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CHAPITRE VII
 
DÉPART DE RABBAN ÇAUMA POUR LE PAYS DES ROMAINS AU
NOM DU ROI ARGOUN ET DU CATHOLIQUE MAR JABALAHA.
 
a)
 
    Le Catholique Mar Jabalaha acquérait de l'influence près du prince et sa considération grandissait de jour en jour devant les rois et les reines.
    Il démolit l'église de Mar Schalita(1), à Maragha, et la reconstruisit à grands frais. En remplacement des poutres, il la fit voûter en deux nefs. Il se fit aussi construire à côté d'elle une résidence.
    Son affection pour le roi Argoun était très vive, car ce prince aimait les chrétiens de tout son coeur(2), et songeait à pénétrer dans les régions de la Palestine et de la Syrie pour les soumettre et s'en emparer; mais il se disait: «Si les rois occidentaux, qui sont chrétiens, ne me viennent en aide, je ne pourrai accomplir mon dessein.» Il demanda donc au Catholique de lui donner un homme sage, apte à remplir une ambassade, pour l'envoyer auprès de ces rois. Le Catholique, voyant que personne ne savait la langue, excepté Rabban Çauma, et sachant qu'il était capable de cela, lui ordonna de partir.
    Rabban Çauma dit: «Je désire moi-même et souhaite cela.»
    Aussitôt le roi Argoun lui écrivit des ordres(3) pour les rois des Grecs et des Francs, c'est-à-dire des Romains, et il lui remit des yarliks(4), des lettres et des présents pour chacun des rois. Il donna à Rabban Çauma pour lui-même deux mille mithqals d'or(5), trente excellentes montures et une paiza.
    Rabban Çauma vint ensuite à la résidence du patriarche Mar Jabalaha, pour prendre un écrit et lui faire ses adieux.
    Il lui demandait la permission de s'éloigner. Mais quand le moment de la séparation fut venu, le Catholique ne voulait plus. «Comment est-ce possible? disait-il. C'est toi qui gouvernais ma maison; tu sais que par ton départ mes affaires vont se brouiller.»
    Après s'être répandus en paroles de ce genre, ils se séparèrent l'un de l'autre en pleurant, et le Catholique lui donna des lettres, des dons et des présents convenables pour Monseigneur le Pape, selon ses moyens.
 
Rabban Çauma à Byzance.
 
    Rabban Çauma se mit en route. Des hommes honorables d'entre les prêtres et les diacres du patriarcat allèrent avec lui(6). Il parvint aux frontières des Romains sur les bords de la mer de Mika(7) et visita l'église qui se trouve là; puis il descendit dans un navire avec ses compagnons. Il y avait dans ce navire plus de trois cents personnes. Tous les jours Rabban Çauma leur procurait des consolations par ses discours sur la foi. La plupart des passagers étaient Romains. A cause du charme de sa parole ils le tenaient en grand honneur.
    Après un certain nombre de jours, il parvint à la grande ville de Constantinople. Avant d'y entrer, il envoya deux de ses serviteurs au palais royal pour faire savoir qu'un ambassadeur du roi Argoun arrivait. Le roi ordonna à ses hommes d'aller au-devant de lui et de l'introduire avec pompe et honneur.
    Quand Rabban Çauma fut arrivé, on lui assigna pour demeure une maison, c'est-à-dire un palais(8).
    Lorsqu'il se fut reposé, il alla vers le roi Basileus(9) et après qu'il l'eut salué, le roi l'interrogea: «Comment te trouves-tu des fatigues de la mer et des peines de la route?»
    Rabban Çauma répondit: «A la vue du roi chrétien la peine a disparu et la fatigue s'est évanouie, car je désirais beaucoup voir votre royauté: que Notre-Seigneur l'affermisse!»
    Après s'être délecté en mangeant et en buvant, Çauma demanda au roi de voir les églises, les tombeaux des Patriarches et les reliques des saints qui se trouvaient là(10). Le roi confia Rabban Çauma à des grands de son royaume qui lui montrèrent tout ce qu'il y avait en ce lieu.
    Il entra premièrement dans la grande église de Swjia(11). Elle avait trois cent soixante colonnes, toutes taillées dans le marbre. Quant au dôme de l'autel, personne ne peut en parler à celui qui ne l'a pas vu, ni dire quelle est son élévation et sa grandeur.
    Il y avait dans cette église l'image de Notre-Dame Marie, peinte par l'évangéliste Luc(12).
    Il vit aussi les reliques de Lazare et de Marie-Magdeleine(13), ainsi que la pierre qui avait recouvert le sépulcre de Notre-Seigneur, lorsque Joseph le Noble le descendit de la croix. Marie pleura sur cette pierre et jusqu'à présent la place de ses larmes est humide; aussi souvent qu'on essuie cette humidité elle réapparaît(14). Il vit aussi une urne de pierre dans laquelle Notre-Seigneur changea l'eau en vin à Kana en Galilée(15), ainsi que la châsse d'une sainte qu'on expose chaque année, - et tout infirme qu'on place au dessous est guéri; - la châsse de Mar Jean Chrysostome(16); la pierre sur laquelle se tenait Simon Pierre lorsque le coq chanta; il vit le tombeau de l'empereur Constantin le Victorieux, qui était de matière rouge, et le tombeau de Justinien, qui était en pierre verte(17); il vit également le tombeau des trois cent dix-huit Pères qui furent tous déposés dans une grande église et dont les corps ne sont pas corrompus, parce qu'ils ont confirmé la foi(18).
    Ils virent encore de nombreux reliquaires des saints Pères, beaucoup de chefs-d'oeuvre et une image formée de bronze et de pierre.
    Or, Rabban Çauma se rendit prés du roi et dit: «Vive le roi, à jamais! Je rends graces à Notre-Seigneur de m'avoir jugé digne de voir ces saintes reliques. Maintenant, si le roi permet, j'irai accomplir l'ordre du roi Argoun qui m'a prescrit de pénétrer chez les Francs.»
    Le roi le combla alors de bienfaits et lui donna des présents d'or et d'argent.
 
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1. D'après les Actes de ce saint, publiés en syriaque par M. BEDJAN (Acta martyrum et sanctorum, t. I, pp. 424-465), il était né en Égypte au temps de Constantin, de parents païens qui se convertirent lorsque lui-même était âgé d'environ cinq ans. Il eut plus tard beaucoup à souffrir de la part de Valerianus, préfet d'Alexandrie, qui était arien. Ses miracles lui attirèrent un grand nombre de disciples, mais il les quitta pour s'en aller au monastère de saint Pacôme. Ayant fait la rencontre de Mar Eughin (Eugène), il partit avec lui en Mèsopotamie et fut témoin des prodiges qu'il opéra à Nisibe et dans les envirens. Il accompagna saint Jacques de Nisibe et saint Eugène à la montagne de l'Arche. Il passa ensuite dans le Beth Zabdai où sa renommée grandit avec le nombre de ses miracles. Il mourut le 19 septembre, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.
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2. Argoun parait avoir traité les chrétiens avec faveur, non seulement à cause du motif indiqué ici, c'est-à-dire dans l'espoir d'obtenir par leur intermédiaire du secours des Occidentaux pour la conquête de la Palestine, mais aussi par une sorte de respect religieux. Ce prince semble avoir été d'ailleurs assez superstitieux. Nous nous étendrons plus longuement sur ce sujet dans notre Étude sur les relations du roi Argoun, etc.
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3. C'est le titre, traduit en syriaque, des lettres des souverains mongols qui commençaient par ces mots Ordre du Khan ou Parole du Khan. Ce terme désigne donc les messages qui devaient être remis aux princes occidentaux.
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4. Le mot yarlik, écrit en arabe, en persan et en turc yarligh, est dérivé du mongol yarligh (= loi, décret, ordonnance, de yar, loi) ou plutôt dcharlig selon les anciennes inscriptions. Il arriva cependant à être employé spécialement pour un ordre, ou lettre patente, émanant directement du souverain. Le missionnaire RICOLD DE MONT-CROIX, parlant de ces ordres, décrit une particularité qui, selon Quatremère, est parfaitement exacte. «Les Tartares, dit-il, honorent tellement leurs législateurs qu'ils n'insèrent pas leur nom avec les autres mots, mais laissent un blanc et insèrent le nom dans la marge» (éd. Laurent, p. 115). Les yarlighs, ou lettres patentes, étaient généralement accompagnés de tablettes de métal appelées paizê, comme nous avons dit plus haut (chap. V).
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5. Le mithqal d'or arabe équivalait, selon BERNSTEIN (Lexicon syr., p. 568), au dinar d'or; mais il n'est pas certain que la monnaie mongole désignée ici par ce mot eût la même valeur, qui d'ailleurs a beaucoup varié selon les époques.
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6. Dans ses lettres à Argoun, le pape Nicolas IV nomme, outre Bar-Çauma, le noble Sabadin surnommé l'Archaon, c'est-à-dire, en mongol, le Chrétien; Thomas de Anfusis, et un interprète appelé Ougueto, dont le nom semble être le mot mongol qui désigne sa fonction. Nous reviendrons ailleurs sur ces noms.
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7. Il s'agit de la mer Noire. Au XIIIe siècle, le Pont-Euxin était appelé Mer Majeure. La carte maritime levée à cette époque dont l'original est à la Bibliothèque de Saint-Marc, à Venise, l'appelle Mar Maor. D'après cela, le mot Mika, employé par notre auteur, est peut-être la transcription littérale du grec mega. On pourrait aussi, en vocalisant différemment, lire notre texte «yama damka», la mer dormante, tranquille, ce qui serait la traduction de la métaphore renfermée dans l'appellation PontoV EuxeinoV.
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8. Littéralement: une cour, c'est-à-dire une maison entière avec ses dépendances.
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9. On remarquera ici, et encore plus bas, que notre moine fait un nom propre d'un nom commun. Il a pris le titre de basileuV pour le nom du prince. Le monarque qui régnait alors à Constantinople était Andronic II (1282-1328).
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10. Ce que Rabban Çauma nous apprend au sujet des monuments et des reliques qu'il visite est fort intéressant et peut servir à éclaircir l'origine de quelques légendes touchant certaines reliques. - Je regrette de ne pouvoir indiquer en détail ce qui concerne chacune des données hagiographiques ou archéologiques rapportées par l'auteur; je me bornerai à faire quelques observations sommaires et à renvoyer aux sources. A propos des reliques de Constantinople on trouvera tous les renseignements désirables et l'indication des sources à consulter dans les Exuviae Sacrae, de RIANT, et les Dépouilles religieuses enlevées à C. P. au XIIIe siècle par les Latins, du même auteur (Mém. de la Soc. nat. des Antiquaires de Fr., t. XXXVI). Je me contenterai de faire remarquer ici que la quantité de reliques et d'objets vénérables que l'on montrait à Rabban Çauma, à la fin du XIIIe siècle, après le pillage des sanctuaires par les Latins, peut s'expliquer par plusieurs considérations: 1° un quart des reliques avait été attribué à l'empereur, et un quart et demi aux Vénitiens qui laissèrent une partie de leur trésor dans leur église de Pantocrator et les perdirent lors de la reprise inopinée de C. P. par les Grecs; 2° il n'est pas douteux que l'on ait, dans plusieurs cas, substitué de fausses reliques à celles qui avaient été enlevées, soit pour éviter l'irritation du peuple, soit pour empêcher l'affluence des fidèles (et par suite les offrandes) de diminuer. Il n'y a guère que les grandes reliques que l'on savait avoir été envoyées officiellement par l'empereur, que l'on n'ait pas osé remplacer. En général, pour les reliques doubles (S. Jean Chrysostome, par exemple), il y a beaucoup plus de probabilité pour l'authenticité de celles qui ont été apportées en Occident que pour l'authenticité de celles que l'on montre en Orient. On peut voir, dans les ouvrages cités plus haut, les précautions que prirent les Croisés pour éviter d'être trompés sur ce point; 3° enfin, il ne faut pas oublier que les mots bras, tête, doigt, désignent souvent des parties seulement de ces membres, et que plusieurs fois des saints homonymes ont été confondus.
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11. Cette célèbre basilique fut édifiée pour la première fois, en 325, par Constantin le Grand, et dédiée non pas à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse divine. Elle fut brûlée d'abord en 404, puis une seconde fois en 532, sous le règne de Justinien qui fit reconstruire l'édifice visité par Rabban Çauma, édifice formant encore la principale curiosité architecturale de Constantinople. Cet empereur voulut que le monument fût le plus magnifique que l'on eût vu depuis la création. Il fit apporter de toutes les parties de l'empire les matériaux précieux, les marbres, les colonnes, les sculptures des temples les plus renommés. Deux architectes grecs, Anthemius de Tralles et Isidore de Millet, furent chargés de la direction des travaux et de l'exécution du plan qui, selon la légende, avait été révélé à Justinien par un ange. Dix mille ouvriers maçons furent employés à la construction qui dura seize ans. Les murs furent construits en briques, mais on bâtit les piliers en grandes pierres calcaires. Tous les murs intérieurs furent revêtus de tables de marbre. Quand Justinien en fit l'inauguration, en l'an 548, il s'écria: «Gloire à Dieu qui m'a jugé digne d'accomplir cet ouvrage; je t'ai vaincu, Salomon!» La coupole, bien qu'on eût fait faire à Rhodes, pour sa construction, des briques spéciales très légères, s'écroula, en 559, par l'effet d'un tremblement de terre. Elle fut aussitôt reconstruite et fut de nouveau restaurée en 987. Dans le sanctuaire était l'autel fait d'or et d'argent, de fer et de platine, de perles et de diamants, et incrusté des pierres les plus rares. La table reposait sur quatre colonnes d'or. Au-dessus s'élevait le ciborium, où l'on conservait la sainte hostie. Ce ciborium me parait être «le dôme de l'autel» dont parle Rabban Çauma, bien qu'on puisse appliquer ses paroles à la grande coupole. Le ciborium était formé de quatre colonnes et de quatre arcs d'argent, portant une coupole d'or surmontée d'un bloc, pesant, selon les auteurs anciens, 115 livres et d'une croix, également d'or, de 80 livres.
    L'édifice, converti en mosquée depuis la prise de Constantinople par les Turcs, en 1453, est entouré de constructions subséquentes destinées soit à le consolider, soit à l'aménager pour sa nouvelle destination. Le plan primitif n'apparait plus extérieurement. On le reconnait mieux à l'intérieur. L'église est bâtie sur un plan carré de 75 mètres de long (avec l'abside) sur 70 de large. Au centre, s'élève la coupole, de 31 mètres 38 de diamètre au niveau du tambour; sa hauteur est de 65 mètres au-dessus du sol. La mosquée compte en tout 107 colonnes, dont les plus remarquables sont les quatre grandes de brèche verte (placées entre les piliers qui soutiennent la coupole), provenant du temple de Diane à Éphèse, et les huit colonnes de porphyre provenant du temple du Soleil à Balbeck.
    L'ensemble de la basilique produit un effet grandiose et saisissant, bien supérieur à celui que produit la vue de Saint-Pierre de Rome. Les mosaïques à fond d'or qui ornaient Sainte-Sophie et représentaient des sujets bibliques ont été badigeonnées par les musulmans partout où l'on voyait des figures humaines; ce qui en reste suffit à donner une idée de la magnificence de l'ancienne basilique.
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12. Le pape Innocent III, par une bulle datée de Rome (13 janvier 1207), confirme la sentence d'excommunication portée par le patriarche de Constantinople contre les Vénitiens qui avaient enlevé de force: «quamdam iconam in qua beatus Lucas evangelista imaginem beate Virginis propriis manibus dicitur depinxisse, quam ob ipsius Virginis reverentiam tota Graecia veneratur» (Cf. RAYNALDUS, Ann., ad ann. 1207, n° 19; Exuviae sacrae, II, 76).
    L'image vénérée que les Vénitiens avaient voulu transporter dans leur couvent de Pantocrator, leur fut reprise par les Grecs et se voyait encore à C. P. en 1453 (DU CANGE, C. P. Chris., II, 61). Il y a lieu de supposer que c'est la même image décrite par ANTONIUS NOVGOR, en ces termes: «Multas alias reliquias in hoc palatio (Bucoleon) venerati sumus, inter quas imaginem purrissimae Dei Genitricis, cognomento Hodigritiam, a b. Luca apostolo depictam, super quam, dum per civitatem et per regionem Petri patricii defertur usque ad Blachernas, Spiritus sanctus descendit.» (Cf. Exuviae sacrae, II, 224). On voit, par les termes mêmes de la bulle, avec quelle réserve le pape parle de l'origine de l'image en question. On sait qu'il existe, en effet, sept images de la Vierge attribuées à saint Luc, et chaque église qui en possède une prétend avoir la seule authentique.
    Cette légende d'une vierge peinte par saint Luc est évidemment d'origine byzantine, à en juger par le caractère des prétendus tableaux de l'Evangéliste. Saint Paul, qui nous a appris que saint Luc était médecin, ne nous a point parlé de son talent pour la peinture. De plus, il est remarquable que tous les tableaux attribues à saint Luc représentent la Sainte-Vierge avec des traits de jeunesse qui ne conviennent pas à l'âge où l'évangéliste, converti par saint Paul, aurait pu la voir et la peindre.
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13. Voici ce que nous lisons dans la Chronographie de LÉON LE GRAMMAIRIEN (MIGNE, Patr. Graeca, t. CVIII, col. 1107)... «Pariter ad Topos sancto Lazaro dicatam aedificavit [ecclesiam imperator Leo VI] et virile eunuchorum monasterium esse disposuit: ad quod sancti Lazari et Mariae Magdalene translatum corpus deposuit, ejusdem ecclesiae celebrata dedicatione». COMBEFIS ajoute en note: «Addit Cedrenus: ex Epheso, ubi nempe creditus S. Mariae Magdalenae tumulus, uti Lazari in Cypro». - La tradition des Grecs, consignée ici, ne parait pas reposer sur des fondements bien anciens. Il est cependant à remarquer qu'elle est antérieure à la tradition occidentale qui fait venir saint Lazare et sainte Magdeleine à Marseille (Voir Acta Sanctorum, XXII julii, t. V, p. 187 et suiv.; L. DUCHESNE, La legende de S. Marie-Madeleine, [Ann. du Midi, t. V, p. 1]).
    Ce couvent aurait été construit, en 809, selon DE HAMMER, près de l'ancien port de guerre des Sophion, comblé par les Turcs 62 ans après la prise de Constantinople, et dont l'emplacement répond à la place actuelle de Kadriga Liman. C'est le plus ancien lazaret connu.
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14. Il me semble que notre rédacteur, en abrégeant le récit primitif, a introduit ici une confusion, en prenant pour une seule deux reliques différentes: la pierre qui avait recouvert le sépulcre, et la pierre sur laquelle on déposa le corps de Jésus-Christ en le descendant de la croix. On montrait, en effet, les deux objets à Constantinople au moment de la quatrième croisade. Le premier était à Sainte-Sophie: «In capella prope magnum altare muro affixa sunt tabula superior Sepulchri Dominici... Tabula autem in qua de cruce fuit depositus asservatur in monasterio Pantocratoris» ANTONIUS NOVGOR., apud RIANT, Exuviae sacrae, II, 222, 225. - ROBERT DE CLARI est aussi explicite: «Si estoit la Tavle de marbre ou Nostres Sires fu estendus, quant il fu despendus de la crois; et si paroient encore les lermes que Nostre Dame avoit plouré deseure...» (ibid., 232).
    On sait que l'on montre actuellement, à Jérusalem, dans l'église du Saint-Sépulcre, la pierre de l'onction, et que les Arméniens schismatiques de la même ville présentent la pierre de leur maître-autel comme celle qui recouvrait le Saint-Sépulcre, tradition qu'ils ont prise, avec l'église, aux catholiques.
    A propos des «larmes de Notre-Dame», je me souviens qu'on m'a montré l'an dernier à Sainte-Sophie, à gauche en entrant par la porte du nord, la colonne qui sue. Elle est revêtue de bronze, mais une petite ouverture permet de toucher du doigt le marbre toujours humide.
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15. Il est digne de remarque que cette relique ne figure dans aucun des documents cités dans les Exuviae sacrae; il y a donc lieu de croire qu'elle fut introduite à Constantinople après la quatrième croisade. Même observation pour «la pierre où se tenait Simon quand le coq chanta», dont il est parlé un peu plus bas. - On montre aujourd'hui, à Kephr-Kana (le Cana évangélique), dans l'église des grecs schismatiques, deux des urnes du miracle, qui ne sont autre chose que les cuves baptismales de deux églises abandonnées au XVIIIe siècle.
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16. Cet illustre Père de l'Église, trop connu pour que j'aie à faire ici sa biographie, mourut pendant son exil, à Comane, le 14 septembre 407. Son corps fut transporté à Constantinople par les soins de l'empereur Théodose II. Au moment de la prise de cette ville par les croisés, le corps de saint Jean Chrysostome était dans l'église des Apôtres: «Porro in eccl. Apost... in sanctuario jacent S. Iohannes Chrysostomus .....» ANT. NOVGOR. (loc. cit.). On le montre maintenant à Saint-Pierre de Rome où il fut transporté à une époque évidemment antérieure (au moins quant au départ de Constantinople), à celle où Rabban Çauma visita Byzance. Voir sur cette translation Acta Sanct., Jan. III, 376 et Sept. IV, 694.
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17. Le corps de Constantin, au témoignage d'EUSÈBE (Vita Const.), fut déposé après sa mort dans un cercueil d'or; il fut transporté plus tard dans l'église des Apôtres, fondée par Constantin et édifiée sous son fils Constance pour servir de sépulture aux empereurs. Elle occupait l'emplacement de la mosquée actuelle de Mohammed le Conquérant (Mehmediyeh), construite en 1469. Il ne reste plus trace de l'église ni des tombeaux.
    Voici un texte curieux de ROBERT DE CLARI (éd. Hopf, p. 68), qui mérite d'être rapproché du nôtre: Après, ailleurs en le chité, avoit j autre moustier que on apeloit le moustier des VII Apostres... Si i jesoient en chu moustier VIJ cors d'apostres... et se disoit ou que Constentins li empereres, i jesoit et Helaine et asses autre empereur...» Voir les autres témoignages cités par RIANT, Exuviae sacrae, II, pp. 212, 215, 225. Les auteurs à peu près contemporains de Rabban Çauma qui parlent du tombeau de Constantin, s'accordent à dire qu'il était de porphyre. On peut voir sur ces deux tombeaux, leur forme et leurs transformations, de longues citations d'auteurs dans DU CANGE, Constantinopolis Christiana, t. II, pp. 108, 109. Il donne aussi la liste des personnages impériaux qui furent inhumés dans ce lieu, souvent désigné sous le nom de Hrwon.
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18. ANTONIUS NOVGOR. (dans Exuviae sacrae, II, 230) mentionne hors la ville au-delà du monastère de saint Michel et en-deça de celui des Géorgiens, l'église des Pères de Nicée, en ces termes: «Ulterius, XXXCVII Patres cum eorumdem reliquiis.»
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