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Paris, 18 Décembre 1862.
Bien cher Père,
J'attendais une lettre du P. de Cuers pour vous écrire et vous fixer sur le jour de l'ouverture de l'Exposition à Angers.
J'aurais mieux aimé le jour de l'Epiphanie que celui de St Jean; cependant j'ai laissé la chose à la décision du P. de Cuers: si tout est prêt, si Monseigneur le désire plus tôt, ce sera tranché.
Je vous fixerai là-dessus dès que je le saurai; le Père est très content.
Si vous jugez bon, faites votre cérémonie de vêture de vos novices pour la Noël ou un autre jour. Le bon Père Champion a raison en cela, la soutane inspire la vie religieuse et on peut dire que chez nous elle la fait.
Nous ferons la profession le jour de Noël ici; ceux qui sont appelés, ce sont: le P. O'Kelly, le fr. Eugène, et le fr. Henri; pour le fr. René, portier, tout en reconnaissant qu'il va bien depuis un certain temps, on l'a ajourné à quelques mois, afin de le stimuler pour apprendre à lire, ce qu'il ne sait que fort peu, aussi s'y met-il de toute son âme.
C'est bien la divine Providence qui a ajourné ma visite à Marseille: je n'aurais pas pu prêcher l'octave de l'Epiphanie, je suis un peu fatigué d'un échauffement d'entrailles, ce qui m'oblige à la patience, je pense que cela vient du froid en grande partie.
Je prie donc bien le Bon Maître de bien inspirer le cher Père; il est tout neuf, et a un vaste champ à son zèle. Je sais qu'il va bien et qu'on l'aime; dites-lui mes amitiés, ainsi qu'à tous vos frères.
En Notre-Seigneur, cher Père,
Tout vôtre.
EYMARD.
Samedi, 26 Décembre 1862.
Cher Père,
Je vous écris à la hâte; je n'ai pu voir Mr le Ministre, je le verrai lundi; tout le monde me dit que la question des servants auxiliaires n'est pas comprise dans les trois prêtres.
C'est le dernier coup du diable; Notre-Seigneur aura le dernier mot, à lundi.
Excusez cette feuille je vous écris de la poste en sortant du ministère.
Tout vôtre.
EYMARD.
chez les Carmélites, rue Lyonnaise,
/22 décembre 1862/
Monseigneur,
Dieu bénit toujours notre Oeuvre de la première Communion des Ouvriers Adultes; 51 le jour de Noël auront le bonheur de communier pour la première fois, et, parmi lesquels six chefs de famille, un père à baptiser et ses deux enfants. En faveur de cette Oeuvre chère à votre coeur, Monseigneur, j'ose supplier Votre Eminence d'accorder le Salut le jour de la 1ère Communion, afin de terminer ce beau jour par la Bénédiction, en renouvelant les voeux du baptême. Nous trouvons souvent des unions illégitimes parmi ces malheureux parents; nous nous entendrons alors avec M.M. les curés pour les marier sans bruit dans notre chapelle. A Pâques nous réunissons tout ce que nous pouvons de nos anciens enfants, nous leur faisons une retraite de 4 jours pour les préparer au devoir pascal et nous avons la consolation d'y voir accourir le plus grand nombre.
Daigne votre coeur si paternel, Monseigneur, bénir et le Père et les enfants, bien heureux d'être
de Son Eminence l'humble enfant.
Eymard
Paris 22 décembre 1862
(en marge: fiat ut petitur. A Suret, V.G.)
Chemin de fer, 26 Décembre 1862.
BONNE DAME,
Me voici parti pour Angers: c'est lundi, à huit heures du matin, qu'a lieu la première Exposition par Mgr l'Evêque. Je pense y rester jusqu'au 15. J'y attends votre visite; sinon, je tâcherai, s'il m'est possible, d'aller vous dire un bonjour.
Mon adresse: rue Lyonnaise, chez les Carmélites,
Mes bons souvenirs à votre chère soeur.
Tout vôtre.
EYMARD.
Angers, 31 Décembre 1862.
Bien cher Père,
Je vous renvoie le P. Peilin et je garde le P. Chanuet jusqu'à vendredi matin, à cause de la fête de demain. Le P. Chanuet a dû vous écrire le détail de la fête de lundi.
L'autel était magnifique, tous les Corps religieux représentés; Mr le Curé de la Cathédrale, ceux de Sainte Thérèse - son vicaire- et de la Trinité, Mr Charles, Mr du Coudray, les deux grands vicaires, l'aumônier de Monseigneur.
Mgr l'Evêque a fait un récit bien touchant entre Jésus naissant et nous arrivant, et l'exposition.
A la fin, ses larmes coulaient, il a dit de bien jolies choses sur le T. S. Sacrement, il a dit tout son coeur, entre autres: "Mes prêtres vous recevront bien, les pasteurs vous recevront bien, et si jamais vous y trouviez un coeur fermé, vous aurez toujours le coeur de votre Evêque." Il a fait l'éloge du quartier: "Recevez les pauvres, disait-il, ils sont les bien-aimés du Seigneur; recevez les riches, qui, quoique souvent hélas! infidèles au Seigneur, cependant ont été reçus à Bethléem."
L'assistance était nombreuse: il y avait bien cinquante hommes et trois cent cinquante femmes. Le soir j'ai prêché, il y avait moins d'hommes, mais autant de femmes, j'ai annoncé les exercices journaliers, l'instruction du Jeudi, et dit un mot de l'Agrégation.
Nos adorations vont bien; je vois à tout instant de braves femmes qui viennent faire leur adoration, il y a beaucoup de personnes pieuses de ce côté.
Les bonnes Carmélites sont excellentes et heureuses du bonheur de l'Exposition; leur aumônier a été remercié; il valait mieux en finir de suite, nous nous serions mutuellement gênés.
J'ai vu hier longuement Mr le Préfet; il voulait être bon; il voulait être sévère, à cheval toujours sur la franchise, et là-dessus, je lui ai bien dit notre marche, mais il en revenait toujours à sa lettre du ministre, dont il n'avait pas reçu réponse, qu'il me la ferait passer quand il l'aurait reçue. C'est un homme qui veut toujours vous tenir pendu et agonisant. Je lui ai répété sur tous les tons que nous respecterions la limite du ministre, que Mr le Ministre avait des préventions contre nous, qu'il avait été mal renseigné. Mr le Préfet a parlé des associations à organiser pour l'adoration des gens de la ville, il les compare aux sociétés secrètes, il dit qu'elles sont non du ressort du ministre, mais du sien; pauvre homme! il a le triste talent des épines! mais Notre-Seigneur est sur son trône, il a déjà trois jours d'existence, il grandira, et devient le Dieu de la Résurrection. Mr le Préfet me disait toujours: Mr le Ministre a plus accordé qu'il ne le voulait, vous êtes une Congrégation. - Oui, Monsieur, nous sommes une Congrégation, mais séculière, et sous ce rapport, Mr le Ministre ne nous a pas accordé une faveur, ni un privilège, nous ne sommes pas sous la loi des réguliers, nous avons la vie de communauté, nous sommes six, nous respecterons la défense, nous y sommes intéressés. Je l'ai remercié de n'avoir pas mis opposition à l'ouverture. Et une demi-heure s'est passée ainsi.
Maintenant, merci de vos bons souhaits, cher et bien-aimé Père, vous ne pouviez m'en faire de plus eucharistiques, ni de plus chers à mon coeur; souffrons tout, pourvu que notre grand Roi règne; affrontons tous les sacrifices, pourvu que nous lui gagnions un trône de plus. Tout pour le Maître! - au serviteur le bonheur seul de le servir. Nous avons par notre vocation l'empire du monde, la grâce du temps, la puissance et la mission de l'amour eucharistique; oh! si nous pouvions bien apprécier l'honneur et la grandeur de notre vocation! qu'ils sont petits les grands hommes de ce monde en face de la Divine Eucharistie! qu'elles sont petites les vertus des grands saints même, devant ce Soleil de toute justice, petites étoiles devant ce Soleil de l'éternité!
Un bon religieux du T. S. Sacrement est bien partout..... il a l'adorable Hostie. Comme le Bon Dieu a été bon dans cette fondation! il la voulait bien; la première et la dernière heure ont été sublimes, l'honneur du Maître a été royal.
Assurément, elle sera grande un jour cette fondation, elle a été trop éprouvée pour rester dans la médiocrité, et si nous n'avions pas commencé de suite, probablement mille nouvelles difficultés seraient venues l'entraver; c'était l'heure de Notre-Seigneur: tout nous manque et nous avons le surabondant; une bien pauvre et froide église, mais elle a le Roi sur son trône de grâce et de feu.
Je suis heureux d'être venu à la première heure, vous viendrez à la seconde, cher Père, car quand je regarde l'avenir, j'ai besoin de vite fermer les yeux et de faire comme St Jean sur le sein de Notre-Seigneur.
Je me dis toujours: nous sommes soldats, le soldat prend le mot d'ordre le matin de son chef jusqu'au soir; voilà toute la vie du soldat; le lendemain il ira reprendre le mot d'ordre nouveau.
Le P. Peilin est décidé à se faire opérer à Paris; encouragez-le, mais dans ce cas comment faire pour Marseille, pour le P. Leroyer? Je crains que le P. Peilin n'ait besoin de séjourner un peu de temps à Paris, et alors comment faire pour remplacer le Père? Peut-être cette opération n'est-elle rien.
Pour la retraite de l'Epiphanie ici, je ne sais rien encore; y aura-t-il du monde? Faut-il l'annoncer demain, ou dimanche? Fera-t-elle sensation? Je suis comme un homme qui n'y voit pas clair, étant encore sous l'impression de la peine que m'a faite la visite d'hier. Je ferai pour le mieux.
Mes souhaits de bonne année eucharistique à tous les Pères et frères, mon souhait se résume en ceci: qu'ils soient de bons et d'heureux adorateurs, toujours fiers et contents de servir un si grand et un si bon Maître.
Je vous suis, bien cher Père, bien fortement uni en notre Bon Maître et tout vôtre.
EYMARD, S.
(Paris, fin décembre 1862)
Eh bien! Cher Père, les ouvriers, les ouvrières, le chemin de fer, tout va à la vapeur!
Maintenant est-ce toujours au 27, S.Jean, l'ouverture ? Je ne puis partir le jour de Noël, nous avons les voeux ce jour-là, puis la 1ère Communion, etc..- Je serai un peu mort, - mais je partirai ou la nuit ou le vendredi, et - vraiment - il est presque regrettable que l'Epiphanie ne soit pas le jour de la 1ème royauté.
Tout le monde est étonné de cela ici, ce ne serait jamais que 5 à 6 jours de plus. Voyez, examinez, pour moi, je n'ai d'autre opnion que la vôtre.
Bon courage et amitiés à tous.
Eymard
Angers, 1er Janvier 1863.
Bien cher Père,
Je viens vous souhaiter la bonne année, tous les premiers. Je vous l'ai souhaitée ce matin aux pieds du divin Maître et l'ai prié de bien vous bénir tous: vous, le cher Père Champion et tous vos chers frères.
Que souhaiter à un religieux du T. S. Sacrement, sinon d'être un bon et parfait adorateur, purement dévoué au service de son bon Maître, ne cherchant que sa gloire, par la mort de soi, ou mieux par l'oubli entier?
Ah! si nous comprenions l'honneur et le bonheur de notre sublime vocation! Si le monde savait notre richesse!
4 Janvier. Je viens achever ma lettre, cher Père: j'ai été tellement pris ces jours-ci, que je n'ai pu avoir un moment.
Je ne vous dis rien de l'ouverture, votre ami Mr Chesneau l'a faite le même jour. C'était beau! Toutes les classes étaient représentées: les Jésuites, les Lazaristes; les Oblats; les curés: celui de la cathédrale, ceux de Ste Thérèse et de la Trinité, avec son vicaire; les aumôniers du Calvaire, des Carmélites, Mr du Coudray.
Il y avait bien de cinquante à soixante hommes, près de trois cent cinquante femmes.
Monseigneur a parlé comme il parle, avec son coeur si pieux et si tendre: il m'a fait pleurer, il a pleuré lui-même.
Voilà Notre-Seigneur sur son trône d'Angers, il y a sept jours aujourd'hui, il y grandira: je crois que cette fondation sera grande un jour, elle a été si éprouvée!
Votre ville d'Angers a de bons éléments, cher Père, je vous en réserve le travail, ne connaissant personne; ma mission, à moi, est de bien planter cet arbre de vie, de former l'intérieur de la garde eucharistique; puis vous, vous mettrez le feu. Notre bon Maître est bien visité par la population de la Doutre, il doit être content.
Tâchez de partir pour Paris vers la fin de l'octave de l'Epiphanie; vous y prendrez le P. de Cuers, que vous amènerez avec vous ici.
Mais pour cela, entendez-vous avec lui; le P. Peilin ira à Marseille, il veut se faire opérer avant, il est heureux d'y retourner.
Tout le monde vous attend ici.
Nous n'avons encore rien reçu de Marseille, je vais faire ma réclamation: je pense que c'est aux Carmélites que vous avez adressé les deux colis.
Voyez la divine Providence! c'est Marseille qui a donné le beau dessert, et c'est Paris tout seul qui a orné l'autel; vous aurez le second honneur.
Adieu, cher Père, à bientôt.
A tous vos chers frères, mes bien cordiales amitiés.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
P. S. - J'ai oublié une lettre à vous du fr. Henri à Paris; il vous priait de prier pour sa profession: ne lui parlez pas de mon oubli.
Angers, 2 Janvier 1863.
Bien cher Père,
Je ne puis laisser partir le P. Chanuet sans vous écrire un petit mot. Notre-Seigneur a aujourd'hui cinq jours chez nous. Dieu veuille que ce soit des jours pleins et agréables à ses yeux!
La maison se met en marche. Notre-Seigneur a son petit service, les pauvres viennent le visiter.
Je vais écrire au P. Leroyer de venir vers la fin de son octave, de vous prendre à Paris, mais il y aura à voir quand le P. Peilin pourra y aller; il m'a dit qu'il allait se faire opérer à Paris; réglez un peu ce voyage avec les deux, et écrivez-m'en la note.
En Notre-Seigneur,
Tout vôtre.
EYMARD.
Angers, 2 Janvier 1862.
/Laut Troussier 2.Jänner 1863!/
Merci, chère fille, de vos voeux eucharistiques, vous avez dû recevoir les miens; nous avons tous les deux la même mission, c'est à qui sera le plus dévoué.
Notre pauvre maison de Bethléem commence à avoir le nécessaire du jour, mais non celui du lendemain. Il nous faudra six surplis de rechange, ce sera encore votre affection fraternelle qui nous les enverra.
Dites à soeur Benoîte de ne pas oublier les absents et de bien vous obéir, que je la bénis pour la guérir un peu.
Tous mes sentiments les plus dévoués à toutes, un souvenir particulier à Mlle Thomas: il faut qu'elle soit la paille du berceau de l'Enfant-Jésus.
Mlle Michel doit venir vers le 15.
Je vous bénis, chère et pauvre fille.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
Tout à vous.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum.
Angers, 3 Janvier 1863.
Madame,
Vos deux lettres m'ont un peu consolé de votre départ. J'allais mettre à la poste (ci-incluse) lorsqu'on me remet la vôtre... c'est le Bon Dieu qui l'a voulu pour sa plus grande gloire; il me semblait que vous deviez avoir la première bénédiction; vous l'avez eue, car vous êtes fille et soeur de cette famille du Très Saint Sacrement.
J'ai été heureux de rencontrer Mr d'A..., c'est lui qui m'a reconnu le premier et parlé; il a été très bon. Je lui ai dit que si j'avais eu un jour libre, je serais allé lui présenter mes hommages.
4 Janvier. - Nous voici donc à Angers! après tant d'obstacles, de défenses, de menaces, ce que Notre-Seigneur veut se fait, malgré toutes les malices des hommes.
Aussi ne voulons-nous fonder que sur sa protection et son amour; sa gloire y est trop intéressée pour nous abandonner sur la mer courroucée.
L'ouverture a été belle, Monseigneur y a mis tout le coeur de sa piété et de sa tendresse, il a dit des choses admirables de la fondation qu'il a comparée à la naissance de Notre-Seigneur; puis, il nous a fait sa profession de foi pour nous. Je me serais caché, si je l'avais pu. Ce bon Evêque a pleuré en prêchant.
Cette fondation, je l'espère, sera la plus belle fleur de sa couronne, puisqu'elle a été cueillie au Cénacle.
Le clergé régulier et séculier y était bien représenté: le Supérieur des Jésuites, des Lazaristes, des Oblats; les Curés de la cathédrale, de Sainte-Thérèse et de la Trinité; les aumôniers Mr Charles, Mr de Coudray; les deux grands-vicaires; le secrétaire de l'Evêché; le vicaire de Sainte-Thérèse; l'aumônier des Carmélites. L'assistance était nombreuse, une soixantaine d'hommes, trois cents femmes au moins, de la musique.
Quant à la fête du Ciel, elle a dû être grande; c'est un nouveau trône pour l'Agneau!...
Notre-Seigneur Jésus a aujourd'hui sept jours chez nous; oh! qu'ils ont été bons et aimables! J'avais faim de le voir et de lui parler!
Vraiment, je me prends quelquefois à dire à ce bon Maître que je l'aime bien, car à ses pieds j'oublie Paris, Marseille, La Mure; il me semble que je ne suis plus de ce monde. Quelquefois je me demande si j'ai du coeur encore...
Que c'est beau, l'exposition! il n'y a plus de pays étrangers, plus de belles choses au monde! Si non la belle, la sainte, l'aimable et adorable Hostie, Jésus!
Le peuple des environs vient bien visiter Notre-Seigneur. Je comprends que l'autre rive n'y vienne pas, c'est loin; puis, on a l'exposition à l'Evêché.
Inutile de vous dire, bonne dame, que j'ai prié pour vous et les vôtres.
Votre chape est ici un monument mémorial de chaque jour à quatre heures.
Puisque vous avez le temps, écrivez-nous. Je ne sais encore quand j'irai à Paris.
Si le bon Maître voulait me faire mourir ici, je le veux bien : être enterré dans les fondations. Quelquefois je le lui demande, car celui qui viendra après moi sera mieux et fera mieux; moi je suis le premier soldat du premier coup de feu, couvert de poussière et de boue; sur le champ de bataille, on n'a que cela; après, il faut être mieux.
Adieu, aux pieds du divin Maître, je vous bénis de tout mon coeur. Sachez vous y trouver bien, mais bien simple, bien petite, jeune comme l'Enfant Jésus; n'écoutez pas votre fièvre ni vos brouillards. Jésus votre Roi vous aime C'est bien sûr!
EYMARD.
Je vous envoie ma première lettre comme preuve que je n'ai pas oublié ma promesse.
Angers, 4 Janvier 1862.
Chère fille,
Merci d'avance de vos surplis; nous n'avons besoin que de quelques draps, il n'y en a pas pour changer, c'est du jour au jour.
Je suis content qu'on vous charge de la Ste Vierge et de St Joseph. Si tout le monde chante, chantez.
Pour l'adoration jusqu'à minuit, il me semble que jusqu'à neuf heures et demie, dix heures au plus, ce serait assez; le reste me semble un peu hasardeux. Dites que vous ne le pouvez prendre sur vous; et si l'on répond qu'on le prend sur soi, dites que dans un autre cas j'ai grondé. C'est la gloire du bon Maître qui fait faire tout cela, l'intention est excellente. Mais il faut qu'outre cela, vous ayez de la prudence, c'est même le moment d'en avoir davantage.
Je vais bien, merci de vos lettres, elles me font grand plaisir.
Tout à vous.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum.
Angers, 5 Janvier 1863, chez les Carmélites.
Chère Mère et fille en N.-S.,
Je n'ai pas eu le temps de vous souhaiter encore la bonne année; je l'ai fait devant le Bon Dieu, et le fais tous les jours au memento où vous avez votre place jusqu'à la fin de ma vie.
Je vous souhaite, bonne mère, l'amour royal de Notre-Seigneur; le reste n'est rien à côté de ce diadème eucharistique. Oh, oui, aimez donc royalement et non servilement ce bon Seigneur!
Soyez donc une vraie fille de la dilection. Vous avez son tabernacle et vous en avez la clef et la garde.
Puis, faites tout royalement, pour la pure gloire de votre bon Seigneur, et, enfin, soyez-moi un peu plus obéissante quand je vous dis :
Soyez { bonne et gracieuse envers vos filles;
{ intérieure et patiente envers vous;
{ noble et dévouée au service de Dieu;
{ toujours à l'heure de la Volonté divine.
Et là-dessus, je vous bénis et vais célébrer et vous offrir au Père céleste.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.-S. - Pour les hosties, Mgr l'Evêque les a exclusivement confiées à des Religieuses; il a même refusé aux Carmélites d'ici d'en faire.
Adveniat Regnum tuum!
Angers, 5 Janvier 1863.
Merci, bonne fille, de vos souhaits, et surtout de vos prières; faites-les bien, en ce moment surtout.
Je vous fais le même souhait. Oh! oui, que Notre-Seigneur règne en tous les coeurs, mais surtout dans le nôtre!
Car il aime plus cette conquête par notre don que le don de tous les autres coeurs.
Bonne fille, je le vois, vous voulez sortir de cette apathie qui vous fatigue; vous voudriez un moyen extérieur, fort, actuel, un peu plus stimulant, et moi je vous dis que vous en avez un meilleur, c'est celui de la grâce de la sainte Réserve, de la sainte Communion et de votre chère mère.
Ne vivez que du jour au jour et de la grâce du jour. Vous faites trop comme les malades. Voyez le bien reçu, l'amour de Notre-Seigneur sensible, sa bonté de tous les instants; vivez un peu plus de reconnaissance et le feu reprendra sa vigueur.
Je suis bien content de la nouvelle que vous a donnée Mr le Curé; soyez sûre que le bon Maître est content de vous, il restera votre hôte divin.
Notre petite fondation va au milieu de la petite pauvreté, et d'une pauvreté qui paraît riche. L'exposition a eu lieu magnifiquement le 29 décembre par Monseigneur. Voilà donc que l'Enfant-Jésus a huit (jours) chez nous: il fait toujours bon sur ce Thabor de l'amour.
Adieu, chère fille; je vous bénis en cette nouvelle année.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum!
Angers, 5 Janvier 1863.
Chère fille en N.-S.,
Que Dieu vous rende vos bons souhaits pour moi! Vos besoins me sont toujours présents. Cette chère âme à voir aux pieds du Bon Dieu et se rendant tout de bon à sa divine bonté et miséricorde, cette grâce est bien chère et bien vive en mon coeur.
Pour vous, chère fille, soyez toujours la petite pauvre du Bon Dieu! Les pauvres ne savent ni penser, ni travailler, ni dire bien leurs besoins. Soyez ainsi aux pieds du bon Maître.
Votre pauvre esprit ne vous sert guère et vous fatigue même. Supportez ce pauvre fiévreux. Vivez, chère fille, gratuitement (mais bien reconnaissante) de la bonté paternelle de Dieu si grande en vous. Allez toujours de l'avant, malgré vos distractions, vos imaginations et vos fautes.
Voyez comme le Bon Dieu a eu pitié de cette pauvre femme. Elle a fait une sainte mort; elle a reçu ses Sacrements; elle a eu sa raison. Mais c'est là la plus grande grâce. Vos désolations et vos craintes à son sujet ont touché le Coeur de Dieu.
J'ai bien aimé votre lettre en forme de journal. C'est ainsi qu'il faut faire; il n'y a rien de mieux pour le coeur d'un père.
Je suis aise que vous veniez à Paris. Je pense y être dans une dizaine de jours, si c'est la volonté de Dieu.
Notre petite fondation, faite au milieu de bien des épreuves, marche. Nous sommes cinq; mais tous les sacrifices ne sont rien quand on a Notre-Seigneur sur son trône. Le voir, l'aimer, le servir: n'est-ce pas le Paradis?
Adieu, bonne fille! Si je meurs, je vous prie de faire dire une cinquantaine de messes pour celles que j'aurais oubliées de dire. J'ai toujours peur là-dessus.
Je vous bénis de tout mon coeur.
EYMARD.
Angers, 7 Janvier 1863.
Bien chère fille,
Merci de vos lettres, quoiqu'elles n'annoncent une bien grande croix. J'ai commencé la neuvaine ce matin à six heures, je la continuerai à la même heure. Je demande au bon Dieu de laisser encore soeur B.: elle a bien le temps de se reposer. Dites-lui que je la bénis et l'ai bénie avec le Très Saint Sacrement, qu'elle offre bien à Notre-Seigneur ses souffrances pour l'Oeuvre et surtout pour la nouvelle maison d'Angers. Je prêche l'octave deux fois le jour; je n'ai pas le temps de me tourner. Dieu soutient ma faiblesse et j'en ai besoin.
Merci de vos surplis, de vos draps, mettez-y quelques essuie-mains, et nous serons riches; le reste va. Ecrivez-moi bien.
J'ai l'âme résignée, mais le coeur triste. Que la sainte Volonté de Dieu soit faite!
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Je rouvre ma lettre pour que vous disiez à soeur Benoîte de demander en vertu de la sainte Obéissance à Notre-Seigneur de rester encore un peu pour souffrir pour l'Oeuvre....
Angers, 7 Janvier 1863.
Bien cher Père,
J'ai commencé l'octave, je prêche à 6 h.½ du matin pour les ouvrières et à 4 du soir pour les personnes libres; il y a du monde, non en foule, mais des âmes pieuses; c'est Dieu qui les enverra, il faut qu'il les bénisse.
La fête royale a été très belle, et beaucoup de monde; vous, avez dû être magnifique. Les objets de Marseille étaient à Angers depuis plus de quinze jours, nous les avons réclamés, et reçus la veille de l'Epiphanie; ils ont fait les honneurs de la fête.
On vient bien visiter Notre-Seigneur, c'est pauvre, mais bon.
Je vais prêcher, je suis bien triste de la maladie bien grave de soeur Benoîte; que la sainte Volonté de Dieu soit faite!
En Notre-Seigneur,
Tout vôtre.
EYMARD.
Angers, 8 Janvier 1863.
Bien cher Père,
On commence à venir aux instructions, aujourd'hui j'ai compté six prêtres dans l'auditoire; priez que Dieu bénisse la fondation.
Melle Guillot doit nous envoyer des surplis, etc., veuillez mettre dans son ballot quelques essuie-mains, si elle n'en a pas mis; mais surtout achetez nous deux lampes comme celles de la sacristie et de l'escalier, avec deux verres de rechange, il nous faudrait aussi des bobèches de verre pour nos candélabres, nous n'en avons que juste le nombre suffisant. On mettrait tout cela dans le paquet.
Tout le monde va bien.
Le fr. Henri se distingue, Paul chante, le fr. Eugène brille par ses illuminations, nous ne brillons pas par le chant, je stimule les soeurs pour chanter.
In osculo sancto.
Tout vôtre.
EYMARD.
P. S. - Il faut envoyer le plus tôt possible le P. Peilin à Marseille, afin que le P. Leroyer
vous arrive à Paris et tous deux ici.
religieux du Très-Saint Sacrement,
Angers, 9 Janvier 1863.
Chère fille,
Je vous ai écrit mercredi. Je suis étonné que vous n'ayez pas reçu ma lettre; j'ai tout reçu: vos 100 francs, votre lettre télégraphique; ce qui m'a le plus touché, c'est votre charité.
J'ai commencé la neuvaine pour la guérison de soeur B. le 7; je dis la sainte Messe tous les jours à six heures à cette intention.
Dieu me soutient, l'adoration va bien, les prédications deux fois par jour; il y a un auditoire pieux, pauvre et agréable à Dieu.
Dites à soeur B. que je prie beaucoup pour elle, qu'elle s'offre bien à Dieu.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
P. S. - Je vais prêcher.
Angers, 10 Janvier 1863.
Chère fille,
Tout est arrivé à bon port, nous voilà trop riches; merci, que le bon Dieu vous le rende!
Je remercie le bon Dieu de guérir soeur Benoîte: il faut qu'elle travaille encore; ce ne serait pas beau de s'en aller en Paradis et de me laisser dans la misère et les peines; elle est sage, cela me fait plaisir.
Nous travaillons bien. Dieu me garde, je ne suis pas malade; nos Pères vont bien, ma migraine vient jusqu'à la porte, puis elle voit que j'ai trop à faire, elle me fait peur, puis elle s'en va.
Je vous bénis bien.
Tout vôtre.
EYMARD.
Angers, 11 Janvier 1863.
Chère fille en Notre-Seigneur,
J'ai reçu votre lettre et son contenu: grand merci; mais ne m'envoyez plus rien. J'ai tout ce qu'il faut à présent, ce serait du superflu. Je regrette presque notre pauvreté première, c'était si joli de se dire: nous ne l'avons pas. Comme on peut se passer de tout, excepté de Dieu!
Remerciez Mlle Thomas de sa générosité, elle a été bien généreuse; aussi Notre-Seigneur lui en tiendra compte, et nous aussi.
Rien de nouveau ici. Notre octave finit mardi.
Je remercie bien le bon Dieu d'avoir soulagé soeur Benoîte: je l'ai bien prié pour cela. Dites-lui que je ne l'oublie pas; au contraire, je prie beaucoup pour elle, pour vous et pour toutes vos chères filles.
En Notre-Seigneur,
Tout vôtre.
EYMARD.