CALOMNIES SUBIES PAR MAR JABALAHA SOUS LE ROI AHMED.
Nous ne nous étendrons
pas longuement sur les événements qui survinrent(1).
Au roi défunt succéda
son frère, nommé Ahmed, fils du roi Houlaghou(2).
Il manquait d'éducation et d'instruction et il persécuta
beaucoup les chrétiens à cause de ses relations avec les Hagaréens(3),
vers lesquels il était enclin, et aussi parce que deux évêques
envieux avaient trouvé l'occasion de satisfaire leur passion.
Ils furent introduits devant le roi
Ahmed par l'intermédiaire de deux hommes pervers, dont l'un s'appelait
Schams ed-Din(4), maître du tribunal,
c'est-à-dire chef des scribes, ou du Diwan, et l'autre [était]
le scheïk Abd er-Rahman(5).
Ils accusèrent le Catholique
Mar Jabalaha et Rabban Çauma. «Ils sont, disaient-ils, les
partisans d'Argoun, fils du roi Abaka, et ils ont écrit et agi contre
toi, ô roi, près du Roi des rois, Khoubilaï-Khan. L'émir
Yaschmout a pris part a l'accusation.»
Ce dernier était un moine et
un nazir, alors gouverneur de la ville et de la région de Mossoul(6).
Les deux personnages susdits prirent
donc Ahmed comme instrument en se servant des deux évêques
précités qui étaient Jésusabran, métropolitain
de Tangout, et Siméon, évêque d'Arni(7).
Ils avaient comploté tous les deux ensemble pour devenir, le premier,
patriarche, et l'autre métropolitain et visiteur général.
Et quand cette pensée leur fut venue, par le conseil
de Satan, ils firent la démarche criminelle dont nous avons parlé.
Le roi qui était peu intelligent
et avait abandonné Dieu, ne soupçonna pas que ces hommes
n'étaient point sincères dans cette démarche; mais
il crut à leurs paroles frauduleuses.
Par son ordre, on amena le Catholique
Mar Jabalaha au grand tribunal, avec Rabban Çauma et l'émir
Yaschmout.
D'après les prescriptions qu'il
avait données, on avait repris au patriarche la païza.
Quand ils entrèrent devant le tribunal, ils ne savaient pas ce qu'on
leur voulait. Ils demeuraient dans l'étonnement et se disaient:
«Qu'avons-nous donc fait?»
L'envoyé leur dit: «Vos
évêques, vos scribes et vos conseillers sont venus à
la cour et vous ont accusés près du roi d'avoir comploté
contre lui et de l'avoir dénoncé au Roi des rois, Khoubilaï-Khan,
comme ayant abandonné la voie de ses pères et étant
devenu musulman(8).»
Le patriarche répondit: «Je
ne pense pas.»
Mais ils lui dirent: «Tes scribes
t'accusent de ces choses.»
On les fit venir et on les interrogea
séparément. Chacun répondit ce qu'il savait.
Le patriarche dit à ses juges:
«O princes, pourquoi prenez-vous tant de peine? Faites revenir le
courrier qui est parti avec les lettres, et examinez-les. Si l'accusation
portée contre moi est vraie, je mourrai sans pitié dans mon
propre sang. Sinon, c'est a vous de juger et de me venger.»
Les émirs acceptèrent
cette proposition qu'ils communiquèrent au roi. Le roi envoya après
le courrier; on rapporta toutes les lettres qu'il avait avec lui, lorsqu'il
était sur le point d'entrer dans le Khoraçan. On ouvrit ces
lettres, on les lut, et on n'y trouva absolument rien de semblable aux
accusations. Les juges ne dirent rien aux calomniateurs et par là
nous comprenons qu'ils avaient saisi un prétexte(9).
Le Catholique demeura donc en prison
une quarantaine de jours, plongé dans une grande affliction, une
cruelle douleur et une inquiétude continuelle, jusqu'à ce
que Dieu le visitât dans ses miséricordes et le délivrât
de ses liens.
Le roi Ahmed, en effet, brûlait
de colère contre lui et avait soif de verser son sang. Il l'aurait
répandu sil'ange
de la Providence qui dirige ce saint siège n'avait fait en sorte
que la mère du roi(10)
et les émirs le détournassent de la pensée qu'il méditait.
Ensuite, par l'intervention des personnes
que nous avons nommées, le patriarche rentra en grâce aux
yeux du roi qui lui donna un diplôme avec la païza, le consola
et le renvoya.
Il se sépara donc du roi et
s'en alla à la ville d'Ourmiah(11).
Là, il eut un songe dans l'église
de Madame Marie, et il apprit qu'il ne reverrait plus le roi.
Après quelques jours il gagna,
ainsi que les évêques ses accusateurs, la ville de Maragha.
Le roi Ahmed partit à la tête
de ses troupes pour entrer dans le Khoraçan, afin de s'emparer du
roi Argoun, fils du roi Abaka(12).
Il était convenu entre lui,
les deux personnages susdits(13)
et les chefs des Arabes, qu'après s'être emparé du
prince il mettrait à mort les autres membres de la famille royale
et deviendrait Khalife de Bagdad. Il devait aussi faire périr le
Catholique.
Mais son projet devint inutile et
son dessein sans résultat. Le Seigneur, en effet, anéantit
les projets des hommes, et accomplit sa volonté. Il affermit ou
fait disparaître les rois, et son royaume demeure à jamais.
Les troupes du roi Ahmed furent mises
en déroute et beaucoup se tournèrent du côté
du roi Argoun. Ahmed lui-même fut pris et mis à mort, l'an
de Notre Seigneur 1284(14).
Une nuit, avant d'avoir appris la
nouvelle de ce qui était arrivé au roi Ahmed, le Catholique
Mar Jabalaha eut un songe.
Il voyait un beau jeune homme qui
entrait vers lui, portant dans ses mains un plateau recouvert d'un linge.
Le jeune homme lui dit: «Lève-toi et mange ce qui est dedans.»
Après avoir enlevé le linge, il trouva sur le plateau une
tête cuite. Il la mangea en entier et ne laissa que les os des mâchoires.
Alors le jeune homme lui dit: «Sais-tu ce que tu as mangé?»
«Non», répondit-il.
«C'était, lui dit le
jeune homme, la tête du roi Ahmed(15).»
Aussitôt le Catholique s'éveilla
effrayé.
Quelques jours après, la nouvelle
du meurtre du susdit Ahmed et de l'avènement du roi Argoun arriva.
La joie du Catholique fut grande, non pas à cause de la mort de
celui-là, mais à cause de l'avènement de celui-ci(16).
Il alla alors, avec les évêques
et les moines, féliciter le roi Argoun et remplir les devoirs que
les chrétiens rendent au roi selon le précepte de l'Apôtre(17):
«Que chacun soit soumis aux puissances supérieures : car il
n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu.»
En voyant le roi Argoun, il le félicita
et pria pour la prolongation de son règne.
Le roi le combla d'honneurs et le
traita magnifiquement en apprenant ce qui lui était arrivé
de la part du roi précédent, ainsi que le fait des évêques
qui travaillaient à le perdre, comme nous avons dit.
Il ordonna de mettre ceux-ci à mort(18).
Mais le Catholique Mar Jabalaha dit: «Vive le roi à jamais!
Nous autres, chrétiens, nous avons nos lois. Quiconque ne les observe
pas est appelé transgresseur du précepte. Notre loi ne demande
pas la mort d'un homme, mais sa condamnation, et il y a plusieurs manières
de punir les malfaiteurs. D'après notre loi, ces évêques
ne doivent pas mourir, mais seulement être totalement privés
de la dignité du ministère qui leur avait été
confié.»
Cela fut agréable aux yeux
du roi qui renvoya le Catholique en grand honneur. Celui-ci revint à
sa résidence, plein de joie et d'une vive allégresse.
Quand les vénérables
évêques furent réunis auprès du Catholique pour
le saluer et le consoler, il y eut une délibération au sujet
des évêques dont nous avons parlé. Après une
longue discussion, lorsque ceux-ci eurent confessé leur méfait,
ils lancèrent contre eux deux une sentence d'excommunication, et
les privèrent de toute fonction ecclésiastique.
1. Voici comment D'OHSSON (III, 550)
résume (d'après Raschid) les événements auxquels
il est fait ici allusion: «Après la mort d'Abaca, les Khatounes,
les princes du sang et les généraux présents à
Méraga, s'assemblèrent pour rendre les derniers devoirs au
monarque défunt et délibérer sur le choix de son successeur.
Le prince Argoun, qui avait été mandé par son père,
reçut en route la nouvelle de sa mort et se rendit à Méraga,
où les Khatounes et les princes du sang lui présentèrent
la coupe suivant l'usage. Le général Boucaï, dévoué
à ce jeune prince, ordonna aux officiers de la maison d'Abaca de
faire leur service auprès d'Argoun..... Mais bientôt Tagoudar
(appelé Tangoudar par Haïton et Nagoudar par Wassaf), frère
d'Abaca et septième fils d'Houlagou, arriva de Géorgie......
D'après le Yassa (code de Gengis Khan), c'était l'aîné
de la famille qui devait succéder au trône... Cette considération
prévalut.»Tagoudar fut proclamé, le 6 mai 1282,
d'une voix unanime, car Argoun, sur les conseils d'un de ses partisans,
ne fit alors aucune opposition ouverte, voyant la majorité des officiers
favorable à Tagoudar qui, à son élévation au
trône, prit le nom d'Ahmed et le titre de sultan.
Retour 2. Houlaghou ou Khoulagou-Khan, prédécesseur
d'Abaka, était le cinquième fils de Touloul, le plus jeune
fils de Gengis-Khan. Sa mère était Souirkoukteni, nièce
du chef Kéraïte Ouang-Khan et fille de son frère Jakembo.
Il était ainsi le propre frère des deux grands Kakhans Mangou
et Khoubilaï, et de Arikbouka qui contestait les prétentions
de Khoubilaï à l'empire du monde mongol. Il était né
vers l'an 1216. Quand l'expédition de Perse eut été
résolue dans un kouriltaï (assemblée générale),
au commencement du règne de Mangou, Houlaghou fut chargé
de la commander. Après avoir fait massacrer presque toutes les populations
ismaïliennes, il engagea la guerre contre le khalife, prit et saccagea
Bagdad, conquit la Mésopotamie, et fit plusieurs expéditions
en Syrie où il ne put se maintenir. Il est le véritable fondateur
de l'empire des Mongols de la Perse. Il mourut en 1265.
Retour 3. Hagaréens est le nom que les
écrivains chrétiens donnent souvent aux Mahométans.
Cette appellation est dérivée du nom de Hagar, la servante
d'Abraham, qui lui enfanta Ismaël et fut ensuite chassée avec
son fils (Gen., XVI; XXI). Celui-ci est regardé par les écrivains
ecclésiastiques comme le père des Arabes; et, de même
qu'ils emploient souvent le nom d'arabe comme synonyme de musulman,
ils se servent aussi en ce sens du nom de hagaréen, par
lequel ils croient mieux exprimer leur idée de mépris pour
les sectateurs de la religion de Mahomet. Devenir hagaréen signifie
donc se convertir à l'islamisme.
Retour 4. Le Sahib Schams ed-Din Mohamed, de
Djouveïn, fils du Sahib Behaï ed-Din Mohamed, avait exercé
la charge de premier ministre sous Abaka. Il eut auprès de ce prince
une grande influence et lui rendit, par son habileté, des services
signalés. Vers la fin du règne, cependant, son crédit
commença à diminuer par l'effet des intrigues d'un certain
Madjd el-Moulouk qui sut s'insinuer dans les bonnes grâces d'Argoun,
fils d'Abaka, et accusa le vizir de détourner à son profit
des sommes considérables et de comploter avec le sultan d'Égypte.
Ce Madjd fut associé à Schams dans l'administration de l'État.
Lors de la mort d'Abaka, Schams ed-Dîn était resté
près d'Argoun, mais, à la première sommation, il passa
du côté d'Ahmed qui lui laissa le ministère des finances
et lui accorda ses faveurs par la protection d'Erméni Khatoun. Il
mit alors tout en oeuvre pour perdre son rival Madjd el-Moulouk et y réussit
par le moyen d'accusations calomnieuses et avec l'aide du scheïk Abd
er-Rahman que notre auteur lui associe également dans l'affaire
de Jabalaha. - A la première nouvelle des insuccès d'Ahmed,
il prit la fuite; puis, confiant dans l'influence de son ancien ami Boukaï,
très en faveur près d'Argoun, il alla se livrer à
ce prince qui lui accorda sa grâce et le nomma lieutenant de Boukaï.
Mais, des officiers qu'il avait mécontentés au temps d'Ahmed
persuadèrent à Boukaï qu'il était éclipsé
par l'ancien vizir; Boukaï l'accusa alors près d'Argoun qui
le fit mettre en jugement. Il fut condamné et exécuté
le 16 octobre 1285 (Cf. BAR HÉBRÉUS, Chron. syr., éd.
Bruns, p. 573).
Retour 5. Le scheïk Abd er-Rahman était,
selon BAR HÉBRÉUS (Chron. syr., éd. Bruns,
p. 575), le fils d'un domestique ou esclave du khalife Mostassem, et roumien
de nation. Ayant échappé au massacre de Bagdad, il passa
à Mossoul où il exerça quelque temps la profession
de menuisier; de là il se rendit à Ahmadiyeh et fit accroire
au seigneur de ce château que les esprits lui avaient révélé
l'art de la magie. Ce seigneur le mena à la cour d'Abaka. Admis
devant le souverain il lui dit que, s'il voulait le faire conduire au château
de Tala, il montrerait ce qu'il savait faire. Il fit fouiller à
un endroit où l'on découvrit un anneau orné d'une
pierre très précieuse. Ce fait ayant confirmé les
paroles du prétendu magicien, on ajouta foi à tout ce qu'il
disait. A l'entendre, il avait le pouvoir de chasser les démons
et connaissait leurs secrets. Placé auprès d'Ahmed depuis
sa première jeunesse, il exerçait un grand ascendant sur
l'esprit de ce prince qui lui était fort attaché et lui donnait
le nom de Baba (père). On peut dire que ce fut lui qui administra
l'État, sous le court règne d'Ahmed, avec le vizir Schams
ed-Din. Ahmed le chargea d'une ambassade en Égypte. La mort d'Ahmed
survint pendant cette mission. Les ambassadeurs furent emprisonnés
à Damas, par le sultan Kélavoun, et le scheik Abd er-Rahman
mourut pendant sa captivité, le 8 décembre 1284.
Retour 6. Vers 1276, Alem ed-Din Yakoub, grand
marchand chrétien, natif de Berkout dans le district d'Arbèle,
s'était rendu à la cour de Koubilaï-Khan. Il mourut
dans le Khoraçan pendant son retour. Il avait pour compagnon de
route un émir, envoyé en mission par le Khakan, homme de
grande naissance, d'origine ouïgoure, qui était chrétien
et avait été moine: il se nommait Yaschmout. Cet homme prit
soin des fils du marchand. Il les conduisit à la cour d'Abaka qui
confia à l'ainé, Maschoud, le gouvernement de Mossoul et
d'Arbèle; Yaschmout devint alors son premier ministre. Après
deux ans environ, un persan nommé Papa, accusa Maschoud de ruiner
la province par sa mauvaise administration. Abaka ordonna une enquête;
Papa cita de faux témoins et corrompit les juges: les deux chrétiens
furent destitués et Papa nommé gouverneur de Mossoul. Ils
se rendirent à la cour d'Abaka, purent se justifier et furent rétablis
dans leur charge: Papa eut la tête tranchée, ainsi qu'un seigneur
persan nommé Djelal ed-Din Touran qui l'avait favorisé. Les
parents de celui-ci accusèrent Maschoud d'avoir détourné
de la succession une grande quantité d'or et de pierreries. Il est
probable que c'était au commencement du règne d'Ahmed et
qu'ils profitèrent des dispositions malveillantes du prince vis-à-vis
des chrétiens pour formuler leurs plaintes. Maschoud prit la fuite
et fut plus tard rétabli dans sa charge par Argoun. C'est sans doute
pour cela que nous voyons Yaschmout seul incriminé dans l'affaire
de Jabalaha. Peu de temps avant l'avènement d'Argoun, cet émir
fut assassiné par les fils de Djelal ed-Din qui voulurent venger
sur lui la mort de leur père. Ce fut une grande perte pour les chrétiens
(BAR HÉBRÉUS, Chron. Syr., p. 562, 601).
Retour 7. Arni, ancienne ville épiscopale,
aujourd'hui Arna, dans le diocèse chaldéen de cAqra
(BEDJAN). Cfr. HOFFMANN Auszüge aus syrischen Akten, etc.,
p. 204.
Retour 8. On voit que l'accusation reprochait
surtout à Ahmed sa conversion au mahométisme. Ce prince,
en effet, avait abandonné non pas «la voie de ses pères»,
mais le christianisme pour embrasser cette religion, car il avait été
baptisé sons le nom de Nicolas. On comprend que les excès
du fanatisme auquel il se laissa aller après son avènement,
aient mécontenté les chrétiens, et tous ceux qui professaient
une religion autre que celle de Mohammed, car il ordonna que les temples
des idoles et les églises fussent convertis en mosquées.
Son zèle indisposa contre lui les généraux mongols
et ne contribua pas peu à sa perte. - Voici comment s'exprime HAÏTON(chap. XXXVII) à ce sujet: «Tagoudar avait été
baptisé dans sa jeunesse et appelé Nicolas, mais lorsqu'il
fut parvenu à l'âge viril, parce qu'il avait été
élevé avec les Sarrazins, il devint très méchant
sarrazin lui-même et, renonçant à la foi chrétienne,
il se fit appeler Mahommet-Khan et fit tous ses efforts pour faire renoncer
à tous les Tartares le christianisme et leur faire embrasser la
secte de Mahommet et ceux qu'il n'osait pas y contraindre par violence,
il leur faisait des présents, des grâces et des honneurs pour
les corrompre. Il y eut alors une infinité de Tartares qui se convertirent
au mahométisme. Il fit détruire toutes les églises
chrétiennes à Tauriz et ailleurs; en sorte que les pauvres
chrétiens n'osaient plus professer leur religion.» On s'étonne
après cela, comme le fait observer D'OHSSON (t. III, p. 562), de
lire dans BAR HÉBRÉUS (Chron. syr., éd.
Bruns, p. 567) que, fidèle aux préceptes de ses aïeux,
Ahmed montra de la bienveillance aux ministres de tous les cultes et surtout
aux chrétiens.
Retour 9. Le sens estpeut-être:
«qu'ils avaient reçu de l'argent.»
Retour 10. Koutouï-Khatoun, de la tribu
des Kounkourat, femme intelligente et très considérée,
comme dit plus bas notre auteur lui-même. Selon quelques écrivains
elle aurait été chrétienne (cf. D'OSSHON, III, 561).
Retour 11. Ourmiah,ou Ourmî,est une ville de la province de l'Adherbaidjan à 107 kilom.
O.-S.-O. de Tauriz, au pied des montagnes, près de la rive occidentale,
et à une petite distance, d'un tributaire du lac d'Ourmiah, le Schaer
Tchaï. La ville compte environ 50,000 habitants. Elle est entourée
de jardins qui séparent les faubourgs et pénètrent
entre les différents quartiers presque jusqu'au bazar. Les environs
sont très fertiles, on y cultive même le cotonnier. Le district
renferme plus de trois cents villages de l'aspect le plus gracieux, nichés
dans la verdure, que limite par d'élégantes courbes le bleu
des eaux lacustres. Une grotte voisine est désignée comme
ayant été la demeure de Zoroastre. La presque totalité
des habitants sont de langue et de race turque. Ils appartiennent à
la secte des schiites. On y compte un millier de juifs et à peu
près autant de chrétiens, tant nestoriens que catholiques.
Retour 12. Ahmed partit de Moughan le 26 avril
1284, à la tête de 80,000 hommes de cavalerie: mongols, musulmans,
arméniens et géorgiens. Une grande bataille eut lieu dans
la plaine d'Ak-Khodja. Argoun fut défait et se retira dans la forteresse
de Kélatkoukh, au nord de Thous. La plupart de ses généraux,
croyant sa cause perdue, avaient passé au camp d'Ahmed. Sur ces
entrefaites, des pourparlers eurent lieu entre des officiers d'Argoun et
d'Ahmed qui cherchait à attirer son neveu à sa cour pour
s'emparer de sa personne; il y réussit. Argoun se rendit au camp
le 20 juin. Il ne fut pas introduit tout de suite dans le pavillon du sultan:
on le laissa en plein air exposé aux ardeurs du soleil, la sueur
coulait de son visage. Sa soeur Tougan, qui l'aimait tendrement, sortit
de la tente royale et alla l'abriter de son parasol. Le sultan sortit ensuite
pour chasser dans les environs du camp. A son retour Argoun fut introduit,
il entra, plia le genou, et rendit hommage au sultan selon la manière
usitée chez les Mongols. Ahmed l'embrassa. Il dit ensuite à
Argoun qu'il conserverait en apanage le Khoraçan. Néanmoins,
il le fit garder à vue. Pendant ce temps un projet se forma à
la cour même d'Ahmed pour détrôner ce prince et délivrer
Argoun.
Retour 13. Schams ed-Din et Abd er-Rahman.
Retour 14. Après la défection
de ses troupes entraînées par leurs officiers, Ahmed, qui
s'était enfui, fut atteint dans la tente de l'une de ses femmes,
par les karaounass qui se saisirent de sa personne et le conduisirent à
Argoun. On le mit en jugement, on l'accusa d'avoir maltraité Koungkourataï
et Argoun. Comme les juges avaient été choisis parmi les
émirs qui avaient eu le plus à se plaindre de lui et qui
venaient d'être délivrés de prison, il fut condamné.
On dit cependant qu'Argoun inclinait à l'indulgence, à cause
de la mère d'Ahmed qui était fort respectée, mais
la mère et les frères de Koungkourataï réclamèrent
la peine du talion, et à la nouvelle qu'une armée venait
prendre le parti d'Ahmed, Argoun le condamna à périr de la
même manière que Koungkourataï: il eut les reins cassés
le 10 août (le 16, selon BAR HÉBRÉUS)1284.
Retour 15. Il existe encore, m'a dit M. BEDJAN,
une expression analogue dans la langue chaldéenne vulgaire. «Manger
la tête à quelqu'un» signifie être la cause morale
de sa mort.
Retour 16. Après l'exécution
d'Ahmed, selon les historiens Raschid et Vassaf, les Khatouns et les princes
du sang s'étant assemblés à Ab-Schour élurent
unanimement Argoun, fils aîné d'Abaka, né de Katsmisch,
une de ses trois concubines. Son premier soin fut d'affermir son trône
en faisant mourir plusieurs officiers qui s'étaient montrés
dévoués à Ahmed, bien qu'il eût rendu une ordonnance
pour défendre d'inquiéter ceux qui avaient servi ce prince.
Son avènement eut lieu le 11 août 1284. Il reçut, en
1286, au mois de février, un ambassadeur qui arriva de la Chine,
lui apportant de Khoubilaï le titre de Khan et la confirmation de
son élection au trône de son père. A cette occasion
il renouvela les fêtes et cérémonies de son inauguration.
Retour 17. Rom.,XIII, 1.
Retour 18. Probablement bien plus pour avoir
embrassé le parti d'Ahmed que pour s'être montrés hostiles
au Catholique.
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