1. Les waqfs sont les biens appliqués
à des fondations pieuses, comme les biens et les revenus des mosquées;
ces biens jouissaient de certains privilèges, tels que l'exemption
d'impôts, l'inaliénabilité, etc. On peut conjecturer,
par le terme employé ici, que les biens des églises furent
assimilés à ceux des mosquées et jouirent des mêmes
privilèges sous les princes mongols.
2. Il n'est pas dit ici si ce sont des zouz blancs
dont il fallait six pour un dinar. Le mot zouz est quelquefois employé
par notre auteur dans le sens de dinar.
3. Baïdou était le fils de Tarakaï,
cinquième fils de Houlaghou. Comme nous l'avons dit, une faction
lui offrit le trône à la mort d'Argoun; mais, prudent et timide,
il refusa et fit acte de soumission à Kaïkhatou.
4. Aujourd'hui le nom de Scheherzour ou Scheherzoul,
désigne une province du Kurdistan méridional dont la
ville principale est Koulambar. L'ancienne capitale, qui portait
le nom actuel de la province, et que nous trouvons mentionnée ici,
est depuis longtemps ruinée. Elle était connue dès
le VIIe siècle sous le nom de Siazuros. L'opinion
du pays, rapportée par M. RICH (Récit d'un séjour
dans le Kourdistan, l836), est que le village actuel de Kiz
Kalassi à 2 heures d'Arbèle et à 5 de Souleïmanïeh,
en marque l'emplacement.
5. A cette époque Baïdou était encore
en bonne intelligence avec Kaïkhatou. Leur dissentiment ne commença,
comme nous le dirons bientôt, qu'à partir du séjour
de Baïdou à la résidence d'Ala-dagh pendant l'été
de 1294.
6. Le célèbre monastère nestorien
de Dârat-Roumayé (= Aedes Romaeorum), aussi
appelé monastère d'Abad ou de Çaboë,
fut restauré, en 889, par le patriarche Jean Bar Narsès,
et, en 1057, par Jean Bar Targal. Il servit souvent de résidence
aux catholiques avant la prise de Bagdad par les Mongols. Il était
placé sous le vocable de saint Siméon Bar Çaboè.
Cf. ASSÉMANI, Bibl. or., t. III, part. 2, p. 629.
7. Il n'y avait point de lieu destiné spécialement
à l'inhumation des patriarches. Ils choisissaient le plus souvent
pour lieu de sépulture le couvent qu'ils avaient édifié
ou restauré, ou celui auquel les circonstances les avaient plus
particulièrement attachés pendant leur vie. Beaucoup furent
enterrés dans le couvent de Darat-Roumayé antérieurement
à l'époque de Jabalaha, entre autres Emmanuel (+960), qui
avait fait restaurer la vieille église et bâtir la nouvelle
sous le vocable de Sainte-Marie, Israel (+ 962), Marès (+ 999),
Jean Bar Nazoul (+ 1020), Jésujab (+ 1025), Jean Bar Targal (+1057),
Sabarjésus (+ 1072), Makika (+ 1110), Elias II (+ 1131), Ebedjésus
(+ 1138). Voir ASSÉMANI, Bibl. or., t. III,
part. 2, p. 629.
8. Littéralement: luctum indixit;
c'est-à-dire qu'il assista à ces réunions funèbres
qui se font chez les Orientaux, pendant les jours qui suivent l'enterrement.
Des pleureuses chantent sur des airs plaintifs les qualités du défunt
et les regrets des siens, et interrompent leurs chants par des cris de
douleur auxquels tous les assistants mêlent leur voix.
9. La fête de Pâques, 18 avril 1294.
10. Il s'agit ici de zouz blancs, car il est dit plus
loin qu'on réclama du patriarche les dix mille dinars que lui avait
donnés Kaïkhatou.
11. Ces largesses correspondent bien avec ce que les
historiens persans nous ont laissé touchant le caractère
du roi Kaïkhatou. Il fut excessivement prodigue et débauché.
L'historien Vassaf dit qu'il aimait à la fois le vin, les femmes
et les garçons. Il abusait sans retenue des filles et des fils des
seigneurs mongols. Beaucoup de femmes s'éloignèrent de la
cour ou envoyèrent au loin leurs enfants pour les soustraire à
ses désirs. D'un autre côté, on n'avait jamais vu un
prince si libéral depuis Ogotaï. Les caisses de l'Etat, remplies
sous Argoun, furent vidées en largesses, et les joyaux conservés
dans le trésor des Khans distribués aux Khatouns et aux princesses.
Il fit des aumônes en quantité et accorda de nombreuses exemptions
d'impôts. Bientôt les revenus furent épuisés;
c'est alors qu'il établit le papier-monnaie, institution qui produisit
un très vif mécontentement et ne contribua pas peu a sa chute.
12. Le farsank ou parasange est une mesure sur la
valeur de laquelle on n'est pas fixé très exactement. On
s'accorde généralement à lui donner une longueur d'environ
cinq kilomètres.
13. Nous connaissons, par les historiens persans et
par BAR HÉBRÉUS, (Chron. syr., éd. Bruns, p.
561), les événements auxquels on fait ici allusion. Baïdou
vint à la cour, à Ala-dagh, au mois de juin 1294. Dans un
banquet nocturne, Kaïkhatou s'étant enivré, selon sa
coutume, qui fut celle de presque tous les Khans mongols, il se prit de
paroles avec Baïdou et dit à l'un de ses officiers de lui donner
un coup de poing. Le lendemain, ayant appris ce qu'il avait ordonné,
il en eut un vif regret, manda Baïdou, lui fit ses excuses, le combla
de marques d'amitié et, ôtant son propre koulah (bonnet),
il le mit sur la tête de ce prince. Voici comment BAR HÉBRÉUS
raconte l'événement: «En l'an 1605, au mois de Tamouz
(juillet 1294), un des cousins de Kaïkhatou appelé Baïdou,
qui avait un fils d'une belle figure, s'était rendu auprès
de ce prince. Comme ils étaient ensemble à un banquet, buvant,
mangeant et riant, Kaïkhatou dit des injures à Baïdou,
qui les lui rendit, l'appelant fils d'adultère. Kaïkhatou,
enflammé de colère, cria à ses gens de le traîner
hors de l'ordou (campement) et de le faire mourir sous les coups. Ces gens
se jetèrent sur lui, l'emmenèrent et le déposèrent
dans une petite tente avec intention de le tuer; mais, après avoir
dormi quelques instants, Kaïkhatou chargea ses grands officiers d'aller
l'interroger sur son délit et sur l'audace qu'il avait eue de dire
une pareille injure au Roi des rois. Baïdou feignit l'ivresse, et
Kaïkhatou trompé par cet artifice lui fit demander s'il savait
ce qu'il avait dit. Il le nia et pria qu'on le lui fît connaître.
Il parut stupéfait et vanta la bonté de Kaïkhatou «qui
ne l'avait pas fait, sur l'heure, couper en morceaux». Kaïkhatou
alla alors lui-même le trouver, l'embrassa, le revêtit de vêtements
précieux et lui fit de grands cadeaux, en or et en argent, en habits,
chevaux et mulets. Il ne voulut pas suivre les conseils de ses officiers
qui lui conseillaient de mettre à mort ou du moins de retenir prisonnier
Baïdou qui, disaient-ils, lui garderait rancune des mauvais traitements
qu'il avait subis. Kaïkhatou se contenta de demander à Baïdou
de lui laisser son fils. Baïdou retourna à son ordou et envoya
son fils à la cour, puis il passa dans les monts de Hamadan comme
pour chasser et dépêcha un exprès à Cazan, fils
d'Argoun, auquel il se plaignit amèrement de ce qu'il avait eu à
souffrir de la part de Kaïkhatou.»
14. Diarbekir, actuellement capitale du Turkistan
turc, est située dans un pli du Tigre supérieur, à
une petite distance de la rive droite du fleuve, par 37° 55' de lat.
N. et 37° 35' de long. E. La ville est séparée du fleuve
par de beaux et vastes jardins et s'élève en amphithéâtre
sur le flanc d'un rocher basaltique qui a fourni en grande partie les matériaux
des maisons et des fortes murailles crénelées et bastionnées
qui forment l'enceinte. Vue du dehors avec le fleuve qui l'entoure et les
jardins qui l'enserrent, la ville offre un coup d'oeil assez pittoresque,
mais, à l'intérieur, la pierre noire qui forme les premières
assises de toutes les maisons à deux étages et à toit
plat, lui donne un aspect presque lugubre qui lui a valu le nom de Kara-Amida,
«Amida la Noire». Ce nom d'Amid ou Amida est l'ancien nom de
la ville, celui sous lequel elle fut connue dans l'histoire, depuis l'antiquité
la plus reculée jusqu'au VIIe siècle. On le retrouve dans
les inscriptions cunéiformes. Son nom actuel lui vient du général
arabe Bekr qui s'en empara, sur les Byzantins, au VIIe siècle.
L'enceinte de la ville a huit kil. environ de circuit; quatre grandes portes
la mettent en communication avec le dehors. Elle a beaucoup perdu de son
ancienne prospérité, mais cependant elle compte encore près
de 80,000 habitants et a un commerce d'industrie assez fourni. Sa population
se compose de Kurdes, de Turcs, d'Arméniens, de Chaldéens,
de Nestoriens, de Bulgares exilés. On y trouve à peine quelques
Jacobites, quelques Grecs ou quelques Juifs. L'histoire de cette ville,
comme celle de Nisibe, exigerait un volume.
15. Baïdou avait dissimulé son ressentiment
tant qu'il était près de Kaïkhatou; mais, de retour
dans son quartier d'hiver près de Dakouka, il en fit part à
ses officiers et gagna plusieurs généraux qui avaient leurs
cantonnements dans la province de Bagdad. Les seigneurs mongols indignés
du libertinage effrené et des prodigalités de leur souverain
s'attachèrent à Baïdou qui assembla des troupes et se
rendit à Mossoul dont il fit arrêter et tuer le commandant.
Il fit également mettre à mort le gouverneur de Bagdad, et
ces actes audacieux attirèrent d'autres chefs militaires à
son parti. Kaïkhatou fut averti que plusieurs généraux
qui se trouvaient à Bagdad favorisaient les rebelles : il les fit
arrêter et les remit entre les mains de Togatchar qui devait les
emprisonner à Tauriz; mais celui-ci était le partisan secret
de Baïdou. Il passa avec l'armée qu'il commandait au service
de ce prince et quand Kaïkhatou connut sa défection, il voulut
s'enfuir dans le Roum. Ses courtisans le détournèrent d'abandonner
le trône par une fuite honteuse tandis qu'il avait encore des ressources
puissantes. Il prit la route de l'ordou (campement) dans l'Arran.
A Moughan, il descendit au quartier de ses écuyers, mais les généraux
qu'il croyait enfermés à Tauriz, se dirigeaient vers l'ordou
royal, avec intention de le piller; ils arrivèrent en ce lieu, fondirent
sur Kaïkhatou et se saisirent de sa personne. Le prince leur demanda
grâce de la vie, promettant de se contenter du sort qu'on voudrait
lui assigner. Ces chefs militaires ne lui répondirent que par de
grossières injures; ils finirent par le tramer dans une tente, où
il fut étranglé, avec une corde d'arc, le jeudi 23 avril.
Le 6 mai suivant, les généraux, assemblés dans un
lieu situé au confluent des rivières Kouraga et Djagatou,
députèrent des envoyés à Baïdou pour le
presser de venir prendre possession du trône. Tel est le récit
de la chute de Kaïkhatou d'après Raschid ed-Din. (Cf. D'OHSSON,
t. IV, p. 112-114.)
16. Cazan était le fils ainé d'Argoun
et devait le jour à la femme de ce prince, Koutlouk Ikadji, qu'Argoun
épousa étant âgé de douze ans. Elle mit au monde
Cazan l'année suivante, le 30 novembre 1271. Le prince fut élevé
par les soins de son grand-père Abaka qui en fit un excellent guerrier.
Quand Argoun alla prendre possession du trône, il laissa son apanage
du Khoraçan à son fils, qui eut à y réprimer
plusieurs révoltes, entre autres celles suscitées par l'émir
Naurouz dont nous parlerons tout à l'heure. Quand Kaïkhatou
fit une émission de papier-monnaie, Cazan refusa d'en introduire
l'usage dans le Khoraçan. Lorsqu'il apprit la révolution
qui avait mis Baïdou sur le trône, il tint conseil avec ses
officiers et prit la route de l'Adherbaidjan, laissant à Naurouz,
dont il venait de recevoir la soumission, le gouvernement du Khoraçan
avec un pouvoir absolu. Guidé par les conseils de cet habile et
peu scrupuleux officier, il engagea une lutte ouverte contre Baïdou
qui lui avait fait déclarer cependant - comme cela est confirmé
par notre histoire - «qu'il n'avait jamais songé au trône,
mais qu'après la mort de Kaïkhatou, comme Cazan était
éloigné, pour mettre fin aux troubles, les princes du sang
et les Khatouns avaient réuni sur lui leurs suffrages», et
qu'il lui accorderait tout ce qu'il voudrait. On fit un traité dont
l'exécution nécessita diverses négociations laborieuses
et qui ne mit point fin aux hostilités. Plusieurs des officiers
de Baïdou, mécontents de ce prince, favorisèrent les
projets et les succès de Cazan qui finit, grâce à sa
conversion du Bouddhisme à l'Islamisme, par s'attirer de nombreux
adhérents et par s'emparer du pouvoir.
17. La plupart des généraux et des officiers
de Baïdou l'avaient abandonné soit par trahison, soit par crainte.
Cazan, toujours sur les conseils de Naurouz, fit proclamer en tous lieux
qu'il marchait à la tête d'une forte armée pour se
mettre en possession du trône de son père et que quiconque
prendrait les armes contre lui serait regardé comme rebelle et mis
à mort avec sa famille. Naurouz, qui était à la tête
des troupes de Cazan, rencontra l'armée de Baïdou le 22 septembre.
Pendant la nuit le généralissime de celui-ci s'enfuit avec
plusieurs officiers dans le camp de Naurouz. Baïdou, voyant cette
défection chercha son salut dans la fuite et voulut se réfugier
en Géorgie. Mais Naurouz le poursuivit avec ardeur et détacha
contre lui un de ses officiers qui s'empara du roi et l'amena devant le
général qui eut la cruauté de le railler. Baïdou
demanda à être conduit devant Cazan. Celui-ci, informé
des événements et peu soucieux d'avoir cette entrevue, expédia
un de ses écuyers avec des gardes pour mettre à mort Baïdou.
Ils le rencontrèrent au delà de Tauriz et, suivant l'usage
mongol, après lui avoir donné un festin qui se prolongea
jusqu'à la nuit, pendant lequel on lui rendit les honneurs dus a
sa naissance, on lui ôta la vie dans la nuit du mardi au mercredi
5 octobre. (D'OHSSON, IV, 140.)
BAR HÉBRÉUS (Chron. syr.,
p. 609), dont le témoignage est confirmé par celui de
HAÏTON (Liv. des hist., ch. 40), dit aussi que ce fut principalement
le mahométisme qui renversa Baïdou. «C'était,
dit-il, un prince doux, modeste, humain, qui accueillait les hommes savants
et distingués de quelque nation qu'ils fussent, et leur donnait
des marques de générosité. Il avait puisé dans
la société de la princesse grecque, épouse d'Abaka,
qu'il avait fréquentée, une bonne opinion des chrétiens,
et il leur permettait d'avoir des chapelles et de sonner les cloches dans
son ordou. Il leur disait même qu'il était chrétien
et portait une croix suspendue à son cou; mais il n'osait pas montrer
trop ouvertement sa prédilection pour eux parce qu'il s'était
fait mahométan, à l'exemple de la plupart des mongols de
Perse qui, à cette époque, se convertirent à l'Islamisme.
Toutefois, il n'observait guère les pratiques de cette religion
et les Mahométans lui en voulaient de son penchant pour les chrétiens
qui, sous son règne de si peu de durée, obtinrent beaucoup
d'emplois civils.»