'à sa prise par Houlaghou en 1258.
    Bagdad est située dans un pays de plaines, sur les deux rives du Tigre, par 39° 19' de lat. N. et 42° 2' de long E. de Paris. La portion la plus considérable de la ville est sur la rive gauche ou orientale. La citadelle se trouve dans la partie droite. Un pont de bateaux relie les deux parties de la ville qui sont entourées d'un mur bastionné. A son origine, la ville n'occupait que la rive droite où elle remplaça un village nommé Soûnâyâ. Ce fut sous le règne de Haroun ar-Raschid, que les jardins et les constructions s'élevèrent sur la rive gauche, qui se nommait Dâriça. Bientôt cette partie devint la plus considérable, et l'autre conserva le nom d'El-Atika «la vieille ville». C'est le quartier le mieux construit, le plus agréable, où se trouve la résidence des autorités, et habité par les musulmans sunnites, les chrétiens et les juifs, tandis que la Vieille-Ville est occupée par les musulmans schiites. Les deux côtés de la rivière, bordés de palmiers, sont d'un bel aspect, mais l'intérieur de la ville ne répond nullement au prestige que les contes arabes lui ont donné. Toutes les maisons, de même que les murailles et les constructions publiques, sont en briques car il n'y a pas de pierre dans le pays. Aussi n'y a-t-il pas d'autre édifice. Le seul monument du temps des khalifes est le tombeau de Zobeïd, sultane favorite de Haroun ar-Raschid. Le bazar est un des plus beaux et des plus vastes de l'Orient, car, malgré sa décadence, Bagdad est encore un des centres les plus importants de l'Asie musulmane. Sa population est encore d'environ 80,000 âmes. Mais elle fut autrefois beaucoup plus considérable, même en laissant de côté les exagérations des écrivains musulmans que nous aurons occasion de citer plus bas. Au temps où MARCO POLO la visita, elle renfermait encore des restes nombreux de sa splendeur: il y avait beaucoup de collèges, de mosquées, de palais, de tombeaux remarquables. Sous le khalifat, elle fut réellement, comme le dit le voyageur vénitien, «la capitale politique et religieuse du monde musulman, comme Rome l'était alors du monde chrétien».
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23. Mar Maris fut un des premiers apôtres de l'Orient. BAR HÉBRÉUS (Hist. eccl., II, 15) résume ainsi la vie de ce saint: «Mar Maris ou Mares, disciple de saint Adée [dont nous parlerons ailleurs], vint avec son compagnon saint Aghée, dans la région d'Edesse. Après le martyre de ce dernier il dut quitter ce pays et prêcha en Assyrie et en Mésopotamie. On dit que, de son temps, trois cent soixante églises furent construites en Orient. Il enseigna d'abord les habitants du Beth Garmai, de la part desquels il eut beaucoup à souffrir. Il gagna ensuite Séleucie, qui professait le Magisme. Au temps de son arrivée, un des notables de la ville était gravement malade. Maris alla le trouver et fit sur lui le signe de la croix. Le malade ouvrit alors les yeux et déclara qu'il avait vu cet étranger, comme quelqu'un qui descendait du ciel et lui prenait la main. Là-dessus, Maris fut accueilli par les habitants comme un ange de Dieu. Il en instruisit et en baptisa un grand nombre. Il fit bâtir plusieurs églises dans la ville et demeura là pendant quinze ans. Il parcourut ensuite les régions voisines opérant des prodiges et des miracles. Et après avoir prêché pendant trente-trois ans, il mourut dans le village appelé Badrana et fut enseveli dans l'église qu'il avait construite en cet endroit.»
    Or Badrana, ou, selon une autre leçon, Badraia, est un village voisin de Séleucie dans lequel se trouve l'école et le couvent de S. Maris appelé Deir Qana ou Dor Qana, d'où on a fait Dorcena (Cf. ASSÉMANI. Diss. de Syr. monoph., 22, 741; RITTER, Erdkunde, West-Asien, X, 59 et l67). C'est donc en ce lieu que nos pèlerins désiraient aller et qu'ils se rendirent. en effet. comme nous le verrons un peu plus bas. - Les Actes de Mar Maris ont été publiés en syriaque par Mgr. ABBELOOS (Bruxelles, 1885) et reproduits par P. BEDJAN dans ses Acta Martyrum et Sanctorum (I, 45 et suiv.).
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24. ASSÉMANI définit en ces termes (Bibl. or.. II, 4-9) les limites de la région de Beth Garmai: «Garme, seu Beth Garme. Arabibus Bagerma, Metaphrasti Betgerme, Agathiae Scolastisco Cerma: regio assyriae qua urbes Dakuka Sciahar-Kadta, Buazicha, aliaeque continentur, quas Elias Damascenus, Nestorianorum episcopus [in hoc tomo, p. 459] recenset.» Mais il est certain que la province ecclésiastique désignée sous ce nom a beaucoup varié d'étendue (voir BAR HÉBRÉUS. Chron. eccl., II, 18 n; et surtout HOFFMANN, Umfang der Diöcese Beth Garmai dans ses Auszüge aus syrischen Akten persischer Maertyrer).
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25. Nisibe, Nisibin ou Nacîbin, est aujourd'hui une bourgade de 1,000 habitants située dans la province de Diarbekir, sur la route de Mossoul à Mardîn, à 60 kil. E.-S.-E. de cette dernière ville, est sur le ruisseau appelé Djahdjaha (l'ancien Saocoras), à 400 m. environ d'altitude. Elle occupe l'emplacement de l'ancienne Nisibis qui fut la résidence de Tigrane et dont les Romains firent une citadelle contre les Perses. On l'appelait à cause de son importance «la seconde Antioche». Son évêché eut pour titulaire, sous le règne de Sapor II, le célèbre saint Jacques (+  vers 350). Aujourd'hui ce n'est plus qu'une bourgade pauvre et mal bâtie qui tient tout entière dans un faible espace entouré par l'ancien fossé de circonvallation. Il ne reste plus de l'époque romaine que les colonnes d'un temple et un pont jeté sur la rivière.
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26. L'église de Kôka, à Séleucie-Ctésiphon, était l'église patriarchale; c'est toujours là qu'avait lieu la consécration du Catholique. On peut lire dans CELLARIUS, Notitia orbis antiqui, t. II, p. 721 et 752, les témoignages des auteurs anciens sur ce lieu. L'un des plus explicites est celui de S. Grégoire de Naziance (Orat. IV) qui dit en parlant de Ctésiphon: «Hanc (Ctesiphontem) castrum aliud quod Coche vocatur, firmiorem facit natura et arte ita munitum, adeoque conjunctum, ut ambo urbs una videatur esse, quippe fluminis tantum intercursu dirimuntur.» Nous parlerons plus loin de l'origine du siège patriarcal de Séleucie-Ctésiphon. Voir ci-dessous chap. V, n. 7.
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27. D'après une vieille tradition, dont l'origine n'est pas bien claire et qui ne mérite nulle créance, le prophète Ézéchiel serait mort en Mésopotamie et aurait été inhumé dans le sépulcre de Sem. Voici la mention qui lui est consacrée dans le martyrologe d'Usuard: «IV idus aprilis. Ezechielis prophetae qui, a judice populi Israel apud Babylonem interfectus, in sepulchro Sem atque Arphaxad est sepultus.» Cf. Acta sanctorum, die X apr. (1re éd., t. I, p. 857).
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28. Nous donnerons plus bas (chap. XIV), la description de cette ville.
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29. Mossoul, ville de la Turquie d'Asie, à 350 kil. N.-N.-O. de Bagdad, sur la rive droite du Tigre, par 36° 35' lat. N. et 40° 30' de long. E. de Paris, compte aujourd'hui une population d'environ 40,000 âmes, dont les quatre cinquièmes sont musulmans. Les chrétiens appartiennent aux différents rites orientaux: ils sont composés surtout de Nestoriens, de Syriens catholiques (Nestoriens convertis) et de Jacobites. Il y a peu d'Européens. Les dominicains français y ont une imprimerie et des écoles, où le français est enseigné à beaucoup d'élèves. Les habitants ont un type différent de ceux de Bagdad et qui semble dénoter une origine araméenne. Ils parlent l'arabe. Cette ville atteignit sa plus grande prospérité au moment où le khalifat commençait à décliner. Elle devint alors une capitale indépendante et fut successivement conquise ou assiégée par les seldjoucides, les Mongols et les Turcs, et reprise au XVIIIe siècle par les Persans, mais pour peu de temps. L'emplacement qu'elle occupe dut former autrefois un des faubourgs de Ninive, dont on a retrouvé les ruines à quelque distance. C'est au temps de la prospérité de cette ville qu'on y fabriquait ces étoffes légères que l'on a appelées de son nom «mousselines».
Aujourd'hui, à cause du peu de sécurité des routes qui y conduisent, il n'y a presque plus de commerce.
    La ville est bâtie en amphithéâtre sur les pentes du Djebel Djoubilah: au sommet, les maisons à terrasses des riches; au bas, les demeures des artisans et des pauvres autour des bazars, des bains et des mosquées. Les rues sont étroites et mal pavées; il y a dans la ville une quinzaine de mosquées, une douzaine d'églises et deux synagogues. Les édifices construits sans goût se distinguent pour la plupart par la beauté des matériaux employés à leur construction, entre autres le «marbre de Mossoul», albâtre qui vient des carrières de Mekloub-Dagh, à l'ouest de la plaine.
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30. La Singara des anciens, aujourd'hui Sindjar, petite bourgade de deux cents maisons, qui a donné son nom à la chaîne de montagnes de la Mésopotamie, appelée Djebel Sindjar. Tout autour, s'étendent les ruines de la ville ancienne, qui avait encore une certaine importance au commencement du siècle et qui fut saccagée de fond en comble, en 1537, par les Turcs, dans leur campagne contre les Yézidis révoltés.
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31. Cette ville se trouve dans la province de Diarbekir, à environ 90 kil. au S. E. de cette ville. Sa population (d'après SACHAU, Reisen in Syrien) est d'environ 20,000 hab. Elle s'élève dans une situation très pittoresque sur les pentes d'un rocher calcaire tout crevassé et couronné par une forteresse aujourd'hui détruite, que la tradition disait imprenable, et que domine à 100 mètres plus haut un fort détaché. Cette ville est fameuse au point de vue religieux. C'est un centre où sont venues se réfugier les populations chrétiennes refoulées dans les montagnes. Près de la moitié des habitants sont chrétiens: Chaldéens, Syriens, Jacobites, Arméniens schismatiques et unis, Protestants, Catholiques. Les Juifs y ont une synagogue très ancienne. Il n'y a pas de quartiers séparés, toutes les confessions vivent par toute la ville remplie de mosquées, d'églises, de médressés, d'écoles. Les femmes de Mardin sont renommées pour leur beauté. La situation de Mardin est importante au point de vue stratégique, elle commande le col qui fait communiquer Diarbekir avec la Mésopotamie; mais elle est d'un accès trop difficile pour avoir du commerce; la route des caravanes passe au pied.
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32. Saint Eugène, fondateur du monachisme en Perse, vint d'Égypte en Mésopotamie, au commencement du IVe siècle, et travailla avec saint Jacques de Nisibe à propager et à développer les institutions monastiques dans cette région. Il avait amené avec lui des déserts d'Égypte un certain nombre de compagnons, parmi lesquels se trouvait Mar Schalita dont nous trouverons le nom plus bas. Les Actes de Mar Eugène ont été publiés par P. BEDJAN, Acta martyrum et sanctorum, t. III, p. 376 et suiv. Il y a eu par toute la Mésopotamie un grand nombre de monastères placés sous le vocable de Mar Eugène. Beaucoup ont aujourd'hui disparu. Celui où nos pieux pèlerins se sont rendus, pour vénérer les reliques du saint, est peut-être le monastère de Zaphran, résidence du patriarche Jacobite, distant d'une heure de chemin de Mardin; cf. BAR HÉBRÉUS, Chron. eccl., I, 87, n.
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33. Gozarte, dont le nom signifie île, en arabe Djezireh, est aujourd'hui encore une ville assez importante de la Turquie d'Asie, tant par le chiffre de sa population (20,000 hab.) que par son industrie et son commerce de transit. Elle est située dans une île du Tigre, entre Mossoul et Diarbekir, à 170 kil. au sud de cette dernière, par 39° 10' de long. E et 37° 23' de lat. N. L'île, qui a environ trois milles de circonférence, est appelée aujourd'hui Djézireh ibn 'Omar (île du fils d'Omar). La contrée environnante des deux côtés du Tigre, entre la Gordyène au N. et la Mygdonie au S., qui est désignée en syriaque sous le nom de Beth Zabdai, était appelée par les Romains Zabdicène. Ce nom syriaque paraît avoir été aussi donné à la ville elle-même, car Ammien Marcellin (XX, l5, 16) la nomme Bezabden. Elle a joué un rôle important dans les guerres entre les Romains et les Perses. Sous le règne de Constance (337-361), elle avait une garnison de trois légions renforcées d'un contingent d'archers indigènes. En l'an 360, elle fut assiégée et prise par Sapor après une résistance désespérée. Le vainqueur irrité fit passer la garnison et les habitants au fil de l'épée, sans distinction d'âge ni de sexe. L'île renferme encore des ruines importantes (Cf. ASSÉMANI, Diss. de syr. monoph., p. 85; RITTER, Erdkunde, West-Asien, XI Th., 147).
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34. Ce couvent, ainsi que nous le verrons plus bas, était situé près d'Arbèle.
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35. Cette expression est digne de remarque. Il est probable que ce couvent était un assemblage de cellules distinctes où les moines vivaient séparément, sans règle bien précise, se réunissant seulement pour la récitation de l'office, et jouissant de la plus grande liberté. Il ne faut pas oublier non plus qu'en Orient les ordres religieux, - si tant est qu'il y ait eu de véritables ordres - n'ont jamais pratiqué, en vertu d'une règle obligatoire, la pauvreté, au sens où nous l'entendons en Occident depuis la création, au moyen âge, des ordres mendiants. Sur l'origine, les progrès et la décadence du monachisme en Orient, voir ASSÉMANI, Bibl. or., t. II et t. III, 2e part.
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36. Abaka, ou Abâgâ-Khan, dont le nom signifie, en mongol, «oncle maternel», était le fils du second des khans mongols de la Perse et de sa sixième femme, la reine Ysout ou Ysounin. Il avait succédé, en 1265, à Houlaghou son père, qui avait fait la conquête de cet empire. Il était né en 1234. Arrivé au trône, il épousa une princesse grecque, nommée Marie, fille de Michel Paléologue, que son père Houlaghou avait demandée en mariage et qui était arrivée trop tard, Houlaghou étant mort dans l'intervalle. Il inaugura son règne le 19 juin, jour désigné par les astrologues comme propice, à Chagan Nour «Lac Blanc», dans le district de Beraham. Parmi les personnages qui assistèrent à son inauguration, se trouvait Mar Ignace, patriarche jacobite d'Antioche, qui obtint un diplôme de confirmation de son titre (BAR HÉBR., Chron. eccl., I, 760-762; HOWORTH, III, 212).
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37. Le Catholique avait été obligé de quitter Bagdad, en 1268, après une révolte. Il avait arrêté un Nestorien de Tagrit qui s'était fait musulman, et il l'avait menacé de le noyer dans le Tigre. Le peuple en appela à Ali ed-Din, le gouverneur civil de la ville, qui demanda le relâchement de l'apostat, et, sur le refus du Catholique, ils attaquèrent sa maison, en brûlèrent l'entrée, essayèrent de s'y introduire pour le tuer. Denha se réfugia chez Ali ed-Din et déposa ses plaintes devant la cour mongole; mais personne ne l'accueillit et il se retira à Arbèle. En 1271, quelques Bédouins, tentèrent d'assassiner Ali ed-Din. Les mahométans déclarèrent que l'attentat avait été commis par quelques chrétiens émissaires de Mar Denha. Cela suffit pour faire mettre en prison les évêques et les chefs du clergé séculier et régulier à Bagdad, tandis que Koutbouka, gouverneur d'Arbèle, emprisonnait le Catholique et ses évêques. Ils furent relâchés seulement après quelques semaines, par ordre de la cour.
    Le patriarche nestorien fixa dès lors sa résidence à Oshnou dans l'Adherbaidjan (Cf. BAR HÉBRÉUS, Chron. Syr., p. 571-73). On comprend par là que, malgré les bonnes dispositions du prince, le Catholique devait souvent user de ménagements et de précautions dans ses rapports avec la cour, et qu'il était heureux de profiter de la présence de ces deux moines, parlant la langue mongole, pour obtenir d'Abaka quelque nouvelle faveur.
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38. Une des anciennes capitales du royaume d'Arménie qui fut la résidence des Bagratides, située sur la rivière d'Arpatchaï, affluent de l'Araxe (bassin de la mer Caspienne). Ses ruines déjà visitées et décrites par Chardin, l'ont été de nouveau par d'autres voyageurs. Elles sont remarquables comme architecture.
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39. Sans doute, d'après l'itinéraire que nous leur voyons prendre, nos voyageurs espéraient se rendre à Jérusalem par mer. C'était, comme dit notre auteur, la voie la plus sûre à cette époque, et surtout pour des Mongols, car la Basse Syrie était occupée par les troupes de Bibars, et à ce moment-là même, Abaka méditait une expédition dans ces régions. Nos pèlerins n'auraient donc pas eu seulement à affronter la malveillance avec laquelle les chrétiens étaient d'ordinaire accueillis, mais ils auraient eu surtout à craindre d'être pris pour des espions du Khan. On comprend dès lors qu'ils n'aient pas craint d'allonger leur route en gagnant la mer Noire à travers la Géorgie.
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