Lettres précédentes / Lettres suivantes
Index Lettres Vol. III / Index allemand / Index général
A MADEMOISELLE DE MEEUS, Fondatrice des Adoratrices du S. St.
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie
Paris, Fg S. Jacques 68, le 11 juillet 1858
Mademoiselle,
Je viens de faire mon adoration et j'ai bien prié pour votre oeuvre eucharistique et qui est selon tous mes désirs et mes voeux.
Dieu vous bénit et vous bénira avec abondance, car l'Eucharistie est la vie.
J'accepte volontiers la proposition que vous voulez bien me faire, Mademoiselle, d'aller prêcher la fête du S. Sacrement de miracle, le 26 juillet et les 2 ou 3 jours suivants.
J'arriverai à Bruxelles le samedi et alors nous aurons le temps de conférer sur nos oeuvres eucharistiques et, j'aime à le croire, nous concerter pour procurer le plus puissamment le règne de notre Bon Maître.
C'est dans sa divine Charité que je suis heureux d'êtres,
Mademoiselle,
Votre très humble et dévoué serviteur.
Eymard.
Sup. des PP. du SS.
30 juillet 58
Au nom de la Très Sainte-Trinité, Père, Fils et St. Esprit, moi soeur N humblement prosternée aux pieds du trône de la Divine Majesté, confiante en la grâce de Dieu, dans le secours de l'Immaculée Vierge Marie ma mère, dans la protection de St. Jean le disciple bienaimé, toute indigne que je suis, je ma dévoue et me consacre pour toujours, mon corps, mon âme et ma vie aux service et à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ en la Très Sainte Eucharistie, dans le Tiers-Ordre du Très Saint-Sacrement et par ma profession religieuse je promets à Dieu et à vous, mon Père, Supérieur de la dite Société, d'en observer fidèlement la règle jusqu'à la mort.
Et ego aggrego vos societati Sanctissimi Sacramenti et reddo vos participes omnium gratiarum quae a Sancta Sede nobis et aggregatis concessae.
============
Paris, Faubourg ..., 11 Mai 1858.
Madame,
J'ai oublié hier de vous prier de m'envoyer une lettre pour Madame votre mère, que le P. Bruneau lui portera. Il désire la voir, cette bonne mère, sa fille spirituelle, et lui faire un peu de bien si elle en a besoin. Il est encore pour huit jours à Lyon.
J'ai bien regretté hier d'avoir eu si peu de temps, le Bon Dieu en a disposé autrement; une autre fois, ce sera mieux; et, quand vous aurez le temps, vous me le direz.
C'est jeudi, fête de l'Ascension, que nous avons été approuvés, 13 mai. Bénissez Dieu avec nous et remerciez-le pour nous. Quel heureux [jour] pour nous! Que de grâces en sont découlées! Quelle maternelle providence nous a protégés et guidés dans une oeuvre si difficile et si impossible selon la marche ordinaire des choses! Oh! oui, c'est pour moi une grâce telle que je ne puis y penser sans être ému, surtout quand je vois le choix que Notre-Seigneur a fait de si pauvres et de si misérables instruments, sans ressources, sans protections, sans être connus à Paris; puis, voir toutes les difficultés disparaître, tous les secours venir à l'heure de leur besoin! Oh! oui, le doigt de Dieu est là; mais, comme je dois craindre d'être infidèle et ingrat! Priez bien que je ne le sois jamais.
Je vous bénis en N.-S.
EYMARD.
Paris, 3 Août 1858.
CHERE FILLE,
J'arrive de Bruxelles où je viens de donner les exercices eucharistiques dans l'église du Miracle arrivé en 1270. J'ai taché d'y réveiller le feu divin de la Très Sainte Eucharistie. J'y ai été édifié, mais ce qui m'a peiné, c'est de voir les grandes églises de la ville fermées une partie du jour; j'ai réclamé contre cet abus.
De Bruxelles je suis allé au pèlerinage à Liège, aux reliques de sainte Julienne, et prier dans cette belle église de Saint-Martin où a commencé la belle fête du Très Saint Sacrement. C'est là qu'il faudrait établir l'Adoration perpétuelle: elle n'y est pas; et là aussi on ferme l'église; il faut payer pour entrer; c'est un revenu. Hélas! est-il possible que Notre-Seigneur soit ainsi traité! Cependant toutes n'en sont pas là à Bruxelles.
J'ai lu avec joie votre projet. Je le trouve bien; mais j'aimerais mieux que l'on passât sous silence le nom du R.P.Hermann. Je crains que cela ne nuise un peu au bon succès de cette feuille eucharistique, à Paris, ou près de quelques Evêques qui ne sont pas pour lui. Puis, ce n'est pas lui qui l'a constituée; laissez-en l'honneur à Son Eminence.
Vous comprenez, chère fille, que ce n'est là qu'une pensée de prudence; si vous pensez qu'il vaille mieux le laisser, je le veux bien et en bénis Notre-Seigneur. Tout va bien ici avec la grâce de la sainte Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Je suis toujours tellement absorbé que je m'en plaindrais presque; mais je serai toujours tout à vous, ne craignez pas de m'écrire.
EYMARD.
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.
Paris, Faubourg-Saint-Jacques, 68, 8 Août 1858.
Excusez mon retard, bien chère fille, il a été bien involontaire. J'aurais bien voulu vous répondre de suite et vous dire que je m'unis bien à votre neuvaine à Notre-Dame de la Salette; faites-le bien. Cette eau sainte peut vous rendre l'ouïe, non pas comme moyen naturel, mais de grâce. Prenez aussi les précautions naturelles voulues par la prudence: un peu d'huile d'amandes douces ou de camomille ou quelques injections de lait tiède dans les oreilles, mais surtout - calme en tout événement, indifférente à toute autre chose qu'à la Volonté de Dieu, condescendante et gracieuse au prochain de famille, d'abord; toujours libre au devoir et à la charité.
Oui, vous garderez la sainte réserve, mais ne parlez pas de vos craintes, de vos doutes; vous avez eu une permission positive, gardez-la.
lle est jusqu'à révocation précise et particulière. Il est des droits qu'il faut garder et conserver comme des titres précieux; faites tous les jours gras, Dieu le veut et la sainte Obéissance; aussi ceux qui s'en scandaliseront auront tort.
Point de violence pour vos distractions et égarements d'esprit en l'oraison, mais priez en union avec Notre-Seigneur et la Très Sainte Vierge, et non en union avec vous-même.
Pour cette femme D., ne vous liez en rien, laissez aller les événements; la divine Providence arrangera tout. Ne vous laissez impressionner par aucun reproche, ni aucune menace. Que peut-on contre vous? Rien; Dieu est pour vous.
Soyez toujours, bonne fille, l'enfant de la maternelle et aimable Providence; laissez-lui le soin et la direction de votre vie; allez, venez, réjouissez-vous en son sein béni.
Donnez-nous de vos nouvelles, quand vous le pourrez. Habitué à vous voir ici, c'est une privation grande maintenant.
Dieu vous aime toujours bien.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.S.S.
Mademoiselle Boisson, institutrice aux Thorins,
par Romanèche (Saône-et-Loire).
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie
Fg St-Jacques 68, Paris, 10 août 1858
Mademoiselle et chère fille en N.S.
Votre constante charité triomphe de ma paresse; il y a bien longtemps que j'aurais d- vous écrire. Je ne sais vraiment comment j'ai fait, mais avec tous ces changements de maison, ces ouvriers et les mille choses de Paris, le temps s'enfuit sans s'en apercevoir.
Vous êtes donc toujours souffrante, pauvre fille, il faut que N.S. vous réserve une belle place au Paradis, puisqu'il vous donne l'occasion de faire une si belle couronne avec les épines de la sienne, et la Ste Croix. Profitez-en bien - car vous en serez bien contente devant Dieu.
Surtout ne vous laissez pas décourager par le passé, ni inquiéter pour l'avenir, la miséricorde infinie de Dieu répond du passé, et sa paternelle Providence de l'avenir, occupez-vous seulement à bien sanctifier le présent et à espérer et désirer le ciel où notre bon Père et Sauveur nous attend avec amour.
Je suis bien content que votre bonne protectrice vous soit toujours une bonne mère, c'est Dieu qui vous l'a donnée, remerciez-le pour moi.
Je prie et prierai bien pour vous et pour Elle, car c'est là tout ce que je puis offrir au Bon Dieu.
Nous allons bien, Dieu nous bénit, mais nous devrions être meilleurs envers lui.
Croyez-moi toujours en N.S., Mademoiselle et chère fille,
Votre tout dévoué.
Eymard.
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus Hostie (8)
Paris, fg St Jacques 68, le 14 août 1858
Mademoiselle & chère Soeur en N. S.
Oubliez ma paresse & ne m'accusez pas d'indifférence, car c'est pour avoir une bonne heure libre devant moi, pour être longuement à vous que je suis venu jusqu'au 14 août. Quelle vie que la mienne! Dieu, le monde -- les devoirs, tous se dispute /sic/ les pauvres heures de ma journée - enfin que Dieu en soit béni! pourvu que tout soit pour lui!
Voici par ordre mes réponses
1· Votre malheureuse note est bien un peu la cause de mon retard. Je l'ai lue dix fois & toujours avec la pensée que quelques décisions du P. Menou sont vraies -- Les moralistes du temps n'admettaient pas même le 5% & regardaient le 5 % comme usure le missionnaire en question a été large pour son temps, seulement là où je le trouve sévère c'est qu'il n'a pas tenu compte du temps orageux de 1800. & où l'argent devait être rare, & les prêts difficiles puis, pour les prêts dans le commerce on a droit au 6 %.- enfin il fallait aussi compter les honoraires, de l'argent de change & les faux frais de Mr votre frère ayant payé aussi une fois un intérêt, de 12 %. Tout cela déduit vous auriez à rendre 417 f. or pour cela, il vaut mieux le convertir en aumônes à cette intention.- il me semble que je vous avais dit de le faire, mais je n'en suis pas bien sûr.
En fait de restitution c'est une choses si importante qu'il vaut mieux prendre le parti le plus sûr suivant ce principe que dans le doute de l'acquit d'une dette certaine il faut payer.
2· Que vous dire de nous! nous sommes toujours à nos expériences journalières - & nous apprenons chaque jour que l'homme n'est rien, & en dehors de Dieu - dangereux, même & misérable -
Le bon Dieu nous bénit tantôt avec sa croix & le plus souvent avec son coeur de Père, & je suis toujours très heureux de ma part & de ma vocation - il m'a fallu briser des liens bien chers, accepter la calomnie de mes frères maristes - & me résoudre à être regard, par eux comme étranger & même ingrat - mais tout cela aide à ne voir que Dieu & sa gloire.
Ah! bonne fille! l'homme n'est rien Dieu seul est tout - & toujours bon & aimable!
3· Melle Guillot est donc ici toute à sa nouvelle vie eucharistique, elle m'étonne par sa force & son courage - elle est à tout, elle fait face à tout - elle est heureuse, aux pieds de Jésus hostie - Nous parlons souvent de vous, rien de plus naturel & de plus doux pour nous - car on aime des compagnons d'armes.
Elle m'a dit que vous aviez la pensée de venir ici faire une retraite - je n'ai pas besoin de vous dire, que ne recevant personne vous serez la préférée et bien venue, c'est bien juste - mais il faut vous fortifier. Merci de tout ce que vous avez envoyé au Bon Dieu pour son service l'ornement vert est très joli.
4· Je suis heureux de vous voir entourée de ce bon neveu & da sa petite famille - en effet c'est bien temps de trouver un coeur reconnaissant, & aimant..- ne pensez pas tant à la séparation -- jouissez en un peu.
5· Mad. Spazzier a voulu essayer de cette vie de communauté, mais le médecin m'a dit que cette vie lui était très contraire & je l'ai engagée cette bonne Dame à reprendre sa liberté, & un régime particulier elle nous a bien édifiés, il faut qu'elle ait une volonté bien forte pour avoir tenu à cette vie jusqu'à ce jour --
Elle voudrait rester mais la charité pour elle veut qu'elle prenne un peu de repos, car son mal n'est pas encore grave il pourrait le devenir, & le docteur m'a dit qu'elle se remettrait vite avec des soins - & un bon air -
6· Oh oui! Soyez sûre que si je passe par Lyon vous aurez ma 1ère visite - elle fut en désir la 1ère fois - mais cette fois ci elle serait efficace.-
Allons! voilà une lettre enrayée - je pense que je serai plus fidèle une autre fois oubliez le passé, priez pour le présent puis au Ciel tout sera éternel.
Tout à vous en N. S.
Eymard SSS
Paris, 26 Août 1858.
MADAME,
Je suis toujours le même, n'est-ce pas? Vous faites bien d'agir comme si je vous avais répondu, car, voyant que rien ne demandait une réponse positive, j'avais attendu.
1· Souvenez-vous bien qu'il faut ne laisser la sainte Communion qu'à la mort ou à une maladie qui vous lie chez vous; mais quand vous pouvez recevoir le Bon Dieu, cela est pour vous un remède, du pain, la force, la sainteté, la vie.
2· Quand la souffrance sera votre lot, vous la ferez compter pour la prière vocale et la méditation, - elle vaut même mieux, - car souffrir pour Dieu, c'est la fleur de l'amour. Ne soyez pas esclave de vos exercices de piété, mais soyez avec amour la fille dévouée à la volonté de Dieu du moment. Que de reproches vous vous faites, pauvre fille! Sans doute, ils sont vrais - vous n'êtes pas une M.-Louise de France - mais sans aller au-devant des sacrifices, de la pénitence, de la mortification, acceptez de bonne grâce ce que le bon Maître vous envoie de sa belle main; faites un acte d'amour d'abord, puis vous regarderez après ce qu'il vous envoie.
Si vous vouliez être agréable à Notre-Seigneur, ce serait de faire faire une quarantaine d'un ou deux jours à vos désirs violents d'avoir certaines choses non nécessaires, afin de mortifier l'empressement.
Ah! que vous seriez sainte si vous désiriez avec autant d'ardeur d'être humiliée, oubliée, méprisée!
Oui, je prierai bien pour vos deux neveux: ils me sont chers, étant les vôtres. Mais pour vous, je vous mets à toutes mes oraisons et adorations: il faut bien aller au Ciel ensemble. Adieu.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.-S. Je regrette bien que Mme Le Vavasseur soit partie sans venir me voir; il paraît qu'il faut se saluer et se bénir de loin.
Paris, le 29 Août 1858.
MADAME,
Merci de votre bonne lettre: cette fois-ci je la trouve bien; on voit que vous seriez une bonne élève. J'ai fait de tout mon coeur votre neuvaine. Espérez en Dieu, tout ira pour le mieux; il est si bon Père! Oui, soyez très charitable envers le prochain, Dieu le veut; c'est la perfection de son amour. Il en coûte de ne rien dire, de ne pas approuver ou applaudir: ici c'est Dieu qui passera avant tout. Puis il suffit d'en prendre une bonne fois son parti, de le dire deux ou trois fois honnêtement et résolument pour avoir son franc parler et sa liberté respective. Tout le monde le jugera très bien, mais il éprouvera la solidité de l'arbre. Aimez le Bon Dieu, ma pauvre fille, de tout votre coeur, et c'est tout dire. Oh! que même dans un monde pieux on comprend peu ce mot, ce commandement: aimer Jésus-Christ de tout son coeur!
L'amour, c'est la vie; or, la vie de Jésus-Christ en nous est bien couverte de défauts, de péchés: triste image. Donc, nous l'aimons peu, puisque l'amour c'est l'union, et le péché c'est le triomphe de l'amour mauvais.
Nous serions si heureux si nous aimions le Bon Dieu selon toute la capacité de notre être! Dieu aimé, c'est le bonheur: ce qui nous tourmente, nous afflige, nous désespère, c'est le monde avec ses faux biens, et surtout son inconstance, son ingratitude, ses exigences. Eh bonté! C'est naturel à une mauvaise terre de ne produire d'elle-même que des ronces et des épines; il ne faut pas la maudire pour cela.
Oh! bonne fille! que béni soit notre bon Seigneur de vous avoir préservée de l'amour du monde, d'avoir voilé votre coeur et couvert votre visage de sa vertu! Cette tentation aurait pu vous perdre, et elle vous a sauvée. Soyez Reine dans le monde. Une Reine fait du bien, mais n'aime que son Epoux, le Roi, et lui en renvoie toute la gloire; et personne ne peut lui rien donner qu'elle n'ait en son Epoux. Vive la liberté, de Notre-Seigneur en son amour! Soyez libre et toujours libre en vous-même; l'amour divin se donne toujours tout entier parce qu'il est toujours libre et son maître.
Quand tout se meurt en nous, le coeur hérite de la vie de tout le reste, et sa puissance grandit et sa passion d'amour, comme le feu. Voilà les Saints dans leur amour envers Dieu... Oh! que nous en sommes loin!
Adieu, bonne fille; je vous bénis et je vous dépose aux pieds du Dieu de l'Eucharistie en qui je suis pour l'Eternité
Tout à vous.
EYMARD.
Madame Jordan, de Lyon, hôtel Léopold, à Néris (
(*) Ces mots ne sont pas de la main du P. EYMARD.
Paris 30 août 1858
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.
Mademoiselle et bien chère Soeur en N.S.,
On voit bien que vous êtes de la famille Mayet - elle n'a jamais oublié un ami, ni été ingrate - vertu rare de nos jours. Merci donc de votre bon souvenir - ce nom m'est toujours bien cher - il doit l'être.
Que de croix j'y ai vues, dans cette famille chrétienne, que de vertus aussi ! le bon Dieu vous aime bien, car la croix, chez vous, est une fleur du Ciel et qui y retourne avec son parfum et sa beauté. Oh! que j'ai souffert d'apprendre le deuil de cette bonne petite Marie et j'avoue que sa douleur m'est toujours présente. Si heureuse et si vite désolée! Si aimée et si solitaire! Hélas! ce que c'est que la mer orageuse; le bonheur d'un jour.
Heureusement, Dieu est là - et le Ciel en vue et en amour, je prie bien pour elle. Elle a aimé Jésus le premier - elle l'aimera toujours. - C'est un baume délicieux que l'amour de Jésus - c'est un centre divin à un coeur qui est percé par les peines de la vie. Je n'ai pas pleuré à la mort du pieux et saint Mr.Perroud, on ne pleure pas sur la mort des élus, - des saints comme celui-là; mais j'ai bien partagé la douleur de cette bonne et pauvre mère. Je lui aurais vite écrit, mais je voulais me laisser oublier et me contentais de prier. Ce bon Mr.Tonny m'a ravivé le coeur et me voilà réécrivant à tous.
Quand vous écrirez au bon P.Mayet, dites-lui de ma part que Madame Marceau a été étonnée et même peinée en recevant un papier de sa part, de n'avoir pas reçu un mot d'intérêt - il le peut encore et le doit.
Pour vous, bonne fille, vous êtes destinée à recevoir toutes les douleurs des autres et à être la Soeur de charité de la famille. Votre part est belle, Dieu l'aime. Seulement ne vous
attristez pas, on ne peut pas faire en un jour une éducation de la vie; gardez-les, ces bons enfants, gardez leur coeur, leur conduite. - Que de millions d'hommes passent leur vie à garder un poste, une pierre - vous, bonne fille, vous gardez des enfants de Dieu.
Je vous bénis et prierai toujours pour vous et votre chère et bien-aimée famille.
Tout à vous en N.S.
Eymard.
Mademoiselle Mayet Elisabeth
6 Place S.Clair Lyon
Paris 16 septembre 1858
Mademoiselle,
Je regrette bien de n'avoir qu'un moment pour vous remercier de tous vos bons souvenirs, de votre envoi des Annales qui nous intéressent beaucoup. Je ne puis vous dire assez combien je conserve un bon souvenir de mon petit séjour auprès de vous et de votre oeuvre si belle.
Je prie beaucoup pour vous, pour tout ce que vous faites, car il y a tant de rapports entre nous! Nous servons le même Maître, avec les mêmes pensées, et surtout le même désir.
Veuillez aussi exprimer au bon P. Boone combien j'ai regretté de partir sans le voir! il est si bon! Dieu l'a fait pour vous et votre oeuvre, Mademoiselle, aussi qu'il vous le garde et le conserve longtemps!
Quand vous aurez une occasion, veuillez m'envoyer une copie des notes de cette bonne Demoiselle qui a relevé mes instructions.
J'ai été heureux d'apprendre par ces Dames la bénédiction de Dieu sur l'adoration. Oh! si les hommes pouvaient se réunir!
Je pense que vous avez vu M. Gustave de Rouvray (rue des Laines, 120) et M. Schnoeck, ces deux jeunes m'avaient écrit pour leur adoration.
Je leur avais promis de leur envoyer quelques notes. Si vous le jugez à proposé veuillez leur faire tenir ce règlement de l'oeuvre.
Croyez-moi toujours en N. S.
Mademoiselle,
Tout à vous.
Eymard.
Paris, 27 Septembre 1858.
BIEN CHERE FILLE,
Pardonnez-moi tant de retard, et croyez bien que ce n'est pas le coeur ni l'oubli qui en sont cause.
Votre bonne soeur va bien, j'en suis étonné; elle travaille plus que toutes, et cependant elle ne prend pas ses migraines; assurément, le Bon Dieu la soutient. Puis, ce qui me fait plaisir, c'est que toutes ont l'oeil sur elle afin de la soulager et de l'obliger à se reposer.
Pauvre demoiselle Mariette! le Bon Dieu vous a demandé là un grand sacrifice et une séparation bien douloureuse, mais soyez assurée que Dieu vous en récompensera dès ce monde même; ne regardez cela que comme une retraite prolongée. J'espère, certes, que vous vous reverrez; et si cela dépendait de ma volonté, vous seriez toutes ici aux pieds de Notre-Seigneur.
Pour vous, ma bonne fille, continuez bien vos communions, c'est votre force et votre vertu.
L'office de Marthe que vous exercez est une bonne préparation; ce que vous faites est suffisant, le Bon Dieu voit bien que si vous pouviez donner plus de temps vous le feriez avec plaisir.
Faites bien tous vos exercices, non pas pour devenir meilleure, mais pour plaire au Bon Dieu et accomplir sa sainte Volonté.
Ne vous fatiguez pas de vos confessions, elles sont bonnes et très bonnes. Soyez tranquille, ce n'est pas par la paix et le contentement qu'on juge de leur bonté, mais par la bonne volonté de mieux servir le Bon Dieu et le regret de le servir si pauvrement.
Prenez pour matière d'examen particulier vos impatiences; imposez-vous chaque fois une petite pénitence, surtout celle de dire une parole plus douce .............. le plus tôt possible.
Reprenez vos méditations sur les vertus de Notre-Seigneur, surtout sur sa vie cachée, c'est ce qui va le mieux à votre âme; ou bien sa vie de famille avec ses disciples, sa bonté, sa douceur, son humilité avec eux.
Ne jeûnez pas, vous devez vous en abstenir tout simplement et dire à la place un chapelet.
Allons! bonne fille, priez le Bon Dieu de vous attirer vers le Saint Sacrement, de vous donner cette grâce; elle est grande, et, en attendant, faites de la très sainte Eucharistie le centre de votre dévotion et de votre amour, on y est si bien!
Je vous bénis toutes, et cette bonne demoiselle Jenny qui doit encore plus souffrir.
Allons! mes pauvres filles, regardez Notre-Seigneur, et consolez-vous et préparez-vous en lui.
Tout à vous.
EYMARD.
Mademoiselle Mariette Guillot,
17, rue du Juge de Paix,
Fourvière, Lyon.
Paris, 10 Octobre 1858.
Bien chère fille en N.-S.,
Je m'en veux bien de vous faire attendre ma réponse; je ferai mieux une autre fois.
Ne me remerciez donc pas tant; car, hélas! ce que je fais n'est rien en comparaison de ce que je voudrais faire pour vous et tous les vôtres! Je ne cesse de prier le Bon Dieu de suppléer à ma faiblesse et de vous remplir de bénédictions. Nous disons vos messes, et, j'ose dire, avec toute la confiance et la dévotion qui nous est possible.
22 Octobre. - Voyez, ma pauvre fille, comme je sais peu m'arranger; je n'ai pas su finir ma lettre. Je crains que cela ne vous rende timide pour m'écrire, faites-le au contraire pour moi. C'est avec bonheur qu'un de nous s'est fait victime au pied du Très Saint Sacrement pour le salut de ces deux âmes si chères, et qu'il offre au Dieu de toute miséricorde toutes ses prières, ses mérites et ses actions. Je voulais prendre cela sur moi, comme mon oeuvre d'affection; j'ai partagé entre un de mes frères, l'un aidera l'autre à faire une sainte violence au Ciel. Espérons bonne fille, que le Bon Dieu nous accordera cette double grâce, mais il faut bien prier et souffrir avec amour; il faut bien intéresser la Très Sainte Vierge, notre bonne Mère et le refuge des pécheurs, à prendre l'affaire en main, et elle réussira.
Je partage bien votre sentiment qu'il ne faut pas urger et trop presser Monsieur votre père; mais il faut profiter des occasions favorables et comme naturelles que le Bon Dieu fera naître; environnez-le bien, ce bon père, de grâces et de bons Anges. Je voudrais bien vous voir revenir à Paris, car vous êtes de notre famille; mais je ne voudrais pas que ce fût au prix de la santé de Monsieur: Dieu a ses desseins de miséricorde.
Oh! oui, vous avez besoin de repos, mes pauvres filles, et je vois bien que vous n'en prenez pas assez. Que faire? Tout ce que vous pourrez pour économiser le temps pour le repos et vos devoirs urgents, et laisser aller le reste sous la conduite et la grâce de la divine Providence.
Vous avez bien fait de passer outre pour la sainte Communion, vous êtes dans vos droits.
Pas d'examen de retour sur vos prières et même sur l'audition de la sainte Messe le dimanche. Allez toujours de l'avant comme les pauvres qui, une fois l'aumône reçue et remercié, ne reviennent plus en arrière et ne s'en inquiètent plus.
Ce que vous pouvez et devez faire par devoir, faites-le de suite, et ne le renvoyez pas trop, parce que ce renvoi est une inquiétude. Puis, quand vous êtes avec le Bon Dieu, oubliez tout le reste.
Il y a bien longtemps que Mlle Stéphanie ne m'a rien dit!
Je vous bénis toutes les deux et suis en N.-S.,
Chère fille,
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 10 Octobre 1858.
BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,
Je sentais venir votre lettre, car déjà je regardais vers le Sud-Est et j'allais dire: Que fait-elle cette bonne fille? Est-ce donc qu'on est malade? en voyage? Je comprends que vous ne devez pas vous appartenir, car vous vous laissez si bien prendre; mais c'est bon quand on est chez les autres de se prêter en douce et aimable charité, sans cependant oublier l'Ami du coeur, le divin Hôte, Celui pour qui tout est fait et en qui seulement tout est aimable.
Je partage un peu votre joie de vous savoir avec votre petite et aimable famille; soyez toute bonne avec elle, car la religion lui sera plus aimable. Ayez une douce et habituelle conversation avec votre intérieur et ne le perdez pas de vue si vous voulez être comme celui qui disait: "Jésus est ma joie et mon bonheur!"
Allons! oui, nous prions et prierons pour cette heureuse fécondité, mais un enfant de bénédiction est le fruit de la prière et de l'aumône.
Ne jeûnez pas; comment, vous venez des eaux encore toute délabrée! puis, je vous le commande: ni jeûne, ni maigre. Ayez ce soin de ce pauvre bâton de voyage, car il est faible.
Acceptez bien les mortifications que Dieu vous envoie et vous serez bien sage.
Je n'ai pas besoin de vous dire avec quels sentiments de dévouement je vous suis uni en N.-S.
EYMARD.
P.-S. Mes affectueux hommages à votre famille.
Paris, rue Faubourg Saint-Jacques, 68, 25 Novembre 1858.
Bien cher Monsieur Nègre,
Qu'il y a donc longtemps que je ne vous ai écrit! Il faut toute votre bonté pour me pardonner cette paresse. Je fais comme les retardataires, je renvoie toujours à demain, et cependant mon coeur se porte si souvent vers vous et votre chère et aimable famille!
Ce qui me fait écrire aujourd'hui vous causera peut-être de la joie et de la surprise en même temps.
Mme Duhaut-Cilly va pour une affaire importante à Toulon et y restera quelques semaines; la santé de Mlle Rose demande un peu le climat de Toulon. J'ai pensé l'envoyer avec Mme Duhaut-Cilly passer l'hiver près de vous. Ce n'est pas qu'elle soit malade, mais elle a besoin de quelques soins de la bonne mère. C'est pour nous un grand sacrifice, quoique momentané. Cette bonne fille a été heureuse de la pensée d'aller vous embrasser; elle est si bonne et si affectueuse! Elle a bien mérité du Bon Dieu, car elle nous édifie bien.
Il y a quelque temps, elle avait repris ses vomissements, cela m'inquiétait; ils ont passé; ses yeux, quoique faibles, me paraissent assez bien.
Pour moi, bon père Nègre, je vais, à la fin du mois, passer bien près de vous à Marseille. Je vais à Rome porter aux pieds du Souverain Pontife le premier hommage de notre petite Société que Dieu bénit.
Nous voilà douze, dont huit prêtres.
Si, en revenant, je puis passer par Toulon, j'irai vous embrasser, et vous aurez ma première et dernière visite.
Mme Duhaut-Cilly pense partir vers la fin de la semaine ou au commencement de l'autre.
Mes bien vives amitiés à toute la famille. Votre pieux abbé va bien.
Tout à vous.
EYMARD.
P.-S. - J'écrirai sous peu à Mr Teissier, sur mon affaire de Mr Marzion.
Paris, rue Faubourg-Saint-Jacques 68, le 25 Novembre 1858.
MADAME ET BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,
Vous avez failli recevoir un pèlerin de Rome demandant l'aumône du voyage et priant pour la charité reçue. Ce pèlerin c'est moi: je vais à Rome, mettre aux pieds du Pape notre petite Société, et lui soumettre les principes sur lesquels nous désirons fonder.
Je pense partir de Paris mardi à 2 heures et arriver le matin à Lyon. Je vous bénirai en passant, avec le regret de ne pouvoir aller vous voir; car, si j'avais le temps, je serais heureux de dire la Messe à Ainay.
Vous me tenez bien en rigueur, il y a longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles! Et cependant vous savez combien elles me sont chères et combien j'aime à vous savoir forte sous la Croix, grande en l'amour, généreuse en la divine charité, pieuse en l'oraison, brûlante en la divine et aimable Eucharistie. Je prierai bien pour vous sur le tombeau de saint Pierre et de saint Paul, ces deux colonnes de la sainte Eglise; en retour, priez bien pour moi.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S. S. S.
Paris, 3 Décembre 1858.
Faut-il encore, chère fille, venir vous demander grâce? Je ne la mérite guère et cependant j'ai bien du regret de vous avoir laissée sans réponse, car je voulais vous gronder d'avoir été si généreuse au temps de vos souffrances. Je sais bien que la sainte Communion est un excellent remède, mais quand on est cloué à la croix, il faut y rester tant que Dieu le veut.
Je vais à Rome, vous avez ma dernière lettre, je n'ai pas voulu partir sans vous dire au moins un mot.
Si je pouvais vous y être utile, vous pouvez m'écrire - chez les PP.Capucins, au Révérend P. Alphonse, Procureur Général. Je vais mettre aux pieds du Souverain Pontife notre petite société: elle ne veut vivre que sous l'action vivifiante du Saint-Siège. Priez pour moi, bonne fille, je le fais bien pour vous, car votre âme m'est très chère en N.-S.
Tout vôtre.
EYMARD.
Paris, 3 décembre 1858.
Excusez-moi, bonne soeur, je me reproche bien de vous avoir laissée si longtemps; Dieu me prend et le prochain, de sorte que je puis à peine écrire.
Mais le bon Maître sait bien que je vous suis et reste uni en sa divine charité et que vos oeuvres sont les miennes. Je vais à Rome, je pars ce soir; priez pour moi.
Je vais mettre aux pieds du Pape notre petite Société, lui demander sa bénédiction sur ce petit Grain de sénevé.
Je prierai bien pour vous, chère fille, pour votre mari et pour vos chers enfants, et pour votre Père et votre soeur que je n'ai pourtant pas vue; et vous, aimez toujours comme l'Ange aime; souffrez toujours comme Jésus souffre; priez toujours comme Marie la divine Mère de Jésus prie. Mettez le feu partout.
Adieu; je vous bénis.
Tout à vous.
EYMARD, S. S.
(*) Cette formule est lithographiée.
Rome, 11 Décembre 1858.
Bien chères filles en Notre-Seigneur,
Me voici à Rome. Dieu m'a conduit et protégé. J'y suis arrivé sans accident et sans grande souffrance; je n'ai pas pris le mal de mer. Ma première Messe le jeudi a été dite sur le corps de Ste Catherine de Sienne, chez les Dominicains à la Minerve. J'étais heureux de pouvoir prier sur le corps de cette Sainte, qui a tant aimé Notre-Seigneur au T. S. Sacrement et qui a si bien servi l'Eglise.
J'ai prié sur le tombeau si vénéré de saint Pierre; là on sent toutes vivantes ces paroles divines de Notre-Seigneur: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle.
Vraiment la Religion est belle et grande à Rome. La foi est profonde et vive dans ce peuple. Sa dévotion au T. S. Sacrement est grande, mais sa dévotion à la T. Ste Vierge surpasse tout ce que vous pouvez vous imaginer. Dans toutes les rues, vous voyez, et plusieurs souvent, statues ou images de la T. Ste Vierge, devant lesquelles brûlent plusieurs lampes la nuit; presque dans chaque maison, à l'endroit le plus honorable, est une image de la T. Sainte Vierge avec une lampe qui brûle toujours devant.
Presque à tous les pas, vous voyez et saluez cette bonne Mère: cela réjouit mon coeur de voir la T. Ste Vierge si honorée et si aimée.
On sent à Rome que la Religion est chez elle et que tout lui appartient.
Ce peuple romain dont on dit tant de mal a un bien au-dessus de tous les biens: une foi forte et vive et une très grande dévotion à la Ste Vierge; avec cela on revient de bien loin, et bientôt.
Continuez bien à prier, mes chères filles, c'est le moment; je vais bien, mais je sens que j'ai besoin de bien prier et de me tenir bien uni à Notre-Seigneur. Ce n'est donc qu'un salut que je vous envoie aujourd'hui et un souvenir devant Notre-Seigneur.
Tout à vous.
EYMARD.
Mademoiselle Guillot,
66 rue fg St-Jacques,
Paris.