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Angers, 20 Août 1862.
Chère fille en N.-S.,
Je vous remercie de votre lettre. Il me tardait bien de recevoir de vos nouvelles, elles ne sont pas si mauvaises; que Dieu en soit béni! Vous avez bien raison de vous abandonner entre les mains de Dieu, à la vie et à la mort. On dort tranquille quand on dort sur le sein de Dieu; on voyage heureusement, quand c'est Dieu qui vous porte. Faites cependant ce qu'il faut; vous faites bien de ne pas effrayer votre monde autour de vous, vous n'auriez plus un moment de liberté et de repos.
Priez peu à genoux en votre état souffrant; dès que vous vous sentez un peu souffrante, asseyez-vous. Vous pouvez dire vos cinq Pater et cinq Ave du Chemin de croix comme vous le voudrez; les commencer à genoux, si vous le voulez, excepté en voyage et quand vous êtes couchée.
Je partage votre reproche des feuilletons; faites-en le sacrifice à Dieu pour vous.
Tenez-vous toujours dans l'amour et la confiance, c'est là toute votre vertu et toute votre force.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.-S. - Je serai à Paris dans huit jours.
Paris, 20 Août 1862.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Me voici à Angers pour examiner la possibilité d'une fondation d'une maison d'adoration, ignorant encore si le Bon Dieu la veut bien.
Monseigneur nous accueille avec la bonté et la piété qui le distinguent; mais on dit que Mr le Préfet est hostile à tout établissement religieux, et déjà nous nous en sommes aperçus, car il a fait impression sur l'esprit de Mr le Ministre des Cultes qui avait permis. - Que tout tourne à la plus grande gloire de Dieu!
Si vous n'aviez pas été absente de Nantes, je serais allé vous y voir vingt-quatre heures; mais impossible: je pars ce soir pour Saint-Aignan (Loir-et-Cher) près de Blois, pour y prêcher l'adoration jusqu'à dimanche prochain.
Voilà donc votre saint Curé dans le sein de Dieu! Je comprends votre douleur, vos larmes, vos regrets; on ne brise pas indifféremment des liens aussi forts, aussi saints. - Dieu vous reste, bonne fille, et il ne vous abandonnera pas; vous êtes tout à lui et il est tout à vous.
Mais où aller maintenant? Vous avez quatre choix; je vous conseillerais d'aller au plus facile, d'abord, où il ne faut pas trop attendre, trop marcher, au plus près, si c'est possible.
Vous êtes grande maintenant, vous savez bien vous gouverner un peu; ou plutôt, Notre-Seigneur gouverne la barque. Votre éducation est un peu faite; il faut que votre direction ne soit pas un esclavage ni un centre de vie, mais bien une grâce simple.
Où iriez-vous si vous ne me connaissiez pas? Allez-y; essayez, du moins, donnez toute votre conscience, puis vous verrez si votre confiance se donne spontanément.
Allons! bonne fille! vers le Ciel, et que la vue de ceux qui y arrivent avant nous, nous encourage et nous fortifie.
Je vous bénis en N.-S.
Tout vôtre.
EYMARD.
P.-S. Tous mes religieux respects à votre chère soeur.
Paris 28 août 1862
Adveniat Regnum Tuum
Bonne Mère et chère Soeur en N.S.
J'ai lu votre dernière lettre avec le coeur que Dieu m'a donné pour vous aider et vous recevoir en son adorable service.
Faites ce qui est convenable avant de venir. Puis vous laisserez au Bon Maître le soin du reste, et il aura soin de tout.
Je vois avec joie que votre coeur aspire au T.S. Sacrement et que vous en appréciez la grâce, c'est bien la plus grande de toutes, vous quittez des créatures pour venir vers le Créateur, celui qui est le principe et la fin, le centre de toute vie.
Nous commençons notre retraite le 1 septembre pour la finir le 8. Celle des Soeurs commencera le dimanche suivant 14.
S'il y avait contrordre, on vous l'écrirait à temps.
Tout va à l'ordinaire. Sr.Benoîte assez bien. On prie beaucoup pour vous, parce que vous êtes sur le champ de bataille.
Je vous bénis en N.S. - Pensez que cet adieu doit être unique en la vie et peut vous enrichir devant Dieu.- Tout à vous en N.S.
Eymard.
Madame Chanuet
à Lantignié
par Beaujeu, Rhône
Paris, 31 Août 1862.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Si je n'arrivais de voyage, j'aurais honte de mon retard; nous travaillons à une fondation à Angers, et j'ai toujours été sur les grands chemins. Adieu votre filet, puisque vous êtes partie, ce filet du Bon Dieu! Je vous l'enverrai où vous serez quand je le saurai positivement.
Votre lettre m'a laissé l'impression que le Bon Dieu vous travaillait et vous voulait tout à Lui, mais par sacrifice et surtout par la douceur de patience et la liberté du coeur.
Vous savez bien que le Bon Dieu vous attire, vous veut comme sa fille, et que vous lui donnez bien à travailler pour écarter, pour couper et briser tout obstacle sur votre chemin.
Allez vers ce bon Maître par le don plutôt que par le travail, par l'amour plutôt que par les vertus, par le recueillement plutôt que par l'action. En un mot, mettez-vous en Dieu et vous serez dans votre centre divin; je prierai pour votre chère nièce dont je conserve un bon souvenir.
Je sais que Mr de Pina père était l'homme le plus honorable de Grenoble, dont il était maire.
Priez pour nous, nous entrons en retraite demain matin pour sept jours, et c'est moi qui la donnerai; et par-dessus le marché j'ai une névralgie. Ce sera la rosée du Ciel, je l'espère.
Adieu, bonne dame, mes bon souvenirs à votre chère fille, à vos nièces.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Vous êtes meilleure, bonne dame, que je n'osais l'espérer; allons! je vois bien que l'amour de Notre-Seigneur germe et croît en vous, et j'espère qu'il montera comme l'épi de froment. Il m'en a coûté de ne pouvoir vous voir; c'était un sacrifice que le bon Dieu me demandait. J'ai été heureux de voir ces bonnes âmes pieuses de Tarare, elles sont bien dévouées au Très Saint Sacrement. C'est ma ville du diocèse de Lyon, car ailleurs, ce n'est pas ouvert.
Marchez toujours par le petit sentier que nous vous avons montré, allez devant vous simplement pas à pas, tenez la main du Bon Dieu comme un aveugle, mangez le pain qu'il vous donne, en bonne pauvre, vivez de sa grâce actuelle, car vous trouverez toujours bon logis, bonne famille, bonne table préparée par la divine Providence.
Pensez que l'eau du ruisseau, du fleuve approche de la mer de l'éternité; la pauvre petite nacelle en suit le cours avec son pavillon du Ciel.
J'ai ri en lisant votre lettre; tout est plein, pas moyen d'y mettre une ligne de plus: c'est bien, vous voilà un peu couverte de l'a à l'y.
Adieu donc, chère dame.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Paris, 3 Septembre 1862.
Monseigneur,
Je viens d'abord remercier Votre Grandeur de sa bonté si paternelle pour nous et répondre aux différentes questions qu'Elle daigne me faire.
1· Nous n'avons que deux maisons: une à Paris et l'autre à Marseille; je l'avais dit à Mr le Ministre, et dans chaque maison une chapelle publique.
2· J'ai dit aussi à Son Excellence que nous étions une association de prêtres séculiers sous la juridiction des Evêques et les auxiliaires de leurs oeuvres religieuses, surtout de l'adoration et de la Première Communion des ouvriers adultes.
Sur le bref ou ordo de Paris, nous ne sommes désignés sous aucun titre que Prêtres du Saint Sacrement, et cela à la suite des autres Congrégations.
3· J'ai dit encore à Son Excellence que nous vivions de nos revenus, et qu'ils étaient assurés.
4· J'ai parlé de l'église en ruines de Saint-Laurent sur le Tertre, de notre intention de la restaurer et comment il fallait s'y prendre; c'est alors que Mr le Ministre m'a tracé la marche à suivre dans ce cas, savoir : qu'il fallait une demande de Votre Grandeur comme église de secours, que la demande serait soumise au Conseil de l'Etat, que cela ne souffrait pas ordinairement de difficultés, que Mgr l'Evêque de Tarbes venait de le faire pour l'église de Lourdes.
5· Je n'ai demandé aucune autorisation à Mr le Ministre pour aller à Angers; la vôtre, Monseigneur, suffit; je lui ai dit seulement que Votre grandeur nous appelait pour l'oeuvre de l'adoration; que l'oeuvre de l'adoration était publique, avec une chapelle. Mr le Ministre m'ayant dit qu'il y avait au moins 600 églises ou chapelles tolérées, je répondis que ce serait une de plus.
Voilà, Monseigneur, le résumé de mon entrevue avec Son Excellence; elle était dans de bonnes conditions. Elle me dit même que je ferais bien d'acheter la maison des Pères Capucins, etc.
Mr le Ministre se trompe sur notre état à Paris. Il suppose que nous avons plusieurs établissements à Paris; nous n'en avons qu'un, et je n'en dirige aucun autre.
Je regarde la réponse de Mr le Ministre comme un retour bienveillant et comme une promesse d'autorisation. "Il n'est, dit-il, question aujourd'hui uniquement que de l'oeuvre de l'adoration perpétuelle; il n'est plus question de la question principale (de la grande église de Saint-Laurent).
Pour l'emplacement et l'étendue de la chapelle consacrée à l'adoration, sur lesquels Mr le Ministre veut être renseigné, il y a la maison des Capucins à louer, ou bien l'ancien hôtel de Combray près du Tertre à acheter. Il me semble, Monseigneur, que ce dernier local, placé dans une population pauvre, éloignée des deux églises paroissiales, serait bien reçu; la chapelle que nous desservirions serait modeste.
Comme Mr le Ministre sait que nous avons un culte public, peut-être, Monseigneur, vaudrait-il mieux ne pas parler de chambre pour chapelle, ce qui semblerait tout personnel. Ici, nous faisons l'adoration de jour et de nuit.
J'ai grande confiance que la réponse sera affirmative. Je verrai Mr Amil de suite après notre retrait annuelle, que nous finirons le 8 septembre.
Notre-Seigneur vous doit la bénédiction de l'oeuvre que votre amour si grand pour sa gloire avait commencée. Vous avez été, je crois, Monseigneur, le premier Evêque à former une Société de prêtres pour l'adoration; vous nous avez donné l'excellent P. Leroyer; nous serons donc vos heureux débiteurs, auxiliaires et enfants dévoués.
Daignez agréer l'expression de ma vive et bien profonde gratitude, et celle du filial respect avec lesquels j'ose me dire en N.-S.,
Monseigneur,
de Votre Grandeur,
le très humble et tout dévoué serviteur.
EYMARD, Sup.
Paris, 12 Septembre 1862.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Je vous dois aussi le tableau charmant de mademoiselle votre soeur; merci à vous.
L'affaire d'Angers a des difficultés de la part de Mr le Ministre des Cultes qui, sur les observations du Préfet, a modifié, ou, mieux, renié ses premiers sentiments.
Monseigneur a réclamé, la réponse du Ministre laisse voir quelque espérance; à la volonté de Dieu! J'aime beaucoup Mgr Angebault: il est si bon et si pieux! Voilà du moins cette fondation ajournée à quelques mois. Soyez assurée, chère fille, si je vais à Angers, je vous l'écrirai d'avance, ou j'irai vous faire une petite visite.
Vous me parlez de ma promesse du jeudi; je ne m'en souviens plus.
Vous faites bien de ne pas vous presser de vous lier à un confesseur avant le temps de Dieu. Attendez les circonstances de la divine Providence.
Voyez si Dieu ne vous préparait pas d'avance à ce coup terrible en vous faisant donner une direction de liberté et de simplicité! Allez au Bon Dieu, chère fille, avec cette confiance plus grande que toutes vos misères, et cet abandon plus grand que tous vos sacrifices; Vous êtes à Dieu et il aura bien besoin de vous.
Plus donc d'inquiétude.
Revenez à la douceur.
En Dieu est la quiétude; en son amour le bonheur; donc,
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD, S.
Paris, 12 Septembre 1862.
MADEMOISELLE,
Je viens de recevoir votre joli et pieux tableau; il m'a fait un plaisir d'exclamation de joie et de bonheur. C'est bien ce que je désirais; merci. Mais je regrette le luxe du cadre: c'est trop beau pour nous; je dirai donc que le sujet le comportait et que votre piété l'a voulu ainsi.
Vous voilà à la porte et dans l'intérieur: comment pourrions-nous vous oublier!
Je pense que vous avez choisi le coeur du milieu; moi je choisis celui de l'épée, car c'est ma part: heureux si elle pouvait être un jour couronnée!
Encore une fois merci, et veuillez me croire en N.-S.,
Mademoiselle,
Tout à vous.
EYMARD, S.
P.-S. Encore rien pour Rome; mais je cherche une bonne et puissante médiation.
Paris, rue faubourg Saint-Jacques, 68, 13 Septembre 1862.
BONNE DAME,
Vous soupçonnez bien ou une absence, ou une impossibilité. J'étais en retraite quand votre lettre collective est arrivée à Paris.
Oui, qu'il vienne ce cher et bon enfant; nous examinerons ensemble devant Dieu cette grande question. J'ai été bien édifié de ses bons sentiments, et encore plus, bonne mère, de votre générosité de le donner à Dieu.
Je n'ai que le temps de vous dire tous mes sentiments affectueux et dévoués pour ce cher enfant.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 15 Septembre 1862.
Bien cher Père,
Je viens répondre à votre chère lettre. Je suis bien affligé de la maladie de ce bon Père Peilin; il paie cher la première campagne de son ministère.
J'espère bien qu'il sera vite remis et qu'un petit voyage sera la meilleure des convalescences; veuillez m'en donner des nouvelles.
J'ai deux plans: ou aller moi-même vous voir, mais je ne le puis que dans quinze jours à cause de la retraite de ces Dames, qui commence aujourd'hui, et d'une autre qui est arrêtée pour la semaine prochaine; l'autre plan est de vous envoyer le Père de Cuers qui s'est offert, ou un autre jeune. Pour cela, j'attends un mot de vous. Ces jeunes missionnaires doivent-ils partir bientôt?
Nous ne voulons pas vous laisser ainsi tout seul, et que le service du Bon Maître en souffre.
Dites-moi les noms et prénoms de tout votre personnel novice, le jour de leur entrée, afin que j'en aie une note exacte.
Oui, acceptez la direction de l'ouvroir catholique, si, comme vous l'avez dit, Monseigneur y consent volontiers. C'est une oeuvre naturelle à la Société du Très Saint Sacrement.
La question du jeune Châve n'est peut-être pas mûre, vu que vous devez avoir besoin de son service; autrement il serait bien ici pour ses études. Pour la pension, c'est de tirer ce que l'on peut, et surtout l'entretien, pendant le noviciat, de ses vêtements ecclésiastiques.
L'affaire d'Angers est toujours en discussion; Monseigneur la poursuit vigoureusement auprès du Ministre, et déjà ce dernier rabat de ses défenses et difficultés. Monseigneur espère, et nous aussi.
Le Préfet a été l'opposant, je le pense du moins, car Mr le Ministre n'avait en premier lieu fait aucune difficulté.
On travaille beaucoup pour vous, ce sera beau.
Tout le monde vous aime et prie pour vous, et moi je suis,
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Paris, 20 Septembre 1862.
BONNE DAME,
Je vous renvoie votre cher Albert; j'en ai été bien content: il est dans de très bonnes dispositions. Il peut assurément se dévouer à l'état ecclésiastique, et il fera un bon prêtre. Je ne lui connais point d'obstacles; et comme il fait bien ce qu'il fait et ce qu'il aime, je suis persuadé que la religion lui donnera la force et la vertu d'un si saint état.
Je suis heureux, bonne dame, de cette circonstance pour vous prouver un peu ce religieux dévouement que votre piété et charité m'ont toujours inspiré. Si je pouvais vous être utile à Sens, je le ferais de bon coeur.
Donc...
EYMARD.
Paris, 29 septembre 1862
J'ai lu, cher ami, il y a quinze ans, la vie et les Lettres de Marie-Eustelle. Les impressions que j'en retire sont devenues pour moi un de ces souvenirs de grâce qu'on n'oublie jamais. Je puis même dire que ce fut comme l'aurore d'une faveur insigne... Depuis je me suis tous les jours recommandé aux prières de cette sainte amante de la divine Eucharistie.
Je suis convaincu que la Vierge de Saint Pallas a été précurseur de ce triomphe du culte de l'adorable Eucharistie dont nous sommes les témoins et que si l'on recueillait de ses lettres les divers sentiments de piété qui l'animaient, on ferait un pieux et délicieux manuel d'adoration. Les sentiments des Saints ont une onction de piété inimitable, on dirait qu'ils sont encore vivants et enflammés de leur première ferveur; voilà pourquoi je fais ce voeu.
Je vous félicite, cher ami, d'avoir une si belle mission. Vous allez faire revivre cette touchante vie, la compléter et nous la rendre plus chère et plus vénérable. Je ne vous en remercie pas: votre coeur doit y trouver une douce récompense.
Nota: Cette lettre se trouve dans le livre: L'ANGE DE L'EUCHARISTIE ou VIE ET ESPRIT DE MARIE EUSTELLE, par l' Auteur de la Vie du Com. Marceau, Périsse Paris, Bruxelles parvis Ste Gudule 4. Le nom du P. Eymard n'y est pas, on dit: Lettre d'un Supérieur Général...
Paris, 29 Septembre 1862.
BONNE DAME,
Comme vous le verrez dans ma lettre à ce cher Albert, je le laisse juge entre les deux partis à prendre; lui seul, en effet, peut décider cette grande question, puisqu'il doit consulter ses goûts et ses forces. Assurément, il nous sera toujours cher, à La Flèche comme ici.
Je tâcherai de vous remplacer auprès de lui autant que possible. Décidez entre vous deux. Je vais bien prier pour vous, bonne dame.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 29 Septembre 1862.
CHER AMI,
Je viens répondre à votre chère lettre. Mon coeur vous reçoit bien volontiers au service de Notre-Seigneur au Très Saint Sacrement, et vous serez ici le bienvenu, car on vous aime.
Ainsi, de mon côté, il n'y a aucun obstacle.
Seulement, vous comprenez qu'en venant chez nous, c'est, comme ce général romain: brûler derrière vous vos vaisseaux. Il faudra devenir un saint prêtre et un bon religieux.
Votre carrière militaire est perdue; les études que vous ferez ici, n'étant que des études ecclésiastiques, ne peuvent vous servir pour le baccalauréat.
Voilà, mon cher Albert, la réflexion que vous avez dû faire avant de prendre un parti décisif.
La prudence humaine doit préférer la fin des études terminées à La Flèche; la piété, le salut règne ici. Ainsi, si vous venez, vous serez bien reçu; si vous retardez, je vous garderai toujours mon amitié.
Croyez-moi en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
An Mariette Guillot
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 1er Octobre 1862.
CHERE FILLE,
Il y a longtemps que je dois vous écrire! Voilà comme on traite les amis de la famille, on les fait passer les derniers, espérant leur donner plus qu'aux autres, et voilà que je ne vous ai rien donné.
J'en suis bien repentant... et je vous promets de mieux faire à l'avenir.
J'ai votre direction écrite, il y a longtemps; mais comme elle est si vieille, ce serait un remède en état de guérison; ainsi, il faudra me reparler de votre état actuel.
Cependant, je vous dirai un mot:
1· Faites toujours bien vos communions, c'est votre force. Allez-y comme une pauvre mendiante et convalescente;
2· Il est bon que vous fassiez vos trois examens; cependant, quand vous avez oublié celui de midi, il faut y suppléer le soir;
3· Supportez bien votre état d'impuissance devant Dieu: c'est l'adoration du pauvre, tenez-vous alors bien simplement aux pieds de Dieu. Quand vous êtes fatiguée, vous n'êtes pas tenue à l'adoration; mais quand vous l'avez manquée par votre faute, il faut réciter 5 Pater et 5 Ave en réparation;
4· Pour la retraite du mois, faites-la ainsi: le matin, faites votre méditation sur les grâces de la bonté de Dieu, sur vous et ce que vous lui devez. Cette méditation vous touchera plus que toute autre.
Dans la journée, faites un quart d'heure d'examen et d'amende honorable. Dans la soirée, la préparation à la mort. Puis demandez à Dieu encore un mois pour mieux le servir.
5· Soyez toujours, chère fille, bien patiente au milieu de vos peines et de vos souffrances; c'est là la fleur de l'amour divin. Votre place ici est toujours bien gardée; n'êtes-vous pas notre fille aînée ?
Quand vous verrez Madame Delpuche, veuillez bien me rappeler à son bon souvenir et lui dire que nous ne l'oublions pas, que j'espère la voir quand j'irai à Lyon, en hivers. Nous prenons bien part à la maladie de cette chère fille malade, Sr Joséphine, Mlle Billard. Nous craignions bien que le Bon Dieu ne la prît; nous voudrions bien qu'elle vive encore. Veuillez lui dire bien des choses et combien nous prions pour elle.
Adieu, chère fille; tous nos bons souvenirs à votre chère soeur.
Je vous bénis.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 3 Octobre 1862.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Vous me demandez mon sentiment sur un confesseur.
J'aimerais Mr le Curé, votre voisin; c'est plus près, et plus facile.
La confession laisse la liberté de direction. Vraiment, bonne fille, vous n'êtes pas assez éclairée là-dessus.
La confession regarde la conscience; la direction est sous la liberté de la confiance. On est toujours libre de demander un conseil ailleurs. Je n'aime pas ces consciences qui se regardent liées, comme par voeu, à un confesseur.
Ainsi, sans parler des relations que vous voulez garder ou consulter, allez simplement vous confesser et dites alors tout ce que vous voudrez.
La liberté! bonne fille! la liberté, même dans la direction!
A mesure que vous vous approcherez de Dieu, les besoins extérieurs diminueront.
Vous n'avez pas besoin de revenir toujours sur ce passé; laissez-le donc où il est, sous le manteau du pardon et de l'oubli! Que je vous désire le Très Saint Sacrement! Je cherche et attends.
Rien de nouveau pour Angers; la chose se débat entre Monseigneur et le Ministre.
Voilà la liberté religieuse!
Mes religieux souvenirs à votre chère soeur. Son tableau est toujours en face de moi et je l'aime bien.
Je vous bénis. Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.
Paris, 5 Octobre 1862.
CHER AMI,
Venez quand vous voudrez; votre petite cellule est prête et le Grand Roi vous attend.
Vous aurez une belle place dans sa garde, comme vous en avez déjà une bien tendre dans son coeur et le mien.
Ne faites pas faire votre soutane à Sens: on ne saurait pas; et vous, bonne mère, vous serez en paix et heureuse sur ce cher fils.
Si le Bon Dieu daigne prolonger vos jours, vous assisterez à sa sainte Messe; si Dieu en disposait autrement, vous aurez laissé ce fils si cher dans la famille de Notre-Seigneur.
Tout vôtre en N.-S.
EYMARD.
Adveniat Regnum tuum.
Paris, 10 Octobre 1862.
Cher ami,
Je remercie le Bon Maître de vous avoir éclairé, attiré, et fait triompher de la nature et de vous-même.
C'est un terrible et violent combat; mais on sent la grâce et une force au-dessus de ses forces, puis une paix et un bonheur que l'on ne connaissait pas. Dieu a triomphé, et il est content. Je ne suis pas étonné de la foi et de la générosité de vos pieux parents; aussi Dieu les en récompensera-t-il, dès ce monde même; ils ne vous perdent pas; ils vous retrouveront et vous auront encore plus fils et plus chrétien.
J'avoue que si votre vocation ne venait pas du Ciel, vous feriez une insigne folie de quitter votre famille et de venir embrasser un genre de vie où il n'y a rien pour la nature, sinon crucifiement et mort. Mais vous n'êtes pas homme à consulter l'amitié, l'intérêt, le confortable, et même le bonheur de la vertu. Ici il n'y a qu'une raison, qu'un motif déterminant: Dieu le veut. Et devant ces trois mots, on ajoute: Et moi aussi.
Vous voulez des renseignements sur le petit mobilier; les voici:
1· Nous avons le lit, mais apportez des draps et des couvertures.
2· Apportez des serviettes pour la table, et même des essuie-mains.
3· Nous avons des lampes.
4· Le Novice n'a pas un centime à sa disposition; il me donne sa bourse et j'achète ce dont il a besoin; ou, s'il n'a rien, je prends dans la mienne.
5· Oui, vous étudierez Gousset. Apportez les livres qui vous sont utiles seulement.
6· Je vous recommande bien de ne pas vous fatiguer à préparer tout cela. Vos parents sont à la porte; puis, en famille, on est traité en fils.
Le jeune soldat est entré avec un minoré, soldat de Castelfidardo, Mr Martin de Strasbourg, qui était à côté du général de Pimodan; c'est un saint.
Adieu, cher ami, tous mes respects à vos bons parents.
Tout vôtre en N.-S..
EYMARD.
à Leudeville, près Marolles-en-Hurepoix (Seine-et-Oise).
Paris, 10 Octobre 1862.
Monseigneur,
Je suis un peu [en] retard envers Votre Grandeur; j'attendais d'avoir quelque chose de positif à répondre à votre honorée lettre.
Mr le Ministre n'est arrivé qu'hier; en son absence, on n'a rien pu faire. J'ai vu Mr Hamille, toujours plein de bienveillance, il part samedi en vacances; il m'a recommandé à Mr Tardy, chef de division et chargé de notre affaire. Mr Tardy m'a dit avoir envoyé notre dossier à Mr le Ministre.
J'ai communiqué à ce chef les pièces que j'avais en notre faveur de l'Archevêché et qui venait à l'appui de votre lettre, Monseigneur; il m'a dit qu'à cause de notre qualité de prêtres séculiers, il pensait que cette fondation ne souffrirait pas de difficulté; - que l'on avait cru à un établissement très considérable. Il a ajouté que cette affaire ne passerait que dans quelques jours.
Voilà, Monseigneur, où en sont les choses, en bonne voie, je l'espère; de sorte que bientôt nous serons à la disposition de votre piété, Monseigneur, heureux de nous rendre dignes de votre confiance.
C'est avec la plus profonde vénération que j'ose me dire,
de Votre Grandeur,
son très dévoué serviteur.
Paris 15 octobre 1862
Mademoiselle,
J'ai appris que vous aviez été malade, j'en ai été bien attristé; j'ai prié le bon Maître de vous laisser encore un peu sur la terre. Le R.P.Poupinel m'a rassuré en me disant que vous étiez bien mieux. Que ce mieux se soutienne et qu'il devienne très bien. Hélas, bonne Demoiselle, toutes les transitions d'état nous disent que ce n'est pas ici le repos ni la patrie. Ce beau Ciel dont la porte est sur le Calvaire doit avoir tout notre amour. - Mais il faut achever l'oeuvre de Dieu en nous.
Pensez un peu à votre serviteur sur votre chemin, car il marche aussi, quelquefois péniblement vers ce Calvaire, mais le Maître est si bon qu'il porte toute la croix, et je n'ai qu'à le suivre. Je ne sais quand j'irai à Lyon, mais la pensée de votre visite me réjouit d'avance.
Que N.S. vous garde et vous console, bonne Demoiselle.
En lui, Tout à vous.