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Paris, 16 Juillet 1865.
Madame en N.-S.,
Je vous remercie bien de votre dernière lettre et des prières que vous avez faites pour moi, c'est une vraie charité.
J'avoue ma faiblesse: je voulais fuir les croix et me cacher, pensant être plus à Dieu. Ce bon Maître n'a pas voulu, qu'il en soit béni! J'ai compris une chose: c'est que les croix domestiques sont terribles et tirent leur peine de leur proximité et de leur continuité; tantôt légères, quand un beau soleil les décharges de leur humidité, d'autres fois accablantes quand l'eau du ciel, l'abandon sensible de Dieu, arrivent en surcroît.
Il faut souffrir, et de par tous, et en tous lieux : c'est la semence du Calvaire répandue sur toute la terre. Il paraît que l'amour divin entre toujours dans le coeur par une plaie nouvelle, et qu'il se plaît à perforer ce coeur pour y faire passer à travers sa flamme céleste. Eh bien, vive la croix du Bon Dieu! et vivent les créatures qui la donnent ou qui y crucifient!
Vous êtes donc un peu paresseuse? ... Cependant, je vous loue de votre fidélité quand même : dette d'honneur se paie toujours. Puis, un beau jour, ce temps sec s'adoucit, s'amollit, - arrive une douce pluie qui ravive cette pauvre terre desséchée. Le bon Maître dit un mot, l'âme se réveille, se lève et court au divin Jardinier.
J'espère bien ne pas trop tarder d'aller à Angers. C'est le Père Audibert qui remplace le Père Leroyer destiné pour Marseille avec le Père de Cuers. Le Père Champion vient à Paris.
Je vous promets tout ce que je pourrai si, si! votre âme est à Dieu comme votre coeur. Courage et confiance, je vous bénis en N.-S.
Paris, 16 Juillet 1865.
CHERE SOEUR EN N.-S.,
Tous les jours je voulais vous écrire et vous ferai mes petits reproches, que la fraternité en Notre-Seigneur ne doit pas être susceptible et ne compte pas les droits, mais les désirs.
Allons! soit! je vous dois! mais écoutez. Le 12 juillet s'est terminé notre Chapitre général commencé depuis le 3. Il y a eu retraite, réélection, séances: jugez de mes occupations.
On m'a réélu Supérieur, malgré ma prière de me laisser seul à Dieu et à moi.
Me voici enchaîné à vie à des hommes qu'il faut que j'enchaîne bien fort au trône royal Maître et que j'alimente chaque jour.
Le bon Maître a vraiment présidé ces séances. Le diable voulait tout renverser, mais le Maître était dans la nacelle.
Oh! que vous avez raison! Je viens de prêcher la retraite aux adorateurs de Paris, je ne leur ai pas caché ma peine.
Je voyais, aux pieds de ma chaire à Saint-Thomas, 300 laïques adorateurs qui chaque nuit servent et adorent le Maître, malgré leurs fatigues et leurs travaux du jour.
Mais les prêtres, où sont-ils? On parle de Notre-Seigneur, c'est la gloire du jour! on montre la divine Eucharistie, c'est le mouvement actuel des âmes; et, comme des poteaux, les prêtres restent en place, ou se contentent d'admirer, de montrer. Hélas! j'en ai le coeur malade; je voulais me cacher pour ne plus voir personne, ou bien pour avoir ma liberté d'aller dans le monde faire honte aux uns et encourager les autres.
On a peur de la vocation eucharistique; on vient jusqu'à notre porte, puis on se sauve vite; on a peur de l'adoration de Jésus-Roi.
Que faire? aimer, adorer, se consumer pour tous ces lâches.
Merci de votre office; je n'ai pas le temps de lire en ce moment, quoique cela me ferait grande joie.
Priez donc pour nous, afin que nous devenions d'abord des saints pour faire des saints, puis des apôtres afin de mettre le feu divin au milieu des forêts de ce monde lâche et timide.
Je vous bénis.
EYMARD, S.
P.S. Ma résidence est toujours Paris, et mes lettres sont respectées.
Paris 17 juillet 1865
Mademoiselle,
Le P. Leroyer a dû vous écrire que nous étions en chapitre général et que l'on parlerait de Bruxelles, mais le Chapitre trouve en ce moment que, vu notre petit nombre et la maladie du P. de Cuers, ce serait imprudent de commencer Bruxelles. Tout en désirant travailler avec vous, Mademoiselle, et mettant Bruxelles avant toutes les autres demandes, ce n'est pas possible en ce moment, à cause des élections et des nominations par suite desquelles tous les Supérieurs ont été changés. Le P. Leroyer est envoyé à Marseille pour y remplacer le P. Supérieur nommé Assistant et obligé de revenir à Paris.
Je suis désolé, Mademoiselle, d'avoir à vous donner cette nouvelle; j'espérais moi-même n'être pas renommé Supérieur et laisser à un autre la mission de cette fondation. Tout ce que je puis vous promettre c'est de lui conserver son rang et mon entier dévouement.
Daignez me croire en N. S., Mademoiselle,
Votre respectueux et dévoué serviteur.
Eymard Sup.
A Monsieur Jules Leclerc, Libraire à Paris.
Paris 17 juillet 1865
Cher Monsieur Jules,
Voici approcher l'époque à laquelle nous serons obligés de vous demander le remboursement de nos 60.000 fr. Je ne m'attendais pas à vous les laisser si longtemps: espérant que l'achat de la propriété d'Angers se ferait plus tôt; d'un autre côté, je suis heureux que cette somme ait pu vous être de quelque utilité.
C'est vers la fin du mois de septembre prochain que nous avons besoin de toute cette somme. J'espère que vous me la tiendrez prête, car le terrain d'Angers doit être vendu à l'enchère, et nous désirons l'acheter à tout prix, parce que c'est le motif de notre fondation en ce pays.
Croyez-moi toujours en N.S., Cher Monsieur Jules,
Votre affectionné et dévoué Serviteur
Eymard.
Paris, 19 Juillet 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
On ne vous mettait pas dans l'acte à cause d'une autre combinaison.
Le père paraît bien disposé, on va faire une vente purement et simplement; mais il faudrait avoir six mille francs pour les frais: quelques-unes de vos soeurs pourraient-elles les avoir? Car c'est la chose essentielle; après cela on fera un acte par lequel on constitue une rente viagère à Mademoiselle de cinq mille francs par an, y compris son logement; elle vendra sa maison, un terrain et un moulin. Ce soir cela va se traiter en règle.
J'attends demain jeudi la petite mère.
J'aurais besoin de la procuration des soeurs; je vous la demanderai ou par le télégraphe ou par une autre lettre; cette procuration serait pour donner à soeur Benoîte, à Mlle Larousse, Adélaïde, rue Dareau 41, le pouvoir de signer l'acte.
Je viens de recevoir des nouvelles de ma soeur; elle n'est pas bien. Le médecin qui m'écrit craint pour l'issus de la maladie. Je ne puis y aller à présent; peut-être le pourrai-je la semaine prochaine. A la sainte Volonté de Dieu!
Elle est bien, cette... Je pense que c'est celle qui travaillait au jardin et non une autre qui voulait aussi aller chez vous. Je ne me rappelle pas son nom; mais celle qui travaillait au jardin est très bien, et puisqu'on la prie de se retirer, je vous conseille de la prendre à l'essai, mais à la condition qu'elle ne parlera pas de... Pour nous, le Carmel c'est l'Eucharistie.
Je vous bénis de tout mon coeur.
EYMARD.
P. S. - Je connais le cadran dont on vous parle, j'en avais un au Grand Séminaire; mais ce n'était pas du goût de quelques directeurs. Toute pensée qui honore Notre-Seigneur est bonne; mais prenez ce Coeur divin où il est: au Très Saint Sacrement. Cette dévotion est bonne pour des personnes du monde, ou celles qui ne sont pas adoratrices; car vous êtes la garde d'amour: c'est bien plus que la garde d'honneur; vous êtes en service toujours.
Aux Prêtres et frères de la maison de Marseille et d'Angers bien chers en N.S.J.C. (A la suite du Chapitre Général)
Nota: Texte identique pour les 2 lettres. Les seules particularités sont:
1. Aux Prêtres et frères de la maison de Marseille
Chers Pères et frères en N.S.
2. Aux Prêtres et frères de la maison d'Angers:
Bien chers Pères et frères en N.S.
Chers Pères et frères en N.S.
Nous vous adressons une copie authentique des délibérations et prescriptions du Chapitre Général, afin que pour l'amour et la plus grande gloire de Notre-Seigneur, et le plus grand bien de la Société, vous les mettiez de suite en pratique comme la loi de votre vocation eucharistique.
Si à cause de votre petit nombre vous ne pouviez remplir toutes les ordonnances, vous accomplirez du moins toutes celles qui vous sont possibles; dans le doute ou les difficultés vous nous les soumettrez en simplicité et soumission en Notre Seigneur.
de la maison-mère de Paris, le 19 juillet 1865
P. Eymard
Sup. Soc. SS.S.
(L.+S.)
Autographe.
(Le texte est le même pour les 2 lettres. Celle de Marseille commence comme dans cette copie - moins "et d'Angers" - Celle d'Angers n'a pas: "bien chers en N.S. J.C.", mais porte "Bien chers Pères et frères", au lieu de "Chers Pères...")
Paris, 20 Juillet 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Ma lettre venait de partir hier, quand à Vêpres nous commençons la fête de sainte Marguerite.
Je vous l'ai souhaitée devant le Très Saint Sacrement aussitôt, et ce matin à la sainte Messe.
Oui, soyez la Marguerite, c'est-à-dire une pierre précieuse devant Dieu, un diamant brillant de vertu, fort d'amour, et plus beau encore dans les ténèbres de l'épreuve et du sacrifice!
Puis sainte Marguerite, vierge, vous laisse Jésus pour époux; martyre, vous donne la loi de l'amour; couronnée au ciel, vous envie votre couronne d'épines; et enfin toutes deux au service et à la gloire du même Maître.
L'affaire Nemours marche lentement, parce qu'il faut toutes les pièces.
Soeur Benoîte devait arriver aujourd'hui; le bon Maître a bien fait de la retenir jusqu'à samedi.
Merci de la lettre de Nanette et des prières. Merci de celle de Mlle Dalaca; soyez tranquille, je ne vous abandonnerai pas à la discrétion de personnes. On peut parler, mais ne croyez qu'à ce que je vous écris.
Je vous envoie la lettre, quoique déchirée, des Thorins. Je vous bénis.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 22 Juillet 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Soeur Benoîte est arrivée; elle va à l'ordinaire.
L'acte est fait, on le signera lundi matin. Je vous dirai pourquoi on ne doit pas mettre votre nom, c'est que l'on met sur votre tête un dépôt.
On désire que la convention soit faite sur papier timbré. Je vous envoie deux feuilles sur lesquelles vous la ferez transcrire, et me la renverrez, de manière à ce que je les aie lundi matin sans faute. Je vous bénis.
EYMARD.
J'ai reçu 2000 francs de Mme Masson; envoyez-moi ce que vous avez: il faudra 7000 francs. Il faut absolument les avoir de suite. Demandez à Mme Chanuet d'avancer ce qu'elle pourra, je ne sais où prendre pour le moment, nous n'avons que huit jours d'attente.
Paris, 22 Juillet 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je vous envoie la convention de la rente viagère; faites-la signer par les trois, faites-en faire une copie semblable, mais pas par vous; qu'on signe cette seconde copie, et qu'on me les renvoie de suite toutes deux.
Hier je suis allé à Meaux pour demander à Mgr l'Evêque s'il voulait vous recevoir; cet excellent évêque vous reçoit avec grand plaisir; il m'a dit qu'il en écrirait par convenance à Mgr l'Evêque d'Angers. Je lui ai demandé de ne le faire que dans huit jours, afin d'avoir le temps de prévenir Mgr d'Angers.
J'attends soeur B. ce matin; j'ai vu hier le notaire. Si la procuration que je vais vous demander par télégraphe est légalisée et reçue ici pour lundi, nous pourrons signer l'acte.
Soeur Benoîte peut signer pour toutes, m'a dit le notaire; la chose devient ainsi plus simple.
C'est une grande chose que nous ferons là; elle donnera à la Société des Servantes plus de consistance et de liberté d'action.
Le Père de Cuers est parti hier à deux heures pour Lyon avec le frère Jules.
Je vous bénis bien en Notre-Seigneur
EYMARD.
Paris, 23 Juillet 1865.
CHERE FILLE EN N.-S.,
Pour attendre un bon moment libre, je suis arrivé jusqu'à aujourd'hui, et encore ce sera en peu de mots que je vais vous écrire.
D'abord, pour vous dire que j'ai reçu votre lettre et les 200 fr. de messes pour Mlle Billard, à qui je vous prie de présenter tous mes sentiments dévoués.
J'ai ma soeur malade; j'espère aller la voir dans quelques jours, et je vous verrai, non en descendant, parce que je compte ne pas m'arrêter nulle part, pour arriver plus tôt à La Mure, mais en remontant à Paris. Alors je vous ferai votre petite direction.
Je reçois une lettre aujourd'hui de La Mure, qui m'annonce que ma soeur ne va pas plus mal. J'espère donc la retrouver encore en ce monde. Je la recommande à vos prières.
Sr Benoîte doit repartir demain soir pour Riom pour ses eaux; elle souffre.
Je vous bénis en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 26 Juillet 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
La Père Audibert part, il vous sera tout dévoué, il fera les mêmes instructions que le Père Leroyer: ayez confiance en lui.
Quant à la question du Supérieur, je vais écrire à Monseigneur l'Evêque et je m'entendrai à cet effet: le statu quo reste le même.
Tout est fini, mais gardez-en le silence.
Je vous renvoie 280 francs; je ne puis penser à vous laisser sans argent. Je vous envoie le reçu du notaire de 7300 francs. J'ai emprunté le reste sur un dépôt de Mr Sterlingue.
Je vous envoie la convention, la petite mère la signera, je n'ai pas eu le temps; gardez-la secrète.
Mlle Sterlingue m'a confié ses valeurs pour les mettre en dépôt à la Banque en votre nom pour plus grande sûreté; nous avons fait hier cette opération, et avant-hier le contrat; voilà pourquoi on ne vous a pas mis sur le contrat ainsi que votre soeur, parce que vous avez les valeurs sur votre tête, et que c'était la chose la plus importante.
Il faudra envoyer à Mlle Jenny Sterlingue une procuration notariée qui lui donne le pouvoir de retirer les intérêts, et au besoin les titres; vous l'enverriez à Nemours en chargeant la lettre.
Je pense partir bientôt pour la Mure; hier j'ai reçu une lettre de Marseille. Une fluxion de poitrine se déclare, ce qui m'annonce que c'est grave. Que la sainte Volonté de Dieu soit faite!
Je pense partir ce soir ou demain matin.
Soeur Benoîte est partie hier pour son pays.
Le bon Dieu a dirigé cette affaire... (deux lignes effacées)..............................................
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Mais tout a réussi à souhait, tout est arrivé à temps.
Priez pour ma soeur et pour moi.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Paris, 26 Juillet 1865.
BONNE DAME EN N.-S.,
Enfin je me vois obligé de vous adresser le diplôme de Mr le Curé de Saint-André de Tarare, ayant encore perdu son adresse; veuillez l'écrire après le mot Dom. C'est bien ma faute. Je n'ose pas m'excuser sur les affaires et mes voyages; priez Dieu qu'il me pardonne cette négligence.
J'ai été fort content de voir votre cher fils à Paris; je vois avec plaisir qu'il se conduit comme sous les ailes de sa bonne Mère et qu'il est fidèle à ses bons principes.
J'ai vu votre chère soeur se disposant à aller vous voir; elle fait une vraie mission dans la famille Delys. Elle est bien utile à la bonne dame Lepage. Je désire bien que cet état-là de bonne amitié se perpétue. Il y a un siècle que je ne vous ai pas écrit, mais il faut vous dire que bien des fois je voulais le faire; puis, emporté par les vagues qui se succèdent, j'attendais un repos qui ne vient pas.
Je vous écris sur mon départ; je vais à La Mure d'Isère voir ma pauvre soeur très malade; je la recommande à vos prières.
Mes amitiés à votre bon mari, à votre fils.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Paris, 26 Juillet 1865.
Monseigneur,
Le P. Audibert est parti ce matin prendre possession de sa charge de Supérieur d'Angers; il est parti content, parce que l'obéissance lui a donné cette mission, et aussi parce que Votre Grandeur a été pleine de bonté pour lui. C'est le meilleur sujet et le plus complet que je puisse vous donner, Monseigneur. J'espère qu'il répondra à votre si grande bienveillance pour nous et à votre zèle pour le bien.
On offre à ces Dames du Saint-Sacrement une charmante propriété près de Paris, à Nemours, pour une petite fondation. Le don est digne de l'objet si beau de l'Adoration. Avant d'accepter, j'ai vu Monseigneur de Meaux pour lui demander son approbation; - il accepte avec une grande joie la fondation de ces petites servantes, et doit en écrire à Votre Grandeur.
Je verrais avec grand plaisir cette seconde maison, Monseigneur, pour y transvaser celles qui ont besoin de changement de lieu : Votre Grandeur sait mieux que moi ce que peut une tête malade.
Je soumets tout cela à votre sagesse, Monseigneur, comme aussi j'espère aller bientôt à Angers et proposer à Votre Grandeur la pensée de la Supériorité de ces Dames à un de nos Pères sage et prudent, si toutefois elle y voit un plus grand bien.
Daignez agréer les sentiments de la plus profonde vénération et reconnaissance avec lesquels je suis heureux d'être
de Votre Grandeur,
Monseigneur,
Le très humble et obéissant serviteur.
EYMARD,
Sup. Soc. S.S.
La Mure, 1er Août 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Ma soeur vous remercie bien de vos prières, de votre lettre, de votre si bonne charité pour elle. Je lui ai apporté aujourd'hui la sainte Communion: elle en a été bienheureuse.
Son état n'est pas sans danger, le médecin n'est pas rassuré. Je vais aujourd'hui à Notre-Dame de la Salette pour elle.
Je ne pense pas retourner à Paris avant la huitaine.
Ne vous inquiétez pas sur Nemours; quand je vous aurai tout expliqué, vous verrez que la charge que vous redoutez n'existe pas, et que l'on a pris toutes les mesures de prudence; mais je ne puis vous l'exprimer par lettres. J'ai écrit à Monseigneur que j'irai à Angers m'entendre avec Sa Grandeur pour un Supérieur... (quatre lignes et demie effacées)...
Je sais que quelques-uns ont pu croire que la présence de soeur B. à Paris pouvait être de mon fait; vous savez, chère fille, que je vous avais priée de lui dire de ne pas venir pendant le Chapitre, mais que c'était trop tard; Dieu l'a envoyée malgré cela: qu'il en soit béni!
Tout ce que l'on pourra dire à mon sujet sur cela étant faux, je n'ai pas à m'en inquiéter, ni ne puis répondre de tous les bavardages de la misère humaine. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous sera bien faible!
Votre lettre a un caractère de tristesse et de découragement qui me ferait de la peine si je ne savais que chez vous la grâce prend vite le dessus de la nature.
Tâchez, chère fille, de voir les choses en Dieu et pour le plus grand bien; vous savez bien que je vous suis dévoué à la vie et à la mort.
Je vous bénis en Notre-Seigneur
Tout vôtre.
EYMARD.
A la Très honorée Mère Supérieure
des Servantes du T.S. Sacrement,
10bis rue de l'Hôpital, Angers (Maine et Loire).
Paris, 11 Août 1865.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Me voici à Paris; j'ai laissé ma pauvre soeur toujours bien malade. Elle me disait mercredi matin en la quittant: "Nous ne nous reverrons plus." - Serait-ce vrai? Que la sainte Volonté de Dieu soit faite! Elle est si faible! Je la recommande toujours à vos prières; elle aime bien à recevoir de vos lettres; elle m'a dit de vous le dire. En arrivant elle m'a pressé de vous écrire; vous savez qu'elle vous est bien affectionnée.
Je n'ai encore rien vu, ni fait ici.
Le Père Champion arrivera sous peu. J'ai été à Notre-Dame de la Salette, où je suis resté trois jours, mais je n'ai pu aller au Laus: le mauvais temps m'a arrêté; puis j'étais un peu fatigué de mon ascension à la sainte montagne.
J'ai apporté jusqu'à Paris votre eau de la fontaine miraculeuse; je vais vous l'expédier par petite vitesse: vous en avez vingt litres.
J'ai vu... vos chères soeurs; j'ai été bien content de trouver votre soeur Jenny bien. J'ai eu la consolation de dire la sainte Messe à Fourvière. Bien entendu que je ne vous ai oubliée nulle part, ainsi que vous chères filles.
Je vous bénis et vous laisse en Notre-Seigneur.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris 11 août 1865
Bien cher frère Marie,
Je viens vous dire un petit bonjour du coeur - vous dire avec joie j'ai appris votre exemption entière du service militaire.- Vous voilà donc bien libre de tout lien du siècle; maintenant, cher frère, soyez bien tout au Bon Maître, à son bon service et à son amour. C'est pour cela qu'il vous a couvert de sa protection, c'est afin que vous lui soyez un véritable adorateur.- Le démon peut-être vous montrera le monde sous de belles couleurs, et l'exemple des autres qui se sauvent dans le siècle; ne l'écoutez pas, cher frère, vous êtes dans l'arche du salut, restez-y bien; vous êtes dans la famille de N.S.; attachez-vous de tout votre coeur à elle. Aimez vos Supérieurs comme des Pères, cars ils sont plein de tendresse pour vous, et moi tout le premier, car je n'oublie pas votre dévouement pour le service du Bon Maître.
Je vous bénis, cher frère. Tout vôtre en N.S.
Eymard Sup.
Paris, 16 août 1865
Merci, chère Soeur, et vous bonne Nanette, de m'avoir donné des nouvelles. Si loin, je suis inquiet de vous, quoique je vous aie laissée un peu mieux; cependant je crains que ce mieux ne soit troublé par les malaises de votre état si faible.- Je prie bien le Bon Dieu pour vous, chère Soeur, et dans les maisons de la Société on prie pour vous.
Que Notre Seigneur vous soulage et vous guérisse!
Cependant, bonne Soeur, il faut toujours finir par la prière de notre bon Maître: "Mon Dieu, que votre sainte volonté soit faite et non la mienne." Si le Bon Dieu veut vous appeler au Ciel, près de Lui, dans sa parfaite et aimable possession! Je ne veux pas assurément retarder votre bonheur, et vous, ma chère Soeur, vous aimez Dieu plus que la vie, plus que tout. Mais j'aime à espérer, je prie pour un peu de retard, afin de vous garder encore un peu, et je finis toujours comme vous: tout ce que le Bon Dieu voudra!
Je pense que vous avez repris vos scapulaires, et gardez-les bien.
J'ai fait bon voyage et suis arrivé à Paris le jeudi soir - et ai commencé la retraite le vendredi. Confiance et courage. -
Et vous, chère Nanette, soignez-vous un peu mieux pour soigner la soeur.
Je vous bénis.
Tout votre en N. S.
Votre frère
Eymard.
Paris, 19 Août 1865.
CHERES SOEURS,
Je vous ai expédié les livres promis; vous en garderez un exemplaire que je suis heureux de vous donner, savoir:
La douloureuse Passion et la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tout 7 volumes. Mr Faure et Mr Girolet feront prendre leur exemplaire. Je voulais payer le port ici, mais on n'a pas voulu à cause des voitures intermédiaires; ces bons Messieurs vous le rembourseront.
Ne recevant pas de vos nouvelles, chère soeur, je pense que peu à peu la force revient et que, Dieu aidant, et la bonne Sainte Vierge, vous vous relèverez bientôt de cette grosse maladie qui vous aura valu beaucoup de prières et, je l'espère, beaucoup de mérites devant Dieu.
Pour moi, me voici au milieu de toutes mes affaires, mais je vais bien.
Croyez-moi en N.-S.,
Chères soeurs,
Tout vôtre.
Votre frère,
EYMARD, S.
Paris, 19 Août 1865.
Madame en N.-S.,
Me voici de retour de La Mure; j'ai laissé ma pauvre soeur toujours bien malade et à la grâce de Dieu. La mort pour elle serait un gain, mais une perte pour ce pays, car elle y fait du bien; cependant, le grand bien, c'est la sainte Volonté de Dieu. Que cette divine Volonté soit donc faite, je l'adore d'avance et me soumets à tout.
Oh! comme cette visite m'a montré le vide de ce monde, et combien est grande la grâce de Dieu qui nous aide à sanctifier cette pauvre vie et à glorifier Dieu par Notre-Seigneur!
Le Ciel auquel je pensais si peu, entraîné par l'action ou par le désir de faire glorifier Dieu, le Ciel m'est plus présent, plus désirable, plus tout: c'est l'Océan de tous les petits ruisseaux de nos petites vertus, de nos faibles mérites, c'est la perfection et la consommation de l'amour divin, c'est tout dire.
Mettez toujours votre coeur sur ce beau chemin, mais un coeur ailé, avec les deux ailes de la confiance et de la générosité.
Cette vie est variable, mais une chose ne doit pas l'être, c'est la fidélité à l'amour de Notre-Seigneur.
Aussi, tant que cette fidélité marche, cela va bien; le plus ou le moins de sentiment n'est qu'un incident.
Je vous suis en N.-S.,
Madame,
Votre dévoué serviteur.
EYMARD.
P.-S. - J'ai le projet d'aller à Angers à la fin de ce mois.
Paris, 19 Août 1865.
MADAME EN N.-S. J.-C.,
Me voici à Paris, de retour d'un voyage à La Mure, où j'ai ma pauvre soeur malade. J'ai été obligé de la laisser de même, le devoir me rappelant à Paris. Tout s'est bien passé dans notre Chapitre général; le bon Maître le présidait, la paix et la concorde y ont régné.
Me voici réélu à vie: ce sont bien là les galères de la religion, car c'est bien l'immolation de la liberté, et presque de la paix.
J'ai bien prié pour votre si bel anniversaire, et qui vous doit être bien précieux, puisqu'il vous rappelle de si beaux et de si saints souvenirs.
J'ai le projet d'aller à Angers à la fin de ce mois, je vous écrirai de là; et si je puis avoir un jour libre, j'irai jusqu'à Nantes.
Nous parlerons de cette retraite; mais si vous êtes un peu fatiguée, il ne faut pas y songer, ce serait la mal faire.
Laissez la mort où elle est; pour vous, mettez-vous dans la vie de Notre-Seigneur, dans sa bonté et son infinie miséricorde. Il faut tout devoir à son Coeur divin, et ne se reposer en sécurité qu'en lui.
Je vous bénis donc en lui et suis, bonne dame,
Tout à vous.
EYMARD, S.