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Nr.1301

An P. Audibert

Adveniat Regnum tuum.

Marseille, 15 Novembre 1863.

Bien cher Confrère et tendre ami en N.-S.,

Oui, vous êtes bien appelé à la Société du Très Saint Sacrement! et d'une vocation à forte épreuve du ciel et de la terre.

Jamais, non jamais, je n'ai rencontré en mon ministère de trente ans une malice si diabolique, comme l'appelle Mr Bertrand, une ruse si infernale, comme le dit Mgr l'Evêque. Je n'en veux pas à vos amis: ils ont tous été si habilement trompés, qu'ils sont seulement à plaindre; et aujourd'hui ils sont bien tristes et consolés en même temps. C'est le jour de mon arrivée à Toulon, le lundi 9, que l'autorité a reçu des preuves positives et a ouvert les yeux: c'est Mr Bertrand qui me l'a dit.

La divine Providence vous avait gardé un ami à Toulon, Mr Sénéquier; à lui tout le mérite, il n'a jamais faibli. Il vous a défendu comme le plus dévoué ami, aujourd'hui il est modeste dans son triomphe et en renvoie l'honneur à Mr Bertrand, qui lui aussi a été agité, craintif; mais cependant il a agi fortement sur Mgr l'Evêque, qui n'écoutait que lui.

J'ai vu deux fois Mgr l'Evêque, le lundi et le jeudi. Le lundi, il était déjà convaincu de la fausseté des lettres, soupçonnait une seule intrigante, avait reçu une rétractation, mais avait encore une troisième chose à éclairer, et il me disait être sur les traces. Le jeudi, tout était clair comme le jour et il ne tarissait pas. Le vendredi matin, dans une Confirmation de vos pénitentes, il ne pouvait assez vous louer; il en a parlé à tous ceux qui l'ont vu (1)

J'ai vu aussi Mr Vincent: comme les autres, il avait été surpris par la candeur, la simplicité et la réserve de la calomniatrice. Il avait été peiné de l'avoir ignoré et de n'avoir été averti qu'en septembre; il condamnait les mesures prises et les appelait "hors le droit".

J'ai vu Mr Liotard à Hyères, je ne pouvais le laisser sous une aussi pénible et injurieuse pensée: il a été heureux de ma visite.

J'ai vu aussi Mr le Curé de St Louis de Toulon, il était hors de lui de bonheur.

Mais ce qui m'a le plus consolé et réjoui, c'est de voir toute votre famille à Toulon, votre bonne soeur et son mari et votre belle-soeur, et à Carnoules votre respectable et si digne père, votre mère et votre saint frère.

Mgr l'Evêque a été frappé de la dignité et de la noblesse des sentiments de votre père, quand lui disant qu'il aurait toujours un poste pour vous, il a répondu: "Non, Monseigneur, mon fils restera avec les amis qui l'ont si bien reçu aux jours du malheur. Je l'aime mieux à Paris avec le P. Eymard". Voilà ce que m'a dit Monseigneur, et il était tout impressionné.

Monseigneur m'a remercié de ma visite à Toulon, et je crois qu'elle a fait du bien.

Chose étonnante, cher ami, le clergé vous a cru coupable, moins un; tous les hommes du monde que j'ai vus vous ont défendu et ont dit: c'est impossible.

Mr Cros, directeur des Constructions navales, Mr Dando, Mr Pélissier, Mr Monteil, etc. - Hélas! vanité des vanités! après seize ans d'apostolat!

J'ai été excessivement content de Mr l'abbé Capucini: c'est lui qui a mis sur la trace de la fausseté des lettres et de la personne: il vous a été bien dévoué!

Mr l'abbé Lambert, Michel sacristain, le Père Pommel et tant d'autres m'ont dit tout leur coeur pour vous.

Remercions Dieu de cette terrible tempête, vous êtes dans le port!

Je ne puis rien vous dire de la famille Dalaca; elle est au-dessus de tout éloge, de toute amitié ordinaire.

Je reste ici jusqu'à la fin de la semaine, parce que la maison a l'Adoration des XL Heures vendredi prochain; puis je repartirai pour Paris, que je désire bien voir.

Je vais bien; temps froid, soleil voilé, excepté dans notre cher Cénacle.

Je vous embrasse in osculo sancto.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD

Sup. Soc. SS.

P. S. J'ai apporté tous vos Bréviaires.

Au Rév. Père Audibert,

religieux du T. S. Sacrement,

68, Rue Faubg Saint-Jacques,

Paris.


Nr.1302

An Herrn E. v. Leudeville

Adveniat Regnum tuum.

Marseille, 19 Novembre 1863.

Bien cher frère et ami en N.-S.,

Je suis toujours ici; j'en pars cependant samedi ou dimanche et arriverai à Paris vers jeudi de la semaine prochaine.

Vous êtes donc toujours souffrant! Cela me peine beaucoup, car je vois un bon adorateur de moins. Tout mon désir aurait été de vous voir continuer autour du Saint Sacrement et vos études et votre service eucharistique, et de vous adoucir même la règle, si cela était nécessaire. Car, où peut-on être mieux qu'aux pieds de Jésus? Et comme la souffrance est votre lot de sainteté de par Dieu, il faudra bien souffrir ailleurs.

Cependant, quelles que soit votre détermination, cher frère, votre âme comme votre vie me seront toujours chères et vous compterez toujours au milieu de nous.

Je vous bénis en N.-S., en qui je reste

Tout vôtre.

EYMARD.

Mr l'abbé de Leudeville,

à Leudeville , près Marolles en-Hurepoix (Seine-et-Oise).


Nr.1303

An Marg. Guillot

Adveniat Regnum tuum.

Marseille, 19 Novembre 1863.

Je vous arriverai vers le jeudi de la semaine prochaine. Je passerai chez Mlle de Saint-Bonnet, rue Sala 9, pour voir soeur Camille si elle y est encore. C'est fâcheux que votre chère nièce soit fatiguée, l'occasion était bonne; cependant il faut se soumettre à la conduite de la divine Providence, qui fait tout pour le mieux; il en faut dire autant d'Angers.

Mettez tout au pied de la croix: c'est à Notre-Seigneur qu'il faut plaire et se donner; les hommes ne sont que des épines.

J'ai la douce confiance que tout ira bien et que le Ciel vous bénira.

Ici, tout va... mais on est bien occupé.

Je vous bénis toutes en Notre-Seigneur, en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD.

Mademoiselle Guillot,

66 Rue faubourg St-Jacques,

Paris.


Nr.1304

An Gräfin v. Andigné

Adveniat Regnum tuum.

Marseille, 19 Novembre 1863.

Madame,

Je suis encore à Marseille. J'en repartirai samedi pour arriver à Paris jeudi ou vendredi de la semaine prochaine; de là, je me rendrai à Angers pour y voir le local à louer, car il paraît qu'on ne peut encore acheter, la maison n'étant pas à vendre. Que la sainte Volonté de Dieu soit faite, car c'est toujours pour le mieux que Dieu agit.

Dès que je serai à Angers, j'aurai l'honneur de vous écrire, et j'irais vous voir si vous ne pouviez y venir, si toutefois vous trouvez la chose bonne.

Dieu est toujours bien bon pour votre serviteur. Remerciez-le pour moi; je le fais pour vous, car je sais combien Notre-Seigneur vous aime et vous comble de grâces.

Ayez bien soin de vous regarder en lui, en sa divine bonté et charité.

Regardez vos questions personnelles de tentations et de trouble comme rien, et que ce divin Soleil dissipe par lui-même tous vos brouillards.

Je vous bénis en N.-S.

EYMARD.


Nr.1305

An P. Chanuet

Adveniat Regnum tuum.

Marseille, 21 Novembre 1863.

Bien cher Père,

J'ai reçu votre lettre aujourd'hui; vous exprimez positivement dans cette lettre ce que je venais de dire à nos Pères, qu'il fallait dans la Société une maison de contemplation pure pour les vocations purement contemplatives, que j'avais mis cette maison dans nos Constitutions, qu'elle serait l'âme de la Société; et tout le monde l'approuvait: ainsi ce que vous me dites confirme mon désir et mon espérance de la faire bientôt.

Seulement, bien cher Père, comme tout désir, même spirituel, qui préoccupe trop est encore imparfait ou du moins mélangé, je vous prie, laissez-le aux pieds de Notre-Seigneur; naturellement vous êtes porté à cet état, mais il faut que le bon Maître l'élève à l'ordre divin. Vous n'avez pas une nature timide, mais un coeur qui a besoin de Notre-Seigneur: en cherchant trop le silence et la solitude en elle-même, ce coeur n'y trouverait qu'un désert, et il faut plus que cela, il vous faut le T. S. Sacrement.

Aujourd'hui nous avons fait la profession des voeux; demain ou après-demain je partirai pour Chambéry et vous arriverai bientôt: il me tarde de vous voir tous. Je suis un poisson hors de l'eau. J'ai plus besoin de calme et de silence que d'autres; mais, hélas! que le Bon Dieu sait donc bien me faire vivre d'abnégation! Je n'ai rien fait ici que d'être à tout le monde. Que Dieu en soit béni et glorifié! A bientôt, bon Père.

Tout vôtre.

EYMARD.


Nr.1306

An Frau Gourd

Adveniat Regnum tuum!

Paris, 3 Décembre 1863.

Madame et chère fille en N.-S.,

Je n'ai pu, à mon grand regret, vous voir en passant. Si j'avais su ce que Soeur Benoîte m'a appris: savoir que Mr G. s'était confessé ici, mais qu'il n'avait pas fini, parce que le prêtre auquel il s'est adressé ne lui avait pas bien convenu; si j'avais su cela, je me serais arrangé de telle sorte d'aller le voir et vous aussi.

C'est là un grand pas. Donc, la grâce travaille. Redoublons de prières. Notre-Seigneur nous doit cette chère âme en peine. Soyez bien bonne pour lui.

Je pars demain pour Angers pour aller louer une maison pour nos Soeurs; priez bien pour que je trouve le vrai Cénacle où sa pieuse famille ira Le servir.

Merci de votre lettre. Le bon Maître n'a pas voulu que nous nous rencontrions.

Préparez à l'Enfant-Jésus une bonne étable, un beau berceau, un coeur simple et dévoué. Demandez-lui cette année le retour complet de cette chère âme que j'aime bien aussi.

Que Mlle Stéphanie soit bien joyeuse au berceau divin, et qu'elle en prépare un second pour l'âme nouvelle.

Je vous bénis en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD.

P.-S. - Je serai de retour vers le 10 décembre.


Nr.1307

An Frau Jordan

Adveniat Regnum tuum.

Paris, 3 Décembre 1863.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Me voici à Paris depuis quatre jours, ayant encore un reste de fluxion que j'ai pris en revenant de Marseille. J'ai fait un sacrifice de ne pouvoir vous voir en remontant; j'avais hâte de rentrer après deux mois et demi d'absence et de souffrance. Me voici encore sur un départ; je vais à Angers (chez les Carmélites) jusqu'au 10, puis je vais rester plus fixement à Paris (si Dieu le veut ainsi). Quelle vie que la mienne! Je suis resté un mois sur la montagne de Saint-Bonnet; le froid chez Mr Blanc de Saint-Bonnet, là près du Saint Sacrement, dans la solitude la plus complète; j'ai achevé nos constitutions.

Je vous aurais bien vue en passant, mais vous n'étiez ici ne l'une ni l'autre.

Maintenant, à quand? à la divine Providence.

Je pense bien que vous me donnerez des nouvelles fraîches ainsi que votre chère Mathilde.

Je vous bénis tous les jours au saint Sacrifice.

En Notre-Seigneur donc,

Tout à vous.

EYMARD, S.


Nr.1308

An Frau v. Grandville

Adveniat Regnum tuum.

Paris, 3 Décembre 1863.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Me voici enfin à Paris depuis trois jours. Je pars demain vendredi pour Angers où je resterai jusqu'au 9 ou 10 décembre. Je vais prêcher chez les Carmélites un petit triduum, le 6, le 7 et le 8.

Ecrivez-moi là, ou venez me voir; si vous étiez malade, j'irais vous voir en courant.

Je n'ai que le temps de vous offrir mes religieux hommages ainsi qu'à votre chère soeur.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1309

An Herrn Rosemberg

Paris 3 décembre 1863

Adveniat Regnum Tuum

Chers amis en N.S.

Me voici à Paris depuis 4 jours après deux mois et demi d'absence. Je pars demain pour Angers par le train de 9 h. du matin. Je vais tâcher de voler quelques heures à mon voyage en allant ou en revenant pour vous dire bonjour, ainsi qu'au bon Père Dupont que je languis de voir aussi, et à la famille de la Tremblaye. Nous causerons un peu de tous.

Je vous envoie de beaux vers. - il faut que le Père Rosemberg y fasse un bel air pour chanter un Ange Ambassadeur.

A bientôt, chers amis du Bon Dieu,

Tout vôtre en N.S.

Eymard

Un bonjour à notre bonne chanteuse Mme Marceau.


Nr.1310

An Blanc v. St. Bonnet

Paris, 3 décembre 1863

Adveniat Regnum Tuum

Bien cher Monsieur et ami,

Laissez-moi vous remercier encore de votre aimable et gracieuse hospitalité! J'y ai trouvé le beau rêve de ma vie: Notre-Seigneur, une montagne, une belle vue, un beau ciel, un Béthanie ami; que Dieu vous rende tous vos biens!

J'ai laissé à St. Bonnet ma plume et mon inspiration. Je n'en ai plus.

Je suis rentré dans ma pauvre nacelle, agitée par toutes les vagues qui viennent et s'en vont.

- Pauvre vie! Qu'elle soit au moins à Dieu!

J'ai fait partir pour Rome les ouvrages que vous m'avez donnés pour le Cardinal Antonelli et pour le P.Basile, religieux passioniste près du Colisée.

J'ai écrit au Cardinal mes petites appréciations sur l'auteur et le livre.

J'ai lu le précieux livre de la Décadence de la raison en Europe; il m'a frappé beaucoup; - et le trouve trop tristement vrai, sans voir le remède; car le mal va toujours croissant.- On égare l'esprit, pour perdre la raison et le coeur. J'ai commencé la Restauration française; je l'ai trouvé chez Toulouse; quoiqu'à grand prix, il est bien estimé toujours.

J'aime votre métaphysique, je la suis comme si elle était mienne; vos livres restent gravés dans l'esprit; ils sont dans la vérité; ils deviennent comme un principe pratique, malgré soi - c'est que la lumière est indépendante.

Travaillez donc toujours ainsi, c'est la semence du grain de froment, ce pain des Rois et des peuples.

J'ai remis à Mr. Coquille lui-même votre manuscrit, avec prière de le faire vite paraître, et, comme vous le désirez. Mr. Dulac est absent. - Je n'ai encore pu voir Mgr le Nonce, car c'est à lui-même que je veux donner l'ouvrage.

Vous avez, bon et cher Monsieur, une belle mission - mais difficile, quand on travaille pour enfanter une nouvelle Société, il faut une génération et demie: une qui reçoit et germe et l'autre qui s'en nourrit.

Comptez-moi toujours comme un ami de S. Bonnet et un frère devant Dieu.

Mes respectueux hommages à Madame votre mère, à votre Dame et à votre chère soeur.

Tout vôtre en N.S.

Eymard Sup.


Nr.1311

An Marianne Eymard

Adveniat Regnum Tuum

Paris 3 décembre 1863

Bien chères Soeurs,

Me voici enfin à Paris, depuis 4 jours. J'avais espéré pouvoir prendre quatre jours sur mon voyage, mais il m'a fallu faire tant de choses et de courses que je n'ai pas pu. Je vais bien, malgré toutes les affaires nombreuses qui augmentent chaque jour.

Je pars même demain pour Angers, pour y aller préparer une maison pour nos petites religieuses, car je voudrais les caser afin qu'elles fussent tranquilles. Je ne resterai pas longtemps à Angers, il faut que je sois ici vers le 12, parce que je prêche une retraite préparatoire à la Noël dans une paroisse de Paris, à S. Thomas d'Aquin. Le bon Dieu nous bénit toujours bien; il faudrait que nous fussions plus sages et bien intérieurs.

Je vais envoyer à M. Faure les livres qu'il a demandés et que je lui donne sans autre retour que la prière; vous en prendrez un ou deux pour vous; il est possible que j'en mette dans le paquet quelques autres; vous les donnerez à l'Eglise que vous voudrez.

Priez toujours bien pour moi comme je le fais pour vous.

J'ai vu à Toulon M. CROS et toute sa famille; il va très bien et est très bon. J'ai dîné chez lui. Donnez-en des nouvelles à ses deux chères soeurs à qui je présente bien mes vieux sentiments dévoués.

J'avais écrit une lettre au bon et vénérable Curé. Je pense qu'il va bien.

Je vous bénis et vous donne au Bon Maître en qui je suis

votre frère

Eymard.


Nr.1312

An Fräul. Zenaide Blanc

Adveniat Regnum tuum.

Paris, 4 Décembre 1863.

Mademoiselle et chère fille en N.-S.,

Je vous remercie bien d'avoir copié si bien mes pauvres manuscrits. Sous cette écriture, la pensée est plus nette et plus simple: vous en aurez la moitié du mérite, - comme je le dis à votre cher frère, j'ai laissé à Saint-Bonnet ma paix et ma plume! Me voilà au milieu d'un tourbillon; si au moins il m'enlevait bien au Ciel!

Je pars demain pour Angers, jusqu'au 10 ou 12, où je vais chercher un petit Cénacle à Notre-Seigneur et à ses heureuses Servantes. Quand en ferai-je autant à Lyon?

Soyez toujours la petite servante de Notre-Seigneur et de votre cher prochain, et cela de bonne grâce, car le bon Maître le veut ainsi.

Ne vous attristez pas pour l'avenir: il est entre les mains du Bon Dieu, qui est un bon Père.

Allez bien à Notre-Seigneur avec simplicité et par le coeur recueilli et reconnaissant, et vous lui serez bien chère.

Je vous bénis, votre chère mère et tous les vôtres.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

P.-S. - Ayez la bonté de faire passer à Monsieur votre frère ce petit billet, et de me rappeler au bon souvenir de vos deux amis.


Nr.1313

An Frau Jordan

Adveniat Regnum tuum.

Paris, 4 Décembre 1863.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Je vous ai écrit avant votre lettre reçue. Voyez que je ne vous oublie pas au milieu de mille choses; comment oublier une aînée! Je pense que si je le faisais, ce n'est pas votre indifférence qui me tirerait de l'oubli, car ce mot-là ne peut vous être connu.

Je bénis votre temps de solitude; il n'y a que cela qui fasse du bien à une âme harassée. De temps en temps faites cela; c'est la retraite du soldat. Vous n'avez qu'une chose à faire pour ne pas reculer, mais pour avancer: c'est de vous donner à la vie intérieure, à la vie de recueillement, aux lectures recueillantes, comme à celle de l'Ecriture Sainte; vous devriez bien la lire un peu plus souvent, acheter la Bible de Carrières. Souvenez-vous de ce principe de vie: Vous ne serez heureuse au service de Dieu que dans la vie intérieure d'oraison et d'amour. Pour cela il n'est pas nécessaire que vous laissiez la Présidence, cela vous la fera mieux porter encore. Quand le bon Maître ne vous voudra plus au service du prochain, il vous en ôtera lui-même. Je vous désire un peu plus adoratrice, comme vous êtes peu bonne!

Mlle Agarithe m'a écrit au moins trois lettres et je n'ai répondu à aucune, parce que dans ma solitude je voulais être à Dieu seul, comme Moïse sur la montagne. Une phrase bien tournée est comme un cheveu bien frisé, ou un son sans idées. Allons, bonne fille, ne me croyez pas cette faiblesse.

J'aurais désiré avoir des nouvelles de Mme Nugues et de ses enfants, de vos nièces en Danemark.

Je vous bénis vous et votre chère fille en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD, S.


Nr.1314

An Marg. Guillot

Angers, Immaculée Conception, 8 Décembre 1863.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je viens de vous acheter une maison très convenable, tranquille et bien placée pour l'adoration. Remerciez Dieu et sa sainte Mère: c'est aujourd'hui la fleur de Marie à son divin Fils. Monseigneur vous est tout dévoué et monsieur Bompois, son Grand Vicaire.

Inscrivez-les dans les annales de vos prières.

Je vous bénis. A bientôt.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.


Nr.1315

A SOEUR CATHERINE DU S. COEUR

Nota: Cette lettre est jointe à une lettre de M. DUPONT de TOURS.

Tours 10 décembre 1863

Chère Soeur,

Le bon Père Dupont me donne de vos nouvelles et votre bon souvenir, j'y ai été bien sensible...

Vous êtes donc toujours sur la croix, bonne Soeur, et probablement vous y resterez encore, car souvent Dieu vous y laisse tant qu'il y a quelque chose à immoler et à mourir.

Il y a si peu d'âmes qui veulent souffrir pour Dieu, que quand Dieu trouve une âme dévouée ou au moins résignée, Dieu se hâte d'en profiter, parce qu'il parait qu'il faut de la souffrance au règne de Dieu et au salut des hommes. Il n'y a pas d'amour sans souffrance, et la souffrance, c'est le fruit de la terre.

Je m'unis au conseil du Père Dupont, résignez-vous, chère Soeur, allez plus loin, dévouez-vous, faites plus - faites comme St. André embrassant la croix et quand vous aurez fait cela, je vous promets le vrai amour et ses biens.

Je vous bénis de tout coeur.

Tout vôtre.

Eymard.


Nr.1316

A Mgr DE DREUX - BREZE, Evêque de Moulins.

Adveniat Regnum Tuum

Paris le 20 décembre 1863

Monseigneur,

Le P. de Cuers vous arrivera demain lundi vers midi, pour prendre avec lui M. Gilbert et visiter avec lui S. Germain. Si N.S. nous veut dans votre diocèse, Monseigneur, nous serons heureux de travailler à sa gloire sous un Evêque si pieux et si Romain! Si la chose convient, nous renoncerons à un autre projet sur la condition que m'a dite surtout Votre Grandeur en la quittant: Que la Société aurait à débourser 20.000 pour l'acquisition de la propriété; c-à-d. la moitié de l'achat... Si cette condition est essentielle à la fondation, nous serons obligés de renoncer à la faire ou du moins pour quelque temps, car nous ne pourrions prendre cet engagement. Nos maisons d'adoration n'ayant pas d'autres revenus que ceux que peut fournir la Société et déjà la Société ayant à assurer le luminaire qui est au moins de trois mille francs par an, cela nous serait un peu onéreux, du moins pour le moment. J'aimerais que Votre Grandeur donnât à N.S. tout son Cénacle, et nous lui donnerions tout son service.

Le P. de Cuers me rapportera la pensée de Votre Grandeur; elle sera pour nous l'expression de la volonté de Dieu pour le oui ou pour le non.

Je désirerais bien savoir encore si une fois fondée par Votre Grandeur, la commune ou la paroisse pourrait nous contrarier dans le service perpétuel de l'adoration, après avoir rempli tous les devoirs de Pasteurs.

Votre Grandeur voudra bien excuser la liberté d'explication que j'ose lui soumettre, en s'entendant bien, on n'aura aucune difficulté.

C'est dans les sentiments de la vénération la plus profonde que j'ai l'honneur d'être en N.S.

de Votre Grandeur, Monseigneur,

votre très humble et très obéissant serv.

Eymard.


Nr.1317

An Frau Tholin

Adveniat Regnum tuum.

Paris, 20 Décembre 1863.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Comme je suis en retard avec vous! Vraiment, ce n'est pas pardonnable! Et cependant j'avais formé le projet en passant d'aller vous voir quelques heures chez vous, lorsqu'une bronchite et un compagnon de voyage m'ont forcé de vite rentrer.

On dirait que nous nous sommes fui; vous veniez à Paris quand j'en partais, vous partiez à Lyon et j'y arrivais de Rome. Que Dieu soit béni de tout! J'ai vu un instant votre chère soeur en passant à Lyon.

Je l'ai trouvée toujours dévouée comme elle est, mais elle a bien de l'ouvrage. Je désirerais bien qu'elle restât là; je l'ai recommandée à ces bonnes dames. Elle m'a donné des nouvelles de toute votre maison. J'arrive ici venant de notre maison d'Angers, et à peine arrivé me voilà obligé de prêcher tout le jour dans une paroisse de Paris avec une voix toute voilée. Que Dieu en soit béni!

Votre lettre m'arrive et je l'ouvre avec joie et tristesse, parce que votre charité me devance toujours et votre confiance attend. Eh bien, me voilà!

Oui, je remercie le bon Maître de vous être venu en aide. Peut-il vous abandonner? non. Je comprends vos souffrances, Dieu les a permises pour le bien de toutes deux: ce sont de ces Croix dont le Seigneur a le secret et qui crucifient toute la pauvre nature. Puis vous voilà encore clouée chez vous; sans doute, c'est pour un plus grand bien et à la plus grande gloire de Notre-Seigneur. Aussi, dormez à ses pieds comme l'enfant de son Coeur. C'est une bénédiction pour vos enfants d'être autour de vous; c'est heureux qu'Albert aime les champs: cela gardera sa foi et son innocence. Georges, petit Jacob, gardera sa bonne Mère et la Mère gardera ses deux petits Agnelets.

J'ai compris la pensée que vous aviez sur la trop naturelle affection de votre soeur, mais cependant bien légitime puisqu'elle n'a que vous. Faites-la passer à travers le coeur de Notre-Seigneur et rendez-la-lui toujours bonne et fraternelle, car, encore que Jésus soit son centre, on a besoin de famille.

Jouissez de votre bon maître et de la joie de Bethléem où nous nous retrouverons parmi les Bergers et les Anges.

Je vous bénis en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1318

An Marg. Guillot

Paris, Samedi, 26 Décembre 1863.

Chère fille en Notre-Seigneur,

La seconde maison est achetée, vous voilà avec deux maisons. Le Père doit vous écrire plus au long.

Nous allons vite prendre les moyens de mettre la maison en état de vous recevoir.

Pour le chant à adopter, il est convenable, nécessaire même, de prendre le chant du diocèse d'Angers.

J'irai vous voir demain et dire un petit mot aux soeurs à deux heures et demie.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

Mademoiselle Guillot.


Nr.1319

An P. Leroyer

Adveniat Regnum tuum.

Paris, le 26 Décembre 1863.

Bien cher Père,

Le Père Carrié va vers vous avec plaisir et animé d'un grand désir de s'instruire; il désire ne pas confesser, cependant si par intervalles vous en avez besoin, surtout pour les hommes, je le laisse à votre discrétion. Je l'ai prévenu pour la discrétion à mettre avec les Carmélites; il est un peu fatigué: ayez en soin, mais ne souffrez pas qu'on en ait soin au dehors. Il nous faut être sévères sur ce point de discipline.

Que jamais un religieux ne reçoive rien du dehors pour lui; mais que tout soit donné au supérieur.

Le frère Joseph, que je vous donne pour quelque temps, ne restera pas chez nous, il sera le domestique de ces Dames: c'est heureux pour elles d'avoir un bon sujet, et de notre main; il y a longtemps que ce frère me disait ne pouvoir rester dans notre vie, qu'il lui fallait une vie plus active: à la fin je m'y suis rendu.

Envoyez-le, dans ses temps libres, nettoyez la maison quand elle sera achetée, et aussi pour recevoir et avoir soin des effets de ces Dames; car son gage va commencer pour elles au Ier Janvier.

J'espère recevoir bientôt la nouvelle de l'achat de la maison, il la faut à tout prix; peut-être est-ce tout conclu, mais hâtez-le, dans la crainte que le démon ne mette des obstacles. J'en suis inquiet.

Je vous envoie 100 fr. que j'avais gardés en réserve pour quelque nécessité: cela payerait le lit acheté.

Courage en Notre-Seigneur, cher Père, et grande union en son esprit.

Tout vôtre.

EYMARD, Sup.

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Nr.1515

Eingeordnet in der Diskette 5 unter der Nr. 1515

An den Vater des P. Audibert

I,317

1863.

Bon Père,

J'avais le projet, en revenant de Rome, d'aller vous faire une petite visite à Carnoules. Je vins par terre jusqu'à Gênes, mais effrayé de la longueur des chemins, je pris le chemin de fer de Turin. Je voulais d'abord vous voir, car il y a longtemps que je n'ai pas eu ce plaisir, puis vous parler de Rome et vous louer de votre noble dessein de ne pas poursuivre en cour Romaine. Comme je le vois avec grande édification, la vertu est plus forte que l'injure: le mérite et même l'honneur en grandiront d'autant.

Je ne vous parle pas de votre cher fils, il vous est connu, il es chéri de tous ici et béni de Dieu. Heureux père, heureuse mère d'avoir un tel fils! Heureux frère, heureuse soeur d'avoir un tel frère!

Si c'était à nous que vous l'eussiez donné, nous serions insolvables; mais c'est à Dieu et à J.-C., au T.S. Sacrement, que le don est fait! vous êtes donc le grand créancier de ce Bon Maître! Pour nous, nous aimons à faire partie de l'amitié de la famille, puisque par le P. Audibert nous sommes devenus un peu vôtres.

Adieu, bon Père, bonne mère, ou plutôt à revoir.

Tout votre en Notre-Seigneur.

EYMARD


Nr.1320

An Marianne Eymard

Paris 1 janvier 1864

Bien chères Soeurs,

Je viens vous souhaiter la bonne année, comme quand j'étais petit. Je vous l'ai souhaitée déjà le St. jour de Noël, en disant la Ste Messe pour vous, comme d'usage. Ce sont là mes éternelles, elles sont bonnes.

Que le Bon Dieu vous donne une bonne santé, une bonne providence, son amour et faites toujours du bien et sauvez les bonnes âmes que Dieu vous a confiées. C'est une grande grâce de pouvoir travailler pour Dieu.

Je vais bien, nous travaillons beaucoup; je n'ai pas le temps de respirer, c'est qu'à mesure que nous augmentons, le travail et les rapports extérieurs augmentent, mais le Bon Dieu nous soutient.

Je vais vous envoyer les ouvrages de M. Faure, prenez-en un.

Je les lui donne, qu'il prie pour moi.

Je vous suis tendrement affectionné en N. S.

Votre frère

Eymard.

J'ai apporté de Rome le vrai portrait du St. Père, je vous l'envoie.

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