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Paris, 6 mai 1866 (non: mars: P.Troussier)
Madame en N.S.
Je vous remercie bien de votre intérêt pour la Maison du Bon Dieu - je ne connais aucun des jurés - Je vais aller chez Madame de Padoue puisque vous me le conseillez pour le plus grand bien.
Dieu vous rendra ce que vous faites pour lui et pour nous.
Je vous bénis en N.S.
Paris 9 mai 1866
Mademoiselle,
Je vous remercie de tout mon coeur de votre si bonne et si affectueuse lettre; il m'est bien doux d'être sur la liste de vos amis. Je vous rend de tout mon coeur le même rang et le même devoir; car, comme vous, je vois le monde tel qu'il est; et si ce n'était Dieu et sa loi, je voudrais le rayer de ma pensée même. Hélas! qu'il est vain, pauvre, ce pauvre monde, sans Dieu! Dieu fait bien de nous forcer d'aller à lui par sa bonté et aussi par le détachement. Saint Paul disait qu'il mourait chaque jour; et vous pouvez dire la même chose; aussi la mort réelle n'aura-t-elle plus rien à faire; elle ne fera qu'ouvrir la porte de l'éternité bienheureuse. C'est une grande grâce de la miséricorde de Dieu de nous conduire jusqu'à la vieillesse, on a le temps de tout sacrifier et de l'aimer pour lui-même.
Si à cet âge on travaille moins, on pense plus sagement et la vie du coeur remplace celle de l'esprit; mais, bonne Demoiselle, que je vous dise que votre esprit est toujours jeune comme votre coeur. Il est vrai qu'étant dans la vérité des choses et non dans leur prisme séduisant, votre esprit y voit plus loin et plus haut; les nuages de ce monde ne peuvent obscurcir votre soleil.
Comment, voilà huit mois que vous êtes recluse avec Dieu et sa Sainte Volonté, je vous plaindrais, si je ne craignais d'être grondé, car c'est si long! Il est vrai que le bon Maître va vous visiter de temps en temps et embaumer votre séjour de son adorable présence et de ses grâces; puis vous aimez sa sainte volonté plus que tout. Voyez comme cette divine conformité est une bonne compagne, comme elle est une douce consolation; elle a été votre vertu et aujourd'hui elle fait votre paix et votre joie.
J'espère dans le mois de juin ou juillet aller à Marseille; vous aurez ma première visite, c'est dû et c'est doux pour moi. J'ai laissé Bruxelles avec une belle exposition, maintenant je pense à une autre.
Croyez-moi toujours en N.S.
Tout à vous.
Paris, 11 Mai 1866.
CHERE SOEUR,
Je voudrais bien accepter pour le 15 juillet votre retraite, et, autant que je puis, j'accepte, vous avouant que c'est plutôt pour vous voir et vous gronder, s'il y a lieu, car le temps passe; enfin, nous verrons sur les lieux et avec la grâce de Dieu du moment. Cependant, bonne soeur, si le bon Maître mettait à cette époque un obstacle impérieux, vous ne m'en voudrez pas si je restais en deçà l'obstacle; mais je n'en prévois pas, il me semble que le Bon Dieu y trouvera sa gloire. Et mes méditations! Allons, un peu à l'oeuvre.
Je vous bénis en Jésus-Hostie.
EYMARD, S.
Paris, 11 Mai 1866.
MADAME EN N.-S.,
Je vais mercredi à Bergerac (Dordogne), chez les Carmélites, prêcher un Triduum, les 17, 18, 19 mai, en l'honneur de la Bse Marie des Anges; de là, je pense aller à Angers donner la retraite à nos Pères, dans la semaine de la Pentecôte, et, après ma retraite qui finira le jour de la Sainte Trinité, revenir à Paris. Voilà mon itinéraire. Si j'y changeais quelque chose, je vous en donnerais de suite avis.
Il y a, à Angers, un médecin très célèbre et très pieux, Mr Dézaneau, médecin de nos religieux. Si vous veniez à Angers le consulter? Je n'ai pas besoin de vous dire que, si vous ne venez pas à Angers, j'irai vous voir à Nantes, ne fût-ce que pour quelques heures.
Je bénis vos souffrances et vous engage à faire une neuvaine au saint Curé d'Ars, dont je vous envoie ci-inclus un peu de linge.
Pauvre fille! la souffrance est votre pain quotidien. Elle vous purifie, vous préserve et vous unit à Dieu, c'est vrai, mais comme la pauvre nature doit en désirer la délivrance!
Aimez le Bon Dieu plus que tout.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, Sup.
Paris, 11 Mai 1866
Cher Père,
Je vous renvoie votre certificat, afin que vous l'acquittiez.
A Angers, on doit 1000 fr. de cire, pauvre maison! Mais Notre-Seigneur y travaille.
Oui, faites faire le voeu annuel d'obéissance au fr. Anthelme; je vous remercie de la nouvelle consolante du P. O'Kelly.
Nous sommes en retraite de Première Communion; dimanche, quarante petits ouvriers auront le bonheur de recevoir Notre-Seigneur!
Rien de nouveau pour l'expropriation: la voilà retardée, peut-être faute d'argent; à la garde de Dieu!
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD, S. S.
Bien cher Père,
Me voici arrivé heureusement.
Tout le jour hier j'ai prié Dieu pour votre visite, ne demandant sans doute que la sainte Volonté de Dieu, mais aussi sa plus grande gloire et le bien de la Société.
Je ne me suis pas arrêté à Tours, et bien j'ai fait: je serais arrivé en retard.
Ayez soin de ne pas dire à Mlle Michel où je suis; recommandez au fr. Eugène et au fr. Charles le plus sévère silence à son égard, parce que cela entraverait tout. Veuillez remettre la lettre ci-incluse à Mlle Thomas.
Faites partir le fr. Aimé après la Pentecôte pour la Mure, afin qu'il ait le temps de faire ses affaires; dites-lui de nous écrire de la Mure sur les vocations qu'il y trouvera, afin que nous examinions; dites-lui les conditions de santé, de caractère, de vertu, et de l'esprit que nous exigeons: se donner sans réserve et sans conditions d'état à la Société du T. S. Sacrement, pour qu'elle donne ses enfants au service du Bon Maître comme elle le jugera meilleur.
Priez pour ma petite mission; je suis logé au Petit Séminaire. Oh! si le Dieu de l'Eucharistie y glanait quelques grains de froment.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Envoyez-moi une feuille de l'Ordo, j'ai oublié la mienne, ouvrez habilement une de mes lettres et glissez-la dedans.
Au R. Père Chanuet,
Maître des novices,
68 rue fg St Jacques, Paris.
Chemin de fer de Bordeaux, le 22 Mai 1866.
BONNE DAME,
Me voici en chemin de fer pour Angers, où j'arriverai demain soir mercredi.
J'avais eu d'abord le projet d'aller droit à Nantes demain, et vous y arriver par l'express du soir à 7 h 30; mais, craignant de ne pas vous rester assez de temps, à cause du jeudi où il faut que je prêche le soir à quatre heures, et ainsi de vous manquer, je vais attendre de vos nouvelles à Angers, où je vous prie de m'écrire de suite, car je n'y resterai que quelques jours.
Mais si vous étiez malade et que vous me vouliez de suite, envoyez-moi demain mercredi une dépêche chez Mr Dupont, 10, rue Saint-Etienne, à Tours, avant deux heures après midi.
Mes religieux hommages à votre bonne soeur.
Je vous bénis.
Tout à vous.
EYMARD.
Je couche ce soir à Poitiers, vu que le train ne va pas plus loin. Je serai à Tours à 11 h.
En chemin de fer de Bordeaux, 22 Mai 1866.
Chère fille,
Le temps m'a manqué pour vous écrire. Je viens de donner une petite retraite près de Bordeaux dans une pensée eucharistique comme toujours; je n'ai pas le temps de respirer.
Vous pensez bien que je ne puis passer à Tours sans aller vous dire un petit bonjour. J'y arriverai demain soir, mercredi, ou jeudi matin sans faute. Faites-le dire au P. Audibert, qui a dû m'attendre mardi. Veuillez ne pas m'oublier devant Dieu.
Je vais dire un petit bonjour à Mme Sauvestre à Poitiers, puisque j'y passe.
Demain, j'irai voir le bon Mr Dupont et la sainte famille Rosemberg, en attendant le train du soir.
Il me tardait de vous voir, chère fille, car il y a bien longtemps et ma vie a été bien coupée et variée depuis votre dernière visite. Ainsi le Bon Maître le veut: heureux si j'accomplis bien ma tâche!
A bientôt, chère fille; je vous bénis bien paternellement en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Angoulême, 22 Mai 1866.
BONNE DAME,
Je vous écris en wagon.
Je viens du côté de Bordeaux prêcher une retraite; j'y ai reçu votre bonne lettre; merci.
Vous savez que j'ai séjourné trois mois à Bruxelles pour une fondation. J'ai failli, dit-on, y mourir; mais, mauvais ouvrier, je n'avais pas fini ma tâche. Je gâte tant d'ouvrage!
Je vais à Angers, je serais à Paris dans quelques jours; je pensais bien que vous étiez à Calet. Je prie pour vos pauvres vers à soie, et surtout pour ce petit saint de votre chère Mathilde, sans oublier la mère et la grand-mère. Vous me faites de la peine que vous n'aimiez plus Calet; c'est Dieu qui le rend beau! et Dieu y est resté. Allons, regardez-y un peu plus les fleurs du Bon Dieu.
Merci des édifiantes nouvelles que vous me donnez de vos chères nièces, je prie bien pour elles et les bénis.
Recueillez-vous bien en votre solitude, trouvez-y Dieu beau, Dieu bon! et devenez sainte et bonne pour être bien belle au Ciel!
Adieu.
Si je vais à Marseille dans le courant de l'été, je désire vous voir.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
P.-S. Je vous renverrai par la poste votre petit livre.
Angers, 24 Mai 1866.
MADAME EN N.-S.,
Me voici arrivé d'hier soir. Je désire repartir lundi pour Paris. Ce serait donc trop tard de ne venir que la semaine prochaine. Venez samedi, si vous le pouvez. Si vous étiez venue aujourd'hui, comme vous en avez eu la pensée, j'aurais été content.
Je crois que demain, vendredi, je vais être pris tout le jour.
Dimanche, je serais encore ici, selon toute probabilité.
Que je regrette de ne pas aller à Nantes!
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Angers, 24 Mai 1866.
Bien cher Père,
Votre lettre qui m'annonce que le Thabor eucharistique n'est pas encore trouvé me fait redoubler de prières.
Je dois aller voir une maison aux environs de Tours, c'était une abbaye de Bénédictins; je fais en ce moment prendre des renseignements. Toutes nos prières finiront bien par aboutir!
Vous trouverez la clef du coffre-fort suspendue à la cheminée de ma chambre.
Ne faites rien pour Nemours, j'ai le moyen de faire cesser le bail.
Le divine Providence nous viendra bien en aide.
Je ne pense pas repartir encore samedi ou dimanche; nos Soeurs ont une profession qu'elles ont réservée pour mon voyage. Je voudrais bien voir près de Tours cette maison très solitaire, dit-on.
Je vous envoie la lettre de ce prêtre, pour que vous voyiez s'il y a lieu de commencer la retraite de vocation, ou si vous pensez qu'il vaille mieux attendre. Ecrivez-lui un mot, que je serai à Paris mardi soir.
La petite maison d'Angers va à l'ordinaire, nos Soeurs vont bien, soeur Françoise est guérie.
A bientôt, cher Père.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P. S. Je vous ai adressé la lettre du P. de Cuers; faites retirer ce mandat, dont l'argent est pour Angers, moins 25 fr.
Le P. Champion prie instamment le fr. Eugène de lui envoyer le plus tôt ses cinq à six cents grandes hosties; il veut revenir à la grosse mèche de 60 fils pour ses cierges, à cause des courants d'air.
Il me dit que 22 kilos de cire payent autant que 100 kilos pour le port.
Paris, 7 Juin 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je suis en retard avec vous comme toujours; j'ai tant couru ces jours-ci, puis prêché, puis été tant absorbé! Excusez-moi.
Il est convenu avec Joseph qu'il cherchera activement un jardin à louer. Tenez-y. Si c'est un peu loin, n'importe; puis, à l'augmentation que vous m'avez dite, il sera bien aise de travailler.
Je pars à l'instant pour Nemours, j'ai encore voyagé.
Laissez Mlle Lefort. Si je l'avais mieux connue, je ne l'aurais jamais reçue.
Recevez bien cette jeune aspirante. Je vous renvoie la lettre de son curé comme témoignage. Il faut la garder pour plus tard.
Je vous bénis et je vais partir. Je vous écrirai de là-bas.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 7 Juin 1866
Bien cher Père,
Je viens un peu tard vous remercier de l'envoi de votre pension; j'étais à Angers, où tout va à l'ordinaire. Je comprends bien qu'avec votre bonne volonté et la faiblesse de votre état, vous trouviez le fardeau un peu lourd, mais vous avez un bon second; puis il me semble que le Bon Maître doit vous bénir plus qu'un autre, cependant je serais inconsolable, si j'étais cause de votre maladie en ne pas la soulageant; j'irai vous voir vers la fin de juin, et si vous trouviez le temps favorable, maintenant que la Fête-Dieu sera passée, je donnerais à la communauté la retraite annuelle, nous pourrions la commencer le soir de dimanche 24, fête de St Jean-Baptiste, et la terminer le samedi suivant. Qu'en pensez-vous?
J'ai en effet reçu votre supplique de Rome et la lettre de la S. Congrégation des Evêques et Réguliers. Je n'en comprenais pas bien le motif, pensant que ce n'était pas nécessaire pour l'indulgence à gagner; je vais répondre dans votre sens.
Nous cherchons toujours des maisons, mais surtout une maison aux environs de Paris à louer ou à acheter pour le noviciat, car nous sommes près de l'expropriation, dit-on, et une fois le noviciat casé, nous autres nous trouverons plus facilement à louer, s'il le faut, une maison; mais tout est à des prix si élevés que nous n'osons rien arrêter, surtout ignorant le prix de l'estimation par le jury.
Le bon P. Chanuet, toujours tout dévoué, s'offre à faire les frais de la maison du noviciat, si on en trouve une qui réunisse toutes les conditions.
Vous voyez, cher Père, que nous avons bien besoin de vos prières.
Nous ferons l'octave royale aussi belle que nous le pouvons avec notre petite chapelle, et une instruction tous les jours; vous devez être magnifiques à Marseille. Mes souvenirs bien affectueux au P. Leroyer, au P. O'Kelly et à toute la famille.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD,
S. S. S.
Paris, 26 Juin 1866.
Cher et vieil ami,
Je te dois une lettre, non d'excuse, mais de peine de n'avoir pas réussi pour ton neveu Baret. Cela m'a valu une lettre d'explication, car, n'ayant pas de cas personnel de réforme, on ne pouvait, dit-on, passer sur la question de famille. Tu comprends avec quelle joie j'aurais fait et vu ce que tu désirais accompli.
Je pense bien que ses parents feront un sacrifice pour l'exonérer du service, car c'est un mauvais moment; puis il est, comme tu me le disais si bien, si nécessaire à sa famille si respectable et si bonne.
Je pensais, cher ami, pouvoir aller à La Mure en allant à Marseille, mais me voilà retenu à Paris pour cause d'expropriation de notre maison pour le boulevard Arago. Il faut que je sois là. Le temps est bien changé, l'avenir paraît sombre. Dieu va-t-il nous frapper? Il est si offensé, surtout par cette bourgeoisie qui jouit, par ce commerce inique et sans religion, par ces ouvriers impies. Ah! les sociétés secrètes sont le grand levier de Satan et préparent la règne universel de l'Antéchrist; tu ne peux te faire une idée de leur puissance en Europe. Ils sont partout, ils ont su prendre toutes les grandes positions, ils se sont imposés aux souverains, ils gouvernent comme la vapeur cachée gouverne les machines. Hélas! quelle haine pour le catholicisme! Quelle mauvaise foi contre l'Eglise! Vraiment, je n'aurais jamais pu croire à un mensonge aussi déguisé et honoré.
Tu es heureux, toi surtout, dans ta paisible campagne, avec ta jolie église et tout le bien que tu fais!
Que Dieu bénisse toujours tes travaux si apostoliques, te remplisse de la joie du bon Pasteur.
Crois-moi toujours en N.-S.,
Cher ami,
Tout à toi.
EYMARD, S.S.S.
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 27 Juin 1866.
Madame en N.-S.,
Excusez-moi dans votre charité. Nous venons d'acheter une maison de noviciat à deux heures de Paris et cela m'a bien occupé. On vient de m'apprendre que, sous peu de jours, nous serons expropriés pour le boulevard Arago. Dieu en soit béni!
Dieu bénit notre maison, nous sommes vingt. Ma santé se soutient, c'est le bon Maître qui fait tout.
Le 15 juillet, je serai à Mauron (Morbihan), chez Mr le Curé, prêchant une retraite de huit jours. Si vous aviez besoin de m'écrire, je recevrais volontiers votre lettre.
Je reçois une lettre de ... Assurément, je pense comme vous, mais il est des positions et des états où l'on est obligé de se laisser conduire par la divine Providence. Il fallait bien que les oeuvres du Très Saint Sacrement n'allassent que par les croix et la mort; heureux encore d'être les instruments indignes de tant de grâces!
Je vous assure que le Bon Dieu est très bon pour moi: je mériterais d'être traité très sévèrement à cause de mes négligences, de ma paresse et de mon amour-propre; c'est ce qui me remplit de confusion, et, malgré cela, le Bon Dieu bénit la Société, elle grandit, et c'est moi, pauvre homme, qui suis là son laboureur!
Vous ne me parlez pas de vous dans votre dernière lettre, ce qui me fait penser que le bon Maître est content de sa servante et l'heureuse servante contente d'un si bon Hôte. Oui, oui, soyez contente et reconnaissante! il y a bien matière à ses deux sentiments. Qu'est-ce que la terre, les gens, les biens de ce monde devant Notre-Seigneur? Rien, un embarras. Sachez bien vous recueillir aux pieds de Notre-Seigneur dans le silence de l'amour, l'écouter dans la paix du coeur, le voir, le contempler dans sa divine et ineffable bonté, le donner à lui-même en vous donnant. Il faut avoir toujours devant votre âme le beau miroir de Notre-Seigneur, le beau parterre des fleurs évangéliques qui sont ses vertus; mais surtout les raisons divines de l'Incarnation, de la Rédemption, de la sainte Eucharistie. Devant de tels tableaux, l'âme jouit ou du moins s'occupe toujours délicieusement devant Dieu.
Adieu, etc.
Adveniat Regnum tuum!
Paris, 28 Juin 1866.
Madame et chère fille en N.-S.,
Il y a bien longtemps que je voulais vous écrire, bien longtemps aussi que je désirais avoir directement de vos nouvelles.
Merci donc; car vous savez combien votre âme m'est précieuse devant Dieu et tout ce qui vous intéresse.
Dieu vous a touchée avec le bout de sa Croix. Vous souffrez depuis longtemps; profitez-en bien. C'est le Purgatoire de ce monde, mais plus sanctifiant et plus glorieux à Dieu que l'autre.
L'état de souffrance vient toujours de Dieu. C'est l'état qu'il choisit pour notre plus grand bien et pour nous accorder quelque grande grâce de choix.
Laissez-vous bien conduire par la divine Providence et faites simplement les remèdes qu'exige votre maladie et l'obéissance au médecin.
Oui, il faut faire gras aux eaux. Vous avez bien fait de vous y soumettre; quand on est dans un état dirigeant la vie, on en accepte les conséquences.
On dit que les eaux hébètent l'âme; c'est possible, mais jamais le coeur. Que votre coeur soit toujours à Dieu par la pureté d'intention, par l'affection à son amour, par la confiance en sa divine miséricorde. Faites souvent des aspirations d'amour vers ce bon Maître. Ces aspirations sont à l'âme ce qu'est la respiration au coeur: elles sont sa vie.
Oui, ne faites pas d'autres prières vocales que celles que vous me marquez : c'est assez; et même si les trente-trois Pater vous fatiguent laissez-les pendant la durée des eaux, mais laissez-les toujours quand à dix heures du soir ils ne sont pas dits.
Je désirerais bien vous voir, il y a si longtemps! Je dois aller à Marseille vers la fin de juillet. Où serez-vous à cette époque? Je vous écrirai d'ailleurs l'époque précise de mon voyage quand je la saurai.
Allons, bon courage, chère fille. Aimez toujours bien Notre-Seigneur qui vous aime tant, et en qui je suis,
Tout à vous.
EYMARD, S.S.
Paris, 28 Juin 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Enfin me voici à vous, la paresse m'a repris. Je ne m'excuserai pas auprès de vous: votre charité est assez grande. J'ai eu tant d'ennuis pour cette D. M. Enfin la voilà dans une maison de santé: voilà une grande croix passée.
Nous venons d'acheter, à deux heures de Paris, une maison pour le noviciat, ce qui est très nécessaire pour former nos jeunes gens, et aussi parce que nous allons être expropriés dans le mois de juillet. Il nous faudra donc nous installer ailleurs, mais où? comment? Dieu le sait.
Nous avons Mr Crépon en retraite pour sa vocation. Il vous est tout dévoué. Priez pour lui, car si Dieu l'appelle à la vie religieuse, il aura besoin de beaucoup de force.
Je pense que vous avez reçu, chère fille, des nouvelles de soeur B.; j'en ai reçu aussi. Voilà deux à trois jours qu'elle va un peu mieux; il paraît qu'elle a gardé le lit pendant huit jours... Heureusement que cette bonne personne, sa secrétaire, est là.
J'ai reçu une lettre de Mme Gourd; elle est à Vichy, comme vous le savez peut-être. Que Dieu la soulage et la guérisse! car c'est une belle âme, bien agréable à Dieu et bien utile au prochain.
C'est une bonne Providence que l'entrée de cette postulante. Comme je le disais à Mr le Curé, on peut toujours l'essayer. Une soeur de travail paye par elle-même sa dot.
Me voici maintenant cloué à Paris pour cette expropriation et les petites réparations que nous faisons à notre maison de noviciat.
Je fais un peu maintenant comme les vieux pères qui vivent du travail de leurs enfants; car plus je vais, plus je suis pris et repris.
Il faudra pourtant couper et trancher la question de la soeur Maîtresse des novices, pour vous venir en aide: c'est impossible que vous puissiez tout faire. Faites une neuvaine au Sacré-Coeur de Jésus.
Après nous trancherons et ferons tout ce qui sera pour le plus grand bien du noviciat.
Adieu, chère fille. Que je vous écrive plus ou moins souvent, vos droits et mon dévouement sont toujours les mêmes.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.
A. R. T.
Paris, 28 Juin 1866
Bien cher Père,
Je viens vous apprendre à vous et à vos pères et frères la nouvelle que nous avons acheté une maison et son clos à deux heures de Paris, sur le chemin de fer d'Orléans, à St-Maurice, ligne de Vendôme; on s'arrête à la gare de Breuillet. C'est un coup de Providence, car nous y trouvons tout ce qu'il nous faut pour le noviciat et plus tard pour la maison solitaire: 5h 75 ares de terrain clos, une maison en bon état et qui peut nous donner de suite vingt-cinq cellules, et une chapelle convenable. La propriété a été vendue au tribunal comme bien de mineurs au prix de 77.000 fr.; le bon Père Chanuet, toujours si dévoué, en fera les frais, du moins en plus grande partie.
Il est temps de faire sortir notre noviciat de Paris, où nos jeunes gens sont trop dissipés et deviennent une trop lourde charge: cela d'ailleurs avait déjà été décidé au Chapitre général.
La maison-mère devant rester à Paris deviendra plus simple et plus uniforme. Voici aussi l'expropriation qui va se faire, dit-on, au commencement de juillet; déjà Mr Legrand, concessionnaire de la Ville pour le boulevard Arago, nous poursuit pour acheter notre maison à l'amiable; demain on doit s'aboucher pour voir ses offres, mais je crois qu'il vaut mieux aller au jury et bien nous y faire représenter.
Nous voilà donc encore à chercher une troisième demeure dans Paris, ce sera cette fois le Cénacle après Bethléem et Nazareth; comme nous ne savons pas ce que nous pourrons obtenir d'indemnité, nous cherchons sans nous lier; c'est bien difficile de trouver quelque chose de convenable, puis tout est si cher! Mais le Bon Maître, qui ne nous a jamais abandonnés, sait bien que sans lui nous ne pouvons rien et que par lui nous pouvons tout. Nous sommes vingt, parmi lesquels un prêtre hollandais de trente-cinq ans, il s'annonce bien.
Je ne sais plus quand je pourrai avoir le plaisir d'aller à Marseille, me voilà cloué à Paris pour l'affaire de la ville.
Priez pour nous, cher Père, et surtout pour celui qui vous est,
Bien uni en Notre-Seigneur.
EYMARD,
Sup.
P. S. - Voici le trimestre de Juillet; vous m'obligerez de l'envoyer pour Angers, ils ont besoin.
A la R. M. AGNES DE S.JOSEPH, Sup. Gén. des Réparatrices
Paris 28 juin 1866
Très Révérende Mère,
Permettez-moi de vous recommander Melle Philomène et chez vous Sr. Béatrix. Cette bonne personne n'a plus de joie, ni de paix depuis qu'elle est partie de chez vous. Assurément le motif qui fut contre elle n'a pas de fondement - on la jugea comme portée à des voies extraordinaires, et peu obéissante; je dois vous dire en toute sincérité que je la connais depuis longtemps comme très obéissante, et je lui crois une vertu solide et même un attrait pour la vie intérieure.
Recevez-la encore, très honorée Mère, ce fut une rude épreuve pour elle, et malgré cela, elle aspire toujours vers vous; d'ailleurs vous la connaissez bien, et elle m'a dit souvent que /vous/ lui portiez un intérêt de Mère.
En union d'oeuvre et d'adoration de notre Maître commun, je suis
Très Révérende Mère,
Votre respectueux serviteur.
Eymard
Sup. de la Soc. SS.
A.R.T.
Saint Pierre, Paris, 29 Juin 1866.
Chère fille en N.-S.,
Je viens répondre à votre lettre dernière. Grâces en soient rendues à Dieu! vous vous connaissez bien. Si vous pouviez vous débarrasser de toutes vos misères spirituelles, comme vous seriez heureuse! Mais il faudra les porter et les traîner encore après vous, chère fille, car c'est votre bagage de voyage en ce monde. Seulement, il faut en tirer profit.
Je commence par dire: Gardez votre régime et prenez du café sans scrupule; ne vous inquiétez nullement de cet embonpoint et ne faites rien ni plus ni moins que ce que vous faites. Ayez soin de dormir, car le défaut de sommeil vous énerve: c'est un besoin pour vous.
Pour le spirituel, vous auriez bien besoin de faire une retraite de renouvellement; il faudra la faire chez vous, quand vous en aurez la facilité, je vous en donnerai les sujets; il me semble qu'elle vous secouerait un peu, car il y a longtemps que vous êtes toujours à la vie ordinaire!
Faites toujours bien l'essentiel :
Assistez à la sainte Messe;
Faites la Communion quotidienne;
Votre adoration d'une heure;
Récitez votre chapelet;
Faites l'examen de conscience, le soir, de
trois minutes;
Une petite lecture d'une demi-heure, au moins d'un quart d'heure, excepté les jours où vous aurez une instruction; voilà pour la piété.
Pour la vie intérieure, marchez avec Dieu, travaillez avec lui et pour sa gloire. Faites souvent des aspirations à Dieu, surtout à l'heure sonnante.
Envers vous-même, pauvre, malade et infirme, soyez patiente; allez toujours, contente ou non, au devoir.
Il me semble que votre âme est dans la disette, que vous vous occupez trop peu devant Dieu dans l'oraison. Allez à l'oraison avec une pensée fixe comme matière première, puis Notre-Seigneur vous aidera à la développer ou il vous en donnera une meilleure, parce que vous l'aurez préparée.
Souvenez-vous que la charité filiale doit être votre grande vertu de famille. Quant à vos nerfs, aux petites émotions, vivacités, tout cela n'est rien; reprenez un calmant devant Dieu et recommencez à marcher comme avant.
Je vous bénis bien religieusement devant Dieu et au saint Autel.
Soyez toute à Notre-Seigneur, par le coeur et l'intention.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.