RETOUR
DES KOMMANDOS Nous
arrivions au bout de nos huit heures de ce travail infernal et c 'est
avec un soupir de soulagement que nous entendions, résonnant à travers
les galeries, ce mot tant attendu poussé par les kapos: «eintretten,
eintretten». C'est le signal du rassemblement. Tout à coup, c'est le
silence. Plus de marteaux-piqueurs, le wagonnets, le tapis roulant s'arrêtent.
Tous les outils sont déposés, attendant l'équipe suivante. Seule,
dans la galerie, résonne la course des détenus poursuivis par les
kapos aux cris de «schnell, los los...», ainsi que les coups sur les
échines décharnées. Sortant des tunnels, la colonne se regroupe par
rangs de cinq en attendant l'équipe montante. Nous sommes comptés par
les kapos, puis recomptés par les SS, souvent en désaccord, ce qui n'arrange
rien, car nous devons rester là, au garde à vous en attendant qu'ils
trouvent le compte exact. Souvent, nous attendions sous la pluie un
homme manquant à l'appel, que les kapos recherchent dans les galeries.
Le malheureux qui, vraisemblablement, s'était assoupi, brisé par la
fatigue, découvert, est ramené dans un triste état. S'il ne peut
plus marcher, les brutes le traînante. Couvert de sang, il est jeté en
pâture aux pieds des SS qui l'écrasent à coups de bottes. Il sera
ramené au camp par ses camarades avec les malades ou les blessés, car
tous, vivants ou morts, doivent être présents à l'appel. Nous
franchissons la porte où nous sommes une nouvelle fols comptés. Au
rythme de nos claquettes martelant le sol, un kapo, d'une voix monotone
qui restera à jamais gravée dans nos mémoires comme un marteau
frappant l'enclume, scande: Iinks, zwei, drei, vier», links, zwei, drei,
vier...». |