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Paris, 9 Mars 1860.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je viens de recevoir votre bonne lettre qui m'annonce que le moment de Dieu n'est pas encore venu. Je l'en ai bien remercié de me le faire dire si clairement. Eh bien, bonne dame, nous nous y préparerons; nous travaillerons, non à devenir plus grands, plus nombreux, plus éloquents, plus riches, mais plus rien en l'amour de Notre-Seigneur. Puis, quand l'heure aura sonné, toutes les portes s'ouvriront d'elles-mêmes, parce que tout obéit à Notre-Seigneur.
On vous a donné une belle mission, celle de la prière; elle est grande et toute-puissante; nous nous unirons à vous. Ainsi, laissons notre bon Maître encore un peu dans le tombeau.
Pendant que vous traitiez de la fondation de Nantes, nous étions sur une petite croix. Un concierge, après nous avoir volé tout ce qu'il a pu, s'est enfui; et non content de cette fuite, il est revenu pendant l'office de lundi, et a pris ce qu'il restait à son gré. Eh bien, il faut encore bénir le bon Maître, car il n'a volé qu'à nous, le pauvre malheureux; heureusement, il n'a pas touché les vases sacrés.
Jésus nous reste, nous sommes assez riches; mais il faudra encore aller devant les tribunaux, et il en coûte à la nature.
Définitivement je reste pendant le Carême à Paris. Le jour de Pâques nous avons une belle Première Communion de nos adultes, et il faut que je les prépare. Que Dieu vous soit tout en tous.
Adieu bonne dame.
Tout à vous en N.-S..
EYMARD, Sup.
Paris, 11 Mars 1860.
Bonne demoiselle,
Votre lettre est la première de Tarare, mais aussi la première en mon coeur. Merci, merci, de votre bon souvenir, mais non de votre reconnaissance, car j'ai fait si peu pour vous! Mais ce ne sera, je l'espère, qu'un acompte.
Vous réjouissez bien mon coeur de m'apprendre que l'adoration va bien et s'est un peu augmentée. C'est bien là l'oeuvre royale, de laquelle toutes les autres découlent et qui est la grâce et la fin de toutes. Aussi, bonne demoiselle, soyez-lui toujours toute dévouée; c'est l'office des Anges.
Quand vous le trouverez opportun avec Monsieur le Curé, nous irons vous donner une bonne retraite eucharistique. Mais il faudrait y consacrer une semaine entière, pour faire quelque chose d'un peu plus solide et suivi.
Madame Tholin m'écrit de Toulon (où elle va mieux) ces mots: "Voici ce que m'écrit le P. Duffieux de Saint-Chamond: J'ai espéré pendant quelque temps la visite du P. Eymard; veuillez l'assurer dans l'occasion de mon respect et de ma sincère affection."
Ainsi, vous voyez que tout n'est pas perdu et que malheureusement je ne suis pas encore sur le chemin de la canonisation.
Mais venons à vous, ce sera mieux.
La sainte Volonté de Dieu du moment et marquée par la nécessité est la plus grande grâce, elle vaut mieux que toutes les oeuvres de zèle, que la sainte communion elle-même, puisqu'elle est la sainteté pour nous. Mais quand vous ne pouvez, allez mendier le pain de vie, communiez spirituellement, afin d'entretenir cette faim et cette soif du Bon Dieu, et que votre âme soupire après le don de son amour, tout en restant à votre place, comme saint Jean-Baptiste.
Faites vos prières vocales par devoir, voilà tout, mais réservez-vous la prière du coeur. Celle-ci sera toujours mieux sentie, parce qu'elle exprimera le sentiment actuel de votre âme.
Rapprochez-vous de la vie intime de Dieu le plus que vous pourrez, par union de votre coeur et par l'adhésion de votre volonté à tout ce que Dieu veut à chaque instant de vous. C'est le jet d'eau de l'amour qui donne et de celui qui reçoit.
Que j'ai donc regretté de n'avoir pas su que ce brave Fleury était à Tarare! Je l'aurais vu avec bien de la joie, mais je vais m'en dédommager en priant bien pour lui.
Ma santé va assez bien, car je vais toujours et travaille plus que les autres; donc je vais bien.
Mes bien religieux souvenirs à votre bonne et pieuse soeur, à Mme Duttrel, et croyez-moi bien sincèrement uni à vous en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 12 Mars 1860.
BONNE SOEUR EN N.-S.,
Je m'en veux bien de vous avoir tant laissée! quoique votre charité m'excuse; cependant il faut bien pardonner encore quelque chose.
Le bon Maître nous visite quelquefois avec sa grâce du Calvaire, mais aussi avec la force de son amour. Il fait bon voir cet amour divin adoucissant sa croix; il faut bien qu'elle vienne cette bonne fille du Ciel, autrement nous resterions tranquille sur notre Thabor.
Mais tout passe vite: le soleil est plus beau après la tempête, ou les nuages qui passent sur lui.
Je ne vous ai pas écrit, bonne fille, sur Alger; je n'y voyais que des nuages.
Votre bonne soeur, qui a son passage gratuit, ferait mieux de venir vous voir à Toulon.
Je vous envoie les deux feuilles demandées pour Saint-Chamond.
J'ai peut-être eu tord d'envoyer à Monsieur le Curé de Saint-Pierre un diplôme pour agréger ses adorateurs; je n'ai vu en cela que le bien spirituel des âmes et un témoignage d'amitié à ce bon Curé. Peut-être voit-il en cela un désir d'être invité à aller chez lui, ou se croit obligé d'être sur la réserve à cause des Pères Maristes: que Dieu soit béni de tout!
Je suis content de vous savoir toujours mieux et en famille. Mr Tholin a d- être heureux de vous revoir en meilleure santé.
Oui, bonne fille, il y a encore bien à faire en ce monde; le Ciel est éternel, mais cette vie de Calvaire passe.
Soyez une bonne fille et écrivez-moi sans crainte de me déranger; vous savez bien avec quelle joie je reçois de vos nouvelles.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Madame Tholin-Bost, chez Mr Dalaca, Restaurateur,
Paris, 13 Mars 1860.
MADAME ET BONNE FILLE EN N.-S.,
Je reçois à l'instant votre lettre et son offrande: que Jésus vous le rende, et moi je vous en paierai les intérêts tous les jours, car je sens combien ma dette est douce et sacrée envers vous.
Oui, oui, il y a espérance que nous irons à Nantes, c'est toujours ainsi que Notre-Seigneur a agi envers nous et par nous. La fondation est écrite dans le Ciel. J'ai tiré mon plan: vous en serez la première agrégée et la première soeur.
Quand nous serons prêts, je vous l'écrirai, et vous verrez que tout va droit devant le Maître et toutes les portes s'ouvrent à son arrivée.
J'ai demandé à saint Joseph un an, ce sera sa fondation et son cénacle.
Ne venez pas encore à Paris, il fait trop mauvais temps. C'est déjà quelque chose que vous diminuiez le négatif; le positif se fait en même temps dans le Ciel, mais vous n'avez pas à le voir.
Aimez, bonne fille, et mettez du bois dans le feu.
Vous pouvez commencer le mobilier de la fondation de Saint-Joseph par les linges sacrés, et faire vos petites retenues pour l'autel. J'ai grande confiance.
Adieu.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD, S. S.
Paris, 13 Mars 1860.
Bien cher Père,
Votre lettre m'a un peu rassuré; je vois bien que vous souffrez et souffrez beaucoup, je ne vous dis pas: ménagez-vous, soignez-vous, ne faites que ce que vous croyez prudent de faire: tout cela serait vrai, et l'amitié comme la charité le demandent; mais je vais plus loin, je vous dis: mettez bien votre force en Notre-Seigneur, vous êtes l'infirme qui sert le Bon Maître, et tout doit l'honorer, comme ces vieux invalides honorent le Roi.
Pour moi, ma prière à Notre-Seigneur est de vous conserver pour travailler encore un peu; sur le champ de bataille on a besoin de tous ses soldats; et chacun de se dévouer jusqu'à la mort. Soyez obéissant à la nécessité de votre état.
A vos commissions:
La cire est commandée selon vos désirs; ici inclus est l'acquit de votre ornement violet. J'ai encaissé les cent vingt messes.
Vraiment ce pauvre Mr Picard n'a pas de tête; je vais chez lui et il me dit: "Le premier envoi est parti par la petite vitesse, l'autre je l'enverrai par la petite vitesse jusqu'à Lyon, [de Lyon] à Marseille par la grande, cela ne coûtera pas beaucoup et cela nous fera gagner huit jours".
C'est vraiment désolant, c'est fini avec lui; pour vous, nous irons ailleurs, au moins nous serons mieux et plus proprement servis.
Je goûte bien votre plan d'envoyer ici le P. Leroyer pour la profession, mais un mois seulement avant; car vous en avez besoin, et ici un mois lui suffit: il fera un mois eucharistique et le premier.
Je vous enverrai alors et avant, pour qu'il ait le temps d'être initié, le P. Clavel: ce bon Père a bien gagné, il s'élargit et commence a faire beaucoup de bien; mais tant que vous aurez un souffle de vie, bon Père, il faut que votre ombre soit le supérieur, à moins que Notre-Seigneur ne dise deux fois le contraire. Ce ne sont pas les talents, ni la prudence humaine, ni les vertus qui font le bon Supérieur, mais la docilité et la confiance à sa grâce d'état.
Quand vous le pourrez, faites faire des cellules au midi, puis Notre-Seigneur les paiera et les remplira.
Je n'ai pu rencontrer encore Mgr. de Marseille, vous savez combien vous y avez été de fois.
Et vous ne me dites rien du P. Golliet! est-ce qu'il ne va pas, n'ira pas? Ne serait-il qu'un Mr Huan? cela m'effraie. Merci de votre envoie de la Légion d'honneur; cela est bien [arrivé] à temps, comme le fait toujours la divine Providence, qui veut me laisser aller jusqu'au dernier sou.
A la mairie de l'Observatoire (car c'est maintenant la nôtre), on m'a dit, comme à celle du Panthéon, que vous aviez tout simplement a vous présenter à votre mairie de Marseille avec le bordereau que je vous envoie, et que vous seriez payé sur place.
J'écrirai bientôt au P. Leroyer;
Tous vous embrassent.
Tout vôtre.
EYMARD.
Paris 14 mars 1860
Bien cher Monsieur Perret,
Etes-vous mieux ? nous l'espérons - nous prions beaucoup pour votre prompt et parfait rétablissement, car vous avez tant de bien à faire. Cependant n'ayant reçu aucune nouvelle, depuis celle qui nous annonçait votre maladie, nous sommes bien inquiets, et si Lyon n'était pas si loin, ou si nous pouvions vous guérir, nous irions de suite vers vous.
Ayez la charité, bien cher Père Perret, de donner ou de faire donner de vos nouvelles à vos enfants et amis - qui attendent et comptent les jours de votre arrivée.
La petite, ou plutôt la grande famille du catéchisme s'augmente toujours - 63. Les enfants de la 1ère Communion de Pâques sont bien sages; à présent c'est vraiment une famille.
Ces Messieurs de S.Vincent de Paul viennent toujours nous aider.
Mais voici le temps de les habiller. Je vais bien quêter un peu pour eux, mais je connais si peu de monde. - Cependant j'ai la promesse de 5 souscriptions.
Dieu nous viendra en aide.
Croyez-moi toujours en N.S. bien cher Monsieur Perret Tout vôtre
Eymard
Paris, 15 Mars 1860.
BIEN CHERES SOEURS,
Si je vous écrivais aussi souvent que je pense à vous, vous auriez bien souvent de mes lettres, car vous êtes ma seule famille sur la terre, et j'aime La Mure à cause de vous. Aussi, si vous mourez avant moi, je n'irai à La Mure que pour y pleurer.
J'avoue que je désire bien vous voir; peut-être Notre-Seigneur me ménagera-t-il cette occasion dans sa divine bonté, mais je ne sais quand et comment. Il faut l'abandonner à sa divine Providence.
Vous devez souffrir avec ces grands froids; aussi faut-il, bonne soeur, vous tenir un peu chez vous, quand vous craignez et que vous êtes fatiguée; vous devez éviter les chauds et froids, c'est toujours votre grand mal; - puis, quoique nous devions tous faire pénitence, cependant ménagez les deux choses, la pénitence et votre faiblesse; laissez un peu faire Nanette.
Et vous, bonne Nanette, vous allez toujours comme le coeur, c'est bien. Sainte Marthe vous recevra avec joie en paradis. Mais faites que cela n'use pas trop vite, car il faut vivre autant l'une que l'autre.
(Quant à ce testament, je ne sais pas ce qu'il y a à faire, sinon de me mettre tout simplement dans les deux vôtres; moi ici j'ai fait le mien en votre faveur à toutes les deux. Consultez là-dessus Mr Arnaud, ou plutôt que je ne sois pour rien en cela.
Tout va bien à Paris; nous avons toujours bien à faire, notre belle Oeuvre nous donne toujours de grandes consolations et occuperait cent personnes. Notre maison de Marseille va bien et y fait beaucoup de bien. Nous sommes dix-sept maintenant.
Ces bonnes Dames vont bien; la Soeur Benoîte est toujours la crucifiée; quelle personne extraordinaire! Je ne sais s'il y a sa semblable; mais ce qu'il y a d'admirable, c'est qu'elle ignore ses grâces et ses dons.
Priez bien pour nous. Adieu, bonnes soeurs.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD
Ayez la bonté de faire passer cette lettre à son adresse. Donnez moi le nom de ce militaire dont vous me parlez, un certificat de pauvreté et d'infirmité de sa mère, signé par Mr le Maire, et un du médecin s'il est possible.
/Paris 3 avril 1860/
Eminence,
Monseigneur de Langalerie, Evêque de Belley, par le lettres dimissoriales ci-joints du 18 mars 1860, permet à M. Marie-Michel Chanuet, son diocésain, et membre de notre Congrégation, de recevoir la Tonsure et tous les SS. Ordres de la main de Votre Eminence ou de tout Evêque délégué par Elle. - Le soussigné Supérieur de la susdite Congrégation La supplie de vouloir bien déléguer pour la Tonsure, Mgr Sarra Jean-Marie-Benoît, Evêque de Perth dans l'Australie occidentale, de passage à Paris; et aussi de lui permettre de confirmer les jeunes ouvriers de la 1 ère Communion au nombre de 45.
C'est avec la plus profonde vénération que je suis heureux d'être,
De Votre Eminence, Monseigneur,
le très humble et dévoué fils en N.S.
Eymard Sup.
Paris 3 avril 1860
fg S.Jacques 68
Fiat ut petitur
die 3a Aprilis 60
S.Buquet.
Nota: texte pris sur le copie-lettres du Bienheureux (O-I-321).
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Samedi St 1860
/Paris 7 avril/
Mademoiselle & bien chère Soeur en J. C.
Je viens vous dire le 1er Alleluia & vous souhaiter une bonne fête de Pâques! Votre Carême à vous est long & crucifiant, toujours en prison, avec votre Croix - mais aussi comme la Pâque du Ciel sera belle & bonne! désirez la bien celle là - car - elle est la vérité sans nuage, la beauté sans épreuve, l'amour sans douleur - Je ne vous la désire pourtant pas encore, parce que le fruit est à raison de l'arbre, & la couronne à raison du combat Puis, je ne vous voudrais pas encore heureuse, parce que maintenant c'est le temps des gros bénéfices - le capital des grâces étant immense le gain doit être à proportion Prenez pour règle de votre piété votre état - la maladie tient lieu de tout au suprême degré - l'état de souffrance de beaucoup - que ce soit là la balance -
La Ste Volonté de Dieu du moment c'est la meilleure horloge! Vous me parlez d'une retraite sous moi - plus tard - vous pouvez compter sur mon coeur pour cela - car, il serait heureux de vous faire un peu de bien -
J'ai vu ici un jour Mad. Spazzier venu /sic/ à Nancy accompagnant une Dlle d'Hyères, elle est repartie hier à 11 heures du matin pour Hyères où elle doit rester encore un mois Je persiste à croire que la vie religieuse n'est pas sa vocation - Je lui ai conseillé le séjour à N. D. du Laus où avec ses petites rentes elle pourra vivre facilement & pieusement. Mais je lui ai dit d'y réfléchir encore.
J'ai vu cette bonne Dame de Leusse - avec le plus grand plaisir - qu'elle /sic/ bonne âme!
Je n'ai pas encore remis à S. Pauline votre acte, ce n'est que ces jours-passés que j'ai découvert son adresse.
Je serais heureux de connaître ce St Prêtre de Valence dont vous me parlez - mais attendons qu'il ait plus de temps - En général je ne crois guère à cette raison de défaut de temps pour une chose qui interésse beaucoup, car je me reproche toujours avec raison car j'ai été paresseux sur ce point on perd tant de temps à des riens!
Demain nous avons uns 1ère Communion de 36 adultes - quelle belle moisson! & le dimanche de Quasimodo - 45 confirmants comme le Bon Dieu est bon de nous consoler ainsi!
Notre maison de Marseille fait des merveilles - c'est à en avoir de /sic/ une Ste jalousie - c'est que cette ville de Marseille a plus de feu, même que Lyon où l'on ne veut rien de plus - pas même les 40 heures.
Notre maison de Paris va - nous sommes ici 12 - nous avons l'exposition quotidienne & une partie de la nuit -
Une aventure! nous avons été volés, /en marge: 2 fois/ par un nouveau concierge nommé - Joseph Riboulet - ancien sergent des gardes-chiourmes à Toulon & Peage de Roussillon - Si cet effronté allait jamais chez vous, comme il es allé chez quelques connaissances sachez que c'est un roué voleur & un hypocrite - voilà l'image de notre misère envers Dieu qui m'a fait encore plus de bien, que moi, à ce pauvre malheureux.
Je n'ai pu retourner vers vous à mon passage à Lyon, j'ai été obligé de partir subitement par le nouvelle qu'une personne de la communauté à côté se mourait - Dieu l'a guérie
Adieu - bonne fille - Alleluia
Tout vôtre
Eymard
Lundi de Pâques 1860.
Bien cher Père de Cuers,
Il me tardait de venir vous dire l'alleluia de la Résurrection et même de vous écrire plus tôt; je ne l'ai pu, mes petites migraines me reviennent au printemps, et en cet état je suis paresseux et stupide. Nous avons été écrasés de travail, mais bien heureux cependant. Hier le saint Jour de Pâques, trente-trois jeunes ouvriers faisaient leur première Communion dans notre chapelle, et trois filles.
Mgr. Serra, évêque de la Nouvelle-Hollande est venu le matin les confirmer et a donné la tonsure à Mr Chanuet. Si vous avez vu Mgr. de Marseille, Sa Grandeur vous aura dit sa bonne visite à la maison, et qu'elle a conféré la tonsure de Mr Carrié le Dimanche de la Passion, de sorte que nous voilà deux clercs de plus.
Pendant mon séjour à Marseille, le P. Champion avait pris provisoirement un sergent tailleur du Dauphiné, on avait fini par en faire un concierge; il paraissait dévoué et adroit, lorsqu'un jour, pendant le Salut, il disparaissait emportant une montre, de l'argent, des habits. Il a eu l'audace de voler une seconde fois, pendant l'office du matin, tous les habits laïques de Mr Carrié.
Voilà une petite épreuve: la plus grande, c'est qu'il a fallu comparaître devant le commissaire, le juge d'instruction, en attendant la cour d'assises.
Dieu soit béni de tout!
Mr Perret est toujours à Lyon, où il a perdu son frère aîné; il m'écrit qu'il viendra à Paris à la fin du mois; il s'est remis à Lyon à toutes ses bonnes oeuvres. C'est un saint homme.
Ici tout va à l'ordinaire. Je viens de faire faire la retraite d'épreuve à un excellent sergent-major; il me paraît être dans d'excellentes dispositions, il a du talent: nous examinons s'il nous convient.
Tout pour Jésus, Hostie d'amour.
Paris, 21 Avril 1860.
Je suis peiné de vous faire attendre, bonne fille, ma réponse. Je l'ai oubliée.
1· Ne vous engagez pas par vous-même, ni pour vous-même, à ce que l'on vous demande, sans consulter Mr G., pour bien des raisons que vous comprenez. S'il dit non et positivement non, il faut regarder cela comme signe du Ciel, mais vous pouvez exposer les raisons pour.
2· Si la réponse est non, vous l'alléguez selon le sentiment de votre bonne volonté pour plus tard.
3· Quoique, chère fille, le Saint Sacrement soit votre royale demeure et votre maison d'amour, cependant, comme vivant encore dans la société, il y a des devoirs de convenance, des oeuvres que l'on ne peut convenablement laisser sans secours; alors vous consultez (si vous ne pouvez le faire autrement) la convenance de votre position, de votre dépendance, de la paix, et vous agissez pour le mieux.
4· J'ai été heureux d'apprendre que Monsieur votre père avait fait ses Pâques mercredi; que Dieu en soit béni, et achève ce que sa divine miséricorde a si bien commencé! Car c'est une grande grâce que celle du temps qui a suivi la conversion: c'est le temps de semer pour le Ciel.
S'il était mort de suite après sa confession, sans doute, on espérait son salut; mais en vivant sous l'action de cette grâce sanctifiante, on glorifie Dieu et on embellit sa couronne.
Aimez bien Notre-Seigneur, bonne fille, car il vous aime tant; soyez bien toute à lui, intentions, actions, souffrances, c'est bien juste! Redonnez-vous sans cesse à son amour, c'est le propre du véritable amour.
Que Dieu soit en vous, toutes choses!
Tout vôtre.
EYMARD.
P.-S. - Lisez ma lettre à Mlle Stéphanie.
21 Avril 1860.
Enfin, bonne fille, j'ai un petit mot de vous! Mais vous êtes bien excusable puisque vous êtes à tous et puisque notre bon Maître vous est tout. C'est pour moi la plus grande consolation de voir ou d'apprendre que mes enfants spirituels vont à Dieu par toutes choses et sont à Dieu indépendamment de tout. Oui, servez-vous de tout comme moyen, ne vous reposez qu'en Jésus. Soyez à tout comme une servante, mais n'appartenez qu'à votre unique Maître et Seigneur Jésus.
Ecoutez l'Ange qui vous parle de la part de Dieu, mais ne l'estimez, ne l'affectionnez que comme le ministre du Roi Jésus, qui seul doit vivre, régner et se complaire en votre coeur.
Je regrette bien cependant la perte que vous faites de Mr l'Abbé car je vois qu'il était bon et prudent pour votre âme. S'il devait rester, je vous dirais: Continuez à lui; mais puisqu'il s'en va, voyez si avec Mr le Curé votre âme restera en paix et libre en vos devoirs et en Dieu.
Je ne me souviens pas de ce livre dont je voulais vous parler, à moins que ce ne soit un livre sur le Saint Sacrement. J'aime bien les méditations du P. Dupont sur la vie et les mystères de Jésus-Christ, réimprimées chez Périsse, je crois, ou chez Pélagaud? Mais le meilleur livre, c'est Jésus, et la meilleure copie, c'est votre coeur uni à Jésus.
En général, quand vous communiez, que la sainte Communion ou l'action de grâces soit tout et remplace tout. Que voulez-vous faire d'un introducteur quand vous êtes avec le Roi? de chercher un morceau de pain quand le Roi vous met à sa table divine?
La question d'un vicariat serait bonne, si c'était la condition absolue de la Réserve. Mais, tant qu'on vous laisse la Très Sainte Eucharistie, soyez contentes.
Soyez bonne, aimable et gracieuse dans les petits sacrifices, bonne fille; c'est la fleur de l'amour divin.
Adieu, je vous bénis et laisse en Jésus.
Tout à vous.
EYMARD.
An Frau Spazzier
Paris, 24 avril 1860
Bien chère fille en N.S.
Je reçois à l'instant la lettre du bon et excellent P.Supérieur du Laus - je vous l'envoie assurément les conditions sont bien douces - sur les lieux vous verrez - il y a aussi la grande maison d'en bas - où il y a un grand jardin - vous la connaissez - avec 100 Fr. vous vous en tirerez - et 400 Fr. pour votre entretien.
Il me semble que cette vie calme et retirée près d'un corps religieux et un homme de Dieu comme le P.Blachard - c'est une position aimable aux yeux du salut.
Je n'ai point d'autres lumières sur vous, bonne fille, que la convenance de vos désirs, ne pouvant ni ne voulant être pensionnaire dans un couvent.
Puis, voyez ici, à côté de ces Dames, sans pouvoir en faire partie, ce serait toujours une indicible souffrance - mieux vaut l'éviter.
Je pense que vous trouverez moyen de vous occuper utilement au Laus et si je puis vous trouver ici quelque composition de petites images - comme je l'espère, tout ira bien.
Je n'ai rien dit de votre projet à Mad. de Prailly, sinon de vous dire que j'avais écrit au Laus, comme j'attendais de jour en jour la réponse, je ne voulais pas écrire deux fois.
Continuez vos petits exercices et la méditation comme vous l'avait dit Melle G. mais sans en être esclave, il faut suivre l'attrait de la grâce du moment.
Tâchez d'arriver à Gap un jour où il y a la voiture pour le Laus. Je pense qu'elle sera en exercice tout le mois de mai.
Que Dieu vous bénisse et vous accompagne, bonne fille, c'est en sa divine charité que je suis
Tout à vous.
Eymard Sup.s.
Madame Isabelle Spazzier
8 rue Massilon, maison Giraud
Hyères (Var).
Paris, 24 Avril 1860.
Bien cher Père,
1· Le P. Leroyer a dû vous dire que j'avais reçu tout ce que vous m'avez annoncé, je vous en remercie bien, cela est venu bien à propos.
2· Nous avons comme je vous l'avais dit, l'exposition tous les jours jusqu'à une heure après minuit, excepté le mercredi et le samedi qu'elle finit à neuf heures, pour faire la propreté de la chapelle: quand sera-t-elle perpétuelle? Il faut que le Bon Maître paie l'augmentation du luminaire et nourrisse les nouveaux soldats.
3· Ayez la bonté d'envoyer par la poste (franco de port) six offices du S. Sacrement de chez Chauffard, brochés, à l'adresse de Mlle Guillot Mariette, rue du Juge de paix 17, Fourvières-Lyon. Je vous tiendrai compte du déboursé.
4· Je suis heureux des bonnes nouvelles de Marseille: rien ne peut m'être plus agréable et plus consolant que de voir le Bon Maître monter, régner.
Je voudrais voir votre église bâtie en or, et vos ornements les plus beaux du monde: la jeune fille est toujours plus richement parée.
5· Je vous envoie ma lettre à Mr Golliet, elle est positive et triste; lui aussi n'aura été qu'un manoeuvre du moment et non un fils de famille.
6· S'il prend son parti de suite, écrivez-moi, et je vous enverrai plus tôt le P. Clavel.
Rien de nouveau ici, tout le monde travaille, est très occupé: que Dieu en soit béni!
Je ne puis vous dire le plaisir que nous font vos lettres et le bien que me fait votre courage au service du Bon Maître, en qui je suis,
Tout vôtre.
EYMARD.
S. S.
Paris, 25 Avril 1860.
BIEN CHERES SOEURS,
Je suis toujours un peu paresseux, mais votre charité m'excusera, car ce n'est pas mauvaise volonté, mais il y a des temps où l'on est si occupé, comme celui de Pâques.
J'ai reçu la réponse du chambellan de l'Empereur qui annonce que la pétition a été renvoyée par Monsieur le Ministre de la Guerre au général de division du caporal Oddoux. On le dit aussi que cette affaire est en bonne voie. Vous direz aussi au facteur Bethoux que je m'occupe de son affaire.
Je vais écrire à Madame la Comtesse d'Harenc pour la petite nièce, et, si on ne peut plus la garder dans le couvent à cause de son âge, de lui faire apprendre un état à Lyon.
Je vais bien, notre petite Société marche bien, nous sommes dix-huit adorateurs.
Je ne sais pas quand je pourrai aller vous voir. Je suis un peu comme les oiseaux qui ne savent de quel coté ils voleront le lendemain, ni même une heure après.
J'aurais bien du plaisir d'aller baiser la pierre de Notre-Dame de la Salette et les dalles de l'église du Laus; mais au bon plaisir de Dieu.
Je vais faire mes reproches à Mlle Guillot, je l'ai chargée du détail d'ici pour vous; elle a aussi bien à faire.
Vous ne vous faites pas l'idée de la vie à Paris et comment on est pris et repris; il y a tant de monde!
Voici le printemps, chères soeurs, prenez garde au pleurésies; au moins, ménagez un peu vos petites santés; pour moi, le Bon Dieu s'en charge.
Je vous bénis, bonnes soeurs, et suis en N.-S.
Votre frère bien affectionné.
Eymard, Sup.
Paris, 26 Avril 1860.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Qu'il y a longtemps que je ne vous ai rien dit! D'abord merci de votre envoi de messes, et pour le Saint Sacrement: la chape est faite et honore Notre-Seigneur.
Je voulais vous écrire par votre nièce. Je ne l'ai pu, j'ai préféré attendre pour être plus tranquille.
On m'a dit que Joseph Riboulet (de Roussillon), notre voleur, était en prison à Lyon et que ce n'était pas ici son coup d'essai.
Nous avons eu une bien intéressante première Communion à Pâques de 36 de nos enfants abandonnés; ils étaient bien préparés et j'espère que Notre-Seigneur aura été content de ces petits coeurs. Maintenant nous en préparons une trentaine pour l'Assomption; Paris est le Refugium peccatorum, où le diable envoie, je crois, tout ce qu'il trouve ailleurs.
Pour nous, nous avançons avec joie et bonheur vers le complément de notre fin royale: l'adoration perpétuelle. Chaque jour est rempli par l'exposition; l'adoration va jusqu'à une heure après minuit. Voyez comme le bon Maître est bon d'augmenter nos grâces et de rester pour nous seul la nuit sur son trône d'amour!
Je vous mets bien là à ses pieds comme ma fille aînée et chère soeur en Notre-Seigneur, ainsi que votre chère Mathilde et tous les vôtres. C'est bien juste, puisque c'est promis.
Vous voilà bientôt avec vos vers à soie; mais pourquoi ne réussissent-ils plus? le diable se met de la partie.
Il me vient une pensée: promettez la dîme à Notre-Seigneur au Saint Sacrement, au Roi. S'il vous donne une magnifique récolte, que craignez-vous? il y aura toujours à gagner des deux côtés.
Ainsi ne vous découragez pas.
Voici le mois de mai, le mois des mères et des enfants; honorez un peu plus la Très Sainte Vierge comme adoratrice et dans la dernière période de sa vie au Cénacle.
Ne restez pas toujours à Nazareth quand la Très Sainte Vierge est à Jérusalem et au cénacle.
Bientôt on vous remettra un office du Très Saint Sacrement, il est en route.
Quand vous verrai-je? Je ne le sais, je comprends et approuve bien le motif qui vous a rendue gardienne de votre maison.
C'est là la religion du devoir et de la charité; c'est bien!
Le Bon Dieu se mêle des événements, c'est lui qui combat; qui pourra le vaincre? Nous allons à la conquête de l'autorité perdue, de la base fondamentale de la foi, qui est le Pape.
Ici la question du temporel n'est qu'un prétexte, soyez-en sûre; les sociétés secrètes voulaient annuler en dépouillant, chasser en dépossédant. Je sais là-dessus des aveux et des principes qui dessilleraient bien des yeux.
Adieu, bonne fille, vous avez combien je vous suis uni en N.-S.
EYMARD.
Paris, 26 Avril 1860.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Me voici un petit moment à vous; nous avons été très occupés par une belle et bien touchante première Communion de nos ouvriers adultes: trente-six le saint jour de Pâques. Or, pour préparer dignement cette grande famille au festin royal, il a fallu s'y consacrer et dévouer entièrement. Nous recommençons maintenant la même préparation sur une trentaine pour l'Assomption. Belle mission! que la nature n'aime pas, que l'intéressé repousse, mais que la foi rend si belle et l'amour si aimable!
Je n'ai point de projets d'absence, sinon le jour de la fête de la sainte Trinité, 3 juin au 10, que je vais donner une retraite d'adoration à Rouen.
Mgr l'Archevêque désire connaître notre oeuvre et me voir. Si Rouen était près de Nantes, je vous dirais: Venez à cette retraite.
Vous commencez donc les préparatifs de Saint-Joseph pour loger Notre-Seigneur dans un an. Vous n'avez guère l'air d'y croire. C'est que les hommes ne vous donnent pas confiance, et vous avez raison si c'est par eux qu'il faut fonder; mais ce n'est pas par là qu'il faut commencer. Le vent va où Dieu le pousse, et tout ce qui est sur le passage du vent d'en haut en prend le mouvement. Et forcément, à moins que ce ne soit un rocher... et encore le rocher a obéi à Dieu.
Et vous, bonne fille, que faites-vous? aimez-vous bien le Bon Dieu, ce bon Seigneur qui vous aime tant? vous qu'il distingue parmi toutes les filles d'Israël dans son amour! qui est devenu votre soleil, votre festin, votre vie de chaque jour! Que ce soleil divin fasse disparaître par lui-même la glace poudreuse qui couvre vos actions et vos misères! Ce sera plus tôt fait. Que ce royal festin soit la joie de votre âme et n'en ayez pas d'autre! Que votre vie soit comme la vie de la branche de la vigne, comme la fleur du lis, comme le fruit de l'amour... A mesure que les rayons pénètrent le cristal, il devient lumineux. Oh! pourquoi sommes-nous toujours opaques en face de ce soleil, toujours froids exposés à cette flamme divine, toujours engourdis sous l'action de la puissance divine? C'est que nous sommes encore malades, encore liés à quelque chose, remplis de mauvaises humeurs qui nous troublent l'esprit et nous font défaillir. Oh! piscine de Siloé, voilà le remède à tous les maux! c'est Jésus qui est ce bain, cette vie.
Si Nantes n'était qu'à Orléans, je serais allé vous voir, car il y a un siècle que je ne vous ai vue... mais il faut attendre l'ordre et l'heure du départ et de l'arrivée.
Adieu, bonne fille! vous m'êtes toujours très eucharistiquement chère et unie en N.-S. en qui je suis
Tout vôtre.
EYMARD, Sup.
Paris, 29 Avril 1860.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je prends bien part à la nouvelle croix que Notre-Seigneur vous présente. Je comprends combien elle doit vous être sensible. Heureusement que vous êtes tout à ce bon Maître et à son aimable volonté; car vous savez que tout est pesé dans la balance de la divine Bonté.
Vivez un peu de vos rentes, et surtout économisez le peu de forces que vous aviez trouvé sous le soleil du Midi. Hélas! pauvre fille, votre âme est un champ dans lequel tout le monde vient creuser un sillon, et Dieu y jette une semence de la vie éternelle.
Dites à votre bon père que je prie pour lui, à votre cher frère, combien je l'aime davantage, à votre excellent mari que je lui suis tout dévoué; - et vous, bonne dame, croyez-moi toujours, en union en N.-S.,
Tout vôtre.
EYMARD, Sup.
P.-S. Mr Favrel m'apprend à l'instant que Dieu a appelé à lui votre cher et pieux père. Que le Ciel soit sa demeure et Jésus-Christ sa couronne! Consolez votre espérance, bonne dame; c'est une consolation pour vous d'avoir pu l'assister jusqu'à son dernier soupir. Je vais bien prier pour lui et pour vous tous.
Paris 29 avril 1860
Bien chère Soeur en N.S.
Votre bonne lettre du 13 est là qui réclame son tour, elle aurait pris le premier, avant tout, si j'avais pu disposer d'un instant, mais te temps pascal, un surcroît d'occupations m'ont empêché jusqu'à ce jour de vous répondre.
Je suis heureux, bonne fille, de votre bonheur, on est toujours bien là où le Bon Dieu nous veut, et nous bénit, - on serait mal ailleurs, fussé-je dans le paradis terrestre. Je ne suis pas étonné que vous soyez heureuse dans cette sainte et aimable Communauté du Sacré-Coeur où Jésus est amour et gloire, où l'adoration succède à l'action. Vous ne devez désirer qu'une chose, c'est la confirmation de votre vocation - ce st. habit se fait bien attendre! et cependant vous avez l'habit premier , qui est celui du don de tout soi-même à Dieu et la joie de son service. Oui, bonne fille, donnez à Dieu sans réserve, sans condition, en rentes perpétuelles; et vous n'y perdrez rien. Souvenez-vous que la vie religieuse est l'enfer du péché, le Purgatoire de la tiédeur, le Paradis de l'amour.
Pour y être vraiment heureux, il faut ne vouloir que le plus grand service de Dieu par la mort de soi. - Alors quand l'amour-propre n'a plus d'aliment, n'a plus de refuge, il se rend, il se remplace facilement par l'amour de l'humilité, de la charité et de la Ste Dilection.
Je ne sais pas si votre bonne soeur Marie pense à la vie religieuse. - Je ne crois pas, du moins, qu'elle pense à celle de la Tante, qui est belle devant Dieu, mais qui n'est rien devant les hommes - car il faut mourir avant de porter ses fruits.
Vos tantes se portent bien. - Soeur Benoîte va bien. - Je les vois en courant. J'ai tant à faire, qu'à peine si je puis faire l'essentiel.
J'ai bien regretté de ne pouvoir vous voir à mon passage à Lyon, j'ai été tellement absorbé par quelques courses et le mauvais temps que je n'ai presque vu personne.
Mes amitiés à vos bons et aimables parents, à votre Soeur Marie.
Mais surtout ne m'oubliez pas auprès de votre R.Mère Supérieure et de sa charité pour moi.
Je conserve toujours dans mon coeur ce doux souvenir de ma visite au Sacré-Coeur, où l'on respire si purement l'amour de Dieu. - Je vous bénis, bonne fille, et suis en N.S.
Tout à vous.
Eymard Sup.
Paris, 29 Avril 1860.
Bien cher Père,
1· Je vous envoie la réponse à la lettre de Mr Golliet. Je l'excuse, parce que dans cette circonstance, il n'a pas compris la portée de certains termes; mais je veux donner une leçon à quiconque ne sera pas franc avec la Société, et n'en cherchera pas purement la fin: oui, quiconque viendra dans la Société avec un motif humain, en sera ou renvoyé, ou en souffrira beaucoup.
2· Je vous enverrai au plus tôt le P. Clavel, il arrange ses affaires; il vous arrivera cette semaine.
3· Pour cette abbé de 30 [ans]:
-1· avant tout, demandez-lui si son Evêque lui donnera un dimissoire ou un exeat. Si c'est un exeat, ne le recevez pas: c'est une mauvaise note;
-2· examinez son motif intéressé, cette manière pressée ne me plaît pas;
-3· vous pourriez l'examiner de plus près, par une retraite de quelques jours, s'il offre quelques espérances de bonne vocation.
4· Pour le costume des frères qui sortent, mon sentiment est qu'ils aient une soutanelle fermant devant et tenant la place de gilet, collet droit comme une soutane, sur laquelle soutanelle on puisse mettre la moitié de la soutane descendant jusqu'au bas, depuis la ceinture, et qu'ainsi les frères de l'extérieur n'aient pas toujours à se déshabiller; chapeau rond, pantalon noir, col blanc dans l'intérieur;
5· Le frère Carrié va vous écrire; il est accablé d'ouvrage, sa théologie, son latin, ses enfants, sa sacristie; il m'a promis de vous écrire bientôt;
6· Mr Golliet, par Mr Meynier, pourrait aller en Corse. Mr Meynier connaît particulièrement l'Evêque.
Tous vous embrassent in osculo sancto.
Tout vôtre.
EYMARD, Sup.
Supérieur des religieux du T. S. Sacrement,