DÉPART DE RABBAN ÇAUMA POUR LE PAYS DES ROMAINS AU
NOM DU ROI ARGOUN ET DU CATHOLIQUE MAR JABALAHA.
a)
Le Catholique Mar Jabalaha acquérait
de l'influence près du prince et sa considération grandissait
de jour en jour devant les rois et les reines.
Il démolit l'église
de Mar Schalita(1), à Maragha,
et la reconstruisit à grands frais. En remplacement des poutres,
il la fit voûter en deux nefs. Il se fit aussi construire à
côté d'elle une résidence.
Son affection pour le roi Argoun était
très vive, car ce prince aimait les chrétiens de tout son coeur(2),
et songeait à pénétrer dans les régions de
la Palestine et de la Syrie pour les soumettre et s'en emparer; mais il
se disait: «Si les rois occidentaux, qui sont chrétiens, ne
me viennent en aide, je ne pourrai accomplir mon dessein.» Il demanda
donc au Catholique de lui donner un homme sage, apte à remplir une
ambassade, pour l'envoyer auprès de ces rois. Le Catholique, voyant
que personne ne savait la langue, excepté Rabban Çauma, et
sachant qu'il était capable de cela, lui ordonna de partir.
Rabban Çauma dit: «Je
désire moi-même et souhaite cela.»
Aussitôt le roi Argoun lui écrivit
des ordres(3)pour
les rois des Grecs et des Francs, c'est-à-dire des Romains, et il
lui remit des yarliks(4),
des lettres et des présents pour chacun des rois. Il donna à
Rabban Çauma pour lui-même deux mille mithqals d'or(5),
trente excellentes montures et une paiza. Rabban Çauma vint ensuite à
la résidence du patriarche Mar Jabalaha, pour prendre un écrit
et lui faire ses adieux.
Il lui demandait la permission de
s'éloigner. Mais quand le moment de la séparation
fut venu, le Catholique ne voulait plus. «Comment est-ce possible?
disait-il. C'est toi qui gouvernais ma maison; tu sais que par ton départ
mes affaires vont se brouiller.»
Après s'être répandus
en paroles de ce genre, ils se séparèrent l'un de l'autre
en pleurant, et le Catholique lui donna des lettres, des dons et des présents
convenables pour Monseigneur le Pape, selon ses moyens.
Rabban Çauma à Byzance.
Rabban Çauma se mit en route. Des
hommes honorables d'entre les prêtres et les diacres du patriarcat
allèrent avec lui(6). Il
parvint aux frontières des Romains sur les bords de la mer de Mika(7)
et visita l'église qui se trouve là; puis il descendit dans
un navire avec ses compagnons. Il y avait dans ce navire plus de trois
cents personnes. Tous les jours Rabban Çauma leur procurait des
consolations par ses discours sur la foi. La plupart des passagers étaient
Romains. A cause du charme de sa parole ils le tenaient en grand honneur.
Après un certain nombre de
jours, il parvint à la grande ville de Constantinople. Avant d'y
entrer, il envoya deux de ses serviteurs au palais royal pour faire savoir
qu'un ambassadeur du roi Argoun arrivait. Le roi ordonna à ses hommes
d'aller au-devant de lui et de l'introduire avec pompe et honneur.
Quand Rabban Çauma fut arrivé,
onlui assigna pour demeure
une maison, c'est-à-dire un palais(8).
Lorsqu'il se fut reposé, il
alla vers le roi Basileus(9)et après qu'il l'eut salué, le roi l'interrogea:
«Comment te trouves-tu des fatigues de la mer et des peines de la
route?»
Rabban Çauma répondit:
«A la vue du roi chrétien la peine a disparu et la fatigue
s'est évanouie, car je désirais beaucoup voir votre royauté:
que Notre-Seigneur l'affermisse!»
Après s'être délecté
en mangeant et en buvant, Çauma demanda au roi de voir les églises,
les tombeaux des Patriarches et les reliques des saints qui se trouvaient là(10).Le roi confia Rabban Çauma à des
grands de son royaume qui lui montrèrent tout ce qu'il y avait en
ce lieu.
Il entra premièrement dans
la grande église de h Swjia(11).
Elle avait trois cent soixante colonnes, toutes taillées dans le
marbre. Quant au dôme de l'autel, personne ne peut en parler à
celui qui ne l'a pas vu, ni dire quelle est son élévation
et sa grandeur.
Il y avait dans cette église
l'image de Notre-Dame Marie, peinte par l'évangéliste Luc(12).
Il vit aussi les reliques de Lazare
et de Marie-Magdeleine(13), ainsi que
la pierre qui avait recouvert le sépulcre de Notre-Seigneur, lorsque
Joseph le Noble le descendit de la croix. Marie pleura sur cette pierre
et jusqu'à présent la place de ses larmes est humide; aussi
souvent qu'on essuie cette humidité elle réapparaît(14).
Il vit aussi une urne de pierre dans laquelle Notre-Seigneur
changea l'eau en vin à Kana en Galilée(15),
ainsi que la châsse d'une sainte qu'on expose chaque année,
- et tout infirme qu'on place au dessous est guéri; - la châsse
de Mar Jean Chrysostome(16);
la pierre sur laquelle se tenait Simon Pierre lorsque
le coq chanta; il vit le tombeau de l'empereur Constantin le Victorieux,
qui était de matière rouge, et le tombeau de Justinien, qui
était en pierre verte(17);
il vit également le tombeau des trois cent dix-huit Pères
qui furent tous déposés dans une grande
église et dont les corps ne sont pas corrompus, parce qu'ils ont
confirmé la foi(18).
Ils virent encore de nombreux reliquaires
des saints Pères, beaucoup de chefs-d'oeuvre et une image formée
de bronze et de pierre.
Or, Rabban Çauma se rendit
prés du roi et dit: «Vive le roi, à jamais! Je rends
graces à Notre-Seigneur de m'avoir jugé digne de voir ces
saintes reliques. Maintenant, si le roi permet, j'irai accomplir l'ordre
du roi Argoun qui m'a prescrit de pénétrer chez les Francs.»
Le roi le combla alors de bienfaits
et lui donna des présents d'or et d'argent.
1. D'après les Actes de
ce saint, publiés en syriaque par M. BEDJAN (Acta martyrum et
sanctorum, t. I, pp. 424-465), il était né en Égypte
au temps de Constantin, de parents païens qui se convertirent lorsque
lui-même était âgé d'environ cinq ans. Il eut
plus tard beaucoup à souffrir de la part de Valerianus, préfet
d'Alexandrie, qui était arien. Ses miracles lui attirèrent
un grand nombre de disciples, mais il les quitta pour s'en aller au monastère
de saint Pacôme. Ayant fait la rencontre de Mar Eughin (Eugène),
il partit avec lui en Mèsopotamie et fut témoin des prodiges
qu'il opéra à Nisibe et dans les envirens. Il accompagna
saint Jacques de Nisibe et saint Eugène à la montagne de
l'Arche. Il passa ensuite dans le Beth Zabdai où sa renommée
grandit avec le nombre de ses miracles. Il mourut le 19 septembre, à
l'âge de quatre-vingt-dix ans.
Retour 2. Argoun parait avoir traité
les chrétiens avec faveur, non seulement à cause du motif
indiqué ici, c'est-à-dire dans l'espoir d'obtenir par leur
intermédiaire du secours des Occidentaux pour la conquête
de la Palestine, mais aussi par une sorte de respect religieux. Ce prince
semble avoir été d'ailleurs assez superstitieux. Nous nous
étendrons plus longuement sur ce sujet dans notre Étude
sur les relations du roi Argoun, etc.
Retour 3. C'est le titre, traduit en syriaque,
des lettres des souverains mongols qui commençaient par ces mots
Ordre du Khan ou Parole du Khan. Ce terme désigne
donc les messages qui devaient être remis aux princes occidentaux.
Retour 4. Le mot yarlik, écrit
en arabe, en persan et en turc yarligh,est dérivé
du mongol yarligh (= loi, décret, ordonnance, de yar,
loi)ou plutôt dcharlig selon les anciennes inscriptions.
Il arriva cependant à être employé spécialement
pour un ordre, ou lettre patente, émanant directement du souverain.
Le missionnaire RICOLD DE MONT-CROIX, parlant de ces ordres, décrit
une particularité qui, selon Quatremère, est parfaitement
exacte. «Les Tartares, dit-il, honorent tellement leurs législateurs
qu'ils n'insèrent pas leur nom avec les autres mots, mais laissent
un blanc et insèrent le nom dans la marge» (éd. Laurent,
p. 115). Les yarlighs, ou lettres patentes, étaient généralement
accompagnés de tablettes de métal appelées paizê,
comme nous avons dit plus haut (chap. V).
Retour 5. Le mithqal d'or arabe équivalait,
selon BERNSTEIN (Lexicon syr., p. 568), au dinar d'or; mais il n'est
pas certain que la monnaie mongole désignée ici par ce mot
eût la même valeur, qui d'ailleurs a beaucoup varié
selon les époques.
Retour 6. Dans ses lettres à Argoun,
le pape Nicolas IV nomme, outre Bar-Çauma, le noble Sabadin surnommé
l'Archaon, c'est-à-dire, en mongol, le Chrétien;
Thomas de Anfusis, et un interprète appelé Ougueto, dont
le nom semble être le mot mongol qui désigne sa fonction.
Nous reviendrons ailleurs sur ces noms.
Retour 7. Il s'agit de la mer Noire. Au XIIIesiècle, le Pont-Euxin était appelé Mer Majeure.
La carte maritime levée à cette époque dont l'original
est à la Bibliothèque de Saint-Marc, à Venise, l'appelle
Mar Maor. D'après cela, le mot Mika, employé
par notre auteur, est peut-être la transcription littérale
du grec mega. On pourrait aussi, en vocalisant
différemment, lire notre texte «yama damka»,
la mer dormante, tranquille, ce qui serait la traduction de la métaphore
renfermée dans l'appellation PontoV EuxeinoV.
Retour 8. Littéralement: une
cour, c'est-à-dire une maison entière avec ses dépendances.
Retour 9. On remarquera ici, et encore plus
bas, que notre moine fait un nom propre d'un nom commun. Il a pris le titre
de basileuV pour le nom du prince. Le monarque
qui régnait alors à Constantinople était Andronic
II (1282-1328).
Retour 10. Ce que Rabban Çauma nous
apprend au sujet des monuments et des reliques qu'il visite est fort intéressant
et peut servir à éclaircir l'origine de quelques légendes
touchant certaines reliques. - Je regrette de ne pouvoir indiquer en détail
ce qui concerne chacune des données hagiographiques ou archéologiques
rapportées par l'auteur; je me bornerai à faire quelques
observations sommaires et à renvoyer aux sources. A propos des reliques
de Constantinople on trouvera tous les renseignements désirables
et l'indication des sources à consulter dans les Exuviae Sacrae,de RIANT,et les Dépouilles religieuses enlevées
à C.P. au XIIIe siècle par les Latins,du
même auteur (Mém. de la Soc. nat. des Antiquaires de Fr.,
t. XXXVI). Je me contenterai de faire remarquer ici que la quantité
de reliques et d'objets vénérables que l'on montrait à
Rabban Çauma, à la fin du XIIIe siècle, après
le pillage des sanctuaires par les Latins, peut s'expliquer par plusieurs
considérations: 1°un quart des reliques avait été
attribué à l'empereur, et un quart et demi aux Vénitiens
qui laissèrent une partie de leur trésor dans leur église
de Pantocrator et les perdirent lors de la reprise inopinée de C.
P. par les Grecs; 2° il n'est pas douteux que l'on ait, dans plusieurs
cas, substitué de fausses reliques à celles qui avaient été
enlevées, soit pour éviter l'irritation du peuple, soit pour
empêcher l'affluence des fidèles (et par suite les offrandes)
de diminuer. Il n'y a guère que les grandes reliques que l'on savait
avoir été envoyées officiellement par l'empereur,
que l'on n'ait pas osé remplacer. En général, pour
les reliques doubles (S. Jean Chrysostome, par exemple), il y a beaucoup
plus de probabilité pour l'authenticité de celles qui ont
été apportées en Occident que pour l'authenticité
de celles que l'on montre en Orient. On peut voir, dans les ouvrages cités
plus haut, les précautions que prirent les Croisés pour éviter
d'être trompés sur ce point; 3° enfin, il ne faut pas
oublier que les mots bras, tête, doigt, désignent souvent
des parties seulement de ces membres, et que plusieurs fois des
saints homonymes ont été confondus.
Retour 11. Cette célèbre basilique
fut édifiée pour la première fois, en 325, par Constantin
le Grand, et dédiée non pas à une sainte du nom de
Sophie, mais à la Sagesse divine. Elle fut brûlée
d'abord en 404, puis une seconde fois en 532, sous le règne de Justinien
qui fit reconstruire l'édifice visité par Rabban Çauma,
édifice formant encore la principale curiosité architecturale
de Constantinople. Cet empereur voulut que le monument fût le plus
magnifique que l'on eût vu depuis la création. Il fit apporter
de toutes les parties de l'empire les matériaux précieux,
les marbres, les colonnes, les sculptures des temples les plus renommés.
Deux architectes grecs, Anthemius de Tralles et Isidore de Millet, furent
chargés de la direction des travaux et de l'exécution du
plan qui, selon la légende, avait été révélé
à Justinien par un ange. Dix mille ouvriers maçons furent
employés à la construction qui dura seize ans. Les murs furent
construits en briques, mais on bâtit les piliers en grandes pierres
calcaires. Tous les murs intérieurs furent revêtus de tables
de marbre. Quand Justinien en fit l'inauguration, en l'an 548, il s'écria:
«Gloire à Dieu qui m'a jugé digne d'accomplir cet ouvrage;
je t'ai vaincu, Salomon!» La coupole, bien qu'on eût fait faire
à Rhodes, pour sa construction, des briques spéciales très
légères, s'écroula, en 559, par l'effet d'un tremblement
de terre. Elle fut aussitôt reconstruite et fut de nouveau restaurée
en 987. Dans le sanctuaire était l'autel fait d'or et d'argent,
de fer et de platine, de perles et de diamants, et incrusté des
pierres les plus rares. La table reposait sur quatre colonnes d'or. Au-dessus
s'élevait le ciborium,où l'on conservait
la sainte hostie. Ce ciborium me parait être «le dôme
de l'autel» dont parle Rabban Çauma, bien qu'on puisse appliquer
ses paroles à la grande coupole. Le ciborium était formé
de quatre colonnes et de quatre arcs d'argent, portant une coupole d'or
surmontée d'un bloc, pesant, selon les auteurs anciens, 115 livres
et d'une croix, également d'or, de 80 livres.
L'édifice, converti en mosquée
depuis la prise de Constantinople par les Turcs, en 1453, est entouré
de constructions subséquentes destinées soit à le
consolider, soit à l'aménager pour sa nouvelle destination.
Le plan primitif n'apparait plus extérieurement. On le reconnait
mieux à l'intérieur. L'église est bâtie sur
un plan carré de 75 mètres de long (avec l'abside) sur 70
de large. Au centre, s'élève la coupole, de 31 mètres
38 de diamètre au niveau du tambour; sa hauteur est de 65 mètres
au-dessus du sol. La mosquée compte en tout 107 colonnes, dont les
plus remarquables sont les quatre grandes de brèche verte (placées
entre les piliers qui soutiennent la coupole), provenant du temple de Diane
à Éphèse, et les huit colonnes de porphyre provenant
du temple du Soleil à Balbeck.
L'ensemble de la basilique produit
un effet grandiose et saisissant, bien supérieur à celui
que produit la vue de Saint-Pierre de Rome. Les mosaïques à
fond d'or qui ornaient Sainte-Sophie et représentaient des sujets
bibliques ont été badigeonnées par les musulmans partout
où l'on voyait des figures humaines; ce qui en reste suffit à
donner une idée de la magnificence de l'ancienne basilique.
Retour 12. Le pape Innocent III, par une bulle
datée de Rome (13 janvier 1207), confirme la sentence d'excommunication
portée par le patriarche de Constantinople contre les Vénitiens
qui avaient enlevé de force: «quamdam iconam in qua beatus
Lucas evangelista imaginem beate Virginis propriis manibus dicitur depinxisse,
quam obipsius Virginis reverentiam totaGraecia veneratur»(Cf. RAYNALDUS, Ann.,ad ann. 1207, n° 19; Exuviae
sacrae, II, 76).
L'image vénérée
que les Vénitiens avaient voulu transporter dans leur couvent de
Pantocrator, leur fut reprise par les Grecs et se voyait encore à
C. P. en 1453 (DU CANGE, C. P. Chris.,II, 61). Il
y a lieu de supposer que c'est la même image décrite par ANTONIUS
NOVGOR, en ces termes: «Multas alias reliquias in hoc palatio (Bucoleon)venerati sumus, inter quas imaginem purrissimae Dei Genitricis, cognomento
Hodigritiam,a b. Luca apostolo depictam, super quam, dum
per civitatem et per regionem Petri patricii defertur usque ad Blachernas,
Spiritus sanctus descendit.» (Cf. Exuviae sacrae, II, 224).
On voit, par les termes mêmes de la bulle, avec quelle réserve
le pape parle de l'origine de l'image en question. On sait qu'il existe,
en effet, sept images de la Vierge attribuées à saint Luc,
et chaque église qui en possède une prétend avoir
la seule authentique.
Cette légende d'une vierge
peinte par saint Luc est évidemment d'origine byzantine, à
en juger par le caractère des prétendus tableaux de l'Evangéliste.
Saint Paul, qui nous a appris que saint Luc était médecin,
ne nous a point parlé de son talent pour la peinture. De plus, il
est remarquable que tous les tableaux attribues à saint Luc représentent
la Sainte-Vierge avec des traits de jeunesse qui ne conviennent pas à
l'âge où l'évangéliste, converti par saint Paul,
aurait pu la voir et la peindre.
Retour 13. Voici ce que nous lisons dans la
Chronographiede LÉON LE GRAMMAIRIEN (MIGNE, Patr.
Graeca,t. CVIII, col. 1107)... «Pariter ad Topos sancto
Lazaro dicatam aedificavit [ecclesiam imperator Leo VI] et virile eunuchorum
monasterium esse disposuit: ad quod sancti Lazari et Mariae Magdalene
translatum corpus deposuit,ejusdem ecclesiae celebrata dedicatione».
COMBEFIS ajoute en note: «Addit Cedrenus: ex Epheso, ubi
nempe creditus S. Mariae Magdalenae tumulus, uti Lazari in Cypro».
- La tradition des Grecs, consignée ici, ne parait pas reposer sur
des fondements bien anciens. Il est cependant à remarquer qu'elle
est antérieure à la tradition occidentale qui fait venir
saint Lazare et sainte Magdeleine à Marseille (Voir Acta Sanctorum,XXII julii,t. V, p. 187 et suiv.; L. DUCHESNE, La
legende de S. Marie-Madeleine, [Ann. du Midi, t. V, p. 1]).
Ce couvent aurait été
construit, en 809, selon DE HAMMER, près de l'ancien port de guerre
des Sophion, comblé par les Turcs 62 ans après la
prise de Constantinople, et dont l'emplacement répond à la
place actuelle de Kadriga Liman. C'est le plus ancien lazaret
connu.
Retour 14. Il me semble que notre rédacteur,
en abrégeant le récit primitif, a introduit ici une confusion,
en prenant pour une seule deux reliques différentes: la pierre qui
avait recouvert le sépulcre, et la pierre sur laquelle on déposa
le corps de Jésus-Christ en le descendant de la croix. On montrait,
en effet, les deux objets à Constantinople au moment de la quatrième
croisade. Le premier était à Sainte-Sophie: «In capella
prope magnum altare muro affixa sunt tabula superior Sepulchri Dominici...Tabula autem in qua de cruce fuit depositus asservatur in monasterio
Pantocratoris» ANTONIUS NOVGOR., apud RIANT, Exuviae sacrae, II,
222, 225. - ROBERT DE CLARI est aussi explicite: «Si estoit la Tavle
de marbre ou Nostres Sires fu estendus, quant il fu despendus de la
crois; et si paroient encore les lermes que Nostre Dame avoit plouré
deseure...» (ibid.,232).
On sait que l'on montre actuellement,
à Jérusalem, dans l'église du Saint-Sépulcre,
la pierre de l'onction,et que les Arméniens schismatiques
de la même ville présentent la pierre de leur maître-autel
comme celle qui recouvrait le Saint-Sépulcre, tradition qu'ils ont
prise, avec l'église, aux catholiques.
A propos des «larmes de
Notre-Dame», je me souviens qu'on m'a montré l'an dernier
à Sainte-Sophie, à gauche en entrant par la porte du nord,
la colonne qui sue. Elle est revêtue de bronze, mais une petite
ouverture permet de toucher du doigt le marbre toujours humide.
Retour 15. Il est digne de remarque que cette
relique ne figure dans aucun des documents cités dans les Exuviae
sacrae; il y a donc lieu de croire qu'elle fut introduite à
Constantinople après la quatrième croisade. Même observation
pour «la pierre où se tenait Simon quand le coq chanta»,
dont il est parlé un peu plus bas. - On montre aujourd'hui, à
Kephr-Kana (le Canaévangélique), dans l'église
des grecs schismatiques, deux des urnes du miracle, qui ne sont autre chose
que les cuves baptismales de deux églises abandonnées au
XVIIIe siècle.
Retour 16.Cet illustre Père
de l'Église, trop connu pour que j'aie à faire ici sa biographie,
mourut pendant son exil, à Comane, le 14 septembre 407. Son corps
fut transporté à Constantinople par les soins de l'empereur
Théodose II. Au moment de la prise de cette ville par les croisés,
le corps de saint Jean Chrysostome était dans l'église des
Apôtres: «Porro in eccl. Apost... in sanctuario jacent S.Iohannes Chrysostomus .....» ANT. NOVGOR. (loc. cit.).
On le montre maintenant à Saint-Pierre de Rome où il fut
transporté à une époque évidemment antérieure
(au moins quant au départ de Constantinople), à celle où
Rabban Çauma visita Byzance. Voir sur cette translation Acta
Sanct., Jan. III, 376 et Sept. IV, 694.
Retour 17. Le corps de Constantin, au témoignage
d'EUSÈBE (Vita Const.),fut déposé après
sa mort dans un cercueil d'or; il fut transporté plus tard dans
l'église des Apôtres, fondée par Constantin
et édifiée sous son fils Constance pour servir de sépulture
aux empereurs. Elle occupait l'emplacement de la mosquée actuelle
de Mohammed le Conquérant (Mehmediyeh), construite en 1469. Il ne
reste plus trace de l'église ni des tombeaux.
Voici un texte curieux de ROBERT DE
CLARI (éd. Hopf, p. 68), qui mérite d'être rapproché
du nôtre: Après, ailleurs en le chité, avoit j autre
moustier que on apeloit le moustier des VII Apostres... Si i jesoient en
chu moustier VIJ cors d'apostres... et se disoit ou que Constentins li
empereres, i jesoit et Helaine et asses autre empereur...» Voir les
autres témoignages cités par RIANT, Exuviae sacrae,II, pp. 212, 215, 225. Les auteurs à peu près contemporains
de Rabban Çauma qui parlent du tombeau de Constantin, s'accordent
à dire qu'il était de porphyre. On peut voir sur ces deux
tombeaux, leur forme et leurs transformations, de longues citations d'auteurs
dans DU CANGE, Constantinopolis Christiana, t. II, pp. 108, 109.
Il donne aussi la liste des personnages impériaux qui furent inhumés
dans ce lieu, souvent désigné sous le nom de Hrwon.
Retour 18. ANTONIUS NOVGOR. (dans Exuviae
sacrae,II, 230) mentionne hors la ville au-delà du monastère
de saint Michel et en-deça de celui des Géorgiens, l'église
des Pères de Nicée, en ces termes: «Ulterius, XXXCVII
Patres cum eorumdem reliquiis.»
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