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Paris, 21 Juin 1867.
Madame et chère fille en N.-S.,
Ma prière vous suit partout, ainsi que votre chère fille et ce cher défunt.
Voici la règle à suivre dans votre position actuelle. Vous avez toute permission sous le rapport du voeu de pauvreté. Agissez comme si vous ne l'aviez pas dans tout ce qui est de convenance, de reconnaissance, d'affaires de maîtresse de maison.
Soyez large plutôt; regardez-vous là-dessus comme maîtresse de maison obligée à faire tout ce qui est convenable, et même, dans le doute, soyez pour la liberté.
Je voudrais bien pouvoir aller vous voir. Je ne prévois un peu que vers la fin de juin.
Voici les réponses de détails que vous me demandez: 1· Oui, faites passer cinquante francs pour vingt messes à chacun des vicaires. 2· Même chose pour Mr le Curé dont vous me parlez, cent francs; c'est un honorable moyen d'être reconnaissante. Idem Mr l'Aumônier de la Visitation; idem des amis de famille.
En général, dans votre position actuelle, il faut plutôt regarder la convenance que le plus grand nombre de messes.
Pour moi, envoyez par la poste, mais en la chargeant, mettant sur l'adresse la somme en toutes lettres.
Le 24, je dirai la première messe, sa fête. Oui, donnez cent francs aux Soeurs de Saint-François: c'est une bien bonne oeuvre.
Oui, donnez des vêtements à qui vous verrez plus convenables.
Je désire bien aller vous voir. Si vous alliez aux Thorins, vous me l'écririez. J'aimerais bien mieux vous voir là, d'ailleurs.
Je vous l'écrirai à l'avance. Je vous bénis.
EYMARD.
J'écrirai ces jours-ci à Mlle Stéphanie.
Paris, 23 Juin 1867.
Bien chers Pères et frères en Notre-Seigneur,
Le bon Père de Cuers m'ayant demandé un peu de repos et la liberté temporaire et sous la sainte obéissance de suivre un attrait qui le pousse vers la solitude, je n'ai pas cru devoir m'opposer à son désir si pur. Je lui ai donc permis de travailler à cette pensée eucharistique.
Dieu dira s'il la veut plus grande et féconde, vous prierez pour sa bénédiction céleste.
Dans cet état de choses, le Père Leroyer dont vous connaissez tous l'affectueux dévouement à votre bien, le grand amour pour la Société et son zèle ardent et infatigable pour la gloire du Bon Maître, ce bon Père remplace le Père de Cuers comme Supérieur. Vous lui obéirez comme à moi, ou plutôt comme à Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont il tient la place au milieu de vous; vous l'aimerez comme un Père et l'encouragerez dans son laborieux ministère.
Je désire bien aller vous voir, chers Pères et frères. Dès que je serai un peu libre, je me mettrai en route vers vous. Nous avons bien eu nos embarras pour notre nouvelle installation; je dois aller à Angers sous peu pour bénir la première pierre de notre première église bâtie et cela le jour de la Sainte Pierre: unissez-vous à nos joies, comme à nos espérances.
Je vous bénis tous avec toute l'affection de Notre-Seigneur, et suis en ce Bon Maître,
Tout à vous.
EYMARD, Sup.
Paris, 23 Juin 1867.
Bien cher Père,
Reprenez l'ancienne règle pour les emplois, afin qu'en cas de nécessité on puisse parler; et surtout dites-le au frère Léon pour le frère Antoine, qui est ici avec nous, bien guéri de sa tentation, mais qui, ayant mal aux pieds, attend quelques jours pour vous retourner. C'est un bon frère et qui est revenu de suite à la maison, voyant bien sa faute. Je vous envoie la lettre du bon Père Ferron à son sujet.
La sévérité que nous avons mise au silence aura cependant un bon effet: elle dira à quoi on s'expose quand on ne sait pas le garder.
Les fondateurs avaient bien raison de bien prier, de bien examiner, de bien éprouver les règles et les mortifications à faire; car souvent on n'est que dans l'obstacle, dans le défaut à vaincre et non dans la vraie vertu. Nous devrions prier davantage avant d'agir, traiter nos conseils avec Dieu, comme Moïse. Ce sont de bonnes leçons que Dieu nous donne: oportet sapere ad sobrietatem.
J'espère aller vous voir mardi matin par le premier train de 6h30 avec Mr Maréchal; mais ne vous dérangez pas, car si j'avais un obstacle, ce ne serait que le mercredi.
Adieu, cher Père; courage et confiance, voilà nos deux ailes.
Tout à vous.
EYMARD.
Je porterai la malle du frère Jules Neys. Mr Biais a repris notre dais, il fait vos dalmatiques.
A.R.T.
Paris, 25 Juin 1867.
Madame et chère fille en N.-S.,
Je veux vous dire aussi un petit bonjour de Notre-Seigneur, à qui je vous donne sans cesse.
Tâchez de voir toutes choses en la bonté toute paternelle de Dieu en tout le passé, sans remords et sans regrets personnels. Vous serez ainsi plus agréable à son Coeur;
Allez bien aux devoirs de position, de convenance, d'affection de famille, en simplicité, sans trouble et inquiétude de conscience.
Ce qui est de devoir d'état, de convenance, de rapports de reconnaissance commune, et selon votre condition: vous avez sur cela toute permission, toute liberté; et si vous aviez quelque crainte ou quelque doute, agissez comme vous croiriez devoir agir, si vous étiez libre. Puis, si vous le jugez bon, vous pouvez m'en écrire après.
Vous faites beaucoup prier pour cette chère âme, vous faites bien; mais en ceci il ne faut pas de l'excès encore. Seulement il faut se laisser un peu aller aux sentiments et aux mouvements de la grâce du moment et de la divine Providence.
Tenez-vous bien unie à Dieu par le coeur et par l'intention, et laissez-vous aller aux circonstances du moment. Puis viendra le temps du repos et de la sainte solitude aux pieds du bon Maître, à Romanèche.
Lisez la lettre à votre chère fille pour les autres détails.
Croyez-moi bien en Notre-Seigneur, chère fille,
Tout à vous.
EYMARD, S
Paris, 26 Juin 1867.
CHERE SOEUR ANNE,
Je vous ai lu l'autre jour en courant, je relis votre vieille lettre d'avril qui renfermait ce billet de 100 fr. et je viens causer un peu avec vous.
Il me semble que le bon Maître fait bien mourir le grain de froment et que ce grain germe bien, car il est bien mort au monde. Il a fallu bien des coups et bien des morts pour le faire mourir; il faut qu'il croisse maintenant.
Je comprends aussi bien que vous votre solitude et votre dégoût du monde; ces tempêtes, quand le vent est arrière, font vite marcher le vaisseau.
Qu'allez-vous faire? votre oeuvre d'action de grâces? Elle est bien belle et digne de votre vie et de votre mort. Mais il faut un centre de vie, et à Mauron vous n'êtes qu'une ouvrière, qu'une pauvre unité. Il faut une société: c'est bien temps! Qui sait si Dieu n'a pas appelé votre pieux et vénéré Père à lui pour vous donner plus de liberté?
Je le crois, car la vie que vous menez à Mauron, soit en famille, soit en ville, me paraît avoir peu d'avenir et de développement. Il faudrait donc vous mettre à l'oeuvre et sans tarder: le soleil s'en va vers son couchant. Tout est trouvé: la fin de la Société, Jésus-Hostie, la loi de la Société, les moyens, le caractère; le mouvement est donné, que manque-t-il? Que soeur Anne, qui dort à Mauron, et se consume dans une petite goutte d'eau, sorte de son sommeil et de sa petite prison et dise au bon Maître: "Vous avez besoin d'une portière, d'une commissionnaire, d'une pauvre petite servante; en voici une pauvre, mais elle est toute vôtre; où faut-il aller? par où faut-il commencer? sous quelle direction? par quelle vie extérieure?" Voilà, chère soeur Anne, la grosse question qu'il faut résoudre.
Il faut travailler à la gloire du bon Maître, c'est temps; ou bien il faut lui demander de souffrir et de mourir pour l'oeuvre de l'action de grâces.
Là-dessus j'attends votre grande lettre. Je n'ai pu encore vous envoyer vos livres et vos croix; je vais le faire au plus tôt. Le Père Caussade n'est pas encore réimprimé, que je sache.
Priez bien pour moi. Mon âme est toute triste, elle a besoin d'un peu de repos aux pieds de Dieu; mais je ne sais pas où en trouver, où en prendre le temps.
Je vais samedi à Angers (rue Lyonnaise, 9) bénir la première pierre à la première église que nous allons élever à notre bon Maître; je n'y resterai que quelques jours.
Je vous donne bien au bon maître et vous bénis bien en sa divine Hostie.
EYMARD, S.
Angers, 1er Juillet 1867.
Madame et chère fille en N.-S.,
J'ai reçu votre lettre chargée. Je ferai selon vos intentions; mais vous avez trop donné, en ce moment surtout que vous devez avoir tant de dépenses à faire.
Je suis venu visiter nos deux maisons. Celle des Soeurs va bien. Les Soeurs de Nemours, presque toutes malades par suite de l'humidité de la maison devenue dangereuse par suite de l'inondation, ces bonnes Soeurs vont mieux.
C'est vraiment une Providence que l'on ait laissé Nemours. Les épreuves que l'on a eues ont été un moyen qui nous a délivrés de plus grandes difficultés encore!
Je pense repartir demain d'ici. Comme vous serez certainement aux Thorins le 5 juillet, à cause du service de la Quarantaine, mon intention est de partir de Paris pour Romanèche vendredi, 5. J'y arriverai le soir.
Je vous prie de ne dire à personne ma visite de famille, afin que nous soyons un peu tranquilles. De chez vous j'irai visiter Lantignié, mais je désire qu'ils ignorent mon arrivée chez vous.
A bientôt, chère fille. Je désire depuis longtemps de vous voir, et surtout en ce moment de prier avec vous pour cette chère âme.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, Sup.
Angers 1 juillet 1867
Bonne Dame en N.S.,
J'ai reçu une bonne lettre de M. Amédée. Nous nous unissons à la neuvaine commencée le 24 pour la guérison de la bonne S.Camille. Si j'avais su que je pouvais renvoyer de quelques jours ma visite à Angers, je serais parti plus tôt pour Lantignié. Je croyais que tout était prêt pour la bénédiction de la première pierre de notre Eglise; mais non, cela demande encore quelques semaines.
Je vais repartir bientôt pour Paris et de là j'irai à Lantignié, le dimanche soir 7 ou le lundi 8 juillet. Je vous écrirai d'ailleurs plus précisément l'heure de mon arrivée à Belleville. Ce sera une grande consolation pour moi de vous voir, bonne Dame, ainsi que votre bonne et chère Soeur Camille, et, si elles y sont encore, Sr Benoîte et Sr Philomène.
En attendant, je prie beaucoup pour vous tous. Je sais que M. Amédée a dû partir pour Bauzon. Je regrette bien son absence, mais le devoir avant tout.
Croyez-moi en N.S., Bonne Dame, Votre respectueux et dévoué serviteur.
Eymard.
Adveniat Regnum tuum!
Paris, 4 Juillet 1867.
Madame,
Je vous arriverai samedi matin à sept heures vingt et une minutes à la gare de Romanèche. Je n'ai que le temps de vous bénir et de vous dire la consolation que j'éprouve d'aller vous voir.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 6 juillet 1867
Bien chères Soeurs,
Je viens vous remercier de vos lettres, qui m'ont fait plaisir. Je n'ai pas pu y répondre de suite, parce que j'ai été obligé de faire un voyage à Angers.
Soyez assurées, bien chères Soeurs, que rein n'a changé dans mes pensées et sentiments pour vous: vous êtes ma Soeur et mes soeurs, et rien n'obscurcira ni mon coeur, ni mon affection pour vous. - D'ailleurs on ne m'a rien dit contre, on n'aurait pas osé et je ne le souffrirais pas. Non, on a été bien convenable à ce sujet à Angers, on vous y a bien regrettées, on vous y regrette, et cela me fait plaisir.
Ce petit séjour que vous avez fait autour du S. Sacrement vous aura fait du bien; vous ne serez pas seulement filles de Marie, mais surtout adoratrices du T. S. Sacrement et les apôtres de l'adoration.
Aussi faudra-t-il chercher les moyens d'établir l'adoration parmi vos filles du Tiers-Ordre - et les petites filles de Marie - et vous faire adjoindre les Tierçaires de S. François.
Alors vraiment votre retour sera béni de Dieu et de l'Eglise.
Nous avons perdu le pauvre Père Ravanat, pendant que j'étais à Angers; il est mort au noviciat d'un transport au cerveau, d'une fièvre cérébrale. Et cependant il était content; il avait écrit quelques jours auparavant à ses filles pour leur dire qu'il était out décidé à rester au T. S. Sacrement, que ses tentations étaient dissipées, qu'il était heureux de les voir heureuses et surtout d'apprendre qu'elles allaient prendre le saint habit.
C'est lundi passé que je leur ai donné l'habit, et je n'ai pas eu le courage de leur dire leur malheur. - D'un autre côté, ce bon Père Ravanat a dû faire la mort d'un bienheureux, et Dieu lui a fait une grande grâce de l'appeler à Lui dans de si bonnes dispositions.
Adieu, mes soeurs, ou plutôt à bientôt; je vous écrirai et vous enverrai le billet de la poste, que M. BONNE avait mis dans la lettre, qui renfermait le plan des réparations et que je n'avait pas vu; et cette pauvre lettre s'est trouvée cachée sous un monceau d'autres. Aussi je suis fâché de cette mésaventure. Je vais la réparer; arrangez le tout pour le mieux avec ce bon M. BONNE et si je puis un peu vous aider, je le ferai bien volontiers.
Je vous bénis, chères soeurs et filles en N. S.
Eymard.
Lantignié par Beaujeu (Rhône), 7 Juillet 1867.
CHER FRERE,
Ayant oublié de vous donner le certificat du fr. Bruno, je vous l'envoie; mettez-y le sceau.
Je n'ai pas été trop fatigué de cette mauvaise nuit.
Entendez-vous avec le Père Viguier pour jeudi, jour de prédication; je ne serai pas arrivé; je n'arriverai probablement que vers la fin de la semaine; étant si près de Lyon, j'irai y faire un tour.
Que Dieu vous bénisse tous, et vous en particulier.
EYMARD.
Lyon, 12 Juillet 1867.
MADEMOISELLE EN N.-S.,
Je vous écris de chez votre bonne et excellente tante. J'y ai lu votre lettre. Je viens y répondre catégoriquement, et comme vous me connaissez rond, je vais le faire de même rondement.
1· Oui, je veux bien être votre directeur, mais à présent que vos soeurs sont mariées et bien mariées, vous avez le droit d'écrire directement votre direction et comme vous pensez et êtes devant Dieu et en vous-même.
2· Ma pensée bien arrêtée, c'est que vous refusiez toute mission à faire, toute oeuvre liant votre liberté, et gardiez votre indépendance comme vous gardez votre coeur à Dieu à qui il est et sera comme son bien.
3· Oui, vous êtes où Dieu vous veut, par conséquent où se trouve le bien à faire, avec la grâce qui le précède, l'accompagne et le suit. Aussi vous ne perdez pas votre temps; au contraire, il est bien employé. Faites qu'il le soit toujours dans les trois conditions suivantes:
1· Que la loi de l'amour de Dieu soit toujours la règle comme le motif de votre amour du prochain, selon la hiérarchie des devoirs.
2· Que l'esprit de piété vous fasse surnager au-dessus de tous les devoirs extérieurs. Nourrissez bien votre coeur par l'expansion habituelle en Dieu, votre esprit par la pratique quotidienne de la méditation, votre volonté par l'abnégation de vertu.
Voilà la loi de votre sainteté à acquérir et à alimenter sans cesse.
3· Gardez toujours sans nuage l'esprit de votre coeur. Pas de tristesse, pas de trouble, pas de préoccupation de l'avenir. Votre avenir c'est Dieu et Dieu qui vous aime. Vous êtes toute à Lui; vous lui êtes consacrée. Travaillez et dormez tranquille dans la nacelle de Jésus. Je réponds du reste.
J'ai reçu avec grand plaisir des nouvelles de vos soeurs et de toute votre famille. Je vois que le Bon Dieu vous bénit bien largement. C'est ainsi que sa divine Providence aime à prouver à ceux qui se confient à lui sa bonté paternelle.
Que Dieu soit toujours, bonne demoiselle, votre centre et votre joie!
Je vous bénis bien en sa divine charité.
EYMARD, Sup.
Voici ma nouvelle adresse: 112, Boulevard
Montparnasse, Paris.
Paris, 14 Juillet 1867.
Bien cher Père,
Je laisse à votre disposition ce voyage à Angers.
Le Père Audibert a dû vous dire que votre cher frère allait mieux.
Cependant ce voyage fera du bien à votre santé, car vous avez bien travaillé comme un bon serviteur, et moi je serai bien heureux de vous voir.
Arrangez toutes choses à Marseille; si les prêtres vous manquent le dimanche, vous pourrez, je l'espère, en trouver facilement à Marseille, ou bien le Père Audibert pourrait bien venir passer un jour.
Je vous reste bien uni en Notre-Seigneur, bien cher Père.
EYMARD, S.
Paris, 18 Juillet 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur Jésus-Christ,
J'ai reçu votre lettre qui me donne avis de l'arrivée des deux wagons; ce n'est pas de Paris à Angers que le plus gros mal a dû se faire au mobilier, mais de Nemours à Paris; tout a été si mal emballé.
J'avais d'abord donné l'ordre, à la gare de Paris, de vous expédier les trois wagons directement; mais à la gare d'Orléans, ne trouvant pas l'expédition du mobilier assez bien faite, a voulu une seconde expédition et faite dans de meilleurs conditions; de là les lenteurs et les ennuis.
Je suis allé alors présider à ce travail, qui a duré sept heures.
C'est alors que, pour économiser un wagon, et aussi en voyant votre lettre qui me parlait de la visite de Mr Bompois, j'ai pensé qu'il serait prudent de garder ici les prie-Dieu et les chaises qui auraient rempli un wagon. Je les ai entreposés dans un endroit libre. On a gardé le bel ornement gothique non achevé, et qui reste à votre disposition: il se serait abîmé.
Soeur Philomène et soeur Benoîte avaient pris leurs effets.
Soeur Philomène étant arrivée le matin du lundi, jour de l'expédition, je l'ai priée de venir à la gare d'Ivry pour nous donner les indications nécessaires.
J'ai gardé deux lits pour elles, ou plutôt qui leur appartenaient, et cela dans la crainte qu'Angers fût fermé à leur entrée.
Votre lettre m'a montré la décision de Monseigneur l'Evêque sous une pénible impression. Je ne suis pas allé voir Sa Grandeur, comme vous me le demandiez, parce que je ne crois pas que ma présence la fasse revenir de son parti pris et à la bretonne, c'est-à-dire inflexible. Je regarde le sentiment et la sentence de Monseigneur plutôt contre moi que contre toute autre personne. Je n'ai qu'un regret, c'est celui de voir tant de misères occasionnées un peu par notre faute à tous. Monseigneur aura peut-être vu à Rome Mr Fosse, Vicaire Général de Meaux, et qui a été si sévère et si contraire.
Quant à la question de soeur Benoîte, je l'ai laissée décidée à retourner à Angers, avec la promesse de la mettre dans la première fondation qui sera faite. J'ai dit à soeur Philomène la même chose.
Si Monseigneur ne veut plus de soeur Benoîte, qu'en faire? C'est bien dur de voir cette pauvre enfant ainsi condamnée et rejetée, car hélas! elle ignore son état et ce qui l'attend peut-être!
Elle est bien malheureuse et pleure beaucoup. Que Dieu soit béni de tout!
Des histoires sont arrivées de Tours, annonçant des nouvelles ou des craintes écrites... à Mme Rosemberg, (je crois).
J'ai reçu une lettre sèche de Mr Guérin de Marseille, demandant ses intérêts échus le 2 juillet: 500 franc, et de plus le remboursement prochain de ses quinze mille francs. Il vient de marier ses deux fils et il a besoin d'argent. Il faut que la bonne soeur... se hâte de vendre sa maison...
Nous voilà nous-mêmes bien gênés. On me demande toujours le remboursement des sept mille quatre cents francs pour l'acte de Nemours. Je ne sais où prendre, vu que je ne puis emprunter en mon nom sans le Conseil, ce que je ne puis demander.
Nous sommes sortis de la grosse tempête de Nemours, mais après y avoir tout perdu.
Daigne le Seigneur nous tenir compte au moins de toutes ces souffrances!
J'ai vu soeur Camille, elle est bien infirme toujours, et surtout bien agacée. Le P. Chanuet me disait ces jours-ci: "J'ai fait de grands sacrifices pour ces dames en faveur de ma mère, j'espère bien qu'elles la regarderont toujours comme une soeur."
Je lui ai fait renouveler ou plutôt faire ses voeux perpétuels, le dimanche 7 juillet, elle était fort touchée.
J'ai vu les dames Gourd, toujours aussi pieuses et dévouées, mais leur position n'est pas encore arrêtée, et elles ne savent pas encore bien où en sont les choses de fortune. Elles vont aller à Vichy, et elles en ont besoin.
J'ai vu aussi Mlle de Revel, qui m'a bien parlé de vous; elle va assez bien.
Je prie bien pour la visite que Monseigneur l'Evêque doit vous faire. Il vous est dévoué; il est même affectionné. Il écoutera vos raisons.
Maintenant, écoutez-moi bien: donnez-vous à l'autorité épiscopale... Je serais dans une fausse position toujours. Vous avez plus besoin de Monseigneur que de moi. Il faut vous mettre entre ses mains; c'est la marche de la sagesse et de la prudence.
Demandez-lui nettement d'être votre Supérieur. Vous comprenez bien que c'est ridicule d'avoir un Supérieur à Paris ou à Bruxelles. Monseigneur sera aise de cela, car un père aime toujours ses plus petits enfants.
Cela ne diminuera en rien mon affection et mon dévouement au bien de la Société du T. S. Sacrement et à votre bien personnel. Mais il est temps que tout cela se mette à l'ordre ordinaire.
Je vous bénis bien en Notre-Seigneur, et prie continuellement pour vous, et toutes vos filles bien chères en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Nous aurons à faire une réclamation pour votre envoi à la gare de Paris-Lyon; il faudra m'envoyer le reçu des deux gares.
Paris, 20 Juillet 1867.
Bien cher Père,
Je laisse à votre sagesse le choix du temps pour votre voyage à Angers, qui assurément fera grand plaisir à vos deux familles et à vos nombreux amis; puis je serais bien aise que vous vissiez le plan et l'exécution de notre église d'Angers.
Je suis de votre avis, ne faites faire au fr. Louis que des voeux triennaux: avec cette condition nous éprouverons encore sa faiblesse; c'est le parti que j'ai pris pour le frère René d'Angers, afin de donner [une leçon] à ces frères qui ont sans doute des qualités, mais pas assez pour des voeux perpétuels.
Si vous le trouvez bon, recevez les voeux triennaux du fr. Anthelme et le voeu d'obéissance du fr. Joseph. Je suis bien content des nouvelles que vous me donnez des autres frères.
Pour le Père O'Kelly, je sais qu'il est plus content à présent, mais c'est un caractère difficile, que vous connaissez: je crois qu'il ne faut pas mettre d'importance à tout ce qu'il dit dans des moments de peine.
Vous avez raison, le P. de Cuers a besoin d'activité; puis étant depuis quelque temps sous la pression de quelque pensées et peines, il en avait subi la tristesse et, sans s'en douter sans doute, la tentation. Ses lettres à moi sont très bonnes; il croyait que je lui ferais de l'opposition, je l'estime trop pour le contrarier, je connais ses bonnes intentions, Dieu peut en tirer sa gloire; c'est tout ce que je désire. Vous faites bien de lui donner ce que vous pouvez, je veux en faire autant.
Je vous envoie pour les Messieurs Tenaillon, qui arrivent de Rome à Marseille le 28 courant, six cents francs de la part de leur bonne mère, et qui est pour notre Société comme une mère: elle voudrait nous donner ses quatre fils; recevez-les bien, je vous en serai reconnaissant.
Croyez-moi en Notre-Seigneur, bien cher Père,
EYMARD, S.
Paris, 21 Juillet 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je viens vous accuser réception de votre lettre chargée de 500 francs pour Mr Guérin de Marseille.
Je n'ai pas le temps aujourd'hui d'entrer dans le détail de votre lettre.
Soeur Philomène a dû mettre de côté les effets qui lui appartenaient, ou qui venaient de sa mère; moi, je lui ai dit: "Si vous n'êtes pas décidée à rentrer, prenez ce qui vous appartient: inutile de le réclamer plus tard. Je vous conseille et vous engage de toutes mes forces à rentrer à Angers."
Je l'ai laissée à la gare prendre ses effets. Je sais qu'elle n'a pas tout voulu prendre, et que ce qu'elle a pris, c'est plutôt dans la pensée que l'on ferait une fondation pour elle; et quand j'ai lu votre dernière lettre des dispositions de Monseigneur témoignées par Mr Bompois, j'ai vu toute voie de rentrée perdue, et ai fait mettre de côté ce que vous n'avez pas reçu. J'étais aussi effrayé de voir 150 francs qu'il faudrait donner pour tout le transport d'un troisième wagon... J'ai gardé l'exposition petite que j'avais donnée, parce qu'elle s'est brisée en plusieurs morceaux: ce sera aussi un triste souvenir de Nemours.
Quant au détail des objets de Nemours, qu'on a entreposés ici comme on a pu, soeur Philomène l'a, ainsi que le chemin de fer de la gare d'Ivry.
Je le demanderai, je croyais que le frère Frédéric, qui était là pour m'aider, l'avait pris; il ne l'a pas.
Je vous enverrai tout ce détail dès que je le pourrai.
Soeur Philomène est si souffrante et a tant souffert à Nemours que je l'excuserais presque, mais j'espère que le bon Dieu, soulageant sa pauvre santé, la remettra sur le chemin de sa maison-mère. Elle redoute Angers, et cependant souffre beaucoup de la privation du Très Saint Sacrement et de la Société; et moi aussi je souffre beaucoup de tout cela; mais si soeur B. peut rentrer, j'espère que toute peine tombera.
Je voulais vous écrire aussi pour votre fête de sainte Marguerite: je vous l'ai souhaitée au saint Autel, et demandé à Dieu toutes les grâces dont vous avez tant besoin en ce moment d'épreuves, grâces qui ne vous manqueront pas.
Je vous bénis en Notre-Seigneur. On m'attend.
EYMARD.
Paris, 21 Juillet 1867.
CHERS AMIS,
Je vous aurais remerciés plus tôt de vos bonnes lettres si j'avais su vous rencontrer à Rome. Je vous suivais de coeur et de prière, je vous voyais heureux et le coeur plein de bonnes choses à digérer pendant tout votre vie. Comme le Bon Dieu vous a aimés! quels beaux prix de vacances! quelle belle et heureuse classe vous avez faite en si peu de temps!
Il faut voyager pour s'instruire, dit-on; autrefois on disait: Il faut faire des pèlerinages pour se sanctifier; vous avez fait l'un et l'autre.
Maintenant je prie notre bon Père Leroyer de vous recevoir comme les enfants de la famille.
Si je l'avais pu, j'aurais combiné un voyage de visite à Marseille et vous aurais ramenés au gîte paternel.
Etes-vous heureux d'avoir de si bons parents! De Marseille, tâchez d'aller voir la Sainte-Baume de sainte Madeleine, cette grande Sainte! ce n'est pas loin et vous en serez contents. De là vous descendrez à Saint-Maximin; ce n'est pas loin, on vous indiquera les deux chemins de Marseille.
Puis vous partirez pour Gap, par la voiture de Aubert, sur le Cours; vous arriverez à Gap le matin, vous laisserez vos sacs à la voiture de Gap, et, après avoir déjeuné un peu solidement, vous partirez pour Notre-Dame du Laus, à moins que vous ne vouliez y communier: il faut deux heures à pied. C'est le plus beau et le plus saint pèlerinage du monde après Notre-Dame de Lorette.
C'est celui de ma jeunesse, je lui dois tout. Vous y direz les litanies de la Très Sainte Vierge derrière l'autel pour moi, puis vous offrirez mes vieilles et toujours vives amitiés au bon Père Supérieur et au bon Père Blanc.
De là vous partez le soir pour venir coucher à Gap et partir pour Corps. Retenez en revenant de Marseille vos places pour le lendemain, autant que possible sur la banquette pour voir les belles horreurs des Alpes.
Vous vous arrêterez à Corps chez Madame Dumas, hôtel du Palais; vous lui présenterez mes bonnes amitiés. - Si vous avez besoin d'un mulet pour monter à La Salette, elle vous le donnera.
A La Salette vous me rappellerez au bon souvenir du Père Supérieur et du Père Archier, et vous prierez un peu pour moi. Il faudra coucher à La Salette, y communier le lendemain et redescendre pour la voiture de Corps à La Mure vers une heure.
De La Mure vous partirez pour Grenoble où il n'y a rien à voir. Puis il faudra y coucher (hôtel de Gap) tout près de la voiture, ayant le restaurant de Monet devant, car cet hôtel ne fait que loger.
Le lendemain matin vous partez pour Voiron et de là pour la Chartreuse, cette merveille du monde physique et moral. Puis il faudra revenir par Lyon, belle et pieuse ville, voir Fourvière, la citadelle céleste de cette Rome des Gaules, et de Fourvière aller à Saint-Irénée, le reliquaire des martyrs de Lyon; et enfin dans la ville visiter trois églises: Saint-Jean, Saint-Nizier, style gothique, et l'église des Capucins aux Brotteaux où l'on visite les caveaux des victimes de la Révolution, et enfin arriver à Paris, heureux de retrouver le bon père Tenaillon et la meilleure des mères.
En vous attendant, chers amis,
Tout à vous.
EYMARD, Sup.
Paris, 22 Juillet 1867.
MADAME EN N.-S.,
Je viens vous dire aujourd'hui deux mots. J'ai fait deux longues absences. J'ai reçu, à Lyon, les notes de votre retraite du mois.
J'ai brûlé la lettre en question - Stanislas - j'ai vu de suite que cela ne valait pas, je me suis retiré sans offres.
Nous prions pour votre parente et à toutes vos intentions.
Je suis ici jusqu'au 3 août. J'irai, à cette époque, faire une visite à Bruxelles, d'une huitaine de jours.
Je vous écrirai sur votre retraite ces jours-ci. Je n'ai que le temps de vous bénir et de ma dire, en N.-S.,
Tout à vous.
EYMARD.
A.R.T.
Bruxelles, 27 Juillet 1867.
Bien chère fille en N.-S.,
Merci de votre lettre et de son contenu. A mon tour je remercie bien Notre-Seigneur de nous avoir ouvert les yeux. Non, non, elle n'a pas péché du tout votre fille. Elle va trop droit vers Dieu et vers l'obéissance pour être égarée.
Seulement, son obéissance était mal placée. Je voudrais excuser la personne dans l'ignorance, ou la tentation, ou un enfantillage condamnable.
Vous voyez, bonne fille, comme ce que je vous disais aux Thorins est vrai et comme Dieu vous en a donné de suite la preuve.
Ah! tenons-nous bien à la direction de la sainte Eglise, et par ceux qui ont mission.
Cela cependant ne me fait pas douter du reste, parce que, comme je vous le disais, un don gratuit est indépendant des vertus de la personne - et ici surtout, puisque souvent on ne comprend pas ce que l'on dit.
Quoi qu'il en soit, il faut toujours tout soumettre à son Directeur spirituel: c'est la règle de Dieu sur les âmes.
Je ne suis ici que pour un ou deux jours. Je vais rentrer à Paris.
Ecrivez-moi de temps en temps. Vos lettres me sont bien chères en Notre-Seigneur, en qui je suis, bonne fille,
Tout à vous.
EYMARD, S.
A.R.T.
Bruxelles, 27 Juillet 1867.
Bien chère fille en N.-S.,
Merci de votre lettre et de son contenu. A mon tour je remercie bien Notre-Seigneur de nous avoir ouvert les yeux. Non, non, elle n'a pas péché du tout votre fille. Elle va trop droit vers Dieu et vers l'obéissance pour être égarée.
Seulement, son obéissance était mal placée. Je voudrais excuser la personne dans l'ignorance, ou la tentation, ou un enfantillage condamnable.
Vous voyez, bonne fille, comme ce que je vous disais aux Thorins est vrai et comme Dieu vous en a donné de suite la preuve.
Ah! tenons-nous bien à la direction de la sainte Eglise, et par ceux qui ont mission.
Cela cependant ne me fait pas douter du reste, parce que, comme je vous le disais, un don gratuit est indépendant des vertus de la personne - et ici surtout, puisque souvent on ne comprend pas ce que l'on dit.
Quoi qu'il en soit, il faut toujours tout soumettre à son Directeur spirituel: c'est la règle de Dieu sur les âmes.
Je ne suis ici que pour un ou deux jours. Je vais rentrer à Paris.
Ecrivez-moi de temps en temps. Vos lettres me sont bien chères en Notre-Seigneur, en qui je suis, bonne fille,
Tout à vous.
EYMARD, S.
/Bruxelles, 27 juillet 1867/(cette date est à la fin)
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'adresser à Votre Eminence un exemplaire des Constitutions des religieuses Servantes du S. Sacrement.- Si, dans sa sagesse et son zèle pour tout ce qui peut procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes, Votre Eminence veut bien recevoir à Bruxelles cette petite colonie d'adoratrices, j'ai la confiance qu'elles répondront à cette faveur par leurs prières continuelles pour le Pasteur et son troupeau,- et quelles seront pour les âmes appelées à cette vie d'immolation perpétuelle, un secours puissant de salut.
Dans l'attente d'une décision que nous regardons comme l'expression de la volonté de Dieu, j'ose me dire avec les sentiments de la vénération la plus religieuse,
de Votre Eminence, Monseigneur,
le très humble et très obéissant serviteur.
Eymard
Sup. de la Société du T. S. Sacrement.
+ date.