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Paris, 29 Août 1859.
Bien cher Père,
Il y a trois jours, j'ai reçu la visite de Mr Baudoin et votre bonne lettre; je l'attendais avec grand désir, mais je n'ai été satisfait qu'à moitié, car votre lettre est antérieure aux miennes.
Je suis inquiet sur vous, de vous savoir tout seul; il paraît que ce petit Ratons vous a quitté, comment? je l'ignore; mais mieux vaut qu'il soit parti, puisqu'il n'avait pas vocation. Et maintenant avez-vous trouvé quelqu'un? Espérez-vous en trouver sur les lieux? à moins d'avoir quelqu'un de sûr, on ne peut hasarder le premier venu.
C'est une grosse épreuve.
Mr Clavel m'a écrit qu'il finissait son affaire le 4 septembre; je l'ai engagé vivement d'aller passer quelques jours avec vous, et si vous le croyez utile même, je l'engagerai à rester avec vous; car à la rigueur nous pouvons nous passer de lui ici, nous nous en sommes bien passés jusqu'à présent.
Si vous l'approuvez, je lui écrirai en conséquence; car les exercices du noviciat ne pourront commencer ici que vers le mois d'octobre, à cause des rentrées présumées, vers cette époque, de deux à trois jeunes gens.
J'ai vu samedi Mr Picard; il ne vous avait pas envoyé le tout, afin que vous reçussiez le plus gros pour la fête: ce brave homme ne m'en avait rien dit. Que de voyages pour si peu de choses! il m'a dit qu'il vous changerait les deux candélabres dont vous me parlez, pour deux autres mieux que cela. Il est convenu de votre observation: vous pouvez les lui renvoyer, il les reprendra.
Il va vous envoyer quatre petits chandeliers, deux bas d'autel, les deux candélabres, un bénitier.
Je vous envoie la facture de l'encensoir, j'attends à toute minute celle de la lampe; j'ai envoyé encore ce matin la chercher, elle n'était pas prête, il n'était pas sûr du prix.
J'attends un prêtre de Savoie pour faire sa retraite d'essai; je l'ai vu, il s'était déjà présenté quand j'étais à Rome. Le P. Champion est d'avis de l'essayer en retraite, nous verrons. Mlle Guillot est malade depuis six jours ainsi que soeur Benoîte, nous avons cru que cette dernière allait mourir, mais elle revient à la vie.
La soeur qui faisait la cuisine est bien malade d'une fièvre typhoïde. Pour nous, nous allons toujours notre petit chemin, ni malades ni très forts.
Pour l'établissement d'une seconde maison à Marseille, c'est souriant; mais il me semble qu'il faudrait qu'une ou deux aspirantes vinssent plutôt à Paris y prendre l'esprit, et là.
Quelles sont donc les personnes qui désirent se consacrer à la vie eucharistique? comme plusieurs m'en ont parlé, je ne sais sur qui arrêter ma pensée.
J'ai vu Mr Marziou et lui ai parlé de votre affaire; il m'a dit que pour les actions il ne pouvait les rendre, vu que le temps n'était pas expiré; mais qu'il croyait que vous aviez mis une somme en compte courant, que cette somme était toujours à votre disposition, pensez à cela; quelle est la somme dernière mise chez Mr Marziou? ou si vous voulez, j'irai chez le teneur de livres et le lui demanderai.
Mr Marziou a envoyé son fils aîné à San-Francisco pour y chercher quelques millions pour leurs maisons de Paris, ce n'est qu'un retard, et m'a dit avoir bonne confiance et que d'ailleurs il avait une forte somme à tirer.
Donnez-nous de vos nouvelles, cher Père, je suis très triste sur vous, dans la pensée que vous souffrez.
Toute la famille vous embrasse et moi je reste
Tout à vous en N. S.
EYMARD, S. S.
Le frère Charles a ri en revoyant sa chaîne de montre, et de la grâce demandée. Mr Isnard est parti. Je vous enverrai vos deux petites boites à plomb avec le reste de Picard.
Paris, 30 août 1859
Madame et chère soeur en N.S.
Soyez persuadée que je ferai pour votre cher Enfant tout ce que je pourrai et lui ferai faire quelques bonnes connaissances. On peut être très sage à Paris, quand on le veut et qu'on est dans un bon centre.
Les Ecoles publiques sont en général mal composées, mais cependant on y rencontre toujours quelques bons catholiques; l'essentiel est de ne pas se lier de prime abord, d'observer, de rester indépendant.
Je ne vous conseille pas de mettre Mr Charles à l'hôtel Fénelon ni dans aucun autre; cela vous reviendrait bien cher; d'un autre côté il n'y serait pas bien pour ses études. Je vous conseille de le confier à M.l'abbé Carion (rue Bonaparte 66) qui a quelques bons jeunes de droit et d'autres écoles; là il sera en famille, en bonne société, et surtout avec un père; je connais beaucoup M. l'abbé Carion, et je crois que je ne peux mieux conseiller.
J'espère être ici aux jours que vous me marquez, car je n'ai rien d'arrêté; alors, je vous donnerai tout le temps que je pourrai. Soyez persuadée, bonne Dame, que votre âme m'est toujours chère, laissez les paroles de côté, le papier n'est pas fait pour donner la grâce à une âme.
Soyez plus forte et ne me jugez pas indifférent.
Je reste donc en N.S., Madame et chère soeur,
Votre tout dévoué serviteur.
Eymard.
Paris, 8 Septembre 1859.
Bien cher Père,
Votre lettre était vivement attendue, je vous croyais véritablement malade, et vous sentant tout seul, j'en souffrais beaucoup.
Votre charité a voulu m'épargner quelques jours de soucis et de peines; mais j'en souffrirai, tant que je vous saurai seul: espérons que cet état touche à sa fin et que Dieu nous enverra des ouvriers.
Venons aux affaires:
1· J'ai retiré les intérêts d'un an, 50 francs, de votre capital de 1000 fr., fin juillet: ainsi ils sont à votre disposition; si vous en avez besoin, faites-vous en faire l'avance par Mr Clavel, s'il est avec vous, et je le lui rendrai ici.
2· Vous pourriez et feriez bien d'offrir à monsieur votre frère l'hospitalité fraternelle; et si je pouvais faire quelque chose pour lui ici, disposez de moi.
3· Pour ce frère que vous nous proposez, j'ai écrit le même jour à Arles et je n'ai reçu encore aucune réponse. A moins que ce ne soit un sujet sûr et une bonne vocation, je répugne à le faire venir de si loin. Le meilleur et le plus prudent, ce serait de lui faire une petite retraite vous-même et de l'examiner sur les lieux.
4· Une nouvelle déception. Le prêtre qui m'avait promis de venir faire une retraite d'essai n'a pas reparu ni donné signe de vie: il a eu peur, je pense.
5· Je vous envoie la facture de la lampe, vous y ajouterez le prix de la suspension qu'on n'a pas su me dire chez Mr Picard; la facture le dira.
6· Nous avons un jeune théologien d'Agen, conquête de Mr Clavel; il fait sa retraite depuis trois jours: il paraît bien aller.
7· Mr Picard m'a avoué sa faute, en me disant que se voyant dans l'impossibilité de tout envoyer pour l'Assomption, il avait ajourné le reste; vous trouverez tout dans ce second envoi que vous devez recevoir bientôt.
Tout va à l'ordinaire chez nous; chez ces Dames, c'est toujours la croix: p[our soeur] Be[noîte, elle est] au lit; la cuisinière est comme perdue, on désespère presque de sa guérison: c'est l'épreuve ajoutée à tant d'autres.
Je n'ai que le temps de vous dire la vive affection de tous, et d'être en Notre-Seigneur,
Tout vôtre.
EYMARD.
Paris, 9 Septembre 1859.
Bien chère fille en N.-S.,
Je regrette bien ces quelques jours de retard pour ma réponse; veuillez me les pardonner.
Oui! soyons bien reconnaissants envers la divine bonté de Dieu; nous ignorons la plus grande partie de ses grâces et celles que nous connaissons sont déjà si grandes! Ayez, bonne fille, la reconnaissance des pauvres, c'est la meilleure; elle ne donne rien, puisqu'elle n'a rien, mais elle rend grâce de tout, elle rend toute gloire à Dieu. Au Ciel, nous avons l'éternité pour rendre grâce.
Pour la grande question de l'éducation d'un sujet pour la prêtrise, pour en faire en un mot un prêtre du Très Saint Sacrement, je suis bien embarrassé d'y répondre. A Paris, la pension médiocre est de 500 fr. à 600 fr., en communauté, ce qui ferait donc un capital de 10.000 fr. Mais, bonne fille, ne parlons pas de capital quand vous faites déjà tant de votre côté.
Assurément, entretenir un adorateur, un prêtre au service perpétuel de la divine Eucharistie, c'est l'oeuvre la plus agréable, la plus salutaire, la plus belle qui soit sur la terre.
Il vaut mieux garder le coeur doré qu'un coeur d'or trop petit pour le prix; envoyez-le-moi quand vous le voudrez et je le ferai tenir sûrement à Besançon par une occasion sûre que je connais; ainsi, contentez-vous du coeur que vous avez et n'en cherchez pas d'autres.
Il ne faut pas trop se tourmenter de ces paroles un peu désespérantes de votre cher malade, elles sont dites sous une impression de tristesse ou de fatigue, assurément il n'y a là rien de grave. Il faut, bonne fille, faire par son bon Ange les bonnes recommandations, suggérer les bonnes pensées à ce bon malade. Le connaissant violent, il est prudent de ne pas l'exposer à mépriser ou à se raidir. C'est la prudence et l'inspiration du moment qui doivent régler la conduite
Nous prions bien pour Monsieur votre Curé, afin que le Bon Dieu en tire sa gloire.
Courage, bonne fille, soyez toujours la pauvre du Bon Dieu; recueillez-vous un peu plus par le coeur, par l'offrande et l'amour.
Ecrivez un peu plus souvent. Nous étions bien en peine de vous, mais votre lettre nous a consolés.
Je vous bénis et votre bien-aimée fille.
Tout vôtre.
EYMARD.
Paris, 10 Septembre 1859.
Bien cher Père,
Mr Clavel est arrivé; nous l'avons reçu avec joie, c'est un serviteur de plus aux pieds du Divin Maître. Il est arrivé comme Mr Carrié se mettait au lit pour une inflammation au genou droit: ainsi le Bon Maître a soin de son service et de ses serviteurs; est-ce que cela deviendra grave? j'espère que non; il paraît qu'un dépôt s'y forme: il s'est un peu trop forcé. Priez pour nous, non recuso crucem; mais il nous faut la grâce de force. Au N· 66, Mlle G. va mieux. Soeur Benoîte est toujours bien souffrante; la cuisinière est hors de danger, mais elle ne pourra plus faire son ouvrage... c'est l'épreuve.
Mon jeune retraitant paraît se plaire ici; son nom est Capdeville, du diocèse d'Agen, a vingt-deux ans, a fait six mois de théologie, aime l'étude; nous verrons pour l'intérieur ce que c'est... Maintenant je n'ose plus mettre ma confiance dans les qualités des venants, mais en Dieu seul.
Mr Chanuet écrit qu'il a annoncé à ses parents sa détermination, il vient de La Salette, il demande des prières; il paraît solide et tout décidé, mais il n'est pas encore ici!
18. - Je n'ai pu achever ma lettre, bien cher Père, je viens la continuer. Mr Carrié va mieux, mais il ne fait pas encore ses adorations; il assiste à l'office et marche. Mr Clavel a pris un mal de gorge qui lui ôte la voix.
Nous avons vu aujourd'hui Mr Baudoin qui part demain soir pour Marseille et vous emporte nos amitiés.
La matière d'examen que vous me soumettez pour Marseille est grave, vous le sentez bien, surtout après le bruit qui a couru ici, et qui s'est répandu, que nous quittions Paris pour aller à Marseille, cela aurait l'air en ce moment d'un échec et d'une défaite. Assurément si Notre-Seigneur nous met dans l'impossibilité de faire le noviciat à Paris, soit pour le local, ou pour autre motif impérieux, nous serons bien heureux d'avoir Marseille: pour moi, je ne tiens à aucun lieu, mais au bien de la chose avant tout.
Votre ex-sergent est-il en épreuve? Lui trouvez-vous le fond et la forme de la vocation?
Nous allons commencer les exercices du noviciat le jour de St Michel, que nous allons prendre comme protecteur des novices; nous commençons une neuvaine à cette fin le 21 Septembre et dirons à cette fin le Veni Creator, les litanies de la T. Ste Vierge, et l'oraison de la fête de St Michel archange; veuillez vous unir à nous.
Vous verrez dans quelques jours Mr Perret; il est à La Salette, et doit de là aller à Saint-Maximin (Var).
Je me recommande à vos bonnes prières, j'en ai besoin; car la vue de tout ce qu'il y a à faire et de ce qu'il y aura a souffrir, effraie quelquefois la pauvre nature.
Je reste en N. S.
Tout vôtre.
EYMARD.
Amitiés fraternelles de tous.
P. S. - Je rouvre ma lettre, j'ai oublié de vous dire un mot de Mr Carrié; pour aller à Marseille, il éprouvait une très grande répugnance; je n'ai pas cru devoir le lui commander. Il paraît que Notre-Seigneur ne le voulait pas encore, puisqu'il est dans l'impossibilité d'y aller.
Il vous a dit un mot des finances; mais, c'est un des motifs minimes, quoique bien vrai. Je mets ma confiance en Dieu; pour les voyages de fondation, dans un mois ou deux: cependant si le frère futur que vous avez pouvait convenir à la fondation, il me semble que ce serait bon de le former sur les lieux, vu que Dieu l'a envoyé là d'abord; puis ce serait une dépense de moins, car vous savez bien que nous en sommes au panem nostrum quotidianum.
Paris, 23 Septembre 1859.
Bien cher Père,
J'attends votre ex-sergent, si toutefois il ne s'arrête pas en route. Il paraît que nous avons la grâce d'effrayer les gens, car quand ils nous ont vus, et surtout à l'oeuvre, ils prennent peur et ne répondent même plus. Ainsi quand Notre-Seigneur annonça la Ste Eucharistie, excepté les douze, tout le monde l'abandonna, au moins pour le moment. Il me semble qu'une bonne vocation ne devrait pas se sauver de peur; cependant on peut être infidèle. Il faut donc s'habituer à ne compter sur les demandes et sur les promesses que lorsqu'elles sont à l'oeuvre; et que Notre-Seigneur les attire et les lie à son divin service. - J'en ris quelquefois tout seul.
Pour le moment, tout va ici à l'ordinaire; tout le monde se prépare pour la St Michel. Demandez bien au Bon Maître les grâces et les vertus dont j'ai un si grand besoin; car ce n'est pas le tout d'avoir des enfants, il faut les élever.
Pour l'époque de mon départ pour Marseille, ce ne sera qu'à la fin d'octobre, ou mieux dans la semaine de la Toussaint: il me faut bien ce temps pour mettre en marche ici et tout préparer. Mais il faut prier le Père céleste d'envoyer des adorateurs à son divin Fils, et de bons et de véritables. Merci de vos 50 fr. et du reste; je ne sais encore le chiffré. Mr Carrié ne sort pas encore, il va mieux, mais pas assez pour faire son adoration et assister à tous les offices.
J'achèterai vos deux lampes et je vous les enverrai.
J'ai remercié le Bon Dieu de ce bon avis du P. Hermann; dans mes paroles, j'ai la tristesse de voir qu'elles ont été la cause de son éloignement. C'est bien vrai! nous ne méritons même pas le titre et le nom de religieux; comment oserons-nous nous préparer à la milice si sainte et si honorable des anciens Corps! Aussi nous reprenons et reprendrons notre place, la dernière. Mme Bonnefoy est toujours ici, c'est une cuisinière nouvelle qui est tombée malade. Soeur Benoîte vient de partir pour Clermont voir sa mère malade et changer d'air, car elle a toujours la fièvre.
La poste part. Adieu.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD, S.
Paris, 2 Octobre 1859.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Encore des morts, des croix et des victimes! Vraiment! j'en pleurerais avec vous si je ne considérais pas en ces morts des fleurs, des fruits mûrs pour le Ciel; si ce n'était notre Père qui est dans les Cieux, qui est venu chercher ces enfants en exil pour les conduire dans leur belle et aimable Patrie. Oh! vie de mort que cette vie! ou plutôt mort de vie qui nous fait voir la vanité de tout ce qui est terrestre et humain, pour ne nous fixer et reposer qu'en Dieu seul. Reposez-vous bien, bonne fille, à l'ombre de cet arbre de vie, du Calvaire, sur la poitrine brûlante du Sauveur, et vivez de lui, pour lui et en lui seul. Il est bon que vous sentiez les amertumes de l'exil et les douleurs de l'amour divin.
Il est nécessaire pour vous que l'épreuve de l'humiliation, de l'impuissance vous fasse mettre votre seule vertu en la divine confiance et dans le saint abandon. Communiez toujours: c'est le pain du pauvre, c'est le remède du faible, c'est la grâce de l'amour.
Je suis à Paris jusqu'au commencement de novembre. Avant de partir, je serais aise de vous voir; ainsi, venez, si cela se concilie avec vos affaires de Nantes.
Croyez-moi toujours en N.-S.,
Bien chère fille,
Tout à vous.
EYMARD, Sup. S. S.
P.-S. Merci de m'avoir donné cette triste nouvelle de la mort de Mr Le Vavasseur; je prie pour lui et son excellente dame à qui je vais écrire.
Paris, 1 Octobre 1859.
Bien cher Père,
J'ai reçu la charité de la Divine Providence, elle est venue à propos. Nous avons le bonheur d'être pauvres avec J. C., et j'ose l'espérer, pour J. C.
1· Le frère en question n'est pas venu, n'a pas donné signe de vie; il ne faut donc plus y compter.
2· La lettre que vous m'avez renvoyée et dont j'ignore l'origine, annonce un frère: voyez et jugez.
3· Je n'ai rien contre Clément; peut-être vaudrait-il mieux commencer la cuisine par lui, lui donner un gage, que de hasarder le premier venu pour frère. Si celui qui s'offre offrait les garanties et savait faire son service, cela vaudrait mieux.
Je suppose que vous avez quelqu'un pour la cuisine; il serait convenable d'avoir un frère pour la communauté et parloir, etc.; car rien ne dérange une maison, ne trouble l'ordre, comme le vide de cet emploi: nous en souffrons beaucoup ici.
Le frère Charles étant seul ici ne peut guère apprendre la cuisine; et je crois bien qu'il ne fera jamais bien cet emploi. Je pense toujours l'emmener d'ici à Marseille, espérant que Dieu nous en enverra un autre pour Paris; nous prions et nous cherchons, mais il est si difficile de trouver quelqu'un qui se donne tout entier et vienne pour J. C. seul.
4· Nous pensons partir d'ici le jour des Morts, 2 novembre, ou le lendemain matin.
Nous aurons une Première Communion de nos adultes le jour de la Toussaint, ils seront six; on est obligé de les presser, parce qu'après la Toussaint on ne pourra plus les avoir, ou qu'ils travailleront tous les jours jusqu'à dix heures du soir.
J'espère bien que Mr Perret sera ici à cette époque; vous avez d- le voir ou vous le verrez à son retour; on l'aime bien ici: c'est un apôtre si dévoué et un si bon ami!
5· Vous avez bien fait de donner tout au Bon Maître; car le Roi logé et content, les serviteurs sont heureux.
Je comprends que ces banquettes valent mieux que des chaises; aussi je prie Dieu de les payer. Cela m'a donné l'idée de vous dire qu'à Rome on fait deux séparations à l'autel de l'Exposition: la première est réservée à ceux qui ont l'habit de choeur, la seconde est pour les religieux avec leurs habits, les gardiens, etc. Ne pourrait-on pas faire une séparation mobile dans le choeur, une pour nous en habit de choeur, et l'autre pour les adorateurs la<ques qui viendraient partager nos adorations comme agrégés?
6· Préparez l'essentiel pour les arrivants en novembre, afin que ces bons soldats, mais peu habitués encore à la guerre et à la vie de bivouac, aient l'ordinaire de la vie.
Maintenant venons-en aux nouvelles locales.
1· Remerciez le Bon Maître avec nous: il nous a envoyé deux bons prêtres, prêchant, chantant, adorant, obéissant bien; l'un est d'Angers, l'autre de Moutiers en Savoie; vous avez d- le voir à Paris, c'est un bon et excellent prêtre qui fera un bon adorateur.
Voyez comme Notre-Seigneur est bon! nous ne les attendions pas et ils sont venus attirés par l'amour et la grâce de la divine Eucharistie. Je vous les emmènerai tous les deux, ainsi que le frère Charles, si c'est nécessaire, et si un troisième venait, je vous le donnerai encore.
Avec le P. Champion, en les voyant ces deux messieurs si bons et si dévoués, nous ne cessons de dire: que Dieu est bon! il veut Marseille!
2· Mr Clavel a prêché il y a huit jours: il nous a tous étourdis de surprise, il a une voix à casser les vitres, un ton très varié et nous a fait une jolie instruction sur l'Eucharistie; il paraît avoir une grande facilité d'élocution: jugez comme je tremblais d'abord. Enfin le Bon Maître sait bien qu'il faut des disciples et des apôtres.
3· Un prêtre pieux comme un ange est venu faire sa retraite, Mr du Coudré d'Angers: c'est celui qui devait commencer la branche des Réparateurs avec le P. Colin et la Mère Marie-Thérèse. Il m'a raconté tout cela; mais je doute qu'il vienne: il a sa piété, ses oeuvres, son âge de soixante-huit ans, puis 1500 livres de rentes; il m'a dit que ce qui l'avait retenu jusqu'à présent, c'était la question du voeu de pauvreté: s'il vient, c'est un pieux adorateur, mais j'en serais bien surpris; cela peut être.
4· Un bon prêtre de Vannes est venu nous voir, il a trente-cinq ans; il me plaît; c'est une personne toute dévouée à l'Oeuvre qui me l'a envoyé; il est reparti décidé à suivre le conseil de son directeur (qui est Jésuite). Il vient de m'écrire que son directeur l'encourage dans la pensée de venir, mais lui conseille de l'éprouver encore un peu: voilà une espérance.
5· Mr Chanuet est venu passer un jour avec nous; sa famille, avant de lui donner son consentement, l'a obligé de faire décider sa vocation et son entrée actuelle par le P. de Pontlevoy, supérieur des PP. Jésuites, qui lui a dit de laisser sa thèse, de quitter tout, et de venir de suite avec nous.
Que Dieu récompense au centuple ce bon Père!
Mr Chanuet ne doit venir à Paris que dans quinze jours.
6· Soeur Benoîte est à Rioms vers sa mère malade; elle a vu un bon et saint prêtre qu'elle connaissait, lui a parlé de la Société, elle écrit que ce prêtre veut venir à Paris faire une retraite chez nous, pour examiner sa vocation.
7· Le noviciat est commencé depuis la fête de St Michel, tout marche: il y a deux conférences par jour, une à 11 heures sur la liturgie, les rubriques; le soir sur la vie religieuse, et quand les scolastiques seront ici, il y aura à 3 heures classe de théologie. Mr de Leudeville n'a pas encore fait sa retraite de vocation, je sais qu'il y pense, on l'a ajourné en novembre; mais il faut prier pour lui, car quoiqu'il soit bien généreux et pieux, cependant il aura beaucoup de sacrifices à faire.
8· Le P. Champion m'a propos, d'appeler aux voeux simples le frère Michel, qui depuis deux ans et demi est avec nous, et tout dévoué à la communauté; en effet il nous a rendu et nous rend beaucoup de services avec un grand et parfait désintéressement; il va bien et fait, dans les jours d'exposition, quatre heures d'exercices de piété. Le frère Michel m'a demandé aussi de lui faire faire ses voeux, pour moi, je n'y trouve pas d'obstacle non plus, il a bien amélioré son caractère, et quand il a fait quelques fautes, il se reconnaît vite. Dites-moi aussi votre sentiment. Je recevrai aux voeux Mr Carrié. Il y a aussi un an que Mr Clavel est entré, on pourrait l'admettre aussi.
Je ferai faire au frère Charles son voeu d'obéissance; alors tout sera lié au service du Bon Maître.
Je vois par expérience qu'il est plus utile de ne pas trop retarder les voeux, parce qu'alors l'inquiétude, la tristesse gagnent les esprits; l'Eglise si sage a prévu cela en déterminant le temps de la probation, et voulant que l'on renvoie un sujet après ce temps, s'il n'a pas vocation.
9· Il m'est souvent venu en pensée que l'espace entre votre autel et le mur n'est pas assez grand pour passer convenablement avec les ornements; cette entrée par l'Evangile n'est pas belle ni digne, avec toutes ces portes qui s'ouvrent et se ferment; puis on voit passer derrière l'autel des têtes: mais si c'est la rubrique, je courbe la tête: seulement je voudrais mieux.
10· Je me demande comment nous allons faire pour le voyage; priez l'Ange qui porte St Philippe de nous porter aussi, au moins cela ne nous coûterait rien.
Pensez à toutes vos commissions pour Paris avant notre départ.
La poste part. Adieu.
Tout vôtre.
EYMARD.
S. S. S.
Paris, 9 Octobre 1859.
Bien cher ami,
Je vais partir pour Marseille la première semaine de novembre; j'aurais désir, vous dire un petit bonjour avant de partir.
Avez-vous fait votre retraite? Vous a-t-elle confirmé dans votre état présent, ou bien en avez-vous un autre au terme? Quelle que soit l'issue de cette résolution suprême et décisive, vous me restez toujours aussi cher et aimable. Ce qui m'a fait grandement plaisir, en cette affaire, c'est que vous avez choisi un directeur étranger à nous et à toute autre Congrégation: au moins la décision sera bien libre et bien pure, car ici il y a deux choses:
La première: la vocation générale à la vie religieuse.
La deuxième: la vocation particulière pour tel corps, tel but.
Je reçois, à l'instant, cher ami, votre lettre qui m'annonce que vous avez un ange de plus au Ciel. je prends bien part à votre douleur à tous. car c'est une grande perte. Et puis, il est si douloureux de se quitter, en ce moment, quand on s'aime! Mais pour l'Eglise, c'est une naissance éternelle, et pour le Ciel, un beau triomphe. Cette pauvre enfant ne voudrait pas revenir sur cette terre, lui donnerait-on toutes les couronnes du monde. c'est que le Ciel est notre fin, et cette terre n'est qu'un exil.
En toute autre circonstance, je serais allé vous voir; je vais m'en dédommager par la prière.
Allons! mon ami, du courage! Nous sommes si peu de temps en ce monde; il faut vite glorifier le bon Maître et être tout à lui.
Croyez-moi toujours, en N.-S.,
Tout vôtre.
EYMARD.
Lyon, 9 Octobre 1859.
Bien cher ami,
J'ai reçu, hier au soir, votre don si joli et de si bon goût, fait au Très Saint Sacrement. Merci pour notre bon Maître et pour nous! C'est notre plus bel ornement, aussi sera-t-il pour nos grandes fêtes. Les noms de tous les membres de votre aimable famille sont inscrits sur le livre du Très Saint Sacrement, mais encore plus dans le Coeur de Jésus et de son amour. Que Dieu vous le rende en bénédictions temporelles et spirituelles.
Je vais passer à Lyon, mais sans m'arrêter, dans la première semaine de novembre. J'espère, en remontant, vous dire un petit bonjour.
En attendant, croyez-moi toujours en la divine charité de N.-S.,
Cher ami, tout à vous,
EYMARD, Sup. S.S.
Md de toilerie, quai d'Orléans, 3,
A Madame Chanuet (Soeur Camille)
Paris, 17 octobre 1859
Madame,
Je viens vous remercier d'abord de votre lettre à l'occasion de la vocation de Mr. votre fils. Je comprends la prudence et la sagesse de votre désir, Madame, que Mr. Chanuet ne fasse ses voeux qu'à sa prêtrise, vous en serez vous-même le juge, et je ne ferai rien sans vous. - Ce qui me confirme dans la pensée que votre cher fils est appel, à la vie religieuse, c'est le sentiment du R.P. de Pontlevoy que j'ai eu l'occasion de voir ces jours-ci et qui m'a assuré que, depuis longtemps, il avait reconnu cette vocation en lui, mais qu'il avait jugé prudent de lui laisser faire son droit, et qu'à présent, il était d'avis qu'il fît son entrée de suite.
Ce don, Madame, que vous faites à N.S., vous sera rendu au centuple, c'est le plus beau, comme le plus grand que vous puissiez lui offrir; j'espère bien de la bonté divine que vous jouirez un peu de ce don. Il vient au milieu de coeurs amis, ce cher fils, il sera dans son centre de piété, vous viendrez le voir, et si vous ne le pouvez, je vous l'enverrai un peu en vacances.
Nous l'attendons vers la fin du mois pour organiser les cours.
Daignez, bonne Mère, nous regarder désormais comme votre famille, et me croire en J.C.
votre respectueux et dévoué serviteur.
Eymard Sup.
Madame Chanuet (Vve)
A Lantignié par Beaujeu (Rhône).
Paris, 23 Octobre 1859.
J'ai lu avec intérêt tout ce que vous m'avez écrit, chère fille, car tout ce qui vous intéresse m'est cher; tout ce qui peut vous arrêter dans le chemin du Ciel m'est pénible.
Et d'abord quelle bonne, sainte et aimable nouvelle! votre grand-papa a eu le bonheur de communier! et de désirer communier! de le faire en public! Oh! que le Bon Dieu est bon! et que sa miséricorde est infinie! Oui, je le remercie et le remercierai de tout mon coeur afin qu'il couronne l'oeuvre de sa miséricorde.
Vous voilà aussi débarrassées de cette pauvre femme de chambre, tant mieux! Il y a longtemps qu'on aurait d- le faire! On ne gagne rien avec la jalousie et l'égoïsme. Laissez-la dire tout ce qu'elle voudra; n'en dites point de mal aux étrangers.
Vous avez bien fait de répondre ainsi à votre nouvelle servante. Ne vous familiarisez pas trop avec vos servantes, tout en étant pleine de charité et de confiance en elles. Ce serait exposer leur amour-propre et aussi leur vertu quelquefois.
Ne les mettez pas au courant de vos affaires personnelles avant de vous assurer de leur prudence; j'appelle affaires personnelles, vos bonnes oeuvres extérieures.
Hélas! pauvre fille, comment voulez-vous trouver du désintéressement, du dévouement, de la reconnaissance, quand à peine si on rend à Dieu le devoir rigoureux!
Puis les temps ont renversé toutes les idées, la révolution est dans les têtes même des servantes. Que faire? Supporter, encourager la faiblesse; corriger avec charité les défauts et tenir aux devoirs d'état avant tout.
Pour votre bonne et chère mère, c'est votre affection filiale qui la voudrait plus prudente pour elle-même.
C'est vrai, elle aurait besoin de se ménager un peu plus; mais il est des circonstances où il vaut mieux laisser faire que de froisser: c'est quand on ferait de la peine.
Prenez-vous-y autrement, et quand vous voyez que votre bonne mère y tient, laissez-la faire; elle a des raisons et vous savez que le Bon Dieu la bénit.
Assurément, elle devrait mieux se ménager, cette bonne mère.
Nous devons partir de Paris pour Marseille le 2 novembre; nous vous bénirons en passant. Je ne pourrai m'arrêter à Lyon en allant. J'espère le faire en revenant. Si vous aviez besoin de m'écrire, voici mon adresse.
Soyez toute à Dieu, bonne fille, par l'amour, toute au prochain par l'aimable charité, toute à la divine Eucharistie par l'offrande et l'immolation de tout vous-même.
Supportez-vous bien en la patience de Notre-Seigneur, et tâchez de le servir comme si vous étiez toujours contente.
Nous avons commencé la neuvaine pour Mr le Curé. Nous prions bien afin que Dieu vous en donne un selon son coeur.
Ne lui faites pas part de vos troubles ni de vos inquiétudes. Gardez votre trésor du Très Saint Sacrement et, si vous en parlez, que ce ne soit que pour faire cet argument: Monseigneur l'Evêque et Mr le Curé défunt nous ont donné le Saint Sacrement, ils ne voudraient pas l'ôter maintenant.
Adieu, bonne fille.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 23 Octobre 1859.
BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,
Je prie toujours pour cette chère petite, pour son héroïque mère, et pour vous, centre de toutes les douleurs et en même temps l'amie de ceux qui souffrent. Tout en voyant le Ciel ouvert sur cet ange qui souffre et la gloire de Jésus crucifié grandie par la vertu de la mère et de tous, cependant la vie est une grâce, on peut la demander, je la demande dans le bon plaisir divin. Je redoute de recevoir quelque nouvelle de deuil, votre silence me fait espérer un mieux; que Dieu en soit béni!
C'est vous, bonne fille, qui devez souffrir au milieu de tant de calvaires. Ne perdez pas les yeux de Jésus, ce sera là votre force.
C'est le 2 novembre que j'espère partir pour Marseille; notre maison est rue Nau, n· 7, Marseille. J'y resterai quelque temps, peut-être un mois; d'ailleurs, quand je devrai en partir, je vous l'écrirai quelques jours d'avance.
J'espère recevoir encore une fois de vos nouvelles ici, je suis triste et désolé sur vous toutes.
Notre-Seigneur nous a envoyé deux prêtres de plus, bénissez-le pour nous.
Je vous bénis en son divin Coeur.
Tout à vous.
EYMARD, S. S.
Paris, 24 Octobre 1859.
Bonne et chère fille,
Je m'associe à votre bonheur, j'en remercie de tout mon coeur Notre-Seigneur et lui demande la persévérance.
Ayez toujours cette confiance d'enfant en notre bon Père qui est dans le Ciel et soyez à lui de moment à moment et dépendez de lui en toutes choses. Dieu n'a ni passé ni avenir, il est toujours; eh bien, soyez dans son être d'amour, dans sa divine Providence actuelle, et laissez-lui le soin de l'avenir et du passé; voici la prière que renferme votre coeur:
O Marie, Mère du Bel Amour et de la sainte Espérance, recevez ce faible gage de ma reconnaissance et de mon amour. Gardez en votre coeur ces coeurs que je vous donne; sauvez tous les miens; qu'ils aiment toujours Jésus et vous. Pour moi, la plus pauvre de tous, chargez-vous de ma faiblesse; je veux être tout à Jésus, par vous, ma bonne Mère.
Je dois partir d'ici le 2 novembre; je vous bénirai en passant, je m'arrêterai à Lyon en remontant.
Excusez cette pauvre lettre que j'envoie avec cette tache.
Tout vôtre.
EYMARD.
29 Octobre 1859.
Bien cher Père,
Nous partirons d'ici mercredi, 2 Novembre, à 1h.45 de l'après-midi. Nous ne nous arrêterons pas, mais nous arriverons à Marseille le jeudi soir, vers 6 1/2. Le nom de ces MM. c'est le Père Leroyer (d'Angers) et le Père Golliet (de Moutiers): c'est bien Notre-Seigneur qui les a envoyés.
Depuis un mois, nous ne faisons que des rubriques; ils vous arriveront un peu dégrossis, mais l'office en choeur n'est pas encore parfait.
J'ai parlé avec le P. Champion de votre réflexion pour Matines; il prétend que c'est mieux de s'asseoir pour écouter, comme on le ferait pour écouter Notre-Seigneur prêchant, etc... Pour moi, je ne mettrai aucune opposition, je laisserai la maison d'ici libre jusqu'à ce que Dieu le montre plus clairement; personne ne doit l'office assis, puisqu'on se lève aux répons: le principe est sauvé de réciter l'office debout.
J'ai vu Mr Koll; le dernier travail qu'il a fait couvrira, si vous le voulez, la différence. Il dit toujours qu'il n'a jamais entendu fournir à ses frais les ferrures, que cela ne se fait pas en règle, que s'il avait su qu'il en fût ainsi, la question était simple, qu'il aurait ajouté ce surplus dans son mémoire, qu'il a fait les prix les plus justes.
Vous recevrez avec nous toutes les commandes, même celle de Mr Picard.
Depuis l'arrivée des nouveaux adorateurs, nous avons mis l'adoration en plus le mercredi et le samedi jusqu'à midi.
Le jour de la Toussaint, nous aurons une jolie première Communion de douze de nos enfantes.
Ce matin, à 7 heures et demi, nous avons un baptême d'une Dame protestante que nous avons instruite et qui est très bien disposée.
Mr Clavel a des pouvoirs de Paris et une feuille que je lui ai obtenue: il est tout content, mais il a encore bien à faire, il est mieux cependant.
Rien de nouveau, sinon un abbé en théologie qui demande l'entrée, mais il est comme tant d'autres, sans ressources.
Mr Chanuet n'est pas encore arrivé.
Mr de Leudeville n'a pas encore fait sa retraite chez les Jésuites pour décider sa question; c'est le bon Père de Pontlevoy qui l'examinera, ses parents y tiennent.
A bientôt, bien cher Père; j'espère que le Bon Maître nous bénira à Marseille aussi, car nous ne voulons que sa grande gloire.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD, S. S.
P. S. Nous avons reçu tout l'argent que vous avez
envoyé et pour la destination marquée.
prêtre religieux du T. S. Sacrement,
Tout pour Jésus-Hostie.
Au n· 66. En chemin de fer, 2 Novembre.
Bien chères filles en Notre-Seigneur,
Il m'a été impossible d'aller vous dire adieu et de vous bénir en partant. Je l'ai fait de coeur et le fais en ce moment.
Je vous ai envoyé à toutes ma petite Ste Vierge; cette bonne Mère vous gardera et vous conduira; c'est sous sa maternelle protection que je vous laisse et sous celle de St Joseph.
Je mourrais, mes soeurs, que vous n'auriez rien à craindre. Vous êtes toutes à Jésus et il est tout à vous: qu'avez-vous à craindre, petit troupeau, sous un si bon Pasteur? Qui vous renversera si Jésus vous défend? Qui vous tuera si Jésus est votre vie?
Non, non, vous n'avez rien à craindre, rien à redouter; mais tenez-vous bien unies au bon Maître, servez-le avec pureté et ferveur, avec simplicité et avec joie, avec amour et sacrifice, et vous serez grandes et fortes; et vous deviendrez un vrai Cénacle, la famille privilégiée de Jésus et de Marie. Ne vous laissez pas inquiéter ni troubler de rien. Hier votre coeur a d- souffrir dans le vote que vous aviez à faire devant Dieu; c'est fait et bien fait. Dieu le voulait ainsi, et sa sainte volonté s'est manifestée clairement: c'est bien.
Voyez par là, chères filles, combien vous devez bénir Dieu de votre vocation. Vous y êtes: restez-y bien. Vous êtes choisies, estimez-vous heureuses. Je vous le dis: un jour, les autres religieuses et les princesses du monde envieront votre bonheur et vos grâces; courage et confiance, mes filles.
Je vous reste bien paternellement uni en l'amour de notre bon Maître et vous bénis avec toute l'affection de mon coeur.
EYMARD.
P. S. - Mlle Guillot.
J'ai donné 50 fr. à Mr Carrié pour vous remettre pour Mme Spazzier, pensant qu'elle aurait besoin d'argent.
Que soeur Benoîte reste un peu au lit.
Maintenant que la croix est finie, ne vous tourmentez pas. Voyez comme Dieu est suave et fort dans sa divine Providence.
Je vous bénis de tout mon coeur.
EYD.
Paris, 2 Novembre 1859.
BONNES ET CHERES SOEURS,
Je pars pour Marseille aujourd'hui; j'y resterai un mois environ; je vous écrirai de là.
Je vais conduire quelques religieux à notre nouvelle fondation.
Priez toujours pour nous et notre belle Oeuvre.
Je vous envoie votre feuille d'agrégation. Je me porte très bien. Tout va bien. Dieu nous bénit au delà de nos désirs.
Tout vôtre en N.-S.
Votre frère.
EYMARD, Sup.
Je n'ai que le temps de vous dire ce petit mot.
Marseille 5 novembre 1859
Bien chère soeur en N.S.
J'ai reçu ce matin votre bonne lettre. Je comprends bien toute la peine de votre piété et la grandeur de votre sacrifice, mais acceptez-le simplement et n'entretenez pas dans votre coeur des espérances qui ne peuvent que vous tourmenter et vous troubler - prenez cette croix et la portez avec N.S., mais ne la raisonnez pas, parce que la tribulation serait toujours là à vous assiéger.
Mon sentiment est donc que vous veniez à Hyères - que vous quittiez votre appartement de Paris, et que vous vous abandonniez à la divine Providence, pourquoi vouloir payer deux loyers? alors même que nous nous attendons à quitter ce quartier au 1er jour.
Vous me dites que Dieu a seulement permis et non voulu ce rejet, non, ma pauvre fille, Dieu l'a voulu ainsi, pour moi, je ne veux plus faire de nouveaux essais.
Vous serez toujours notre chère fille et soeur en N.S. - je vous aiderai de tout mon coeur, par mes conseils, à vous sanctifier dans votre position, mais à condition qu'il ne sera plus question de cette vie religieuse avec ces Dames. Vous pouvez être une âme toute à la divine Eucharistie, toute sainte, au milieu de vos travaux et de vos rapports avec le monde - votre pensée et votre coeur sont tout à Dieu, il n'y a rien à craindre de ce coté-là.
Rien de nouveau ici - nous ne commençons l'exposition que dans les derniers jours de la semaine.
Si vous voulez vous arrêter ici, je vous verrai avec plaisir, mais pour éviter l'embarras de vos affaires, peut-être feriez-vous bien à Lyon ou à Paris de prendre votre billet pour Toulon, et comme on peut, avec le même billet, s'arrêter en route un jour en prévenant le chef de Gare, cela serait plus simple.
Allons, bonne soeur, toute à Dieu et à tout ce qu'il veut.
Tout à vous en N.S.
Eymard Sup.s.s.
Paris, 5 Novembre 1859.
CHERE SOEUR EN N.-S.,
Me voici à Marseille, n'ayant pu m'arrêter à Lyon en venant à cause des personnes que j'amenais avec moi. J'espère vous voir en retournant, je l'ai écrit à Monsieur le Curé de la Madeleine à Tarare. Ce sera une grande joie pour moi de vous revoir après un si long temps, et de causer avec vous de notre chère oeuvre d'amour pour le bon Maître.
Votre bon Père a d- vous écrire et vous dire la joie du Seigneur de voir revenir au bercail ce cher frère éloigné de lui, et comment sa divine bonté l'a ramené. Il faut prier le bon Maître d'achever ce qu'il a commencé.
Je vous envoie une lettre d'agrégation avec notre petite Société que vous aimez et qui vous est bien fortement unie. J'ai été affligé de vous savoir malade, et je prie le bon Maître de vous guérir, car il y a encore quelques champs de bataille à parcourir pour sa gloire.
Adieu, chère soeur, à bientôt.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD, Sup. Soc. S. S.
Marseille, 6 Novembre 1859.
Mademoiselle Guillot.
Merci, chère fille, de votre petit mot. J'ai écrit à Mme Spazzier assez clairement. Je pense qu'elle vous fera part de ma lettre. Vraiment cette bonne dame n'y pense pas; mais le parti qu'elle veut prendre ne peut aboutir qu'à une déception. Je suis décidé à rompre plutôt que d'entretenir cette illusion.
Tout va bien jusqu'à présent. Nous nous préparons à notre grande fête dont j'ignore encore le jour, mais ce sera cette semaine.
Je vous prie de bien prier et faire prier pour nous, afin que le commencement réponde à la fin; car le grand point est de bien commencer, que Dieu soit content. Il y a tout à faire et avec des hommes nouveaux. Plus je vais, plus j'apprécie votre Oeuvre et votre grâce: quelle est belle! qu'elle est grande! Tout ce qui s'agite trop est fiévreux; tout ce qui est trop apparent est bien exposé et souvent bien vide. Restez bien avec Notre-Seigneur; faites tout pour qu'il soit content de vous. C'est là l'essentiel: les hommes ne peuvent rien, ne sont rien... Ce que Jésus veut se fait. Trouvez-vous heureuses à son adorable service. Soyez joyeuses en votre vie, en vos actions, en vos rapports; car vous avez tout sujet de l'être, puisque vous êtes la famille de Notre-Seigneur.
Je vous laisse à ses pieds.
Tout à vous
EYMARD.