Le Dieu tout puissant, miséricordieux et clément,
qui dans l'abondance de sa grâce donna l'être à toute
créature, pour perfectionner le genre humain dans la connaissance
de la vérité et dans les bonnes oeuvres, pour diriger les
bienheureux et les faire parvenir aux degrés [supérieurs],
a fait descendre son fils unique qui s'est revêtu de chair et a caché
sa gloire. Derrière le voile de l'humanité, les rayons de
sa lumière ont brillé. Il a aboli les lois matérielles,
imparfaites et grossières, et a communiqué des commandements
spirituels, parfaits et purs; il a aboli les sacrifices d'animaux par l'immolation
de son corps et de son sang, et il a enrichi le monde entier par la sagesse
de sa science. Il étendit en tous lieux, à l'aide de ses
disciples, le filet de son évangélisation vivifiante; il
s'en retourna, et ceux-ci allèrent jeter la bonne semence de sa
prédication sur toute la terre. Ensuite, les disciples de ceux-ci
éclairèrent les quatre coins du monde (par la lumière)
de la foi orthodoxe et de la Trinité royale, et y firent briller
les actions excellentes et les oeuvres parfaites.
Cette parole ne peut être anéanti ni
annulée, car celui qui a établi la loi l'a scellée:
«Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin
du monde.»(2) A l'entreprise se joint la récompense,
et à la parole l'oeuvre s'ajoute peu à peu, jusqu'à
faire des enfants de Dieu de ceux qui étaient sans loi; les Hindous,
les Chinois et les autres peuples orientaux furent saisis et reçurent
le frein de la crainte de Dieu; leurs sens et leurs consciences furent
oints par l'Esprit-Saint.
La noblesse de la race ne sert, en effet, à
rien, si on n'accomplit pas le bien dans la conduite de sa vie, et le don
[de Dieu] n'est pas refusé lorsque des oeuvres bonnes et des pensées
saines se joignent à une origine méprisable. Quel profit
ce fut-il pour les Juifs d'être les descendants d'Abraham, puisqu'ils
sont devenus étrangers à la famille de Dieu? Et pour les
Gentils, quelle perte de ne l'avoir pas été, puisqu'ils sont
devenus de la maison de Dieu? Car, aujourd'hui, les Turcs ont attaché
à leur cou le joug de la domination de Dieu; ils ont cru et approuvé
de tout coeur la parole du Seigneur: «Quiconque n'abandonne pas son
père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses
soeurs, pour prendre sa croix et marcher à ma suite, n'est pas digne
d'être mon disciple.» (3)
L'audition de ce commandement parfait excita l'admiration
de deux hommes vaillants dont nous avons à parler: ils se dépouillèrent
de leurs passions, laissèrent parents et enfants, bref, renoncèrent
à toutes les espérances de leur éducation, et, comme
des aigles rapides, ils renouvelèrent la jeunesse de leur pensée
dans des travaux pénibles et dans un genre de vie laborieux, jusqu'à
ce qu'ils eussent atteint leur véritable espérance; et ils
retirèrent des travaux qu'ils s'étaient imposés, comme
nourriture parfaite, des fruits agréables et délicieux.
Maintenant, nous allons parler séparément
de la famille de chacun d'eux, de leur pays, de leur genre d'éducation
différent, de leur habitation commune, et nous intercalerons au
milieu de leurs actes ce qui est arrivé de leur temps, à
leurs personnes, ou par leur intermédiaire, ou à cause d'eux,
et nous dirons chaque chose comme elle s'est passée.
1. Le mot Mar est un terme honorifique,
qui signifie, en syriaque, très exactement Monseigneur; on
l'applique aux saints, aux personnages vénérables et à
ceux qui sont revêtus de dignités. Je le laisserai indifféremment
sous sa forme Mar, ou je le traduirai par Monseigneur selon
que l'harmonie de la phrase semblera l'éxiger. Quant au titre de
Catholique, du grec katholikos universel, perpétuel,
c'est, comme je l'ai dit dans mon Avant-Propos, l'appellation propre
du patriarche des Nestoriens qui s'intitule aussi Patriarche de l'Orient,
et Père des Pères ou Chef des Pasteurs.
Retour 2. MATTH. XXVIII, 20.
Retour 3. Cf. LUC, XIV, 27.
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