Lettres précédentes / Lettres suivantes
Index Lettres Vol V / Index allemand / Index général
Le Mans, 16 Octobre 1866.
MADAME EN N.-S.,
Je viens de passer deux jours à Angers. J'avais la pensée arrêtée d'aller passer un jour à Nantes; mais impossible, le chemin de fer ne marche pas.
J'espère revenir dans un mois à Angers pour y visiter les réparations que nous faisons faire à un immeuble que nous venons d'acheter, samedi, pour notre oeuvre, et alors j'espère être plus heureux pour vous voir.
J'arrive de Marseille, je retourne à Paris jusqu'au 20 novembre; le 24, je dois être à Bruxelles. Le P. Audibert m'a dit avec quelle bonté vous les avez reçus: je vous en remercie. - Je suis sûr que votre amour du Très Saint Sacrement a été heureux. J'apprends qu'un prêtre de Nantes pense à notre société. Dieu en soit béni et glorifié!
Je prie bien pour votre défunte, pour votre bonne soeur et pour vous, que j'offre tous les jours à Notre-Seigneur.
EYMARD, S.
Chemin de fer du Mans, 16 Octobre 1866.
BONNE DEMOISELLE EN N.-S.,
Je vous envoie, en retour de celle de Saint-Malo, une fleur cueillie sur la montagne de la Salette. J'y étais le 24 septembre. Elle vous dira que je ne vous oublie pas: ce n'est pas possible. On n'oublie pas sa famille chère et si chérie en Notre-Seigneur.
Je vous voudrais mieux portante. Je n'ai pas encore écrit à votre amie de Carcassonne; je le ferai bientôt.
J'ai montré le portrait de votre frère. Il est parmi les pécheurs qui sont sur le chemin du retour, mais qui ne marchent pas encore. Cela m'a fait plaisir.
Je vous bénis bien.
Tout à vous.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 22 Octobre 1863.
Madame,
J'étais bien triste à votre sujet, sans savoir votre maladie.... (2 lignes effacées).............. La lecture de votre lettre m'a fait verser des larmes de tristesse et de joie. Vous le comprenez, combien j'ai remercié Notre-Seigneur de votre guérison! Et comme je lui demande de vous garder encore! car vous avez à travailler encore à sa gloire et à recevoir de son amour de plus grandes et de plus précieuses grâces. Hélas! comme j'aurais été désolé d'apprendre votre mort! Assurément, je serais parti de suite à la réception de la dépêche, car je vous dois bien cette charité. Vous avez bien fait de vous abandonner au bon plaisir du Bon Dieu pour la mort et pour le Purgatoire : c'est tout ce que vous pouviez faire de plus agréable à son Coeur. Aussi, à peine l'avez-vous fait ce sacrifice que, content de vous, le Bon Dieu vous a remise sur le chemin de la vie. J'aime bien votre prière au saint Curé d'Ars. Donc, en vous guérissant, il priera pour l'autre grâce que vous avez demandée, je vous la désire de tout mon coeur. Vous l'avez déjà à moitié par le Très Saint Sacrement. Cette maladie vous aura valu une petite mais bonne retraite. Revenant des bords de l'éternité, vous savez ce que vaut le temps et la grâce de Dieu. Dieu vous aime bien, soyez-en sûre; abandonnez-vous bien en sa sainte Volonté.
Je vous bénis et vous offre bien à Notre-Seigneur, en qui je suis,
Tout vôtre.
EYMARD.
P.-S. - Je n'ai pu voir ces Dames avant de vous écrire, voulant vous remercier de suite et espérer encore de vos nouvelles.
On vient de m'envoyer de Tours cette photographie; je vous l'envoie.
REGLEMENT DE MADAME MARECHAL par le P.Eymard.
I
Lever et coucher autant que possible réglés - par exemple de 11 h à 7 h.
En hiver 8 h de repos - en été 7 ½
II
Exercices de piété
8 Méditation 1/2, dans sa chambre
8 ½ Messe et action de grâces : 1 heure
Office de la T.S.Vierge dans le temps libre
Chapelet en voiture s'il y a lieu
½ de lecture spirituelle suivie dans l'après-midi
6 h. Adoration 1 h. le tout avec l'instruction.
Mais tâchez de donner ½ à l'adoration du T.S.Sacrement
Repas
prendre quelque petite chose après la messe.
Déjeuner 11 ½
dîner 7 h.
En temps libre: devoirs de maison, de parenté, de convenance, de société nécessaire.
Travaux simples.
Aspirer à la présence affectueuse avec Dieu.
Nourrir cette divine présence par l'hommage de chaque chose et l'action de grâces.
--------------------
Donner à son esprit un travail suivi d'une idée sainte, d'une étude pieuse, afin qu'il ait un but fixe.
Aimer la lecture de l'Ecriture Sainte, cette lecture ferait aspirer l'âme vers Dieu, la
nourrirait, l'occuperait délicieusement.
Je vous bénis.
Eymard.
25 octobre 1866.
Paris, 25 Octobre 1866.
CHER MONSIEUR RAVANAT,
Je vous attends avec mes soeurs et toutes vos chères filles; venez en toute confiance dans la maison de Notre-Seigneur, et vous y serez reçu et aimé comme un frère et un père, car vous serez le saint Joseph protecteur et gardien des Servantes du Très Saint Sacrement.
Vous quittez beaucoup pour le servir, mais il vous rendra le centuple en ce moment.
Puis vos chères filles seront heureuses d'avoir leur père dans la même vocation.
Je vous attends donc avec joie. Et vous, chères filles Marie et Louise, venez dans la maison du bon Maître; venez en lui donnant vos coeurs, lui consacrant votre vie pour l'adorer, l'aimer et le servir jusque dans le ciel. Quittez ce monde avec joie, vous en trouverez un meilleur. Ne regardez pas ce que vous quittez, mais le bien et le bonheur qui vous attendent; vous verrez que vous ne vous êtes pas trompées, et que vous avez la meilleure part. Donc, ayez bon courage!
Je vous bénis et vous attends avec votre bon et cher père.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD
A Monsieur Ravanat.
An Fräul. Thomas
A.R.T.
Paris, 26 Octobre 1866.
MADEMOISELLE BIEN CHERE EN N.-S.,
Merci de votre lettre, elle m'a fait plaisir; je comprends votre souffrance de ne plus voir l'adorable Hostie et d'être loin de cette chère chapelle qui est toute votre vie; - vous devez voir par là combien le bon Maître vous a aimée et vous aime en vous voulant toute à lui, chez lui et pour lui. Il est vrai qu'il est caché dans le saint Tabernacle, mais les yeux le cherchent, et quand ils le voient, il semble que le coeur soit plus près de lui. Ce bonheur vous sera bientôt rendu, car j'espère vous revoir bientôt; la chapelle vous pleure un peu.
Saint-Maurice ne sera prêt que dans un mois, probablement. Je dois aller donner la retraite de Nemours, la semaine après la Toussaint, à moins d'obstacles. Puis, j'irai autour du 25 à Bruxelles. Je désire me débarrasser de l'extérieur afin qu'une fois le noviciat à Saint-Maurice je sois stable ici.
Je vous bénis en N.-S.
Si vous devez rester encore quelque temps, donnez-nous de vos nouvelles.
Rien de nouveau ici, tout est à l'ordinaire, le froid commence. Mlle Larousse va bien.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD. S.S.S.
Paris, 30 Octobre 1866.
Bien cher Père,
C'est le théâtre Aubert, boulevard de Saumur, que nous avons acheté au prix de 63.500 fr.; comme affaire, elle est bonne: la maison et la chapelle seront très bien placées, entre le boulevard et le cloître Saint-Martin et la rue Saint-Aubin, car il y a ces trois passages. Nous détruisons le théâtre pour faire une chapelle pouvant contenir trois cents personnes.
Monseigneur, réflexion faite, a cru ne pouvoir pas autoriser le culte dans un théâtre, alors même qu'il serait transformé; regardant sa pensée comme celle de Dieu, nous l'avons fait détruire.
Il y a 2.000 mètres d'emplacement. Vous comprenez, cher Père, ma surprise, quand, au lieu de 25.000, cela a été près de 75.000, les frais compris; c'est le télégraphe qui s'est trompé, Dieu l'a permis; je n'aurais pas eu le courage [d'acheter à un prix] si élevé; on nous donne le temps pour payer.
On vous mit dans l'acte d'acquisition; tous trois nous nous sommes faits forts pour vous, cependant il faudra m'envoyer votre nomination pour l'achat et l'administration de la propriété.
J'ai commandé vos médailles. Je donne au fr. Frédéric votre note, il va vite s'en occuper.
La décision de Monseigneur l'Evêque ne donnant qu'un Exeat, va nous forcer de faire venir le frère Jules pour recevoir les Ordres à Paris: Monseigneur l'Archevêque a été plus généreux; mais avec cela, je n'ose demander à Sa Grandeur un titre pour Marseille, dans la crainte de me faire ôter ce qu'il m'a promis pour les ordinands de Paris. Je garde pour cette raison le fr. Frédéric et je vais mettre le scolasticat à Paris, puisque Paris nous offre moins d'embarras.
J'aurais cru que Mgr Place aurait été aussi bon pour nous que les deux prédécesseurs.
Je suis bien affligé de la fatigue du bon Père de Cuers et de celle du fr. Marius. J'attendrai le mieux du frère pour vous le demander pour Angers.
Saint-Maurice, maison du noviciat, ne sera prêt que fin novembre le temps a bien contrarié pour les travaux.
Rien de nouveau pour l'expropriation de Paris, nous sommes toujours en attente, mais nous avons le Bon Maître avec nous.
Adieu, cher Père, travaillez toujours bien à la gloire du Bon Maître.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD,
Sup.
Paris, 1er Novembre 1866.
Bien chère fille en Notre-Seigneur,
J'ai écrit à la Mure pour leur dire de venir avant les froids, je n'ai rien reçu, je pense que l'on s'y prépare.
J'ai dit de m'écrire par le télégraphe en partant; j'ai pensé aller au-devant d'elles à Moret, les conduire à Nemours, les y laisser la journée, et s'il est possible, les reconduire le soir à Paris pour les embarquer pour Angers; car je ne voudrais pas qu'on s'arrêtât trop à Paris, comme aussi je n'ai pu refuser à ma soeur la consolation de voir Nemours en passant.
J'ai commandé deux douzaines d'agrafes; on y travaille, on m'a dit que c'était... francs, l'agrafe.
Dimanche soir, ou lundi matin, je vais commencer la retraite de Nemours.
Je tiens à me débarrasser de tout l'extérieur, car une fois le noviciat placé à Saint-Maurice, je serai cloué à Paris, puisque nous ne serons que deux prêtres.
Je pense partir pour Bruxelles le 22 novembre; j'y resterai jusqu'au 3 à 4 décembre.
Puis j'installerai le noviciat le beau jour de l'Immaculée Conception.
J'ai envoyé votre lettre à Nemours et l'ai fait suivre d'une de moi dans le même sens.
J'ai reçu une lettre de Nemours m'annonçant que l'affaire [de la] cuisine est finie. J'y tiendrai fortement, le temps des concessions est fini aussi.
Adieu, chère fille; travaillez à être sainte, afin que le ciel fasse votre fête. Pour être sainte, aimez bien Notre-Seigneur, et sacrifiez-lui votre personnalité, et consacrez-lui joyeusement toute votre vie.
Je vous bénis bien religieusement en Notre-Seigneur, ainsi que vos filles.
EYMARD.
P. S. - J'ai invité Mlle Larousse à venir faire sa retraite à Nemours. Cela remettra tout, on l'avait un peu laissée.
Paris, 1er Novembre 1866.
CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je viens commencer ma fête de tous les Saints par vous.
Dieu vous a appelée à une grande sainteté; votre état actuel, vos grâces passées, l'amour que Notre-Seigneur vous a toujours témoigné, vous le dit bien [mieux] que toute autre chose.
Soyez donc bien sainte, bonne soeur, mais sainte comme Jésus votre Maître et votre Epoux. Vous êtes maintenant sur le chemin qu'il a tant aimé et qui a été le dernier de sa vie et de ses pas. Cette période de misères et de tribulations présentes vous a mise un peu plus au pied de la croix, et c'est un grand bien; vous oblige à être plus dans l'humilité que dans le zèle, plus avec Dieu qu'avec ses créatures, plus méprisée qu'estimée: c'est une chose divine.
C'est le temps de vous ensevelir avec Jésus, de vous mettre à fond de cale avec la tempête.
Ma pensée est donc que vous laissiez la charité servante de la royale humilité, que vous gardiez le silence, n'en parliez qu'à Dieu et à votre directeur, que vous ne vous occupiez même pas de l'injustice, des calomnies, des persécutions présentes, encore moins passées; mais, plus grande que Job, vous disiez: Que Dieu en soit plus glorifié! N'ayez pas le coeur et l'esprit à la souffrance, mais à la gloire de Dieu qui sort de ces plaies et de ces douleurs.
Adieu, chère soeur; bonne fête sur la terre et au Ciel. Du 22 novembre au 2 ou 3 décembre je serai en Belgique. Priez pour notre petite société.
Je vous bénis.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Au frère CALIXTE (Louis) BAGARRE.
Paris 1 novembre 1866
Cher Enfant,
Je voulais encore attendre pour vous recevoir, mais puisque vous languissez tant de venir à Paris pour devenir un bon adorateur de Jésus, venez, je vous admets à ce bonheur de préférence à d'autres qui attendent leur tour....
.....
Je vous bénis, cher enfant, c'est une grande vocation que celle que vous allez embrasser.- J'espère que vous y serez bien fidèle.
Présentez mes respectueuses amitiés à vos chers parents qui vous donnent ainsi au service de Dieu.- Vous n'oublierez jamais leur bonté pour vous.
Tout à vous en N.S.
Eymard.
A M. l'abbé DHE
Paris 1 novembre 1866
Bien cher ami,
Allez à Rome, allez baiser les pieds du S. Père! Là seulement, avec toute la majesté de la vérité, on a toute la vérité de la charité et de son coeur de mère. Cette belle pensée de faire quelque chose de sérieux, de solide, de religieux et de convenable pour les pauvres pierres du sanctuaire, souillées, renversées, foulées aux pieds du mépris et du désespoir, cette pensée proposée par votre pauvre serviteur au S. Père en mai /août?/ 1855, lui fit dire cette consolante parole: "Cette pensée vient de Dieu, j'en suis convaincu, l'Eglise a besoin de ce secours, qu'on se hâte de l'établir." En effet, cher ami, quelle désolation pour les bons Prêtres de voir leurs frères du sacerdoce tomber sur le champ de bataille, et rester sans secours dans leurs blessures; mettez que ce soit leur faute: mais quoi, parce qu'on est prêtre, est-ce donc qu'il n'y a plus de charité, plus de miséricorde pour lui?... On dit que ces tombés sacerdotaux sont sans ressources et sans retour sincère... Hélas! n'est-ce pas parce qu'on les rejette, qu'on les méprise à l'égal des voleurs, des assassins; c'est facile de mépriser, d'invoquer l'incorrigibilité! Celui qui est sans miséricorde pour ses frères, ne mérite-t-il pas d'être traité de même? Ah! n'y en eût-il que quelques-uns de ramenés, de réhabilités, ne serait-ce pas une immense victoire sur Satan, et un coup de grâce à ravir le ciel et la terre? Je dis qu'il y en aurait un grand nombre, car N. S. doit avoir plus de miséricorde pour son prêtre que pour les fidèles. La Ste Eglise a plus de tendresse et de charité pour eux que pour ses enfants. Voyez ce qu'on a fait à Rome pour ces pauvres Prêtres: une maison honorable, des soins paternels, une retraite mystérieuse en quelque sorte leur est ouverte; là, on les réhabilite par degrés; là le S. Père y vit par les entrailles de sa paternelle charité.
On y entre, on y reste, on en sort, et le monde ignore ceux qui l'habitent. C'est que l'honneur ne se sépare pas de la charité, et la charité de l'amour de Dieu.
Allez, cher ami, allez à Rome pour étudier sur les lieux cette belle et sainte Oeuvre qui nous manque en France. On donnera encore du pain à ces malheureux, mais on les laisse dans le désespoir ou dans la fange; puis le besoin se fait sentir, et on se vend à l'iniquité, on s'attache à une Hérodiade. Vous savez qu'il y a 2 ou e ans on en comptait 900 sur le pavé de Paris. J'en connais des ces malheureux qui ne demandent qu'un asile de charité! Ils ont horreur de la Trappe. C'est qu'ordinairement le remède est trop fort pour leur faiblesse, mais malheureusement c'est un remède déshonorant aujourd'hui, dans le monde même chrétien. Il faut à ces hommes déshonorés, découragés, irrités une douce charité, une vertu honorable, une vie religieuse, mais avec ses degrés, une vertu honorable, une vie religieuse, mais avec ses degrés de bonne volonté. Fasse le Ciel que le moment de grâce soit venu! Que vous soyez cet homme que je cherche qui se dévouera à cette oeuvre du Coeur de Jésus, corps, âme et biens.
Ici, il ne faut pas regarder les difficultés, mais la grâce de Dieu de Dieu et le service de la Ste Eglise. Comptez sur ma faiblesse, comme je compte sur votre vie, sur votre mort. Il faut que la Mère Thérèse épouse cette oeuvre avec l'oeuvre de la Ste Face. C'est bien ici que la Ste Face du Sauveur est couverte de crachats, de sang, de boue sur le visage de son Prêtre. La réparation première est bien celle des ministres de Judas, des prêtres infidèles. La gloire de Jésus perdue, ne peut être bien réparée que par les prêtres pénitents réhabilités. Oh! Mère Thérèse, ce n'est pas pour honorer seulement l'image de la Ste Face, c'est pour la réalité, c'est pour J. C. à l'autel, mais J. C. pauvre prêtre.
Vous n'avez rien, brave ami, tant mieux! si vous aviez une belle maison, bien commode, bien rentée, de grandes protections, d'honorables encouragements, je vous dirais: restez où vous êtes... Dieu n'aurait rien à faire avec vous. L'oeuvre de Dieu commence à Bethléem, fait son épreuve à Nazareth et fleurit à l'ombre de la Croix du Calvaire.
J'avoue que si je regardais les peines qui l'attendent, cette oeuvre sacerdotale, les persécutions et les déceptions qui en seront le prix, il y aurait de quoi épouvanter. Mais Dieu demande la confiance et le travail. Le reste est son affaire. Le maçon qui meurt après avoir posé les fondements d'un édifice colossal est plus fondateur que celui qui l'achève. Allez à Rome, toute oeuvre pour avoir grâce et vie doit germer sur le tombeau de S. Pierre, mais venez me voir avant lundi et ne faites rien sans me voir. Je vous bénis et votre pensée.
Eymard.
Nota. Cette lettre est suivie de la Supplique suivante:
Très Saint Père,
Prosterné aux pieds de Votre Sainteté, j'ai l'honneur de vous exposer que considérant le caractère sacré des malheureux prêtres frappés de censures, le Révérend Père Eymard, fondateur de la Congrégation du S. Sacrement, canoniquement érigée par le S. Siège, et nous Arthur Dhé, prêtre du Clergé de Paris, avons formé le dessein de nous consacrer à l'oeuvre de leur réhabilitation, selon les règles d'une sage et prudente charité et à cet effet de fonder en France un premier établissement de retraite ecclésiastique, sous les auspices de N.N.S.S. les Evêques et avec l'assistance des fidèles, jaloux de l'honneur de la principauté sacerdotale.
A ces fins, comme gage des fruits de pénitence qui font l'objet de nos voeux, nous supplions votre Sainteté d'accorder à notre ministère, à nos personnes et à celles de nos collaborateurs, la grâce et la consolation de la bénédiction apostolique.
12 Xbre 1866
Réponse de Pie IX.
Benedicat vos Deus et dives sicuti est in misericordia, pulset ad ostium peccatorum et redeant ad cor.
Pius PP. IX
Paris, 2 Novembre 1866.
Madame en N.-S.,
J'ai reçu votre lettre, je viens y répondre de suite, crainte de n'avoir pas le temps plus tard.
Je pars dimanche pour Nemours, où je vais leur donner la retraite pendant la semaine.
Si vous étiez libre, je vous y convierais; ce serait plus tranquille qu'à Angers, et vous seriez à temps d'y arriver pour lundi.
J'ai vu que votre âme était troublée au sentiment de peine éprouvée devant moi; à peine avez-vous été partie que tout a été bien remis en place. C'était la décharge de la nature souffrante et comprimée; il ne faut pas donner de l'importance à ces premiers moments; quand la grâce d'agir arrive, tout est surnaturel. Dieu laisse les épines de la misère humaine: oubliez cela et entièrement.
Mettez bien l'état de votre âme, non dans les fruits de votre service de Dieu, encore moins dans le sentiment même du bien, - tout cela est trop variable et n'est pas la vérité.
Mettez votre paix - retenez bien ceci - dans la confiance en Dieu; parce qu'il est bon, parce qu'il vous aime comme son enfant.
Ainsi, mettez votre confiance de vie dans sa Providence de tous les instants sur vous. Tout vient, au nom de Dieu, remplir une mission de salut auprès de vous, alors recevez toutes choses comme des messagères célestes.
Mettez votre confiance de voie dans la sainte et aimable Volonté de Dieu, parce que ce que Dieu veut est toujours le meilleur pour vous, le plus glorieux à son service.
Ainsi servez Dieu dans tous les états de votre âme, de votre corps, de vos devoirs, avec une fidélité égale.
Mettez surtout votre confiance en l'amour que Dieu a pour vous, qui est si grand, si constant, si paternel.
Je connais beaucoup d'âmes, je n'en connais pas de plus privilégiées que vous. Non, non, vous ne vous tranquillisez pas trop, pas même assez.
Le saint abandon à l'amour de Dieu produit sur l'âme le même effet que l'amour d'un enfant pour sa mère. Elle le porte, elle veille, - il dort en paix au milieu des plus grands dangers: c'est qu'il n'a rien à craindre. Faites de même.
Je me sers bien de votre procuration devant Dieu, et vous, ayez soin de prier pour moi et les mille choses qui m'environnent, afin que je sois calme au milieu du tumulte des affaires et seul au milieu du monde.
Je vous en prie, soyez toujours joyeuse devant le Seigneur, réjouissez-vous en sa divine bonté, vivez de reconnaissance, d'épanouissement, d'expansion, d'affection, de tendresse, d'effusion de toute votre âme en Jésus, en qui je suis pour l'éternité,
Tout à vous.
P.-S. - Mr Crépon arrive dimanche.
Paris, 2 Novembre 1866.
BONNE DAME EN N.-S.,
Je crois avoir oublié de vous dire que la semaine prochaine je ne serais pas à Paris. Je vais donner une retraite à Nemours, elle doit commencer dimanche soir; mais si je savais que vous dussiez être à Paris dimanche prochain, je ne la commencerais que le lundi. Si vous venez avant samedi ou dimanche, écrivez-moi un petit mot.
Je serais bien aise de vous voir aussi aller à Bergerac, j'en bénis Dieu, vous ferez du bien à votre chère soeur, et elle vous en fera.
Je comprends que vous aimiez ce Carmel délicieux! il est doublement aimable, aussi je vous y engage. C'est dommage que vous n'y puissiez pas emmener votre amie, mais je comprends qu'il faut qu'elle reste à Rennes, surtout si elle est un peu fatiguée. Dites-lui tous mes vieux sentiments de famille et de Dieu.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 2 Novembre 1866.
MADAME BIEN CHERE EN N.-S.,
Je vous remercie de votre lettre, mais je vois que la croix est un peu chez vous. La plus grande est celle de la privation d'un prêtre. Que n'êtes-vous ici! je vous en donnerais vite un, et si nous étions à Nantes, de même.
Vous auriez besoin à Nantes d'une maison du Très Saint Sacrement. Votre bon Evêque ne m'avait pas dit non, il m'avait presque dit oui. Nous faisons si peu de bruit où nous sommes, que je ne vois pas comment on peut nous redouter; nous n'avons rien qui attire les vocations ardentes: il faut être ou brûlant pour Notre-Seigneur, ou mort au monde pour venir chez nous. Le pauvre amour-propre ne fait qu'y mourir.
Je me mets à votre disposition pour votre retraite à Paris, après le 8 décembre. J'y serai fixe et fixé; car, comme je vais fixer le noviciat à la campagne le 8 décembre, je resterai avec un peu de monde à Paris, obligé par conséquent d'y séjourner plus habituellement.
Je ne vois rien autre aujourd'hui. Je prie toujours pour vous, afin que vous soyez tout intérieure, en la grâce et l'amour de notre bon Maître.
Occupez-vous peu de vous, beaucoup de Dieu et de sa gloire.
Je vous bénis.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, Sup.
Paris, 5 novembre 1866
Chère Nanette
J'ai reçu notre petit mot; croyez bien que ce que vous souffrez n'est qu'une tentation. Méprisez tout cela et mettez votre confiance en Dieu.
Soyez bien persuadée que les peines que vous redoutez n'arriveront pas, mais que beaucoup de grâces vous attendent toutes à Angers, mais ne tardez pas à venir, car je dois quitter Paris le 22 novembre pour aller en Belgique; ainsi tâchez de ne pas trop tarder et quand vous serez fixées pour le jour, écrivez-le moi.
Pour M. le Curé, vous n'avez aucune permission à lui demander - seulement à le prévenir - car puisque le Bon Dieu vous ouvre la porte de son Cénacle, venez mes bonnes filles et j'espère que vous serez contentes et heureuses. Je vous bénis, chères filles.
Eymard.
Nemours, 6 novembre 1866.
Bien chère fille en Notre-Seigneur,
Nous voici au second jour de la retraite, je donne trois exercices par jour:
Première Méditation à neuf heures et demie. - Conférence après le chapelet. - Deuxième Méditation après Vêpres, à quatre heures et demie. - On donne la bénédiction le soir avant le coucher, à huit heures.
Je pense finir la retraite dimanche matin.
Soeur Benoîte me dit, pour les petits voeux, que les soeurs sont dans les conditions de la Règle...
Pour les admettre, il faut votre consentement personnel, comme Supérieure; le Conseil d'ici les a reçues.
Les soeurs paraissent être bien disposées pour la retraite; il faut bien prier pour elles, afin que la grâce de la retraite opère dans toute sa puissance.
On m'a dit un mot de soeur Philomène pour sa profession; comme il faudrait une dispense de quatre à cinq mois, je vous en laisse juge, car on sait que nous avons dispensé quelques autres à la retraite d'Angers. Cependant j'ai donné à comprendre qu'il y avait encore trop de temps pour la dispense.
On a reçu des nouvelles de la mère Chanuet à Paris; il paraît qu'elle ne va pas bien du tout. Il serait bien à désirer qu'elle revînt dans sa vie de famille religieuse; je l'ai dit au Père Chanuet.
Mlle Sterlingue est toujours souffrante, elle paraît plus calme; cependant il faudra bien faire un emprunt pour lui rendre quelque chose de l'argent qu'elle vous a prêté, car vraiment elle est dans une position malheureuse.
Je vous bénis; croyez-moi toujours en Notre-Seigneur, chère fille,
Tout à vous.
EYMARD.
P. S. - Soeur Benoîte vous prie d'envoyer de suite les ceintures.
Paris 23 novembre 1866
Rom-Ausg.: Paris 13 novembre 1866
Chère Demoiselle,
Vous aviez dit avoir 3.000 qui dormaient chez vous, ne feriez-vous pas mieux de les faire travailler au 6 pour cent, chez un ami à moi, Monsieur Coltat, fabt. de médailles, c'est un excellent Monsieur.
Je pars pour 4 jours à Angers. Il y a un an presque que je vous ai vue - du 8 décembre au 26 je ne serai pas à Paris.
Tout à vous en N.S.
Eymard.
Paris, 20 Novembre 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
J'écris à ma soeur d'arriver demain à Paris, pour partir jeudi matin à sept heures et demie, pour arriver à trois heures de l'après-midi, ou bien le soir.
Elles sont contentes d'aller vous trouver.
Le père Ravanat partira avec pour Angers.
Je vais tâcher de le faire partir jeudi avec elles, il est très bon; il serait bien à désirer que l'on pût le garder, car il aimerait mieux, je crois, rester avec vous à Angers et près de ses filles. C'est un saint homme; au moins vous n'auriez pas besoin d'un domestique, ce serait comme un père temporel, il sait parfaitement acheter.
Voyez et examinez la chose. Je lui ai dit de n'en rien dire là-bas; il va voir sa fille.
Je sais bien que Joseph a bien des qualités, mais aussi c'est une charge.
Je vous assure que j'aimerais mieux que vous eussiez pour le dehors une soeur séculière ou tourière, comme tant d'autres communautés; car il n'est pas possible de rester sans quelqu'un qui vous fasse vos commissions.
Je n'ai pas besoin de vous dire pour ma peine que Dieu seul l'a connue, que je n'en ai dit mot à personne.
Tout cela passera. Ce sont les croix du chemin, plantées par Dieu malgré nous, mais qu'il faut sanctifier.
Ma pauvre migraine est longue à s'en aller; je pense que c'est un peu le froid qui l'a occasionnée: il faut bien avoir de temps en temps cette petite couronne d'épines.
Je vous bénis, chère fille, et suis en Notre-Seigneur,
Tout à vous.
EYMARD.
An Fräul. Maria (ohne vollständ. Namen)
Paris 21 novembre 1866
Mademoiselle bien chère en N.S.
Je regrette de ne vous avoir pas vue. J'ai été si souvent absent de Paris ces temps-ci. - Je vais l'être encore du 8 décembre au 16, puis j'espère être plus stable à Paris. - Nous fondons en ce moment une maison et c'est ce qui m'occupe tant.
Avez-vous placé votre argent ? il ne faut pas le laisser ainsi, et surtout chez vous! Je n'ai pu m'arrêter à Grenoble, et par conséquent je n'ai pas vu votre soeur, je l'ai regretté, mais le temps m'a manqué
Je vous suis bien uni
et dévoué en N.S.
Eymard Sup.
Paris, 21 Novembre 1866.
MADAME BIEN CHERE EN N.-S.,
Je vous remercie de votre lettre à mon tour, de la bonne nouvelle de votre aumônier; car je cherchais comment je pourrais vous en procurer un, et j'avais presque trouvé.
Une nouvelle qui va vous surprendre! Monseigneur l'Evêque de Nantes m'offre d'aller prêcher à Nantes le Triduum de l'Adoration dans la première quinzaine de janvier. Je viens d'accepter aujourd'hui -; ce sera un moyen prochain de vous voir.
En ce moment je suis très occupé de l'installation de notre noviciat à Saint-Maurice pour le 8 décembre. Dès que je verrai une bonne semaine libre, je vous le dirai; heureux si je puis faire un peu de bien à votre âme.
On a besoin de temps en temps de se remettre au feu du Cénacle pour demander une plus grande grâce du Saint-Esprit. Le désir que vous en avez, le conseil si sage qu'on vous en donne: tout semble dire que le Ciel vous prépare cette grâce des grâces.
Aujourd'hui, fête de la Présentation, je vais bien vous présenter à Notre-Seigneur sur les bras de la Très Sainte Vierge votre Mère.
Donnez-vous souvent à Dieu et donnez-lui encore plus souvent tout ce que vous pensez, désirez et faites.
Je vous bénis, et votre chère soeur, que je voudrais bien voir guérie.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, Sup.