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Angers, 15 Janvier 1863.
Bien cher Père,
Le fr. Simon m'a remis en entrant 200 fr., il y a un mois 150 fr., il a fait des achats d'un Bouvier et d'effets personnels pour une 50ne de fr. dans la pensée de venir à Angers; je pense qu'il emportera tout cela, il faut lui rendre 300 fr., le P. Carrié les empruntera aux messes jusqu'à mon retour, et même 350, s'il le faut; quant à ce que l'on a reçu de la Chartreuse, c'est pour sa pension, il n'a rien à y prétendre. Je suis bien aise de ce renvoi: j'ai demandé à Dieu s'il n'était pas dans les conditions véritables d'un religieux du T. S. Sacrement, [de ne pas le garder]; il a été toujours douteux; il lui arrive ce qui arrive à ceux qui viennent pour eux-mêmes et qui ne vont pas droit.
Je suis tout à la disposition de Dieu pour le voyage de Rome; si je ne vous en ai rien dit, c'est que j'étais pressé et n'avais pas le temps.
Je pensais n'y aller que lorsque l'Archevêque de Paris serait installé, parce que sans lettres testimoniales on ne peut rien faire à Rome, et je me garderais bien d'y aller sans cela; mais je pense que le nouvel Archevêque nommé ne nous refusera pas une lettre.
Mgr d'Angers est absent jusqu'à dimanche, je lui en demanderai une avant de partir.
Vous êtes donc plus fatigué, cher Père, et moi qui comptais sur vous pour achever ici ce que vous avez commencé! Et si le P. Leroyer, surtout dans les commencements, est un peu absent de la maison, comment ira-t-elle avec le P. O'Kelly qui ne sait pas parler ou a peur?
Ce n'est pas possible de laisser cette maison seule; dans ce cas, je devrais différer mon retour à Paris jusqu'à ce que le P. Leroyer fût tout à son affaire, et puis on est bien peu... Assurément, cher Père, je ne veux pas augmenter votre fatigue, mais si je pouvais vous l'adoucir, je le ferais bien volontiers.
J'étais loin de m'attendre, à la veille de mon départ, que votre santé en était à ce point-là; j'avais compté sur vous en commençant Angers.
Votre lettre me dirait presque que vous avez quelques ennuis: ayez la charité de me le dire, car si j'en suis la cause, c'est bien innocemment. Sans vous retirer et devenir passif, vous pouvez faire encore beaucoup de bien, votre exemple et l'estime et l'affection qu'on a pour vous, votre amour du T. S. Sacrement: tout cela fait plus de bien que vous ne le pensez.
Je demande tous les jours au Bon Maître de vous conserver encore longtemps à son service et à ma tendre et fraternelle amitié.
En Notre-Seigneur,
Tout vôtre.
EYMARD.
Excusez-moi.
Angers, le 23 Janvier 1863.
BONNE DAME,
Je vais faire tous mes efforts pour aller vous voir ce soir vendredi, par le train express. Je ne vous donnerai que quelques heures du samedi.
Merci d'abord de vos jolies fleurs; j'irai vous remercier de votre visite
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.-S. Tous mes religieux souvenirs à votre chère soeur.
Angers, le 24 janvier 1863
Monsieur le Maire,
Nous voici définitivement fixés à Angers et provisoirement chez les Carmélites qui ont bien voulu mettre à notre disposition leur Eglise. Nous avons toujours la pensée d'acquérir le tertre pour y bâtir une chapelle, ainsi que Mgr l'Evêque en a écrit à Son Excellence Mr. le Ministre des Cultes, qui a accueilli favorablement cette pensée.
J'ose donc, Mr le Maire, vous prier d'examiner avec cette bienveillance qui m'a reçu à Paris, si la question de la cession de votre droit en cette considération serait probable et nous donnerait une espérance d'acquisition auprès de l'administration des hospices, selon la forme légale ordinaire.
La chapelle que nous désirons élever sur ce tertre sera publique, elle donnera de la vie à ce pauvre quartier, et fera honneur à la Ville, nous l'espérons du moins, et surtout, Mr le Maire, à votre sagesse et juste administration.
Je vous serais bien reconnaissant, Mr le Maire, si vous daigniez ainsi que vous le l'aviez fait espérer, la soumettre au Conseil et m'en donner avis.
Je regrette qu'un départ obligé pour Paris me prive de l'honneur d'aller vous offrir de nouveau mes respectueux hommages.
Daignez les agréer encore et me croire, Monsieur le Maire,
Votre très humble serviteur.
Eymard.
Paris, Rue fg S.Jacques 68
An Marianne Eymard
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 29 Janvier 1863
BIEN CHERES SOEURS,
C'est bien temps vous souhaiter la bonne année. Je l'ai bien fait devant Dieu et le fais tous les jours de bon coeur, c'est bien juste.
Mlle Guillot a dû vous dire que j'étais parti pour faire une fondation à Angers, j'en arrive seulement; j'y étais depuis la fin de décembre, mais si occupé que je n'avais pas le temps de respirer; aussi n'ai-je écrit à personne.
C'est le 29 décembre que Monseigneur l'Evêque, accompagné d'un nombreux clergé et environné d'une pieuse assemblée, est venu faire la première exposition. J'étais bien heureux de voir Notre-Seigneur monter sur un trône nouveau: c'est le troisième; où sera le quatrième ? où il voudra, nous sommes prêts à aller aux extrémités du monde pour sa gloire.
C'est bien tard, chères soeurs, vous souhaiter la bonne année, mais c'est toujours la même chose, c'est vous souhaiter le règne de Jésus en vos âmes et autour de vous. Que vous êtes heureuses! Dieu vous a confié de chères et jeunes âmes à former à son divin service ! faites-le bien avec bonheur et amour. Vous avez la plus belle des missions; puis, vous blanchissez, vous ornez ses autels, vous êtes bien honorées. Tout vous sera bien payé au ciel, mais soyez ferventes et dévouées.
Je vais bien, ma campagne ne m'a donné la migraine qu'un jour en revenant, et bien par ma faute. Maintenant j'ai un monceau de lettre à lire et à écrire, des visites à rendre; quel galérien ! Il faudrait ajouter: du Bon Dieu.
Je vais m'occuper du bon Mr Jouardet, il paraît qu'on l'a oublié.
Je ne sais quand je pourrai aller vous voir. Je dois aller à Marseille, mais je ne puis encore préciser le temps, et en passant j'espère monter à La Mure vous dire un bonjour du coeur, pas aussi long que je le désirerais, mais au moins bien fraternel et tout cordial en Notre-Seigneur en qui je reste
Votre frère.
EYMARD, S.S.S.
Paris, 1er Février 1863.
Bien cher Père,
La raison de souffrance que vous me donnez est trop forte pour vous refuser de revenir ici; aussi revenez, cher Père comme vous le désirez.
Comme on a abondance de couvertures à Angers et qu'ici nous en manquons, il serait utile qu'on nous en renvoyât deux ou trois, car vous devez en avoir quinze ou seize, et plus; cependant, si cela donne trop d'embarras, attendons.
Je suis en Notre-Seigneur, bien cher Père.
Tout vôtre.
EYMARD, S. S. S.
Paris, 2 Février 1863.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Il m'est venu une pensée devant le T. S. Sacrement au sujet de Mme Chanuet. C'est que, si vous écriviez, il vaudrait mieux le faire directement à elle, lui faisant charitablement vos observations, sous la forme de peine éprouvée par vous, et aussi afin qu'elle sache bien ce qu'elle a à faire; cela est plus convenable de votre part plutôt que de l'accuser devant moi; c'est plus digne de votre qualité de Supérieure, cela vous rendra aussi plus forte; exposez les faits, soyez modérée dans les réflexions personnelles, et prions que Dieu bénisse le reste. Il ne faut pas oublier que l'enfantement spirituel des âmes a aussi son agonie; c'est la naissance à la grâce.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYD.
Paris 2 février 1863
Cher Monsieur de Benque,
Agréez, quoique bien tard, mes voeux eucharistiques, pour vous et votre belle et chère oeuvre. Je vous souhaite toutes les bénédictions qui en découlent et tous les bonheurs que la Ste Eucharistie renferme.
Me voici arrivé d'Angers, j'espère que cette petite fondation procurera la gloire de Dieu, ils sont 6: 3 pères et 3 frères.
En revenant par Tours, un de mes bons amis m'a remis cette note, c'est un excellent adorateur. Je n'ai que vous à la Banque, je vous l'adresse, s'il y a quelque espérance, je la mets entre vos mains. Il paraît que M.Fabre est un sujet très distingué.
Croyez-moi en N.S., cher Monsieur de Benque,
Tout vôtre.
Eymard.
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 6 Février 1863.
Cher ami et frère en N.-S.,
Ce n'est qu'à ce moment que je lis pour la première fois votre lettre; vos amitiés, vos voeux, comme ils me vont au coeur! Je vous les rends tout brûlants, vous êtes bien mon cher et aimable Béthanie; j'aime Lazare, Marthe et Marie, et toutes ces petites fleurs du Bon Dieu.
C'est fini, je ne puis vous séparer de ma prière, et, comme boursier de la Société, je vous donne la bourse spirituelle.
Quand irai-je à Lyon? Peut-être bientôt, peut-être dans un mois; je l'ignore; mais je ne passerai pas sans aller vous saluer et vous serrer la min.
J'arrive d'Angers, où nous venons de faire une fondation: elle a commencée le 29 décembre, jour de l'Exposition. Cette maison va bien.
Quand irons-nous à Lyon? Dieu le sait. Ce sera la fondation de Notre-Dame de Fourvières. Adieu, bon et cher ami, mille bénédictions et amitiés à tous les vôtres.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD, S.
Lyon, dimanche, 8 Février 1863.
CHERES SOEURS,
Me voici à Lyon pour affaires, J'ai deux jours à moi, je pars demain lundi pour aller vous voir lundi soir. Je resterai chez vous le mardi, et le mercredi je vous quitterai.
A bientôt.
EYMARD.
Rome, Mars 1863.
Chères filles,
Ne vous inquiétez pas de moi, le bon Maître me garde bien.
Le mal de mer est bien passé, nous voici à Rome; aujourd'hui je vais voir le Saint-Père avec mes deux compagnons. J'espère le revoir, car cette visite ne peut encore rien terminer, à moins que le bon Dieu ne fasse comme la première fois.
Je prie bien pour vous toutes, et je voudrais pouvoir vous emporter toutes les bénédictions de Rome. Je vous nomme à tous les sanctuaires, à tous les Saints.
Adieu, chères filles. Je vous bénis de tout mon coeur.
EYMARD.
Mon adresse: à Sainte-Brigitte,
Place Farnèse, par Marseille, Rome.
Paris, 2 Mars 1863.
CHERE DAME ET FILLE EN N.-S.,
Je suis bien content de votre bon et beau voyage à Rome: c'est le plus beau pour une âme chrétienne. Lisez la Rome chrétienne ou quelqu'autre ouvrage, afin d'avoir d'avance la science des monuments.
Soyez toujours un soleil levant qui monte jusqu'à son plein midi. Le monde va toujours en nous volant notre temps, notre piété et nos vertus. Il faut bien remplir le réservoir de grâces le matin.
1· A Paris, on mange de la viande jusqu'au Mardi Saint inclusivement. Je pense qu'il en est de même à Marseille. Vous ferez comme le point de départ ou l'arrivée. Soyez large. Dites-en un mot pour vous à votre confesseur, si vous le trouvez nécessaire.
2· En mer vous ferez comme on fait en mer: heureuse encore si vous n'avez pas le mal de mer.
3· On peut faire ses Pâques à Rome plus que partout ailleurs; et dans quelqu'église ou chapelle que ce soit. C'est la règle qu'un voyageur fasse ses Pâques où il se trouve.
4· Je vous engage à communier toutes les fois que vous le pourrez. En pèlerinage, c'est un besoin.
5· Obligez votre bonne et chère mère de manger un peu plus, et le matin de prendre un peu de café. Elle profite de mon absence!...
Vous auriez bien dû me donner le nom de votre belle-soeur à Rome. Au Collège français, rue Sainte-Claire, près de la place de la Minerve, on vous dira mon adresse.
Je pense partir au commencement de la semaine prochaine.
Je vous bénis.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 2 Mars 1863.
MADEMOISELLE ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Il y a si longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles, ni de votre cher Directeur, que je crierais presque à l'oubli. Peut-être en dites-vous autant.
Je suis arrivé depuis peu d'Angers, où nous avons fondé une petite maison qui est en exercice depuis le 29 décembre.
J'arrive de Lyon où l'on nous proposait une fondation, mais Mgr le Cardinal a voulu prendre le temps pour examiner.
Me voici prêt à partir pour Rome dans huit jours. Je n'ai pas voulu partir sans venir vous en donner la nouvelle et vos commissions, si vous en avez.
Mais mettez-vous bien en prière pour nous, afin que la gloire de notre commun Maître sorte pure et grande de ce voyage.
Je suis tout misérable, au corps et à l'âme. Le bon Maître soutiendra, je l'espère, ma faiblesse.
Adieu, bonne soeur, croyez-moi toujours uni aux pieds de notre bon Seigneur, en qui je suis,
Tout à vous.
EYMARD, S.
Paris, 2 Mars 1862.
CHERE DAME,
Je ne suis pas encore parti; je pense partir au commencement de la semaine prochaine. J'ai donc le temps de recevoir de vos nouvelles.
J'ai fait la commission de votre cher frère; on l'a bien reconnu: il est en Purgatoire, vers le milieu, tenant les bras croisés, et regardant en haut avec calme; on m'a dit qu'il avait été très charitable. Voilà la meilleure de toutes les nouvelles. Quoique ce ne soit pas de foi, cependant c'est bien consolant.
Ma retraite n'est pas encore finie: on y travaille, on me la promet pour bientôt. Priez bien pour mon voyage de Rome.
Si vous aviez à m'y écrire, faites-le au Collège Français, rue Sainte-Claire, Rome.
Mes religieux et dévoués hommages à votre chère soeur, et à son pieux tableau.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD, S.
Paris, 8 Mars 1863.
CHERES SOEURS,
Je vous écris deux mots du chemin de fer, car je ne pourrai m'arrêter à Lyon, le temps me manque: il faut que je m'embarque pour Rome demain au soir, j'ai été si occupé !
Veuillez dire à Mlle Joséphine Christen, chez Mlle Billard, que j'ai lu sa lettre à la Mère, qu'elle peut aller la retrouver à Paris, qu'elle sera bien reçue; elle remplacera sa chère maîtresse aux pieds du Très Saint Sacrement. Pour moi, je la reçois de bon coeur, si elle veut attendre mon retour de Rome, dans un mois environ.
Elle fera comme elle voudra.
Faites bien mes excuses à la bonne dame Delpuche. Je la verrai à mon retour, ainsi que vous, mes chères soeurs.
Vos soeurs vont bien et vos deux nièces sont heureuses et bien sages; elle m'attendent à mon retour.
Vous allez bien prier pour moi, surtout à Notre-Dame de Fourvière, car c'est un grand voyage et il faut que le bon Maître fasse tout.
Aimez bien le Bon Dieu et servez-le avec joie toujours. Je ne vous écris pas souvent, mais vous êtes toujours chères à mon coeur devant le Très Saint Sacrement. Je vous traite comme ma famille.
Adieu, mes bonnes filles, je vous bénis.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD.
A Mademoiselle Guillot Mariette,
17, rue du Juge de Paix,
Lyon, Fourvière.
Paris, 8 Mars 1863.
CHERE SOEUR EN N.-S.,
Me voici en chemin de fer pour Marseille sans m'arrêter, parce que j'ai été accablé d'affaires jusqu'à ce matin. Je vais passer à Lyon ce soir vers les 10 heures; je vous bénirai en passant.
Assurément j'aurais été aise de vous voir et de vous dire de bien aimer le Bon Dieu, d'être l'hôte bien-aimée de son coeur, et la servante de son amour; qu'il n'y a de calme et de bon que ce séjour divin, de vraie vertu que celle qui nous fait vivre de Jésus, de pur amour que celui de l'abnégation. Ma chère fille, vous savez tout cela et avez commencé de le faire; faites-le bien toujours, car vous ne devez et ne pouvez plus reculer.
Ne m'en voulez pas si je ne n'ai eu qu'un mot à vous écrire, il est du coeur et du Tabernacle; je vous assure que je vous garde toujours votre place.
Adieu, bonne et chère fille en Notre-Seigneur; priez bien pour ce voyage, afin qu'il tourne tout à la gloire de notre divin Maître et que je ne sois pas un obstacle à ses grâces.
Je vous bénis, et votre chère fille que j'attendrai à Rome.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Adveniat Regnum tuum.
De Paris à Lyon, 8 Mars 1863.
Cher ami et frère en N.-S.,
Je viens vous dire en wagon un bonjour en courant. Parti ce matin de Paris, il faut que je sois demain matin à Marseille, pour partir le soir pour Rome.
Impossible, donc, de payer ma dette à la fraternelle amitié; vous, l'homme du devoir, vous aimerez le mien.
Impossible de gagner une demi-journée pour Lyon! Je penserai bien à vous à Saint-Pierre, à Sainte-Marie Majeure, à Saint-Jean de Latran. Vous prierez pour moi aussi, car j'en ai bien besoin. Il est vrai que le Bon Dieu a été toujours si bon pour nous, que j'aurais tort d'avoir peur des hommes.
Mes bien religieux respects à votre bonne dame, à toute votre famille; mes amitiés au brave Mr Barnola et à Mr Jacquet.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD.
Mon adresse à Rome : Au Séminaire français, rue Sainte-Claire, - si vous aviez besoin de moi.
Adveniat Regnum tuum!
Paris, 8 Mars 1863.
Chère fille en N.-S.,
Mon écriture illisible vous indiquera que c'est en chemin de fer que je vous écris.
Votre charité m'a excusé, je l'espère, de mon silence. Je vous attendais bien à Paris.
Vous avez eu bien vos peines et vos tribulations, et Notre-Seigneur ne vous a pas encore consolée par la résurrection de ce cher Lazare; elle sera belle puisque Dieu se fait tant prier!
Ayez confiance, le fruit de tant de sacrifices, de prières et de larmes ne peut périr. Continuez toujours à faire une sainte violence au Ciel. Voici le mois de saint Joseph, la fête de votre bonne mère; provoquez un peu ce beau bouquet, il faut que le bon saint Joseph s'y mette une bonne fois.
Soyez toujours calme et généreuse, bonne fille. Ne consultez ni votre coeur ni votre esprit, mais seulement le devoir ou la sainte Volonté de Dieu du moment ou le plus charitable parti. Dans le doute ou la crainte d'agir, priez; puis faites ce que la prière vous inspirera, rien si vous êtes dans l'anxiété, tout ce que la confiance vous dira: voilà pour vos rapports de conscience avec votre cher père.
Pour vous, allez au Bon Dieu comme les malades, car vous devez être bien fatiguée de tant de secousses. Rappelez-vous que dans les cas de maladie, la ... est la piété, c'est le bien devenu le plus grand bien. Laissez la pauvre nature crier un peu mais que le coeur soit toujours à votre divin Maître. Allez le voir souvent comme Madeleine de Béthanie.
Adieu, chère fille; j'espère bien recevoir de vos nouvelles à Rome, Séminaire français, rue Sainte-Claire, avec l'affranchissement de 1 franc.
Je vous bénis.
Tout à vous.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum!
Paris, 8 Mars 1863.
Bien chère fille en N.-S.,
Qu'il y a donc longtemps que je ne vous ai rien dit! Un peu les voyages, un peu la fatigue, et aussi votre attente à Paris: tout y a concouru. Mais vous savez que votre âme m'est toujours également chère en Notre-Seigneur et aussi que tout ce qui vous intéresse m'intéresse.
Mlle Guillot vous a donné de nos nouvelles; vous a dit ce que Notre-Seigneur a fait dans la Société. Le Bon Dieu est bien bon; il nous fait toujours bien des grâces, et nous, nous sommes de bien pauvres adorateurs.
Notre maison d'Angers va bien et fait déjà un peu de bien dans la ville. Notre église est bien fréquentée.
Maintenant me voilà sur le chemin de Rome. Je vais tout à l'heure passer à Romanèche et vous bénirai de tout mon coeur ainsi que votre cher malade. Je vais mettre aux pieds du Souverain Pontife notre petite Société et lui demander une seconde bénédiction. Je dois partir de Marseille demain soir à neuf heures et arriverai à Rome le mercredi, vers les onze heures du matin.
Je n'ai pas besoin de vous dire de prier pour ce voyage. Je le ferai pour [vous] et votre cher malade à tous les beaux sanctuaires de la Ville Eternelle.
Vous avez bien eu vos peines et vos angoisses, chère fille. Je comprends toute la peine de votre coeur en l'extrémité où vous vous êtes trouvée, entre la crainte du non succès et le devoir de la conscience. Oh! pauvre fille, que vous avez dû souffrir! Soyez tranquille: vous n'avez pas offensé le Bon Dieu.
Il voit et connaît très bien son devoir. Ce qui vous le prouve, c'est qu'il a demandé s'il était en danger; et cela veut dire qu'il se serait confessé.
Pour vous, chère fille, voici votre règle de conduite: Quand il n'y a pas de danger dans son état et que vous êtes dans le doute et la crainte de faire plus de mal que de bien, restez tranquille: ce n'est pas le moment. Il faut, pour parler directement de confession, que vous ayez un peu de confiance et que Dieu ouvre la porte.
Bénissons Dieu de la convalescence. Dieu prépare ce cher malade par la maladie, qui assurément le fait bien réfléchir.
Nous allons avec vous redoubler de prières, bonne fille. Je vous donne à cette fin tous les mérites de la Société pendant le mois de saint Joseph.
Adieu, bonne fille!
Je vous bénis de tout mon coeur. Soyez calme et pauvre aux pieds du bon Maître.
Tout vôtre.
EYMARD.
P.-S. - Voici mon adresse à Rome: Au Séminaire français, rue Sainte-Claire. - On affranchit pour un franc.
Adveniat Regnum tuum.
Rome, 28 Mars 1863.
Madame et chère fille en N.-S.,
Merci de votre lettre, elle m'a fait grande consolation. Merci de vos prières et de vos souffrances; tous les jours et à tous les sanctuaires je vous les rends de mon mieux. J'étais inquiet sur votre opération; elle est faite heureusement, Dieu en soit béni et remercié!
La Saint-Père va bien; il travaille à tuer dix personnes et le Bon Dieu le garde. J'ai eu le bonheur de le voir le 18 mars. Il a été bon comme à l'ordinaire. Comme nous étions trois ensemble, je n'ai rien pu dire d'intime, et même j'ai refusé de le voir seul dans ce moment, comme on me l'a offert, dans la crainte de faire de la peine à mes compagnons.
Le Saint-Père a renvoyé notre approbation à la Congrégation des Réguliers; c'est tout ce que j'avais à demander à Sa Sainteté.
Je viens, il y a un instant, d'avoir l'assurance que tout a été bien reçu. Maintenant notre affaire est renvoyée après le dimanche de Quasimodo, à cause de la Semaine Sainte et des vacances de Pâques.
Je ne fais qu'une chose, c'est de prier les Saints, la Très Sainte Vierge, et de faire chaque jour le Chemin de croix pour les âmes du Purgatoire, afin que Dieu fasse tout seul et tout magnifiquement pour la gloire de son divin Fils, Notre-Seigneur et Roi.
Rome jouit d'une tranquillité admirable; on dirait qu'il n'y a jamais eu d'ennemis ni de Piémontais.
Vous désirez des nouvelles de ma pauvre personne : mon corps va bien, mon âme souffre de ne pas voir le Très Saint Sacrement. Aussi, je cours chaque jour pour le trouver quelque part.
Je comprends mieux que jamais qu'une heure de recueillement, d'union, d'amour aux pieds de Notre-Seigneur fait plus de bien à l'âme que tous les pèlerinages du monde.
La foi y trouve, il est vrai, une édification; la piété une admiration; mais souvent l'esprit intérieur en souffre.
Soyez bien petite et simple, bonne aux pieds de Notre-Seigneur; laissez les nuages noirs à la porte. Ne faites pas attention aux pauvretés et misères de l'esprit. Donnez le coeur, offrez le coeur: voilà tout.
Dieu vous aime, Jésus est l'époux de votre âme, la loi de votre vie, soyez heureuse!
J'ai vu Mr de Charnacé; il est convenu qu'il ne faut pas demander la permission de la sainte Réserve. Gardez celle que vous avez de votre Evêque, nous a-t-on dit. Ainsi, soyez en repos de ce côté-là. Je vous achèterai les jolies croix.
Je vous bénis. Ecrivez-moi dans la Semaine Sainte.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.-S. - J'ai souffert de la traversée, on dit beaucoup; mais maintenant tout est passé. Ainsi sera le Ciel: toute souffrance ne sera qu'un souvenir d'action de grâces.
Rome, 28 Mars 1863.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je vous écris deux mots par le courrier de demain.
Notre santé à tous est bonne, notre affaire est portée à la Congrégation, j'en ai la certitude ce matin; mais voici la Semaine Sainte et les vacances de la semaine de Pâques: quinze jours où l'on ne travaille pas dans les bureaux.
Nous en profitons pour prier un peu plus Notre-Seigneur. Je ne vous oublie pas, ni votre chère Oeuvre, mais impossible d'approcher le Saint-Père en ce temps.
Il y a tant de monde à Rome qu'hier le Saint-Père a donné une audience publique à trois cents personnes.
Il faut continuer à prier beaucoup, car c'est par ce moyen seulement que nous obtiendrons; ici les hommes les plus élevés ne nous peuvent servir de rien. Pour le travail que je vous ai demandé, c'est bien inutile peut-être; cependant si vous pouvez le faire, faites-moi passer ce travail bien cacheté par la nonciature. Le Père Carrié le portera à Monseigneur Meillat ou au secrétaire, Mr Lucciardi, qui me le feront passer gratis. Je leur ai rendu le même service. Le temps me dure de notre petit Cénacle, j'ai besoin de voir le Saint Sacrement: tous ces Saints que je rencontre, toutes ces belles églises que je vois, toutes ces magnifiques fêtes, ne me font pas le bien d'une heure d'adoration. Oh! vive le T. S. Sacrement et la plus belle comme la plus heureuse des vocations!
Soeur Benoîte, je vous ai souhaitée votre fête dans la belle église de Saint-Paul, où sont les Bénédictins. Priez bien pour l'Oeuvre, pour ceux qui doivent s'en occuper ici, afin qu'ils ne traînent pas trop en longueur.
Dites bien, chère fille, à toutes vos Soeurs que je ne les oublie pas, que je vous présente tous les jours à Notre-Seigneur sur l'autel de quelque martyr.
Adieu, chère fille, ménagez-vous un peu mieux, soyez sans inquiétude sur moi.
Je vous bénis.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.