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CHAPITRE VII
 
DÉPART DE RABBAN ÇAUMA POUR LE PAYS DES ROMAINS AU
NOM DU ROI ARGOUN ET DU CATHOLIQUE MAR JABALAHA.
c)
Rabban Çauma en France.

    Ils s'en allèrent ensuite dans la région de Pariz, près du roi de Phransis.
    Ce roi(1) envoya au-devant d'eux une escorte nombreuse qui les conduisit dans la ville avec honneur et en grande pompe. Son pays a l'étendue de plus d'un mois de marche. On leur assigna une demeure, et, après trois jours, le roi de France envoya un de ses émirs appeler Rabban Çauma.
    Lorsque celui-ci arriva, le roi se leva devant lui et le traita avec honneur. Il lui dit: «Pourquoi es-tu venu? Qui t'envoie?»
    Rabban Çauma répondit: «C'est le roi Argoun et le Catholique d'Orient qui m'ont envoyé au sujet de Jérusalem.»
    Il fit connaître au roi tout ce qu'il savait, lui donna les lettres qu'il avait avec lui(2) et les cadeaux, c'est-à-dire les présents, qu'il avait apportés.
    Le roi de France reprit: «Si les Mongols, qui ne sont pas chrétiens, luttent avec les Arabes pour s'emparer de Jérusalem, à plus forte raison convient-il que nous nous combattions, et, s'il plaît à Notre-Seigneur, nous irons avec une forte armée.»
    Rabban Çauma dit au roi: «Maintenant que nous avons vu la gloire de votre royauté et que nous avons considéré de nos yeux corporels la merveille de votre puissance, nous vous prions d'ordonner aux habitants de la ville de nous faire voir les églises, les châsses et les reliques des saints, et tout ce qu'il y a chez vous qui ne se trouve point ailleurs, afin que, quand nous retournerons, nous puissions raconter et faire connaître dans notre pays ce que nous aurons vu chez vous.»
    Le roi donna ordre à ses émirs: «Allez, faites-leur voir tout ce qu'il y a de remarquable chez nous; ensuite je leur montrerai moi-même ce que j'ai près de moi.»
    Les émirs sortirent donc avec eux.
    Ils restèrent un mois et quelques jours dans cette grande ville de Pariz et virent tout ce qu'elle renfermait.
    Il y avait là trente mille (sic) écoliers(3) qui étudiaient les sciences ecclésiastiques et profanes, c'est-à-dire l'interprétation et l'explication de tous les livres saints; la sagesse, c'est-à-dire la philosophie et la rhétorique avec la médecine, la géométrie, l'arithmétique et la science des planètes et des étoiles; ils sont constamment occupés à écrire, et tous reçoivent du roi la nourriture.
    Ils virent aussi dans une grande église qui se trouve là les cercueils des rois défunts et leurs images, en or et en argent, placées sur leurs tombeaux(4). Il y a pour le service funèbre de ces rois cinq cents moines qui mangent et boivent aux frais du roi(5). Ils persévèrent dans le jeûne et la prière sur les tombeaux de ces rois. Les couronnes de ces princes, leurs armes et leurs vêtements sont placés sur leurs tombeaux.
    En un mot, tout ce qu'il y a de grandiose et de remarquable [dans Paris], ils le virent.
    Après cela, le roi lui-même les fit appeler. Ils se rendirent donc près de lui, à l'église. Ils le virent qui se tenait du côté de l'Orient et ils le saluèrent.
    Le roi demanda à Rabban Çauma: «Avez-vous vu tout ce qu'il y a chez nous? Ne vous reste-t-il plus rien à voir?»
    Rabban Çauma lui rendit grâces. Et aussitôt il monta avec le roi vers un tabernacle d'or que le roi ouvrit. Il en tira un reliquaire de cristal dans lequel se trouvait la Couronne d'épines que les Juifs placèrent sur la tête de Notre-Seigneur lorsqu'ils le crucifièrent. La Couronne se voit à l'intérieur du reliquaire, sans que celui-ci soit ouvert, grâce à la transparence du cristal. Il y avait aussi dedans une partie du bois de la Croix(6).
    Le roi leur dit: «Quand nos ancêtres ont pris Constantinople et ont pillé Jérusalem, ils en ont rapporté ces objets de bénédiction(7).»
    Nous avons béni (= remercié) le roi et l'avons prié de nous donner la permission de nous en retourner. Il nous répondit: «J'enverrai avec vous un des principaux émirs de mon palais pour aller rendre réponse au roi Argoun(8).»
    Le roi donna à Rabban Çauma des présents et des vêtements princiers.
 

Rabban Çauma en Ang1eterre(9).
 
    Ils partirent donc de là, c'est-à-dire de Paris, pour aller près du roi Alanguitar en Kasonia(10).
    En vingt jours ils arrivèrent à la ville(11). Les habitants sortirent au-devant d'eux et leur demandèrent: «Qui êtes-vous?»
    Ils leur répondirent: «Nous sommes des ambassadeurs qui venons ici des mers orientales, envoyés par le roi Argoun, le Patriarche et les princes Mongols.»
    Ces hommes s'empressèrent d'aller annoncer la chose au roi qui les reçut avec joie et les fit venir prés de lui.
    Les familiers de Rabban Çauma remirent au roi le diplôme et les présents que le roi Argoun lui envoyait, ainsi que la lettre de Monseigneur le Catholique.
    Le roi fut très content, mais sa joie s'accrut vivement quand on parla de la question de Jérusalem. «Nous, dit-il, rois de ces villes, nous avons pris le signe de la croix sur nos corps et nous n'avons d'autre préoccupation que cette affaire. Mon coeur s'est dilaté en apprenant que ce que je pense, le roi Argoun le pense aussi.»
    Le roi ordonna à Rabban Çauma de célébrer la messe. Celui-ci célébra donc les glorieux mystères; le roi et la cour y assistèrent. Le roi communia et donna ce jour-là un grand festin.
    Après cela, Rabban Çauma dit au roi: «Nous vous prions, ô roi, d'ordonner qu'on nous montre tout ce qu'il y a en ce pays [en fait] de reliques et d'églises, afin que nous puissions en faire l'histoire lorsque nous retournerons chez les Orientaux.»
    Le roi répondit: «Vous parlerez ainsi au roi Argoun et à tous les Orientaux: «Il n'y a rien de plus admirable que ce que nous avons vu, à savoir que dans les pays francs il n'y a pas deux confessions, mais une seule profession de foi en Notre-Seigneur, que tous les chrétiens confessent(12).»
    Il leur donna de nombreux présents et de quoi subvenir aux dépenses du voyage.
 
Rabban Çauma retourne à Rome.

    De là, Rabban Çauma et ses compagnons revinrent passer l'hiver à Gênes, ville d'Italie(13).
    Quand ils y arrivèrent, ils virent ce jardin, semblable au paradis, sans hiver rigoureux, sans été trop chaud. On y trouve de la verdure en toute saison et les arbres n'y restent pas sans fruits. Une espèce de vigne donne des fruits sept fois par an, cependant on n'en tire pas de vin.
    A la fin de l'hiver arriva d'Allemagne un personnage important: c'était le périodeute(14) de Monseigneur le Pape qui se rendait à Rome. Ayant appris que Rabban Çauma se trouvait là, il alla le voir et le saluer. Quand il entra chez celui-ci, ils se saluèrent mutuellement et s'embrassèrent dans la charité du Christ.
    Le périodeute dit à Rabban Çauma: «Je suis venu te voir, car j'ai entendu dire que tu étais un homme vertueux et sage, et que tu avais l'intention d'aller à Rome.»
    Rabban Çauma lui répondit: «Que te dirai-je? cher et vénérable. Je suis venu en ambassade près de Monseigneur le Pape de la part du roi Argoun et du Catholique de l'Orient, à propos de Jérusalem. Voici une année entière d'écoulée. Le siège papal est vacant. Que dirai-je et que répondrai-je aux Mongols, à mon retour? Ceux qui ont le coeur plus dur que le roc veulent s'emparer de Jérusalem et ceux à qui elle appartient ne se préoccupent pas de cette affaire; ils n'y attachent aucune importance! Que dire à notre retour? Nous n'en savons rien.»
    Le visiteur lui dit: «Tes paroles sont vraies. Pour moi, je pars. J'exposerai exactement aux Cardinaux tout ce que tu m'as dit, et je les presserai d'élire un pape.»
    Ce visiteur partit donc de Gênes et alla à Rome.
    Il exposa ces choses au Roi, c'est-à-dire à Monseigneur le Pape, qui envoya le même jour un messager à Rabban Çauma et à ses compagnons pour les faire venir. Ceux-ci, le jour même de l'arrivée du messager, prirent avec empressement le chemin de Rome, où ils parvinrent en quinze jours.
    Ils demandèrent qui était ce pape qu'on avait élu. On leur dit que c'était l'évêque qui avait parlé avec eux lors de leur première arrivée et qu'il s'appelait Nicolas(15); ce qui les réjouit vivement. Quand ils arrivèrent, Monseigneur le Pape envoya au-devant d'eux un métropolitain avec plusieurs personnes. Rabban Çauma fut aussitôt introduit près du Pape qui siègeait sur son trône. Il s'approcha de lui avec révérence, lui baisa les pieds et les mains et se retira à reculons les mains croisées sur la poitrine.
    Il dit à Monseigneur le Pape: «O père, que ton trône soit exalté à jamais! Qu'il soit béni au-dessus de tous les rois et de tous les peuples! Puisses-tu régner en paix toute ta vie, sur toute l'église jusqu'aux extrémités de la terre. Maintenant que j'ai vu ton visage, mes yeux se sont illuminés de joie de n'être pas retourné dans mon pays le coeur brisé [de douleur]. Je rends grâces à Dieu de ce qu'il m'a jugé digne de te voir.»
    Il lui offrit les présents et les lettres du roi Argoun(16) ainsi que les présents de Mar Jabalaha le Catholique, c'est-à-dire son offrande et ses lettres(17).
    Monseigneur le Pape tressaillit de joie et d'allégresse; il fit à Rabban Çauma plus d'honneur que de coutume et lui dit: «Il faut que tu passes la fête avec nous. Tu verras nos usages(18).»
    C'était, en effet, le jour de la mi-carême.
    Rabban Çauma répondit: «Votre ordre est grand et sublime.»
    Monseigneur le Pape lui assigna une demeure et lui donna des serviteurs chargés de lui procurer tout ce qui lui serait nécessaire.
    Après quelques jours Rabban Çauma dit à Monseigneur le Pape: «Je veux dire la messe, afin que vous aussi voyez notre coutume.»
    Le Pape lui accorda la permission de célébrer comme il le demandait. Ce jour-là il y eut une affluence de peuple considérable pour voir comment célébrait l'envoyé des Mongols. Ils virent et se réjouirent en disant: «La langue est différente, mais le rite est le même(19) ».
    Le jour où il consacra et célébra les divins mystères était le dimanche aynau asia. Il entra ensuite chez Monseigneur le Pape pour le saluer. Celui-ci dit à Rabban Çauma: «Que Dieu reçoive ton sacrifice et qu'il te bénisse, qu'il te pardonne tes fautes et tes péchés!»
    Rabban Çauma répondit: «Avec l'absolution de mes fautes et de mes péchés que j'ai reçue de toi, ô Père, je demande encore à ta Paternité, ô Saint-Père, à recevoir la communion de tes mains, afin que mon pardon soit complet.»
    Le Pape répondit: «Ainsi soit-il.»
    Le dimanche suivant était la fête des Palmes.
    Des milliers et des milliers de fidèles, qu'il est impossible de compter, se rassemblèrent de bon matin devant le trône papal et apportèrent des branches d'olivier que le Pape bénit et distribua à tous les ordres, depuis les métropolitains et les évêques, de même qu'aux émirs et aux notables, et enfin à tout le peuple. Il se leva ensuite de son trône et on le conduisit en grande pompe à l'église. Il entra au choeur, changea de vêtements et prit les ornements sacrés de pourpre, tissus en or et ornés de pierres précieuses et de perles fines, même les chaussures de ses pieds, c'est-à-dire ses souliers(20).
    Il alla à l'autel, ensuite à l'ambon, d'où il parla au peuple en l'instruisant et l'exhortant; puis il célébra les saints mystères. Il donna la communion, en premier lieu à Rabban Çauma après que celui-ci eut confessé ses péchés. Il lui accorda l'indulgence de ses péchés et de ses fautes ainsi qu'à ses pères.
    Rabban Çauma se réjouit beaucoup d'avoir reçu la communion des mains de Monseigneur le Pape; il la reçut avec des larmes et des sanglots, en rendant grâces à Dieu et en pensant aux miséricordes que [le Seigneur] avait répandues sur lui.
    Le jour de la Pâque sainte(21), Monseigneur le Pape alla à l'église de Mar Jean-Baptiste. Quand le peuple y fut assemblé en grand nombre il monta à une salle spacieuse et ornée qui se trouve là et devant laquelle il y a une grande place. Les cardinaux, les métropolitains, les évêques entrèrent avec lui et commencèrent la prière. Lorsqu'elle fut terminée, Monseigneur le Pape prêcha et exhorta le peuple selon la coutume. A cause de la grande foule, on n'entendait pas un mot si ce n'est: Amen. Et quand ils disaient: Amen, ils faisaient trembler la terre de leurs clameurs(22).
    Le Pape descendit devant l'autel et consacra l'huile du baume, c'est-à-dire l'huile de l'onction(23). Il célébra ensuite les saints mystères et distribua la communion au peuple(24); puis il sortit de là et se rendit dans un grand édifice où il distribua à chacun des vénérables Pères deux tharphê d'or et trente parparê d'argent(25); et enfin il se retira.
    Monseigneur le Pape réunit aussi ceux de sa maison, leur lava les pieds et les leur essuya avec le linge qu'il avait attaché autour de ses reins.
    Quand il eut achevé l'office de Pâques(26), au milieu du jour, il fit un grand banquet; les serviteurs placèrent devant chaque convive une portion de nourriture. Le nombre des convives était d'environ deux mille. Quand on enleva le pain des tables, il ne restait plus que trois heures de jour(27).
    Le lendemain, qui était la Passion du Sauveur, Monseigneur le Pape revêtit une chape noire et tous les évêques pareillement. Ils sortirent pieds nus et allèrent à l'église de la Sainte-Croix adorable. Monseigneur le Pape l'adora, la baisa et la présenta à chacun des évêques. Quand les assistants la virent, ils se découvrirent la tête et l'adorèrent en se mettant à genoux.
    Monseigneur le Pape instruisit et exhorta le peuple, et il fit le signe de la croix aux quatre points cardinaux(28).
    La prière achevée, Monseigneur le Pape apporta une partie de la consécration de Pâques, mit du vin avec elle et communia seul à cette oblation, car ce n'est pas la coutume des chrétiens de s'approcher de la communion le jour de la Passion de Notre-Sauveur. Il retourna ensuite à son palais(29).
    Le jour du Samedi de lumière, Monseigneur le Pape se rendit à l'église. On lut les livres des prophètes et les prophéties touchant le Messie. Monseigneur le Pape en personne disposa les fonts baptismaux, plaça autour des branches de myrthe, consacra l'eau du baptême, baptisa trois enfants et les signa(30). Puis il alla au choeur, changea ses vêtements d'affliction, revêtit des ornements sacrés d'un prix inexprimable et célébra les saints mystères(31).
    Le jour du dimanche de la Résurrection, Monseigneur le Pape alla à l'église sainte de Madame Marie(32). Lui, les cardinaux, les métropolitains et l'assemblée se donnèrent mutuellement la paix. Ils se baisèrent la bouche, les uns les autres(33). Le Pape célébra les mystères sacrés, leur donna la communion, puis il retourna à sa résidence.
    Il fit un grand festin avec une joie immense(34).
    Le dimanche suivant, Monseigneur le Pape fit une ordination et imposa les mains à trois évêques.
Rabban Çauma et ses compagnons virent ainsi leurs usages et prirent part avec eux à ces saintes fêtes(35).
    Après ces fêtes, Rabban Çauma demanda à Monseigneur le Pape la permission de retourner.
    Celui-ci lui dit: «Nous voulons que tu restes chez nous; tu seras avec nous, nous te garderons comme la prunelle de nos yeux.»
    Rabban Çauma répondit: «Pour moi, ô Père, je suis venu en ambassade auprès de vous; mais si je retourne et que j'expose aux rois de là-bas les bienfaits que vous m'avez accordés, tout indigne que je suis, je crois qu'il en résultera pour les chrétiens une grande tranquillité. Or, je prie Votre Sainteté de daigner m'accorder quelque peu des reliques qui se trouvent chez vous.»
    Monseigneur le Pape lui dit: «Si nous avions la coutume de donner de ces reliques à chacun, alors même qu'elles eussent été grandes comme des montagnes, elles seraient épuisées; mais, puisque tu es venu des pays lointains, nous t'en donnerons un peu.»
    Il lui donna une petite parcelle du vêtement de Notre-Seigneur le Christ; une du mouchoir, c'est-à-dire du voile de Madame Marie, et des petites parties des reliques des saints qui se trouvaient là.
    Il envoya à Mar Jabalaha le Catholique sa propre tiare(36), en or pur, ornée de pierres précieuses, des ornements sacrés couleur de pourpre, tissus d'or, des bas et des souliers enrichis de petites perles précieuses et aussi l'anneau de son doigt et une lettre patente, qui contenait l'autorité patriarcale sur tous les Orientaux. Il donna à Rabban Çauma une patente de visiteur sur tous les chrétiens et le bénit. Il lui fit remettre pour les dépenses de la route mille cinq cents mithquals d'or rouge.
    Il envoya également au roi Argoun quelques présents(37).
    Il embrassa et baisa Rabban Çauma et le congédia.
    Rabban Çauma rendit graces à Notre-Seigneur de ce qu'il l'avait jugé digne de tels bienfaits.
 

Rabban Çauma revient de Rome, de chez Monseigneur le Pape, Catholique, Patriarche des pays romains et de tous les Occidentaux(38).
 
    Il revint en passant les mêmes mers qu'à l'aller, et arriva en paix, le corps sain et l'âme préservée, près du roi Argoun. Il lui remit les écrits de bénédiction et les présents qu'il lui apportait de la part de Monseigneur le Pape et de tous les rois des Francs; il lui exposa avec quelle affection ils l'avaient reçu et comment ils avaient accueilli favorablement les propositions qu'il leur avait transmises; il raconta les merveilles qu'il avait vues et la puissance de leur royaume.
    Le roi Argoun se réjouit et tressaillit d'allégresse. Il remercia Rabban Çauma et lui dit: «Nous t'avons causé beaucoup de fatigues, car tu es un vieillard; désormais, nous ne te laisserons plus te séparer de nous; mais nous ferons élever, à la porte de notre résidence royale, une église dans laquelle tu feras l'office et la prière.»
    Rabban Çauma dit au prince: «S'il plaît à Monseigneur le Roi, qu'il ordonne au patriarche Mar Jabalaha de venir recevoir les présents qui lui sont envoyés par Monseigneur le Pape, ainsi que les ornements sacrés qu'il lui a destinés; lui-même fera construire l'église que le roi veut élever à la porte de sa résidence et la consacrera.»
    Les choses se passèrent ainsi.
    Comme nous ne nous sommes pas proposé de raconter ou de transcrire tout ce que Rabban Çauma a fait ou a vu, nous avons omis beaucoup de ce qu'il avait écrit lui-même en persan; et, parmi les choses que nous avons citées ici, les unes sont plus abrégées, les autres moins, selon que les circonstances l'exigeaient.


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1. Philippe IV le Bel, qui régnait depuis l'an 1285.
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2. Il existe encore actuellement aux Archives nationales une lettre, en mongol, du roi Argoun à Philippe le Bel, mais ce n'est pas, comme l'avait compris ABEL RÉMUSAT, celle qui fut apportée et présentée par Rabban Çauma. D'ailleurs la date (1289) s'y oppose. C'est une réponse à l'ambassade que Philippe envoya à Argoun après avoir accueilli Rabban Çauma. Elle est accompagnée d'une note, en français de l'époque, rédigée par le messager du roi mongol, un certain Buscarel. Telle est du moins la forme de son nom dans le document, dont nous parlons. Je reproduirai in extenso et j'étudierai ces textes dans mon Essai sur les relations du roi Argoun, etc.; je montrerai comment ils concordent avec notre récit, et quelles modifications il est nécessaire d'introduire dans le Mémoire d'ABEL RÉMUSAT.
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3. Le nombre est sûrement exagéré, mais moins que l'on ne pourrait supposer. Il suffit de compter les collèges et maisons destinés à recevoir les éscoliers, pour constater qu'à cette époque Paris était le rendez-vous d'une multitude d'étudiants qui y étaient attirés par la renommée de son Université et aussi par les nombreux avantages attachés aux privilèges de cet établissement. (Voir DUBARLE, Hist. de l'Univ. depuis son origine, Paris, 1829.)
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4. L'église de Saint-Denis dont le choeur et le chevet venaient d'être terminés (1281). Quant aux expressions de l'auteur: «leurs images en or et en argent» elles sont pleinement justifiées par les descriptions de l'ancienne basilique. La châsse de saint Louis était recouverte de plaques d'argent ciselées; les sarcophages de Louis VIII et de Philippe Auguste étaient de vermeil et ornés de figures en bas-relief; le tombeau de Charles le Chauve était de cuivre et portait la statue du prince revêtu des ornements impériaux, etc. (Voir J. DOUBLET, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en France, Paris, 1625.)
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5. Le chiffre des religieux est peut-être un peu exagéré. Nous savons cependant pertinemment que sous l'administration de l'abbé Mathieu de Vendôme qui gouverna le royaume de France pendant la seconde croisade, leur nombre s'élevait à deux cents. «Ils mangeaient et buvaient aux frais du roi» en ce sens qu'ils vivaient des riches revenus des dotations royales, dont jouissait l'abbaye, revenus qui, d'ailleurs, auraient amplement suffi, à l'époque où Rabban Çauma visita la basilique, à faire vivre plusieurs milliers de moines, et qui se sont encore accrus par la suite jusqu'à la Révolution (Voir l'ouvrage cité à la note précédente).
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6. On sait que ce fut pour abriter la Couronne d'épines et les autres reliques qu'il avait reçues de Constantinople, que le roi saint Louis fit bâtir la Sainte-Chapelle. Sur la translation de ces reliques on peut lire les documents contemporains réunis dans le tome II des Exuviae sacrae de RIANT. - En confirmation du récit de Rabban Çauma, GOSSELIN (Notice historique sur la sainte couronne, p. 102), nous dit que, depuis la fondation de la Sainte-Chapelle jusqu'en 1656, les clefs en étaient gardées par le roi lui-même ou par un seigneur délégué qui ne pouvait les prêter sans l'ordre du roi.
    Le reliquaire que Rabban Çauma a pu admirer n'existe plus. - La Couronne est actuellement conservée à Notre-Dame, dans un anneau de cristal, en six pièces, attachées par trois agrafes en bronze doré et par des fils de soie rouge, passant par des trous percés dans les rebords saillants du cristal et formant une espèce de couture pour retenir les sceaux. Elle se compose d'un anneau de petits joncs réunis en faisceaux. Le diamètre intérieur de l'anneau est de 210 millimètres; la section a 15 millimètres de diamètre. Les joncs sont reliés par quinze ou seize attaches de joncs semblables. Un fil d'or court au milieu de ces attaches. Le diamètre des joncs varie de 1 millimètre à 1 mm. 1/2; ils sont creux et leur surface apparaît, à la loupe, sillonnée de petites côtes. D'après les conclusions de ROHAULT DE FLEURY, à qui j'emprunte ces détails (Mém. cité, p. 206 et suiv.), la couronne était tressée de jonc (juncus balticus) et d'épines du genre rhamnus, probablement du zizyphus spina Christi.
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7. Les expressions du roi sont vraies quant au fond. La plupart des reliques de la Passion avaient été rapportées de Jérusalem à Constantinople, soit à l'époque de la première croisade, soit même à une époque antérieure. Cependant, elles ne laissent pas soupçonner que les reliques de la Sainte-Chapelle vinrent à Paris tout autrement que par droit de conquête. - Baudoin II, empereur de Constantinople, avait emprunté aux Vénitiens une somme de 13,075 hyperpères (environ 156,900 livres) ; ne pouvant se libérer, il s'adressa au roi de France qui, en 1238, paya la dette et devint possesseur des reliques, parmi lesquelles se trouvait la «Couronne d'épines», que l'empereur avait consignées comme gage entre les mains de ses prêteurs. Ayant ensuite obtenu de l'empereur une portion de la vraie Croix avec d'autres reliques, il fit construire la Sainte-Chapelle pour les y déposer.
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8. Le roi envoya, en effet, des ambassadeurs au roi Argoun, comme nous l'apprenons par la note de Buscarel que j'ai signalée plus haut. «Ces ambassadeurs, dont le nom ne s'est pas conservé et dont le voyage, dit A. RÉMUSAT, n'est pas même indiqué par nos historiens, se conduisirent auprès d'Argoun avec une hauteur dont ce prince adressa à Philippe le Bel des plaintes remplies de modération. Ils refusèrent de lui rendre les honneurs que le roi de Perse attendait d'eux, sous prétexte que ce prince n'étant pas chrétien, ils manqueraient à ce qu'ils devaient à leur maître, s'ils consentaient à lui prêter hommage, c'est-à-dire, suivant toute apparence, à se prosterner devant lui, comme il les en fit requérir par trois fois. A la fin, Argoun les reçut comme ils l'entendirent et leur fit beaucoup de caresses» (Mém. cité p. 120). C'est ce qui résulte du passage suivant de la note de Buscarel: «Encore, sire, vous fait assavoir ledit Argoun que les vos grans messages que vous antan li envoyates ne li voudrent faire redevance ne honneur tels comme il est acoustume de faire de toutes mennieres de gens, roys, princes et barons qui en sa cour viennent. Car, si comme ils disoient, ils ne feroient pas votre honneur dagenoiller soy devant li pour ce quil nestoit mie baptise ne leve crestien, et si les en fist-il par trois fois requerre par ses grans barons; et quant il vit qu'il nen voloient autre chose faire, il les fist venir en la maniere qu'ils voudrent et si leur fist grant joie et mout les honnoura si comme il meisme scevent. Si vous fet assavoir, sire, ledit Argon que se ledit votre message firent ce par votre commandement, il en est tous liez, car tout ce qui vous pleist li plait ausing, priant vous que si vous li envoiez yceuls ou autres messages, que vous voulliez souffrir et commander leur que il li facent tele reverence et honneur comme coustume et usage est en sa court sanz passer par feu.» - J'expliquerai ce que signifient ces dernières paroles en annotant le document.
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9. Cette rubrique, insérée dans le texte par M. BEDJAN, ne parait pas justifiée.
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10. C'est-à-dire: «près du roi d'Angleterre, en Gascogne». Ce roi était Édouard Ier (1272-1307), qui se trouvait alors effectivement an Gascogne. Il avait quitté l'Angleterre au commencement de cette année 1287, selon l'auteur de l'Historia anglicana (Chronica monast. S. Albani, t. Ier, p. 28): «Anno gratiae 1287..... Papa Honorius Quartus moritur, cui successit Nicholaus Quartus..... Hoc anno Rex Angliae in Gallis transiens, Ambianis cum honorifica turba pervenit; cui occurrit ibidem, honoris gratia, Rex Francorum..... Expectavit autem Rex Edwardus Parius (sic) ad festum Pentecostes, circa quod tempus Fratres Praedicatores ibidem suum Capitulum Generale tenuerunt; quod uterque Rex, Francorum et Anglorum, et utraque regina, diebus diversis sua praesentia honorarunt. Post Pentecosten vero Rex Angliae de Parisio Wasconiam est profectus.» Bien mieux, la Chronique de Saint-Denis (Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XX, p. 654), reproduisant le texte de GUILLAUME DE NANGIS (ibid., p. 571), fixe le passage d'Édouard à Paris en 1286. En toute hypothèse, Édouard ne retourna pas en Angleterre avant 1290. Les témoignages de l'Historia Anglicana sont formels: «Anno gratiae 1288..... cum adhuc Rex Angliae in Wasconia moraretur, etc. - Anno gratiae 1290..... Circa tempus istud, Rex Angliae, de Wasconia reversus, Londoniis solemniter recipitur a clero totaque plebe...» (op. cit. pp. 28, 30, 31). Nous avons d'ailleurs plusieurs lettres d'Édouard, du mois de juin 1289, datées de diverses villes de Gascogne (Doc. inéd. sur l'Hist. de Fr. Lettres de rois, etc., t Ier). C'est donc bien pour la Gascogne que Rabban Çauma partit de Paris.
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11. Le texte porte littéralement: «à leur ville». Il s'agit sans doute de Bordeaux.
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12. La chose devait, en effet, paraître extrêmement singulière dans un pays où, non seulement des hommes professant les cultes les plus divers occupaient le même territoire, mais où la religion chrétienne elle-même était divisée en plusieurs sectes presque toujours en lutte entre elles, soit pour des raisons dogmatiques, soit, plus souvent encore à l'époque dont nous parlons, pour des questions d'intérêt matériel.
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13. D'après les indications vagues éparses çà et là dans le récit, nous pouvons établir approximativement la chronologie du voyage de Rabban Çauma de la manière suivante:
    Rabban Çauma était à Naples le 24 juin et dut quitter cette ville assez promptement. En supposant qu'il mit trois semaines pour traverser l'Italie et qu il s'arrêta autant de temps à Rome, il dut passer à Gênes avant le 15 août. En moins d'un mois il était à Paris, c'est-à-dire au plus tard le 10 septembre. Il passa un mois entier dans cette ville et dut par conséquent en partir vers le 10 octobre. Il rejoignit le roi d'Angleterre, en Gascogne, après vingt jours de marche, c'est-à-dire dans les premiers jours de novembre. Il a donc pu facilement être de retour à Gênes dans la première quinzaine de décembre, ou même dans les premiers jours de ce mois.
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14. Ce personnage, qualifié de Périodeute ou Visiteur, n'était autre que le célèbre cardinal-légat Jean de Tusculum, qui avait été envoyé en Allemagne par le pape Honorius IV, à la fin de l'année 1286, dans le but de régler les dispositions du couronnement de l'empereur Rodolphe de Habsbourg, qui était fixé au 2 février 1287, et de voir quels remèdes on pourrait apporter à certains abus qui régnaient en ce pays. Il présida, le 18 mars 1287, un concile à Wurzbourg, à la suite duquel il eut des difficultés avec les prélats d'Allemagne, à propos des contributions qu'il demandait pour la nouvelle croisade. Ces affaires n'étaient pas encore réglées quand le pape mourut, ce qui contribua peut-être à hâter son départ. En tous cas, aussitôt qu'il apprit la mort d'Honorius IV, il s'empressa de quitter le pays et de retourner à Rome. V. MANSI, Coll. Concil., tome XXIV, p. 943. - BARON., Annal., ad ann. 1287.
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15. Jérôme d'Ascoli (voir ci-dessus, chap. VIIb, n. 12), qui fut élu le 20 février 1288 et couronné le 25 du même mois. Né à Ascoli, dans la marche d'Ancône, il entra dans l'ordre des Frères Mineurs, devint docteur en théologie, fut nommé par saint Bonaventure, alors général de l'ordre, provincial de Dalmatie, d'où il fut envoyé comme nonce à Constantinople par le pape saint Grégoire X. Pendant cette fonction il fut élu général de son ordre, au chapitre général tenu à Lyon, en 1274. Il donna sa démission qui ne fut pas acceptée. En 1278, le pape Nicolas III le fit cardinal-prêtre du titre de Sainte Potentienne, et c'est en mémoire de ce pape qu'il prit le nom de Nicolas IV. Martin IV l'avait fait évêque de Palestrina, en 1281. Ce fut le premier pape de l'ordre des Frères Mineurs.
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16. Nous ne croyons pas que cette lettre d'Argoun soit celle qui nous a été conservée dans une mauvaise traduction latine, et qui est datée du mois de mai 1285. Nous étudierons cette dernière dans notre Étude sur les relations du roi Argoun, etc.
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17. Que contenaient ces lettres de Jabalaha au pape? Il est impossible de le dire, à moins qu'une découverte ultérieure ne vienne nous apporter soit le document original, soit une traduction, comme pour la lettre d'Argoun. On peut conjecturer qu'elles n'avaient pas un caractère dogmatique. C'étaient simplement des lettres de convenance, de relations amicales, sans rapport avec la réunion des Nestoriens à l'Église romaine. Il est d'ailleurs permis de se demander si Jabalaha soupçonnait que le Pape tint une autre doctrine que lui.
    RAYNALDUS (Ann., ad ann. 1304) rapporte que Jabalaha fit acte de soumission au Saint-Siège, par une lettre dont il donne la traduction latine, et que nous étudierons de plus près. A cette époque les papes et les rois d'Occident furent souvent mal informés sur les affaires d'Orient, et les chrétiens de ces contrées cherchaient par toute sorte de moyens a provoquer de nouvelles croisades. Qui nous assure d'ailleurs que les lettres de Jabalaha furent bien interprétées?
    En tous cas, il est curieux de rapprocher des faits rapportés dans notre Histoire, le texte suivant de RICOLDO DI MONTE-CROCE; le patriarche dont parle RICOLDO est évidemment Jabalaha III, puisque ce missionnaire arriva en Perse après le règne d'Argoun et revint mourir a Florence en 1309:
    «Cum igitur pervenimus ad eos [Nestorianos] in Baldacum [= Bagdad], ubi est sedes eorum, receperunt nos gratanter prima facie; sed audito, quod praedicavimus virginem Dei genitricem... nos de eorum ecclesia turpiter ejecerunt, et ipsam ecclesiam, in qua praedicaveramus contra Nestorium lavarerunt cum aqua rosacea, et celebraverunt solempnem missam, ut eum placarent.....»
    «Post hec veniens [probablement de Maragha] patriarcha eorum, qui distabat per decem dietas et amplius, dum sederet ipse patriarcha in ioserchiarcha, in sua sede deaurata, et ad pedes ejus episcopi et archiepiscopi et religiosi, nos autem armati gracia Dei ita confudimus omnes, ut ipse patriarcha coram omnibus mentiretur, et negavit se esse Nestorinum, nec imitatorem Nestorii. Et versi sunt omnes in stuporem de taciturnitate eorum et silencio. Post hec archiepiscopi et episcopi ipsosmet adinvicem arguentes de silentio tantae confusionis, et ipsum patriarcham verbis asperimis increpantes et improperantes, quod esset Francus et adversarius Nestorii, jactaverunt se quod possent nos disputatione publica superare..... Cum autem turpiter et totaliter deficerent..... maxime majores et magis intelligentes, videntes quod eorum perfidiam non poterant defendere nec fidem nostram aliqualiter impugnare dixerunt: «Confitemur, quia hec est veritas fidei quam praedicatis, sed non audemus aliis dicere publice, ne ab eorum contubernio repellamur». Dilexerunt enim magis gloriam hominum quam Dei. Patriarcha eciam contra voluntatem episcoporum ordinavit quod in eorum locis verbum Dei libere praedicaremus, et ita inceperunt audire et ad fidem redire, et venientes peccata sua confitebantur.» (Éd. Laurent, pp. 130-131).
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18. Rabban Çauma suivit, en effet, les cérémonies de la Semaine Sainte avec tant d'attention qu'il nous en a laissé une description très fidèle, bien qu'abrégée, dans les lignes suivantes. Pour donner une idée de l'exactitude et de la précision du récit de notre voyageur, jusque dans les moindres particularités, je n'ai rien trouvé de mieux que de mettre ici en note les extraits correspondants des Rituels romains, à peu près contemporains de Bar Çauma, publiés dans le tome II du Museum Italicum de MABILLON (Paris, 1689). C'est à ce volume que renvoient les indications de pages. Ceux qui désireraient de plus amples détails sur ces cérémonies liturgiques pourront recourir au savant commentaire de l'éditeur, placé en tête du même tome.
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19. Il est fort douteux que les Romains aient trouvé une si grande conformité de rite entre le leur et le rite nestorien qui a d'ailleurs conservé les plus anciennes traditions de la liturgie syriaque. Mais ils ont pu, sans difficulté, reconnaître les principales cérémonies extérieures de la messe, comme la lecture de l'Épitre et de l'Évangile, la consécration, l'élévation, la communion.
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20. «Dominica in Palmis... mane statim ad Lateranum, ubi palmae sunt ab acolythis collectae in basilica sancti Silvestri... Palmas autem unus de cardinalibus sancti Laurentii basilicae in palatio benexit quos ostiarii portant in basilicam Leonianam ad Pontificem. Indutis omnibus ordinibus palatii, Pontifex, expendit palmas. Postea exit inde cum processione... Quibus finitis, aperto ostio, intrant ecclesiam cantando Ingrediente Domino. In secretario Pontifex induitur et intrat ad Missam sine mappula» (p. 136). - Les anciens Rituels ne parlent pas de la couleur des ornements usités en ce jour. On peut croire que sur ce point les usages ont varié avec le temps. PETRUS AMELIUS (de Ceremoniis, cap. LXI), s'exprime ainsi: «Si Papa hac die Palmarum celebraret, portare debet paramenta violacea, vel viridis coloris sine perlis, et sandalia sine perlis; mitram simplicem de garnello et chirothecas sine perlis et palmam. Verum est quod modernis temporibus consueverint portare mitram sollemnem et preciosam et chirotechas preciosas, omnia alia simplicia.» On voit par notre texte que la coutume nouvelle n'était pas si moderne que le supposait cet auteur. Il dit aussi qu'en ce jour-là «non consuevit esse sermo, nec Romani Pontifices officiare consueverunt... licet aliquando modernis temporibus celebrent».
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21. C'est-à-dire le Jeudi Saint, jour où 1'Église célèbre la mémoire de la dernière Pâque que Jésus-Christ fit avec ses Apôtres et pendant laquelle il institua le sacrement de l'Eucharistie. Les Orientaux appellent notre jour de Pâques, avec plus de raison, le jour de la Résurrection.
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22. «Feria quinta in Coena Domini, descendit dominus Papa ad ecclesiam sancti Johannis Lateranensis cum mitra sine frisio, hora sexta: et, facta oratione ante cruces, pergit ad secretarium, ad ecclesiam sancti Thomae, cum episcopis, cardinalibus et aliis ordinibus, ibique cantat Nonam. Deinde vero induit se usque ad Dalmaticam... Praesentatur ampulla cum oleo... et miscet balsamum cum oleo... Quo facto induit se dominus Pontifex planetam et mitram aurifixiatam pergitque ad Missam (p. 178)... Post praedicationem vero domini Papae, diaconi cardinales levant mensam de altari et nudato altari ponunt eam in secreto loco» (p. 179). Il s'agit de la relique dont il a été question ci-dessus, chap. VIIb, n. 36.
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23. On remarquera que Rabban Çauma ne parle que de la consécration de l'huile mêlee de baume qui forme le saint Chrême, avec lequel on administre le sacrement de Confirmation. Cependant les rituels romains sont très explicites et nous apprennent que l'on consacrait aussi ce jour-là l'huile des Catéchumènes, qui est employée, dans les cérémonies du baptême, pour les onctions que l'on fait au néophyte sur la poitrine et entre les épaules, avant l'immersion ou l'infusion de l'eau, et qui sert aussi à l'ordination des prêtres pour l'onction des mains, et au sacre des rois et des reines. Mais comme ces doux bénédictions ne constituent qu'une seule cérémonie et que la bénédiction du Chrême est la plus solennelle, il n'y a rien de surprenant qu'il n'ait parlé que d'une seule Huile. Aujourd'hui, le jour du Jeudi saint, l'évêque bénit encore, avant le Chrême, l'huile des malades, qui est la matière du sacrement de l'Extrême-Onction; mais, dans l'antiquité, la bénédiction de cette huile n'était pas plus affectée au Jeudi saint qu'à tout autre jour.
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24. Les expressions de l'auteur ne sont pas tout a fait exactes. Ce n'est pas avant la messe, comme il l'insinue, mais bien pendant, que le Pontife consacrait les huiles saintes. Dans l'Ordo Romanus (p. 179), on explique très longuement que le Pape communiait d'abord seul, qu'on lui apportait ensuite l'ampoule contenant l'huile mêlée de baume et qu'il la consacrait avec de longues cérémonies (qui ne diffèrent pas de celles encore usitées aujourd'hui), et qu'ensuite il consacrait l'huile simple (ou huile des catéchumènes), après quoi il donnait la communion au peuple.
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25. «Dum ista geruntur summus Pontifex ita presbyterium largitur. Uniquique episcoporum Romanae ecclesiae duos marabotinos (= monnaie d'or espagnole selon DU CANGE, s. h. v.) et duos solidos denarios Papienses. Si forte archiepiscopus interesset tantumdem. Unicuique episcoporum forensium. et presbyterorum cardinalium unum marabotinum et duodecim denarios Papienses...» (p. 181). - Les deux mots employés ici par notre auteur ne se trouvent point dans les lexiques syriaques avec le sens de monnaie, cependant on peut rapprocher du premier, qui signifie feuille, le mot arabe warâq, feuille, aussi usité dans le sens de monnaie. Ce même mot signifie or, en éthiopien. Quand au mot parpara, j'ignore son étymologie et sa signification.
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26. «Missa tandem finita, Pontifex indutus cum ceteris ad palatium in basilica Sancti Laurentii revertitur, ibique exspoliat se usque ad dalmaticam: et apposita chlamyde rubea ipsi ad collum, sedet. Cubicularii ergo parant aquam calidam pro abluendis pedibus subdiaconorum et ponunt pelvim coram eo et diaconus cardinalis qui servit ei ponit toaleam, quam camerarius dat pro ipso servitio, super genua domini Papae. Duodecim autem subdiaconi cum priore remanent extra basilicam discalceati: et schola ostiariorum et mappulariorum accipiunt priorem basilicae et alios undecim subdiaconos in ulnis suis; sicque per ordinem portant eos unum post alium ante dominum Papam, Pontifex autem lavat pedes eorum et tergit cum linteo: et postmodum osculatur: et dat unicuique duos solidos denarios Papienses» (p. 180).
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27. «Quibus finitis vadunt ad coenam in basilicam Sancti Theodori, quae est Panetaria, ubi fit continua lectio a subdiacono. Perfecta coena, redit [Pontifex] in cameram ubi se expoliat»  (p. 137)..... «Sic Dominus Papa, cum aliis omnibus supradictis, vadit indutus ad basilicam Zachariae, quae Panetaria diebus his nuncupatur; ibique indutus cum dalmatica et pluviali sedent ordinati cum mitris, lavantes manus supra mensam, sicut moris est. Sed dominus Papa solus est in mensa. Archiepiscopus vero, si adfuerit, debet ex uno latere primus sedere, deinde episcopi et presbyteri cardinales: ex alio latere diaconi cardinales cum primicerio» (p. 180-181).
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28. «Feria sexta Parasceve: Hora sexta conveniant omnes ad Lateranensem ecclesiam, vel ad aliam, et dicant septem psalmos. Tunc dominus Papa induat se ornatu suo quadragesimali tantum, episcopi pluvialibus, presbyteri, diaconi, subdiaconi planetis..... omnes discalceati, sine cantu psallendo ad Ecclesiam Sanctae Crucis, quae est Jerusalem, ubi statio fieri debet, ordinate procedant..... finitis [precibus] adorat crucem. Deinde representat eam populo cantans antiphonam Ecce lignum crucis (p. 102-103).
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29. «Adorata cruce, diaconus expandat corporale super altare super quo posito corpore Domini, et calice cum vino et aqua, dicat Pontifex plena voce ut mos est, sine per omnia saecula saecu1orum: Oremus. Praeceptis salutaribus moniti, etc... Communicat autem solus Pontifex sine ministris non ad sedem solemniter sed ibi tantum eo die ante altare ob humilitatem reverentiae Dei et passionem Christi (p. 103)... expletoque officio, exuit se cum aliis, et deinde revertitur ad palatium et intrans basilicam sancti Laurentii, crucem quam acceperat ab altari reponit et hinc ad cameram suam accedit.»
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30. C'est-à-dire, les confirma.
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31. «In sabato sancto: Hora sexta conveniunt omnes ad ecclesiam, excusso novo igne de crystallo sive de lapide... Interim Pontifex cum cardinalibus procedit ad altare et facta reverentia ascendit ad ornatam sedem. Subdiaconus vero finita benedictione cerei incipit legere... Et sic per ordinem, XII latine et XII graece, sicut domino Papae placet, vicissim leguntur... Finitis lectionibus et orationibus, et canticis decantatis, Pontifex cum omni schola clericorum descendit ad benedicendos fontes, praecedentibus subdiaconibus cum cruce et facula...» (p. 105).
    «Benedictione completa, secedit paululum ibi in secretario juxta fontes, et, abstracta planeta et pallio, acolythi praeparant eum, sicut consuetudo est. 
    « Praeparatus vero regreditur ad fontes et praesentatis sibi in fontibus, Johanne scilicet sive Petro et Maria, interroget offerentem. Tunc baptizat eum sub trina immersione sanctam Trinitatem semel tantum invocando... His vero tribus baptizatis, immantatus mante supra dalmaticam Pontifex vadit ad chrysmarium, juniore diaconorum cardinalium et sacerdotibus canonicis baptizantibus reliquos parvulos... Per ordinem dispositis ante Pontificem ipse Pontifex, imposita manu super capita singulorum, dicat orationem... tunc, intincto pollice in chrismate et interrogato uniuscujusque Domino, faciat crucem in frontibus singulorum» (p. 107).
    «Interim vero diaconi cardinales reportant mensam altaris, et aptant eam super ipso altari sicut prius fuerat, Pontifex autem cum processione et litania vadit ad altare et celebrat missam» (ibid).
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32. «In die Paschae mane... Pontifex induit planetam albam, pallium, et mitram sollemnem, descendensque de palatio usque ad exitum porticelli, ubi albus palafredus cum nacco scarlatae superposito et argenteo freno sollemniter praeparatus est a magistro senescale et ab adextratoribus, imponitur ei regnum ab archidiacono, et ita coronatus palefredum ascendit et equitando incedit, praecedentibus in ordine suo bandulariis, archiepiscopis, episcopis, cardinalibus, presbyteris, abbatibus, subdiaconis, diaconis cardinalibus, et subsequentibus praefecto, aliisque nobilibus Romanorum, usque ad sanctam Mariam Majorem» (p. 185).
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33. «Finita vero Tertia, prior episcoporum qui ei [Pontifici] debet servire in Missa, ducitur ante Pontificem a duobus episcopis, et tertio postulata benedictione, accedit ad pacem Pontificis, et surgens ponit se in ordine ad dextrum latus ejus. Deinde secundus episcopus accedit ad pacem Pontificis et perrigens osculum priori suo, stat in filo ab alio latere Pontificis. Ceteri vero episcopi similiter faciunt; accedendo ad pacem Pontificis, et ponendo se in filo. Prior quoque presbyterorum cardinalium ductus ante Pontificem a duobus presbyteris, et tertio postulata benedictione, accedit ad pacem Pontificis et episcoporum et dirigit se in filo. Subsequuntur ceteri presbyteri cardinales; praefectus quoque, judices, praefecti navalium, advocati, scrinarii, senatores, majorentes, qui vocantur schola Stimulati, ac ceteri laïci majores et minores in ordine suo, ad pacem suscipendam. His vero completis, surgit Pontifex et resumpta planeta, pallio et mitra, processionaliter vadit ad altare et incipit Missam de more» (p 186).
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34. «Finita vero missa coronatur, reditque cum processione ad palatium, et, acceptis laudibus a cardinale sancti Laurentii, ducitur a primicerio et secundicerio judicibus, cum mitra, in basilica magna Leoniana, quae dicitur casa-major, ubi sunt praeparata undecim scamna circa mensam Pontificis, presbyteris, diaconis, primicerio, et lectus ipsius Pontificis ibidem sollemniter praeparatus, in figura XI Apostolorum recumbentium circa mensam Christi. Transiens Pontifex per ipsam basilicam intrat cameram; ubi recepto presbyterio a camerario in scypho argenteo, et dato, sicut in Nativitate Domini, surgit et ducitur a magistro senescalco et pincerna ad locum qui dicitur Cubitorium: ibique a juniori presbytero cardinali agnus assus benedicitur; et exinde redit ad praeparatum lectum mensae. Et accipiens idem Pontifex parum de ipso agno perrigit priori basilicario... Reliquum vero agni distribuit discumbentibus et aliis circumstantibus. In medio vero convivii, surgit unus de diaconis cardinalibus, de mandato archidiaconi, et legit ad mensam. Finito autem convivio, cantores prosam cantant. Postea vero descendit Pontifex in ecclesiam Lateranensem ad Vesperas» (p 187).
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35. Pâques se trouvait cette année-là (1288) le 28 mars.
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36. Ceci paraîtra moins extraordinaire si on se rappelle que la tiare papale ne différait pas beaucoup alors, par sa forme, de celle en usage chez les évêques orientaux, car à cette époque elle ne se composait que d'une seule couronne et non pas de trois comme aujourd'hui. La seconde fut ajoutée par le pape Boniface VIII (+ 1303) et la troisième par Benoît XII (+1342).
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37. Nous donnerons, dans notre Étude sur les relations du roi Argoun, le texte des lettres remises par le pape à Rabban Çauma pour le roi et le patriarche, et nous y étudierons de plus près ces interessants documents.
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38. Ces mots, comme il est facile de s'en apercevoir, font partie du texte original.
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