Lettres précédentes / Lettres suivantes
Index Lettres Vol IV / Index allemand / Index général
An Marianne Eymard
Adveniat Regnum tuum.
Rome, le 28 Mars 1863, à Sainte-Brigitte.
BIEN CHERES SOEURS,
Me voici à Rome depuis trois semaines bientôt. J'ai eu le bonheur de voir le Saint-Père le 18 mars; il a été très bon pour notre Société, il aime tant le Très Saint Sacrement! Il se porte très bien, et Rome est bien tranquille, malgré ce qu'en disent les méchants.
Nos affaires nous retiendront peut-être encore à Rome, heureux encore si nous pouvons terminer dans ce temps-là, car à Rome il y a tant d'affaires !...
Je n'oublie pas de vous porter quelque chose de cette ville sainte.
Ma santé va bien. J'ai un peu souffert sur mer comme tout le monde, car nous avions mauvaise mer, mais une fois à terre tout est passé.
Nous visitons les saints lieux consacrés et sanctifiés par les millions de martyrs; c'est vraiment touchant de voir encore le lieu de leur martyre, de leur combats et de leur sépulture. Rome est encore le reliquaire catholique des martyrs.
C'est bien ici que la Très Sainte Vierge est honorée. Dans chaque maison il y a son image, et jour et nuit une ou plusieurs lampes brûlent devant cette image vénérée. A tous les coins de rue et partout vous voyez l'image de la Très Sainte Vierge, et le soir toutes sont illuminées. Rome est la ville de Marie et des Saints.
Je vous prie de bien prier Dieu pour moi et notre chère Oeuvre. J'espère vous écrire encore une fois.
Que Jésus vous bénisse. En lui, chères soeurs,
Tout vôtre.
EYMARD.
P.-S. Je ne crois pas qu'il y ait rien contre Mr Jouardet à Paris; ses notes sont bonnes.
Je verrai à mon retour Mr Leydeker. Il serait bon de voir à Grenoble; je n'ai pas eu le temps de m'y arrêter. Dites-leur que je négligerai rien .
Rome, 28 Mars 1863, à Sainte-Brigitte.
BONNE ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je vous ai bien laissée longtemps, mais j'étais si accablé de visites et d'affaires avant de partir que je ne l'ai pu. Je crois même avoir oublié de remercier votre chère soeur.
J'ai apporté ici la retraite en question; vous êtes sûre alors de l'avoir, puisque je l'ai. Je voulais vous l'envoyer de Marseille; mais là, je n'ai pas eu le temps de me retourner, étant arrivé le jour du départ.
Que vous dire de Rome! Tout et rien. - Tout, parce que le Pape y est, et autour de lui gravite le monde chrétien et profane: chrétien pour vivre de son soleil; profane pour le persécuter.- Rien. Otez le Pape de Rome, Rome n'est qu'un tombeau de saints et de persécuteurs, de gens qui n'ont de vie que parce que le Pape est au Vatican.
Pauvre peuple romain! Si au moins il connaissait bien son bonheur et sa gloire! Mais le peuple riche, bourgeois, est comme partout; le bas peuple est simple et prie. Je crois que l'armée française, surtout les officiers, doivent bien démoraliser la morale, la foi de certaines classes.
Une bonne heure de recueillement devant le Très Saint Sacrement fait plus de bien que toutes les belles églises de marbre à visiter, tous les tombeaux à vénérer, - quoique cependant tout soit ici vénérable, je regrette mon Exposition, la vue du Très Saint Sacrement. Il me faudra peut-être rester ici encore un mois; comme c'est long! Donnez-moi de vos nouvelles: c'est bien simple, avec un affranchissement libre de un franc. Je n'ai pas besoin de vous dire que je prie bien pour vous.
L'affaire de Mgr l'Evêque d'Angers est arrangée. On a été ici bien peiné de sa peine.
Adieu, bonne dame et soeur en N.-S.
Tout vôtre.
EYMARD.
S. CONGREGATION DES EVEQUES & REGULIERS
1· Personnel:
La Société se compose en ce moment de 28 membres, dont 9 prêtres, les autres sont dans les Ordres sacrés, ou y aspirent. La Société n'a pas de frères convers. Elle a de plus plusieurs aspirants prêtre ou étudiants.
2· Maisons:
La Société a 3 Maisons, une à Paris et c'est la Maison-Mère, une autre à Marseille et une 3me à Angers. Ces trois maisons sont en activité d'adoration et de zèle.
3· Propriétés:
Elle possède en titre de propriété la Maison de Paris estimée 300 m., celle de Marseille estimée 60.000; elle est en voie d'acquisition de celle d'Angers, qu'elle n'a pu faire au premier début de la fondation, parce que les lieu à bâtir est une propriété des hospices aliénable dans un an seulement. En attendant Monseigneur l'Evêque lui a donné l'usage de l'Eglise Ste Thérèse.
4· Revenus:
La Société a des revenus fixes et ne vit pas d'aumônes.- Elle a 15.000 de revenus annuels non compris les honoraires de Messes et les dons faits au Culte.
5· Encouragements:
En 1855 la Société reçut le 1er encouragement de Sa Sainteté ainsi que le témoigne le Bref ci-contre de 1859
Ce qu'elle demande humblement mais avec confiance, c'est son Décret constitutif afin de devenir la fille soumise et dévouée de la Ste Eglise Romaine, l'apôtre de la liturgie et surtout de la foi et de l'amour de l'adorable Sacrement de l'autel.
----SECRETAIRE DE LA S. CONGREGATION DES RITES----
Reverendissime,
Petrus Eymard - Superior Societatis SS. Sacramenti in Gallia, dubiorum sequentium solutionem a Reverentia tua superexcellenti supplicat.
1· Debeturne hebdomadario in choro regulari, prima sedes etiam supra superiorum - cum S. Congregatio 22 augusti 1626 sic decrevit; Prima sedes in choro conceditur hebdomadario parato tantum.-
2· In Societate supradicta recitatur Officium Divinum coram SS. Sacramento, omnibus superpelliceo indutis; haec forma Officium Divinum recitandi, datne hebdomadario Jus in prima sede standi?
3· Potestne recitari aut cantari coram Sanctissimo exposito, versiculis: Adoremus in aeternum Sanctissimum Sacramentum, sicut mos est in pluribus Ecclesiis Galliae?
4· Convenietne cantiones in lingua vernacula, cantari coram SS. Sacramento exposito, etiam extra officia liturgica?
Monseigneur,
Permettez-moi d'exprimer à votre bienveillance les doutes suivants:
1· Les réguliers étant tenus aux offices du Patron du diocèse et du Titulaire de la cathédrale, sont-ils tenus à dire l'office propre du diocèse, ou bien faut-il tout prendre au commun?
2· Un décret de la S. Congrégation du 12 novembre 1831 défend de donner la communion aux messes dites devant le T.S. Sacrement exposé, l'usage commun en France est de la donner, doit-on s'en tenir formellement à la défense du Décret, ou tenir compte de l'usage approuvé par l'Ordinaire?
(le reste manque)
A Sa Révérence
Monseigneur Bartolin... (le papier est coupé en cet endroit)
Secrétaire de la S. Congr. des Rites.
________
Note: En marge de la lettre on lit cette réponse inachevée: Debent recitare officium proprium si sit a S. Sede approbatum ritu dupl. II class. absque octava - si non approbatum de communi ad 3o tenentur regula ad fest. patroni loci a S.S. confirmati, ad f.p. titularis Eccl. Cath. et dedic. ejusdem.
Adveniat Regnum tuum!
Rome, 6 Avril 1863.
Je viens de recevoir, chère fille en Notre-Seigneur, votre lettre; je m'empresse de vous dire combien elle m'a fait plaisir, d'abord de me donner des nouvelles de votre famille et de vous... J'ai été bien content d'apprendre la bonne action de votre cher père pour la statue de la Très Sainte Vierge, tout cela lui sera bien rendu! Je craignais bien que toutes vos veilles et vos fatigues ne finissent par vous rendre malade, je vois bien que le système nerveux a été fatigué.
Aussi, je vous en prie, usez bien des permissions et des conseils qu'on vous donne de faire gras, vous en avez besoin et faites-le sans vous inquiéter du reste; il vaut mieux supposer dans les autres la charité qu'ils doivent avoir.
Quand vous voyez votre sensibilité devenir facilement irritable, susceptible, vite il faut changer votre régime spirituel, faire diversion, - une petite absence si c'est possible - le dire au Bon Dieu, à la maman parce que c'est une maladie fiévreuse qu'il faut couper.
Allez bien au Bon Dieu, rondement et purement, bonne fille, et évitez tous ces retours de faute qui ne guérissent rien, et qui ont plutôt leur source dans le coeur qui ne voudrait pas avoir offensé Dieu; et c'est bon, mais il ne faut pas trop se regarder.
Dieu vous aime! Soyez pleine de confiance et d'amour! Je vous bénis de la Ville éternelle.
Tout à vous en N.-S..
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum!
Rome, 7 Avril 1863.
Madame,
Je viens vous dire, chère fille en Notre-Seigneur, un petit bonjour de Pâques, de l'Ange aux saintes femmes, de Jésus à ses disciples : Que la paix soit avec vous!
Vous avez bien eu vos peines et vous les avez encore. Que Jésus les sanctifie bien et vous soutienne!
Je prie bien pour vous à tous les sanctuaires que j'ai le bonheur de visiter.
Je vais assez bien. L'affaire pour laquelle je suis venu à Rome est en voie; mais je ne sais pas encore quand je pourrai partir.
Je demande à Notre-Seigneur que je sois à Paris à la fin de ce mois. Si c'était le Pape qui dût faire l'examen, ce serait vite fini, mais c'est la Congrégation des Réguliers. Alors ce sera plus long. Puis on est en vacances jusqu'à lundi prochain. Que Dieu soit glorifié de tout!
Le Saint-Père va très bien. Il y a eu un grand nombre d'étrangers - plus que d'ordinaire - à Rome. Le Saint-Père a été acclamé partout. Il est si bon! Rome est la capitale du christianisme. On se sent chez soi ici.
Adieu, chère fille. Je vous bénis et vous prie de prier pour cette chère Société.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD.
Rome, 11 Avril 1863. - A Ste Brigitte.
Je viens, chère fille, vous donner de nos nouvelles; notre affaire dort dans le tombeau, la résurrection n'est pas encore arrivée.
Les vacances finissent demain, et lundi les travaux vont commencer; nous avons employé notre temps à prier et assister aux saints offices. Cette semaine on souffre un peu, le P. de Cuers de ses douleurs, et moi d'un gros rhume pris le jour de Pâques.
Comme nous n'avions rien à faire, le Bon Maître nous envoie ce petit travail.
Pour soeur Françoise, essayez-la puisqu'elle semble s'y mettre: d'ailleurs il serait bon de lui trouver une bonne place dans le cas où on la renverrait, afin qu'elle ne soit pas sur le pavé; mais il faut le faire sans le lui dire, cela la troublerait.
Le P. Carrié vous a fait signer deux billets que j'avais fait faire en votre nom, afin de ne pas paraître moi-même dans un service que je désirais rendre; mais cela ne vous engage à rien.
Soeur Antoinette a toujours sa pensée de se débarrasser; assurément la pension qu'elle donne est bien honorable, c'est délicat de demander pour soi. Cette pauvre soeur est, je crois, dans une tentation vis-à-vis sa famille. Je ne dis pas qu'elle ne donne pas le fond qu'elle a un jour, car elle en a le droit et se l'est réservé; tout ce qu'il y a à faire c'est de lui dire de ne pas faire de donation de fond, que je ne le veux pas; elle fera son testament comme elle voudra et donnera à qui elle voudra; soyez délicate.
Mlle Thomas, en se débarrassant de tout, semble prouver sa bonne volonté de se donner toute au service de Dieu. Assurément il y a à faire, mais si elle y met de la bonne volonté, ainsi que Mlle Michel, elles peuvent devenir de bonnes adoratrices. Il faut penser que pour elles la vie religieuse est toute nouvelle et qu'il y a tout à faire, et les conduire à Notre-Seigneur comme des enfants qui ont des défauts.
Il est bien regrettable que le P. Leroyer ait été peiné de ce qui est arrivé à Paris. Si j'avais pu prévoir cela, j'aurais pris d'autres moyens, car la bonne harmonie et la charité de coeur doivent être achetées bien cher. Je pense que tout a été dans la pensée seulement, car le P. Chanuet ne m'en parle pas.
Si vous avez encore donné 100 fr. le mardi de Pâques, c'est assez; car le voyage ne coûte que 30 à 35 fr. pour aller et venir, ou 40 au plus par les premières.
Ne vous laissez pas, chère fille, aller à la tristesse, ni aux tentations contre les pauvres créatures; habituez-vous toujours à faire d'abord vos affaires avec le bon Maître. C'est lui qui conduit toutes choses pour le mieux. Vous n'avez pas besoin d'autre protecteur. Si Notre-Seigneur est content de nous, les Anges et les démons même nous serviront.
Je ne sais encore quand nous pourrons repartir, je désire que ce soit bientôt, si Dieu le veut.
Dites bien à vos soeurs que je prie bien pour elles aux tombeaux des saints Martyrs; à soeur Benoîte que je la bénis bien, ainsi que toutes vos filles, et vous surtout que je donne bien à Notre-Seigneur, en qui je suis,
Tout à vous.
EYMARD.
Le P. Leroyer peut vous dire un petit mot à la Communauté; je le verrai avec plaisir, car il vous est tout dévoué.
Adveniat Regnum tuum.
Rome, 11 Avril 1863.
Chère Mère,
Comme vous serez contente de moi! a mon audience du 18 mars, je n'ai demandé que votre fameuse bénédiction de la main du Saint-Père; aussi l'ai-je bien précieusement, et n'ose la confier à personne. Le Pape a lu deux fois votre supplique et a demandé vos médailles, etc., pour les bénir; puis, je lui ai montré vos croix. "Ah! celles-ci, a-t-il dit en riant, sont belles et légères!" Et comme elles se dérangeaient en ouvrant le livre, il les arrangeait avec soin, ce bon Saint-Père! Et quand je lui ai dit que c'était le travail de vos filles en récréation, il en a été touché, et m'a demandé combien elles étaient; et quand je lui ai dit qu'elles étaient bien sages et aimaient bien le Bon Dieu, alors il a pris gracieusement sa plume et a écrit :
"Pro gratia, et Dominus vos benedicat et sanctificet.
"Accordé par grâce, et que le Seigneur vous bénisse et vous sanctifie."
Ainsi, vous voyez, chère Mère, que je ne vous ai pas oubliée.
Les reproches que vous me faites de n'avoir pas écrit en arrivant sont mérités. La lettre était faite, mais j'attendais pour la faire partir d'être un peu mieux, car la mer m'a tant secoué que j'aurais pu y rendre l'âme. C'est passé maintenant, - ainsi passera la vie! heureux si le Ciel est au bout! mais non, il y en a encore trop à faire! - Cette semaine de Pâques, nous sommes tous deux fatigués, le P. de Cuers et moi; moi, c'est un gros rhume que j'ai pris le jour de Pâques, et le Père, ce sont ses douleurs. je lui disais: Les autres sont en vacances; nous, préparons le travail.
Nous avons vu le Saint-Père le 18 mars, et j'ai eu le bonheur de le revoir le 8 avril. Il a accordé aux Agrégés qui ne pourraient pas faire leur adoration devant le Très Saint Sacrement exposé, de la faire devant le Tabernacle, avec les mêmes indulgences. Quelle faveur! Profitez-en bien maintenant. Moi, je ne l'ai pas encore manquée depuis la grâce reçue, cela encourage; on peut la diviser.
Lundi, on recommence le travail des Congrégations; nous tâcherons de faire hâter le nôtre, car le temps commence à me durer. Que nous donnera-t-on? Ce que Dieu voudra! parce que le Saint-Père ne peut que renvoyer à la Congrégation des Réguliers pour le décret.
Peut-être ne nous donnera-t-on qu'un décret encore laudatif: que Dieu en soit béni! Peut-être rien: qu'il soit encore plus béni!
Soyez bien obéissante, et vivez sans autre confession que les ordinaires.
Humiliez-vous devant Dieu et devant vos soeurs quand c'est nécessaire, c'est votre absolution.
Allons, plus de fièvre! ni d'impatience contre vous.
Adieu, je vous bénis et toutes vos soeurs et filles.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Je ne vous dis rien de Mr Ménier. Hélas! cette nouvelle m'a bien affligé. Encore un qui n'était pas franc; mais, peut-on tromper le Maître!
Adveniat Regnum tuum.
Rome, 11 Avril 1863.
Madame,
J'ai une occasion pour France et je viens vous dire le Bonjour de Pâques, l'Alleluia de l'Ange et de Notre-Seigneur.
Il disait pour salut à ses Apôtres: Que la paix soit avec vous! Je vous la souhaite bien cette paix, bonne Dame, cette paix de confiance qui s'abandonne filialement à Dieu et se confie à sa bonté comme à sa miséricorde.
Cette paix de conscience qui repose dans l'humilité d'abord pour se supporter misérable, puis dans la simplicité de l'obéissance pour agir dans l'esprit de foi.
Rappelez-vous bien ce principe: Conscience troublée, conscience nulle pour vous; et allez en avant pour vos communions.
Ne donnez jamais de l'importance aux tentations; laissez-les tomber d'elles-mêmes par votre humilité à les supporter et par votre obéissance à les mépriser.
Aimez bien le Bon Dieu: voilà toute la loi, toute la vertu.
Vous devez avoir bien de l'embarras pour votre sermon. Que le bon Maître vous soutienne et vous enrichisse. Je ne puis mettre dans votre bourse que des prières.
J'ai vu le Saint-Père le 8 avril. Je lui ai fait bénir et toucher votre croix; ainsi je vous l'apporterai.
Adieu, bonne Dame. Je vous présente tous les jours à Notre-Seigneur en qui je suis
Tout à vous.
EYMARD.
P.-S. - Nous sommes encore dans l'inconnu pour nos affaires et notre séjour; à la grâce de Dieu!
Rome, 11 Avril 1863.
Cher Père,
Merci de votre lettre, elle m'a fait grand plaisir; mettez bien saint Joseph supérieur, et il mènera bien la petite barque.
J'ai vu le Saint-Père le 8 avril; il a accordé aux Agrégés la précieuse faveur de pouvoir faire l'adoration devant le Tabernacle où est renfermée la sainte Réserve, quand ils ne peuvent aller la faire devant le T. S. Sacrement exposé; nous pouvons aussi profiter de cette faveur, quand nous sommes dans le même cas. C'est là une des plus grandes faveurs que j'aie ambitionnées: j'aurais volontiers fait le voyage de Rome exprès; vous pouvez de suite vous en servir, l'exequatur de l'Evêque n'est pas nécessaire.
Lundi, les vacances sont finies; alors nous, nous activerons pour faire marcher notre affaire. La prière fera plus que tout; aussi je me mets à faire le chemin de croix tous les jours.
Vous avez bien fait d'ajourner le jeune homme à mon retour: il peut être une vocation sérieuse.
Pour l'abbé Meunier, s'il y a le moindre déshonneur ou scandale sur sa vie, c'est fini; aussi faites vous bien de n'avoir aucun rapport, et de ne pas le recevoir; car quel malheur si on le trouvait chez nous! Ce Monsieur a manqué de franchise, et cela est un cas d'exclusion: il aurait dû avertir.
Si le P. Leroyer revient pour confesser ces Dames, priez-le de parler aux novices et à la communauté le soir à la lecture: cela fait toujours du bien et unit les maisons.
Pour le silence et le recueillement, ne vous en fatiguez pas; pratiquez-le d'abord en public, faites quelques apparitions dans les passages; inspirez-le, plutôt que de le commander.
Prenez garde au découragement: tout cela est tentation. Il est des moments de fièvre, où il faut ne pas faire trop voir sa peine.
Amitiés à tous
Tout vôtre.
EYMARD.
Veuillez dire au fr. Martin que je ferai avec grand plaisir sa commission de médailles de Castelfidardo.
Au R. Père Chanuet,
prêtre religieux du T. S. Sacrement,
68 rue fg St Jacques,
Paris.
Rome, 11 Avril 1863.
Cher Père,
Je vous remercie de votre chère lettre et de vos nouvelles si consolantes que vous me donnez d'Angers: Dieu vous bénit; et comment pourrait-il en être autrement!
C'est par Jésus, avec Jésus et pour Jésus, hostie d'amour, que vous travaillez.
Voici de nos nouvelles:
Nous avons eu une première audience le 18 mars, dans laquelle Sa Sainteté a agréé notre demande du Décret constitutif et l'a renvoyée à l'examen de la S. Congrégation; nous avons été assez heureux pour pouvoir introduire notre affaire avant les vacances de Pâques.
Le Cardinal Clarelli, Préfet de la S. Congrégation, nous a promis tout son concours. Son Exc. Mgr le nonce de Paris lui avait écrit une bonne lettre pour nous, puis j'ai apporté quatre lettres testimoniales très belles, savoir: de Paris, d'Angers, de Marseille et de Carcassonne, et une cinquième m'est arrivée, celle de Coutances.
Mgr de Marseille s'est distingué, il a fait en latin la plus belle lettre que l'on puisse faire: je vous en ferai part.
J'ai eu ne seconde audience de Sa Sainteté mercredi 8 avril, et le Saint-Père a bien voulu accorder que les Prêtres, les novices et les Agrégés qui ne pourraient pas faire leur adoration devant le T. S. Sacrement exposé, mais la feraient devant le Tabernacle où est la Ste Réserve, gagneraient les mêmes indulgences: voilà une grande faveur! Cependant le Saint-Père y a ajouté une condition, la voici:
Pro gratia, ea tamen conditione, ut ante altare SSmi Sacramenti lampas die noctuque ardeat, et a fidelibus inspiciatur.
PUIS PP. IX.
Vous pourrez donc promulguer de suite cette grâce, sans avoir besoin de l'exequatur, parce qu'on l'a dans le premier.
Les fêtes de Pâques ont été admirables: une foule d'étrangers plus grande que les autres années. Rome a la tranquillité de la paix divine: on se dirait dans sa famille.
Le P. de Cuers va assez bien et vous embrasse; il a un peu souffert ces jours-ci de ses douleurs, il va mieux.
Nous prions beaucoup pour que notre affaire ne traîne pas en longueur, faites de même.
Je ferai toutes vos commissions, les vacances finissent demain.
Le temps commence à me durer pour m'en aller, cependant il faut bien faire les affaires.
Je suis bien content que vous ayez été à Paris: ces Dames ont été si heureuses de votre visite et de votre sympathie.
Le pauvre P. Chanuet est un peu excusable, mais il aurait dû faire autrement: c'est le manque d'expérience.
Adieu, cher Père, embrassez bien les frères et Pères pour moi.
Je suis content que le P. O'Kelly devienne apôtre.
J'aurais besoin de nouveau des commissions de la Mère Prieure, car j'ai perdu mes notes: à toutes les bonnes soeurs, respectueux hommages.
Tout vôtre.
EYMARD.
Rome, 20 Avril 1863.
CHERE DAME ET SOEUR EN N.-S.,
Grand merci de vos bons souvenirs et de votre chère lettre; c'est pour moi une fleur de famille.
Je vous aurais écrit plus tôt, si votre chère fille n'était pas ici; puis, depuis Pâques, je suis un peu souffrant d'un rhume, puis d'une ophtalmie qui me fait fermer les yeux; cependant, je vais mieux des yeux.
Je remercie le bon Maître de m'envoyer ces petites misères, n'ayant rien à faire autre chose que d'attendre que notre affaire passe à son tour.
Sera-ce encore long? Je n'en sais rien; j'espère savoir quelque chose bientôt.
Aujourd'hui je vais dire la sainte Messe au tombeau de Saint Pierre pour votre chère fille et ses amies. Inutile de vous dire que vous y aurez votre première part. J'irai en pèlerinage tout exprès à votre bonne sainte Félicité.
Je vous souhaite bien d'être comme votre bonne et noble patronne.
Votre chère fille va très bien, ainsi que Mr Giraud. Ils emploient bien leur temps. J'ai dîné hier au soir avec toute la famille, ça a été une bien aimable soirée pour moi. Votre dernière lettre m'a confirmé dans une triste vérité, c'est que les demoiselles M... auraient besoin d'un bon saint François de Sales pour les lier ensemble. Hélas! hélas! quand on voit, quand on entend de si tristes choses, on crie au Bon Dieu: Ne m'aveuglez pas. Chacune croit avoir raison par son droit de liberté et de conscience; il y a dans cette tentation une certaine fièvre qui excuse. Mettez de l'huile sur ces plaies et écoutez-les en médecin ou en calmant; seulement évitez de juger et de repenser en votre particulier, mettez tout sur le compte de la fièvre ou de la tentation.
Croyez-moi bien en ce que je vais vous dire: prêtez votre esprit, votre volonté, vos mains au prochain; mais gardez libre de toute créature et de leurs affaires le sanctuaire divin de votre âme; que ce soit le Saint des saints de Dieu et de vous, le Tabernacle où Dieu seul réside.
Ainsi occupez-vous des gens et des choses quand le veulent le devoir ou la charité; cela fait, que ce soit fini.
Je me recommande à vos prières.
Je vais à Saint-Pierre, et je vous bénis de tout mon coeur.
EYMARD, S.
Rome, 25 Avril 1863.
Je vous remercie de votre lettre. Je vois que le Bon Dieu vous garde toutes, qu'il en soit béni! Et si le démon de la mauvaise nature vient, ne l'écoutez pas. Je veux dire, si vos filles ont des tentations, des mauvaises impressions comme... vous avez bien fait de dire la vérité.
Vos bonnes nièces font bien de rester encore au Saint Sacrement, cela ne peut que leur faire grand bien.
Puisque le médecin prescrit les eaux pour soeur Benoîte, il faut l'y envoyer, mais pas seule. J'aimerais bien mieux que le bon Dieu la guérît chez nous.
Tout est calme pour nous à présent, car nous n'avons plus qu'à attendre.
Mon rhume est par quintes de toux; il est moins fort cependant, je le soigne.
Le temps commence à me durer ici.
Pour vous, restez bien chez Notre-Seigneur. Tout est là.
Je vous bénis.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Mademoiselle Guillot,
66, Rue fg St-Jacques,
Paris.
Rome, 6 Mai 1863.
Bien chère fille,
Je vous ai écrit il y a une dizaine de jours, peut-être ma lettre s'est égarée, car elle n'était pas par la poste. Nous allons bien, nos affaires marchent, j'espère que tout sera fini en ce mois et que nous partirons bientôt, si c'est la volonté de Dieu.
Je prie beaucoup pour vous et vos soeurs, surtout pour la pauvre soeur Benoîte afin que Notre-Seigneur la soulage.
Recommandez-moi aux prières de votre chère famille.
Je vous bénis de tout mon coeur.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Mademoiselle Guillot.
Au R. P. ALMERICI, Barnabite, 1, Rue Monsieur, Paris
Adveniat Regnum Tuum
Rome 16 mai 1863
Bien cher Père Almérici,
Je viens vous dire un petit bonjour de Rome, la ville de vos amours et de vos grâces.
Voici deux mois que j'y suis, le temps passe vite à Rome, c'est la ville paternelle et maternelle - on se sent chez soi. Nos affaires marchent, elles sont déjà soumises au S. Père, on me fait espérer que tout sera fini pour la Fête-Dieu. Dieu le veuille!
J'ai vu votre excellent Père Général; il m'a bien plu, il est si bon et si simple, je lui ai parlé beaucoup de Paris, de la fondation, de l'achat de la bonne affaire, et il m'a paru bien porté pour Paris.
Je le verrai encore, car il est important que vous soyez chez vous à Paris.
Je n'oublie pas vos chers Russes: ils ont bien besoin de bons missionnaires, Dieu commence à l'être par la Pologne qui leur donne une bonne leçons et qui sait si ce ne sera pas l'humiliation du salut pour la Russie battue, humiliée et flagellée comme elle le mérite - on ne fera que lui rendre ce qu'elle a fait aux autres. J'ai appris ici que Nicolas à la vue de notre prise de Sébastopol fut si humilié qu'il se fit donner par son médecin un poison sûr.
Ainsi mourut ce persécuteur de l'Eglise et des Saints. Dieu marche à un renouvellement de sociétés.
Mais il lui faut des Saints. Priez pour moi, cher Père, je le fais bien pour vous, et avec bonheur. A bientôt.
tout votre ami.
Eymard.
P.S. Veuillez mettre à la poste les lettres ci-incluses.
Rome, 16 Mai 1863.
Bonne fille,
Merci de vos offres d'argent, j'en ai assez pour le moment. Le P. Carrié m'en a envoyé aussi.
Voilà donc soeur Benoîte aux eaux, que le bon Dieu la guérisse et la soulage du moins! Dites-lui que je le demande à Dieu pour elle et que je la bénis tous les jours à la sainte Messe.
J'ai lu les relations de votre chère maison; les petites misères de quelques-unes de vos filles viennent de ce qu'elles ne se donnent pas tout à Dieu, alors il y a des fièvres, des désirs, des personnalités.
Vous avez bien agi avec Mlle Michel; sa conduite en cette occasion m'a fait de la peine. Soeur Antoinette est toujours enfant, elle s'imagine toujours que l'on veut sa fortune, qu'une fois ses voeux faits on l'obligera à donner; est-il possible que l'on soit si misérable! et si ce n'était la charité, je mettrais tout cela dehors; assurément on ne veut pas la violenter, mais on ne veut pas qu'elle fasse d'imprudence.
Je ne veux pas que l'on se désaisisse de ses biens, puisqu'on n'est pas religieuse reconnue et que je ne sais pas quand Dieu le fera et le voudra; les voeux ne sont donc que des voeux personnels et de conscience; il ne peut en être autrement, maintenant du moins.
Vous avez bien fait d'agir envers elle comme vous l'avez fait: il faut dire nettement la vérité, avec bonté, mais avec force.
Courage, bonne fille, c'est pour Dieu que nous travaillons.
Je vous bénis toutes.
Tout à vous.
EYMARD.
Vous n'avez qu'à mettre vos cinq timbres de 4 sous sur l'adresse et non dedans, et la lettre de sept grammes et demie sera affranchie.
Mademoiselle Guillot,
66, fg St-Jacques,
Paris.
A. R. T.
Rome, 16 Mai 1863.
Chers amis,
Ce ne sera pas encore ma dernière lettre: on m'a dit mercredi que nos affaires ne seraient terminées qu'à la Fête-Dieu; et Dieu veuille qu'il en soit ainsi!
Notre affaire a été soumise au Pape, qui a approuvé le projet; maintenant on fait le rapport, et le Décret, mais il faut qu'il soit encore une fois soumis au St Père pour être sanctionné.
Vous ne sauriez comprendre la sagesse, l'étude, l'examen, les conseils que l'on fait subir à l'approbation d'une Congrégation: c'est à effrayer. Ah! c'est que l'Eglise bâtit pour l'avenir: elle ne veut pas avoir à se repentir.
Merci, Père Carrié, de votre envoi d'argent. Que Dieu vous le rende! Je n'étais pas encore dans le besoin, mais il pouvait venir.
Courage, cher Père Chanuet; aimez bien votre première famille. Soyez Père, Maître et médecin: ce sont les trois qualités d'un bon maître de novices; mais bien Père, parce que c'est le coeur qui doit gagner les coeurs.
Ne recevez plus de retraitants des autres Corps, même des PP. Capucins: c'est manquer notre but; puis, ou tout, ou rien; facilement on nous prendrait pour tenir pension, et jamais de la vie!
Si vous voyez que les nouveaux aspirants prennent bien l'esprit, vous pouvez les mettre avec la communauté: ce serait bien long d'attendre mon retour. Enfin on nous dit que ce sera tout fini à la Fête-Dieu. Dieu le veuille! le St Père est absent jusqu'au 20.
Oui, Père Carrié, offrez un bouquet eucharistique selon les moyens.
Adieu, chers amis et frères, mille fois devant Dieu je prie pour vous et vous bénis.
EYMARD.
Amitiés à tous d'ici.
Au R. Père Chanuet,
religieux du T. S. Sacrement,
68 rue fg St Jacques,
Paris.
Rome, 30 Mai 1863.
Chère fille,
Que Jésus soit votre amour royal! J'ai lu avec grand intérêt votre lettre. Je vois que votre maison marche, que Dieu en soit béni!
Comment ne le serait-elle pas, puisque c'est l'Oeuvre du bon Dieu? J'approuve bien votre manière de voir et de faire pour Mlle Thomas et Mlle Michel; il faut les mettre à l'oeuvre religieuse, à la vie commune, car plus tard elles pourraient nous reprocher de ne les avoir pas averties. Je ne tiens pas surtout à avoir des Servantes du T. S. Sacrement mondaines, humaines, et à amitiés particulières: je mettrais le feu aux quatre coins de la maison plutôt.
Je suis bien triste des nouvelles que vous me donnez du fr. Charles, on l'apprécie bien; quant au fr. Eugène, j'ai su sa maladie et j'ai bien prié Dieu pour lui. Mettez bien au pied de la croix toutes ces petites misères des jeunes Pères; tout cela est une souffrance, mais il ne faut pas que cela devienne une croix. Quand on n'a pas l'expérience, on ne voit pas bien loin. Tenez toujours votre âme sereine au milieu de la mer calme ou agitée.
Voyez les choses en Dieu.
Depuis un mois, nous sommes sans aucune nouvelle de notre affaire, sinon que l'on m'a promis pour la Fête-Dieu la conclusion; comme la chose se traite en haut lieu, nous ne pouvons rien faire que d'attendre. Voilà pourquoi mes lettres n'ont rien de particulier. Je me suis caché dans un couvent, avant la Pentecôte, pour faire une bonne retraite, et j'en suis sorti lundi; ma santé se soutient.
Je vous remercie de votre offre d'argent; si j'en ai besoin, je tirerai sur vous de Rome: c'est plus facile.
Je vous bénis. Ayez du courage et ne vous laissez pas attrister pour ces petites misères; vous serez donc bien bonne encore.
Je vous bénis, et vos filles, et soeur Benoîte.
EYD.
Assurément je serais heureux de vous porter quelque grâce du Saint-Père. Je cherche comment je pourrai parvenir, je n'ai pu obtenir encore rien. Il faudrait un Evêque. Je prie et cherche le moyen.
Mademoiselle Guillot,
66, Rue fg St-Jacques,
Paris.
A. R. T.
Rome, 30 Mai 1863.
Bien cher Père,
Comme votre lettre m'a fait du bien! Que Dieu vous le rende!
Ayez confiance en Dieu de lieutenant: quand vous ne savez pas, dites rondement: j'examinerai,
Quand vous savez, tranchez au nom de Dieu.
Quand vous doutez, du fait, prenez le parti le plus large; quand c'est du droit, consultez la loi, l'esprit de la loi, la grâce de Notre-Seigneur. Je suis content pour vous que mon absence vous ait obligé à l'oeuvre en premier. Rappelez-vous bien que la puissance du supérieur spirituelle, temporelle et personnelle est toute dans la grâce de son état.
Je regrette le frère Augustin assurément, il y a là une tentation de famille.
Il faut trancher avec le frère Joseph, lui dire de m'attendre.
Pour ce prêtre, je prendrai des renseignements au P. Ambroise. Encouragez-le.
Nous allons bien tous, cependant le temps me dure de vous voir tous!
Je vois approcher avec bonheur la Fête-Dieu, parce que j'espère avoir cette fleur que je suis venu chercher à Rome.
Quel bonheur, si notre décret nous était donné en cette belle Octave! Je l'espère, puisqu'on me l'a promis. J'ai de bonnes nouvelles d'espérance.
Adieu, cher et bien-aimé, amitiés à tous.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD.
P. S. Ayez soin du frère Charles: il paraît fatigué; faites-le reposer et dispensez-le de ce qui peut le fatiguer.
Vous avez le pouvoir d'indulgencier les croix de Saint-Benoît, ainsi que le P. Carrié: vous pouvez vous en servir.