LA
VIE EN BARAQUE Le stage de quarantaine terminé, nous étions transférés dans une autre baraque, sise dans le camp libre, appelée block. Ce block avait un numéro comme tous les autres et nous étions reçus par le «blockhaltester» qui nous faisait, bien entendu en allemand, les observations d'usage en nous désignant la place que nous devions occuper dans la stube. Elle était composée de lits à trois étages. Suivant le nombre des arrivants, nous couchions par deux ou même par trois par pavillons. Le chef de block ne tenait aucun compte des nationalités, s'ingéniant même à les mélanger, ce qui provoquait des heurts et des bagarres entraînant l'irruption des stubediensts qui rétablissaient l'ordre à grands coups de goums. Les paillasses sur lesquelles nous couchions étaient composées d'un sac rempli de paille ou de recoupe où les poux abondaient. Certain soir, avant de s'allonger sur nos paillasses, le chef de block faisait son apparition en criant «loss kontroll» et chacun, inspectant sa chemise, passait devant le stubedienst qui regardait à nouveau s'il n'y avait pas de poux. S'il en trouvait un, il nous envoyait au blockhaltester qui nous administrait dix coups de matraque ou plus sur les fesses. En fin de semaine, nous devions nous faire raser, et c'était l'attente en file indienne. Un «friseur» nous passait la tondeuse au milieu du crane, créant une ligne large de trois doigts que nous appelions ironiquement «strasse», c'était grotesque. Ces hommes qui occupaient le poste de «friseur» étaient des volontaires qui n'avaient souvent jamais exercé la profession de coiffeur. C'est pourquoi, souvent, nous regagnions notre place le visage en sang. On se recouchait en faisant un oreiller de nos vêtements et essayant de s'endormir pour oublier nos misères, rêvant à ceux que nous avions laissés en France. |