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Nr.0721

An Frau v. Grandville

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 20 Décembre 1857.

BONNE ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Si vous saviez tout ce que j'ai eu à faire, vous m'excuseriez un peu. Sous le poids de cette pluie battante j'avais à peine le temps de respirer. - Enfin notre maison est vendue, et nous voilà obligés de sortir d'ici au mois de Mars. - Mais notre bon Maître sait bien où est son cénacle. Il nous l'indiquera, je l'espère. Priez un peu avec nous.

J'ai tout reçu, mais je vous gronderais d'avoir chauffé votre calorifère avec tant de prodigalité. Merci donc, que Dieu vous le rende en grâce. La personne est venue. J'en viens à votre première lettre.

Méditation. - Faites-en tous les matins un peu à votre lever, pour ne pas en perdre la sainte habitude. Arrangez votre coucher le soir pour avoir le temps nécessaire du repos. Levez-vous un peu avant les autres, s'il le faut. L'âme bien nourrie, le corps se porte mieux. Mais quand vous avez une migraine commencée, point de méditation: contentez-vous de la Messe et de la sainte Communion. Que ce soit là une règle générale pour toutes vos maladies et migraines.

Confession. - C'est bien de se confesser toutes les semaines, là-dessus je trouve que vous avez gagné; mais avec votre conscience même douteuse sur vos péchés même mortels, si vous ne pouviez pas vous confesser dans la huitaine, vous pouvez et devez faire la sainte Communion durant la quinzaine, le quinzième jour compris. Confessez-vous, ma fille, pour recevoir la grâce de l'absolution; le reste, regardez-le comme de surcroît.

Méprisez toute crainte, toute inquiétude sur la confession et la contrition, laissez le reste à la divine miséricorde.

3· Je suis content de voir que vous ne laissez pas la sainte Communion, - c'est votre force et votre vertu -; allez-y comme pauvre, malade, infirme, ou comme la fille ou l'épouse de Notre-Seigneur, mais allez-y toujours.

Antipathie.- Elle est presque vaincue, mais soignez-la de près, c'est comme la fièvre quarte. Travaillez au silence dans le moment des émotions et à la volonté de Dieu dans l'action.

Sympathie. - Non, non, ne vous reprochez donc pas tant tous ces sentiments de vieille reconnaissance, de vieille affection; soyez tranquille: le temps, le vide des créatures, l'amour de Dieu plus grand, tout cela remettra tout dans l'ordre. Quand vous y avez trop pensé et trop souffert, dites avec un Saint: "Mon Dieu, je ne m'attacherai désormais qu'à vous", et cela dit, c'est votre absolution.

6· Première peine de conscience: ce déplacement de misères ne fait rien à la décision donnée. Suivez la même règle et méprisez, quel que soit le trouble: - le sentiment n'est pas un consentement -; là-dessus accusation en général, pas de détails.

7· Communiez contre votre conscience douteuse et la crainte même d'avoir fait des péchés mortels - péchés douteux, péchés nuls pour vous - et si vous avez quelque chose à vous reprocher, cela ne va pas au mortel.

Nourrissez-vous de la confiance de la sainte bonté de Jésus-Christ; dites souvent: "Mon Dieu, votre miséricorde vaut mieux que la vie la plus héroïque, la plus pieuse." Que ce soit là votre carte d'entrée aux noces de l'Agneau.

Je vous bénis, ma fille; Dieu vous aime, aimez-le bien.

Tout à vous en Jésus-Christ.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0722

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, Noël 1857.

Bonne fille,

Nous sommes toujours sur la croix; le démon fait l'impossible pour nous empêcher d'acquérir cette maison que nous avons en vue; mais Jésus est Roi, il ne peut être vaincu.

Ce beau jour de Noël est un jour de douleur pour moi. J'étais hier soir d'adoration de 11 h. à minuit, j'étais fort; aujourd'hui je voudrais pouvoir verser quelques larmes, cela me soulagerait. Hier en allant à l'Archevêché pour parler encore de cette maison, j'ai pleuré, chose qui ne m'était pas arrivée depuis bien longtemps.

C'est bon tout cela. Oui, de bon coeur je reçois Mme Richard postulante de la Société du T. S. Sacrement, et l'associe à toutes nos bonnes oeuvres, et à notre sainte Oeuvre, et quand l'heure d'entrer dans la communauté des adoratrices et comme la... servante de Jésus sera arrivée, alors je la recevrai ainsi que M. Richard; mais il faut qu'elle vous soit bien obéissante, et qu'elle s'exerce à faire par amour de Jésus et de Marie et de Joseph tout ce qui coûte le plus à la nature et tout ce qui est le plus crucifiant dans le service de Jésus.

Merci de tout. Oui, grande merci, pauvre fille. Nous vous rendrons tout ici, car c'est pour vous que vous travaillez.

Je désire recevoir toutes vos soeurs si Dieu les appelle: vous êtes ma famille.

Adieu. Je n'ai que le temps de vous bénir.

EYMARD.


Nr.0723

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 1er Janvier 1858.

Bien chères filles en Notre-Seigneur,

Je viens de dire la sainte Messe: c'est là, en tenant Jésus, que je vous ai fait mes premiers voeux, et vous comprenez combien ils sont sincères et dévoués. Qu'ai-je demandé à Jésus? - D'abord son saint amour, car c'est tout. Dieu aimé, c'est la vie du temps et de l'éternité. Je ne puis donc vous souhaiter quelque chose de plus grand, de plus heureux. Oui, chères filles, aimez le bon Dieu, ce bon Jésus qui est l'amour substantiel qui nous a tant aimé, et qui nous aimera toujours. Demandez-lui la science de l'amour: c'est la science des sciences, c'est la science de Dieu. Que l'on soit pauvre, souffrant, mépris, sur la terre: tout cela n'est rien; mais si l'on aime Dieu, on est riche de Dieu même.

Vous êtes bien éprouvées, pauvres filles; la croix est longue et semble n'avoir pas de fin. Ah! c'est qu'elle touche au Ciel, qu'elle en est le chemin le plus sûr et le plus court, c'est que la souffrance est le plus grand travail de l'amour.

A ce souhait, je joins celui de partager mon bonheur et mon sort eucharistique; non nos peines et nos petites épreuves, mais nos joies et notre vie.

Un jour viendra que tout ce précaire sera fixé, et que le Cénacle pourra être comme celui de Jérusalem. Que je serais content si je pouvais un jour vous donner à chacune une cellule autour du T. S. Sacrement! C'est là ma prière de tous les jours.

Pour nous, nous allons bien, puisque l'adoration ne cesse pas. Sur un champ de bataille on reçoit toujours quelques petites blessures.

L'affaire de notre maison à acheter est en bonne voie. J'espère qu'au moment de l'acte Jésus payera ses dettes; car enfin, ce n'est pas aux soldats à loger leur Roi, ni aux serviteurs à payer leur maître. Il faut toujours prier: tant de choses peuvent encore entraver cette affaire! J'espère qu'une fois casé, le bon Dieu remplira sa maison de bons adorateurs.

Adieu, mes bonnes filles, sainte joie, suave paix, aimable charité.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

Mademoiselle Marguerite.

Le P. Ch. m'a fait part de votre dernière lettre... m'ont offert 5000 fr (entre nous) à emprunter: je les ai acceptés. Elles ne peuvent faire plus. Mlle de R. ne le peut; ne lui parlez pas de moi la première, ce n'est pas une âme eucharistique.

Mon Dieu! Quelle misère que cet argent! Peut-être Notre-Seigneur fera-t-il comme à St Pierre en lui faisant trouver de l'argent dans un poisson.

Nous prions bien pour Mgr Sibour; c'est déjà une grande grâce que, à l'archevêché, on soit revenu des préjugés et qu'on nous laisse en paix et même que l'on consente à nous vendre; maintenant on nous traite en pauvres, mais honnêtes gens ... (5 lignes et demie effacées) ... l'épreuve bien sensible que j'ai eue samedi matin.

Je vous bénis. Adieu.

Tout vôtre en Jésus-Christ.

EYD.

Pour le moment nous avons assez de messes. Merci au P. Br.


Nr.0724

An Marianne Eymard

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 1er Janvier 1858.

BIEN CHERES SOEURS,

Je viens vous souhaiter la bonne année, comme quand j'étais petit; seulement je vous souhaite maintenant de plus grandes choses et je fais pour vous des voeux plus spirituels. Oui, mes chères soeurs, aimons bien Notre-Seigneur et surtout au Très Saint Sacrement, où seulement il réside comme au ciel, et cela pour l'amour de nous.

Servez bien Notre-Seigneur dans la sainte et adorable Eucharistie, comme les Anges le servent dans le ciel et sur la terre. Vous surtout, chère Nanette, qui approchez de plus près du saint Tabernacle, qui ornez les autels et les appropriez, vous faites ce que faisait la Sainte Vierge.

La vie la plus longue, la plus belle, la plus riche n'est qu'une mort, - digne de larmes lorsqu'elle n'a pas pour fin Jésus-Christ.

23 Janvier. - Je n'ai pu finir ma lettre, chère soeur, j'ai été excessivement occupé à l'occasion de notre nouveau déplacement. Nous sommes sur le point d'acheter une petite maison, et je croyais que la chose allait se terminer de jour en jour, c'est ce qui m'a tant arrêté; ce ne sera que dans la quinzaine qu'elle sera terminée, si de nouveaux obstacles ne surviennent pas, ou plutôt si Dieu le veut.

Cette maison n'est pas belle ni dans le centre de Paris, ce qui exigerait une fortune plus grande que la nôtre, puisque ni les uns ni les autres ne sommes riches; elle nous suffira, il y a un jardin même bien grand pour Paris.

Je vais bien, Paris est tranquille, nous devons bien remercier Dieu et la Très Sainte Vierge d'avoir préservé l'Empereur et sauvé miraculeusement. Il est bon, l'Empereur, il fait beaucoup de bien, surtout aux ouvriers; ceux qui ne l'aiment pas sont bien ennemis de la France et des ingrats.

Le Bon Dieu nous bénit toujours en bon Père et nous sommes toujours très heureux. Je n'ai pas eu des nouvelles du petit Perret, je vais lui écrire; je n'ai pu le voir à son passage à Paris, ce jour-là j'avais la migraine. Mais par le fils Viallet, il est facile d'en avoir; d'ailleurs c'est une excellente maison et je suis sûr d'avance qu'il y est bien.

Mr Second va à La Mure lundi; il m'a promis d'aller vous voir: c'est un excellent ami. Si la petite caisse où sont ces tableaux au galetas ne le gêne pas trop, donnez-la-lui, il me l'expédiera de Grenoble; je serais content de les avoir, je les ferais retoucher à Paris.

Adieu, chères soeurs, que Dieu vous bénisse et vous conserve.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0725

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 10 Janvier 1858.

Bien chère fille,

Comme le bon Dieu nous aime! Quel bonheur de recevoir le bon P. Bruneau, cet homme de mon coeur! Qu'il soit béni! Je suis aise de la manière dont tout c'est passé. Tout ira bien: qu'il se repose un peu!...

Merci, bonne fille, de votre lettre sur Ars; elle nous a tous bien consolés et bien édifiés; que le bon Dieu est bon!

Maintenant nous attendons l'heure de voir l'achat terminé. Nous prions bien que le démon ne vienne pas encore entraver cette affaire; car tant de longueurs et de courses nous font quelquefois désirer d'en voir la fin.

Je prie beaucoup pour vous toutes...

Je vais vous envoyer bientôt le billet de Mlle Billard signé par le P. champion.

J'attends ses 700 fr. quand ils seront libres.

Eh bien! les tempêtes sont elles finies? Pauvres fille! Mais vous seriez à demi-morte que nous vous recevrions comme la fille aînée.

Tout à vous.

EYMARD.

Mademoiselle Guillot Marguerite,

17 Rue du Juge de Paix, Fourvière.

Lyon (Rhône).


Nr.0726

A MONSIEUR l'Abbé HUAN. (Il avait fait un essai Rue d'Enfer.)

Nota: Cette lettre a été remise au T.R.P.Moulin, Provincial de Paris par l'Evêque d'Angoulême. En janvier 1957, lors de fêtes du Centenaire de la première Exposition, à la Rue d'Enfer, le T.R.P. Postulateur (P.H.Evers) put la prendre pour les Archives de la Maison Généralice. Le nom n'y est pas indiqué, mais d'après les Archives, il y avait un prêtre d'Angoulême, à cette époque (1856-1857) du nom de HUAN

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Paris 10 janvier 1858

Bien cher confrère,

Comme je suis en retard avec vous! et envers tous! La paresse à faire des lettres est toujours mon péché dominant.

Puis nous avons été si occupés depuis quelque temps, décidément la villa Chateaubriand est vendue et c'est la communauté des Soeurs aveugles de Bourg la Reine qui a été préférée, il y a un(e) échange de leur propriété qui va devenir, dit-on, la maison de campagne de Son Eminence.

Il faut donc forcément nous caser ailleurs, la divine Providence est là autour de nous, nous espérons nous caser dans ces quartiers, nos ressources ne nous permettant pas encore d'aller dans l'intérieur de la ville à moins que Notre Seigneur /ne/ nous donne les Billettes un jour, il est tout puissant.-

C'est au commencement d'avril que nous devons sortir d'ici, aussi le temps presse. Vous comprenez que le diable fait tous ses efforts pour nous faire laisser à la rue, mais Notre Seigneur est plus fort.

La crise financière rend tout le monde timide, et c'est dans ce temps que nous pensons acheter.

Le P. Hermann est venu ici avec le T.R. P. Provincial, ils sont partis hier seulement, après onze jours de séjour, cela m'a fait une grande joie de le revoir, c'est toujours un ami tendre et dévoué à l'oeuvre du T. S. Sacrement. L'adoration fonctionne toujours comme de coutume; la chapelle est fréquentée comme de votre temps - vous y avons placé une jolie petite table de communion qui sépare les prêtres des fidèles, les frères n'y entrent qu'en soutane et en surplis - cela est bien plus régulier et plus beau.

Notre nouveau confrère se plaît bien ici, c'est un bon et fervent adorateur, nous ne sommes toujours que 6.

M. le Curé d'Asnière n'est pas encore entré, ainsi qu'un prêtre tout décidé à venir - nous préférons attendre que Notre Seigneur soit chez lui.

Tous les jours, cher confrère, ma pensée comme mon coeur vont vers vous, et vous avez la première part à nos faibles prières, c'est bien juste, vous avez été le premier au combat. Si Dieu n'a pas voulu que vous continuassiez, il a ses desseins, mais vous n'en serez devenu que plus pieux et plus apostolique.

Le P. de Cuers a ces temps-ci sa tête un peu lourde, mais il continue son service avec cette force que vous lui connaissez.

Adieu, bien cher confrère, ménagez-vous, je remercie bien le bon Dieu, de vous avoir guéri, car il y a encore tant à faire.

Tout à vous en N. S.

EYMARD


Nr.0727

An Elisab. Mayet

Paris, 16 janvier 1858

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Merci, chère fille en N.S., de votre bon souvenir, de vos voeux, de vos prières. Je reconnais bien là l'esprit et la vertu de famille, il ne se passe pas de jours sans que je pense à vous tous; le coeur ne meurt pas...Que de fois je vais faire le pèlerinage de Bramefaim et là je compatis, je bénis et je pleurerais, si je n'avais la main de Dieu. Sainte famille, il faut que la grâce qui descend à flots sur elle soit teinte de sang.

Et votre bon Tonny! ah, que j'ai craint et souffert à l'occasion de la crise financière des Etats Unis, votre lettre m'a mis le baume dans âme, merci. Un bon fils, un bon frère, un bon Père, un fidèle ami est toujours béni de Dieu et des hommes.

Tant mieux que vous ne soyez pas allée en Océanie, je ne vous l'aurais pas conseillé. Votre place est à Lyon, faisant le bien, aimant et servant bien le bon Dieu et restant toujours le lien et le rendez-vous de la famille.

Le bon Père Mayet travaille toujours bien pour Dieu et la T.S.Vierge, j'en suis heureux. Dites-lui bien que je suis toujours le Père Eymard d'autrefois, qu'entre Jésus et Marie il n'y a que nos coeurs.

Et vous, bonne fille, vous êtes assez sage et grande pour savoir que le monde est rempli de misères, que dans les serviteurs de Dieu, il y a un reste de folie du vieux Père Adam, qu'il faut cheminer en patience et en piété au milieu de cet hôpital, jusqu'à ce beau rivage de la Patrie céleste.

Surtout tenez-vous bien près de votre bonne et aimable mère.- Soyez toujours joyeuse dans le service de Dieu. Vivez de son amour - et rien ne vous troublera.

Adieu, bonne et chère fille. Tout à vous en N.S.

Eymard.

P.S. J'oubliais de vous dire que ma santé va toujours.

J'en suis étonné moi-même. Notre petite oeuvre croît au milieu des épines, elle croît comme ce que Dieu bénit. -Ah! si nous étions assez morts à nous-mêmes, nous serions déjà plus grands, - mais - Dieu fera et fait tout.


Nr.0728

An Frau Jordan

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 16 Janvier 1858.

MADAME ET BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,

J'ai fait comme vous; vous avez été des premières que j'aie bénies et que j'aie présentées à Notre-Seigneur dès quatre heures du matin au pieds du Très Saint Sacrement. C'est bien juste, vous avez ce droit acquis, je suis heureux de vous le reconnaître; seulement, nous faisons comme ceux qui demeurent à l'extrémité du monde, le monde des âmes fait oublier le reste.

Mes voeux pour vous, bonne fille, c'est l'amour de Jésus afin que vous soyez plus grande que vos croix, plus forte que vos peines, et surtout que votre coeur y trouve ce bien dont il a tant besoin! Votre pauvre coeur doit être bien sillonné, bien crucifié en ce monde; mais, comme il sera heureux en l'autre! Pour être un peu bonne en votre calvaire, il faut que vous soyez très vertueuse en la divine charité; et jusqu'à ce que vous puissiez trouver la paix et le repos en la Croix, il faut bien travailler à mourir à vous-même et à tout désir terrestre.

En voilà assez pour vous. Et cette bonne Mathilde? Que Dieu la rende mère: mère d'un Samuel, mère d'un Jean-Baptiste, mère d'un Saint. Qu'elle prie bien, et elle sera exaucée. Dieu fait avec elle comme il a fait pour les enfants de bénédiction. Dites-lui bien que nous prions bien pour elle et pour ses désirs.

Pour nous, nous cheminons toujours en la grâce de Dieu sur notre petite, mais bien belle Oeuvre. Je m'estime bien heureux que Notre-Seigneur ait daigné m'appeler à une si belle vie, et j'ose dire que toutes les petites croix, toutes les épreuves et humiliations qui m'arrivent de temps en temps me font du bien et réjouissent mon âme: car c'est là la pluie du Ciel.

Il m'en a bien coûté de sacrifier l'affection et l'estime de la Société de Marie, il m'en coûte de savoir qu'on ne nous y aime plus; mais c'est là la pluie de l'Arc-en-Ciel. Que Dieu est bon, surtout quand il vous fait comprendre que lui seul est le centre, la grâce et la fin de tout!

Nous voilà décidément à la rue: dans deux mois et demi, il faut sortir d'ici; mais où aller? Nous regarderons la nuée du désert, nous dirons au Maître: OU voulez-vous faire la Pâques?

Priez bien pour nous, et vous savez avec quelle affection je vous le rends; je dis toujours votre chapelet qui se casse à tout moment.

Adieu.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S. S. S.


Nr.0729

An Frau Tholin

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie

Paris, 16 Janvier 1858.

Merci, bonne fille, de vos voeux et de vos prières; elles arrivent bien à propos, car Notre-Seigneur nous aime avec lui sur la Croix de son amour. Qu'il en soit béni. Mais une chose va bien: c'est l'adoration, et c'est là l'essentiel. Que Jésus soit adoré, aimé et servi, et le reste n'est rien.

Nous devons quitter ici à la fin mars; nous attendons en tout abandon, en l'amour de notre Père céleste qui sait bien ce qu'il nous faut et ce qui est de la gloire de son divin Fils.

J'ai bien partagé votre croix et votre souffrance, chère fille, et maintenant je rends grâce à Dieu de vous avoir guéri votre mari. Que Dieu lui donne encore plus sa grâce et son amour, car la vie sans l'amour de Dieu est une triste mort; vos pauvres enfants ont d- souffrir, mais vous les dédommagerez.

Que de grâces se préparent pour vous! votre mère au Ciel, votre père religieux, votre soeur toute à Dieu, vos enfants sages, votre mari en voie: voyez si vous ne devez pas vous consumer en amour et en actions de grâces!

Allons, bonne fille, n'oubliez pas d'arroser nos voeux eucharistiques.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD, S. S. S.

Madame Tholin.


Nr.0730

An Frau Sauvestre de la Bouralière

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, le 19 Janvier 1858.

Madame,

J'ai reçu ce matin les quinze mille francs que vous avez la bonté de nous prêter à titre de prêt pour nous aider dans l'achat de notre maison; la maison même en répond, ainsi que notre petit avoir. Je n'ai pas le temps d'aller en ville chercher un papier timbré pour vous envoyer un billet en règle; ceci en attendant servira de reconnaissance.

J'ai reçu aussi la somme que le bon P. Hermann avait pour notre Oeuvre, ce qui, réuni à la vôtre, fait 54.000 fr. Pour joindre le total de 70.000 fr., il faudra que le Bon Dieu nous vienne bien en aide; puis les frais qui s'élèveront, je pense, à 6.000 fr. Je tiens à payer comptant pour gagner 5.000 fr., car autrement il faudrait compter dans trois ans 75.000 fr., plus les frais.

Hier au soir j'ai appris que ce ne serait que dans les premiers jours de février que l'acte serait fait. J'ai besoin de quelques jours pour être en mesure; la divine Providence est une bonne Mère.

Je ne puis assez vous remercier, bonne dame, de tout ce que vous faites pour l'Oeuvre eucharistique; le bon Maître vous rendra tout.

Je m'associe bien à votre bonheur pour la belle fête de saint Hilaire. Poitiers devait être tout en fête et surtout tout fier de sa gloire.

A bientôt, chère dame.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, Sup. des p. du T.S.S.


Nr.0731

An Mariette Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 29 Janvier 1858.

BIEN CHERE FILLE,

Oui, en effet, c'est bien long, dix-sept mois, et je serais tenté de vous reprocher votre trop grande délicatesse dans la crainte de me gêner; non, ma pauvre fille, vous ne me gênerez jamais et je serai toujours content de vous être utile.

J'ai bien lu toute votre lettre, et je vais essayer d'y répondre.

Méditation. - Ordinairement, ayez toujours un sujet préparé. Ceux que vous avez fixés sont bons; cependant, quand il y a une fête, ou qu'une vérité nous a bien frappés, il faut les prendre de préférence comme le sujet de la méditation.

Il faut supporter, ma pauvre fille, votre pauvreté spirituelle dans l'oraison comme étant une belle condition pour bien faire votre méditation. Le Bon Dieu n'a pas besoin de nos réflexions ni de nos paroles pour nous apprendre à l'aimer et nous donner sa sainte grâce, mais il veut que nous fassions tout ce que nous pouvons devant sa souveraine Majesté et pour lui prouver notre bonne volonté. Puis, quand nous avons épuisé notre pauvreté, alors, il vient à nous et nous donne sa sainte grâce.

Dans votre méditation, il ne faut pas tant réfléchir, il vaut mieux faire des actes de vertu; par exemple: en méditant sur la Passion de Jésus-Christ il faut faire d'abord un acte d'amour en voyant tout ce que ce bon Sauveur a souffert pour nous, puis un acte de reconnaissance de nous avoir tant aimés, d'avoir tant souffert pour nous, de nous en avoir donné la connaissance. Après, vous faites un acte d'amour des souffrances, et en particulier de celles que vous avez à souffrir dans le moment. Puis vous demandez la grâce et l'amour pour bien souffrir pour son amour. Et vous vous adressez à la Sainte Vierge, aux Saints, afin qu'ils prient pour vous obtenir cette grâce, et vous prenez la résolution de bien souffrir en silence et en patience telle et telle chose. Puis, voilà une excellente méditation.

Vous pouvez faire de même sur tous les autres sujets.

Communiez toujours, malgré vos distractions et votre pauvreté; la sainte Communion est pour vous la force, la grâce de la vie spirituelle; rejetez donc bien loin de vous la pensée de suspendre vos communions.

La confession doit vous être pénible et vous troubler un peu, parce que vous y apportez toujours les mêmes fautes d'impatience, d'immortification, de tiédeur, de peu de confiance en Dieu. Hélas! pauvre fille, ce sera là la poussiers du chemin que vous ramasserez tous les jours; notre amour-propre va toujours en croissant, et il faut toujours le combattre et le déraciner à mesure qu'il paraît. - Portez à la confession la bonne volonté, le désir de mieux faire, l'humilité du coeur, et je réponds du reste.

A votre âge, tout coûte; ce n'est que par l'esprit de foi et d'amour que l'on se soutient dans le service de Dieu. Puis, vous êtes la sainte Marthe de la maison; la charité, voilà la règle de votre piété: il faut faire marcher de front ces deux belles vertus.

Il faut, il est vrai, renoncer un peu au calme et à la douceur de cette piété tout unie à Dieu seul, comme Marie-Madeleine; mais confiance, la charité est le plus court chemin du ciel et la vertu la plus méritoire.

En tout, bonne fille, cherchez à plaire à Dieu, en faisant tout pour son amour, en ne cherchant d'autres consolations à vos peines que celles de lui être agréable; mais, ma pauvre fille, ne comptez pas avec le Bon Dieu, ne regardez pas si vous avancez ou si vous reculez, cela vous troublerait à pure perte; faites comme celui qui a encore beaucoup de chemin à faire, qui oublie ce qu'il a fait pour ne penser qu'à celui qui lui reste à faire.

Savez-vous votre richesse? c'est la miséricorde inépuisable et infinie de Dieu; voilà la clef du ciel, les fleurs de notre couronne, la derniers grâce d'une bonne et sainte mort.

Je bénis Dieu de vous avoir inspiré de m'écrire; votre lettre m'a fait un grand plaisir: il y avait si longtemps que vous ne m'aviez rien dit!

Nous allons toujours bien; notre petite Oeuvre est comme une barque au sein des mers, tantôt calme, tantôt agitée, mais Dieu la garde dans sa divine bonté. Les petites épreuves tournent toujours à bien. Nous sommes sur le point d'acheter une maison; il y a toujours de petites difficultés, c'est ce qui nous donne bonne espérance, parce que le succès viendra de Dieu seul.

Adieu, bonne fille, je vous bénis de tout mon coeur vous et tout votre famille.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

A Mademoiselle Mariette Guillot, 17,

rue du Juge de Paix,

Fourvière, Lyon (Rhône).


Nr.0732

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 31 Janvier 1858.

Bien chère fille en Notre-Seigneur,

Il y a bien longtemps que je ne vous ai pas écrit, quoique cependant nous recevions vos lettres toujours avec un nouveau plaisir; mais j'ai été si accablé et si paresseux quelquefois! Ce mois de janvier est toujours très pénible pour moi.

Dans les premiers jours de février je vous enverrai... signé par le P. Champion. Cette bonne fille nous rend un bien grand service et Notre-Seigneur lui fait un grand honneur de recevoir sa pierre à l'édifice eucharistique: je l'ai bien reconnue là; nous recevrons encore les 700 fr. dont vous me parlez et au même titre.

... (huit lignes effacées) ... alors tout serait réglé ainsi et nous payerions tout comptant, c'est-à-dire 70.000 fr. au lieu de 75.000: ce serait 5 mille francs de gagnés.

Mlle Monavon est une enfant d'avoir si mal compris ma réponse, mais j'en suis aise. Je ne veux pas que ces premiers éléments d'adoratrices fassent bruit maintenant, qu'on les regarde comme des religieuses; mais je veux qu'elles soient regardées simplement comme des personnes pieuses qui s'associent à nos adorations.

Je ne veux pas non plus de costume uniforme mais varié, afin que l'on ne dise pas plus qu'il y en a; voilà pourquoi je leur ai supprimé le bréviaire avec nous. Ces bonnes filles comprennent tout cela et elles s'y prêtent de bon coeur.

J'estime bien Mlle... je ne dis pas non; mais il faut laisser faire la grâce de Dieu. Mlle... est une bonne fille, mais il ne faut pas l'engager à rien.

Pour vous, je vois que tout va bien. Votre Bethléem et votre Nazareth se préparent. Courage et confiance! C'est aux noces du Roi que vous venez.

Ayez bien soin de cette bonne postulante; il faut... lui dire de bien prier.

Et le P. Brun.! Voilà donc que le jour de la décision s'approche. Je priais beaucoup pour lui ces jours-ci et surtout ce matin, quand en sortant de l'adoration le P. Ch. m'a fait lire sa lettre; vraiment le bon Dieu est bon, et comme il arrive à ses fins par les moyens de sa divine sagesse!

Je n'ai que le temps de vous bénir.

EYD.


Nr.0733

An Marg. Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, le 22 Février 1858.

Bonne fille,

On vous a de suite annoncé la bonne nouvelle; sans cela je l'aurais fait moi-même de suite; pauvre et heureuse maison! Elle vient bien de Dieu, elle nous sera chère, elle sera le Nazareth de l'Oeuvre, comme celle-ci aura été son Bethléem.

Oui, oui, la marche de la divin Providence est admirable; les difficultés deviennent des lumières et sont toujours de grandes grâces. Que Dieu est bon de nous avoir choisis et guidés pour cette belle Oeuvre! Plus je la vois, plus je l'apprécie! Ce qui me comble de joie, c'est de voir que personne n'a la gloire d'être son fondateur, son protecteur, son défenseur, sa loi. Quelle belle position elle a! Elle ne dépend que de Dieu et de la sainte Eglise. Elle a pour fin, pour centre, pour but premier et dernier, l'adorable Personne de Jésus-Christ au Très Saint Sacrement. Elle n'a rien et possède tout, elle semble ne rien faire, mais que sa vie est belle et puissante aux pieds du Dieu des miséricordes!

Dieu me fait la grâce de tout souffrir avec joie pour l'établissement de son règne eucharistique, d'estimer comme la plus grande grâce d'être ignoré et inconnu du monde et du monde religieux. Je sens qu'il faut que les racines soient cachées sous terre, et que ce petit feu soit couvert de cendres; aussi ai-je bien peur d'être connu ou découvert dans notre bel héritage. Je sens que ce n'est pas encore le moment de paraître; il faut grandir autour du divin Tabernacle et y vivre comme les Anges (presque invisibles). Maintenant nous commençons aujourd'hui les réparations les plus nécessaires à la chapelle; il faut commencer par le Maître; à Pâques nous voulons y entrer et ressusciter avec Jésus.

Pour vous, pauvres filles, dès que la maison que je vous destine sera prête, nous vous ferons signe; je pense que ce ne sera que vers le mois de mai, parce qu'il faut que tout soit bien sec et un peu convenable... (trois lignes effacées) ... Mr Richard pourrait-il venir bientôt? à Pâques par exemple?

J'écrirai sous peu à vos bonnes soeurs qui m'ont écrit; assurez-les de mon affectueux dévouement et du bonheur que j'aurai si le bon Dieu veut que je vous sois utile.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P. S. - Je vous envoie ci-inclus... cachète sa lettre. Nos Pères vont bien. Je ne puis assez remercier le bon Dieu du P. Ch. et du P. B.

25. - Je n'ai pu finir cette pauvre lettre qu'aujourd'hui.

Ecrivez-moi, pauvre fille, il me semble que vous avez le coeur et l'âme tristes. Allons! un peu de patience, bientôt viendra le jour heureux de l'Epoux pour venir à ses noces.

J'ai reçu ce matin d'un ami l'argent dont j'avais besoin samedi pour les frais de l'acte: voyez que le bon Dieu est bon! Tout arrive à point nommé.


Nr.0734

An Frau Jordan

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 26 Février 1858.

MADAME ET BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,

Votre lettre m'a bien attristé: vous étiez malade, et je ne le savais pas; vous auriez pu aller au Ciel, et sans me le dire. Allons! vous n'avez pas été bien sage.

N'est-ce pas que la maladie a sa méditation bien puissante! Près de l'Eternité, comme on juge sévèrement sa vie, et que la lumière du bien est claire et saisissante!

Ah! ce sont des messagères célestes, il faut bien les recevoir. J'espère, bonne fille, que vous allez en devenir meilleure. La première vérité à alimenter c'est la vérité pratique de la vanité, des biens, des plaisirs et des mondains; ne tenir à rien.

La seconde vérité, c'est de se donner, de se consacrer, de se dévouer, de s'immoler tout entière au service et à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

La troisième vérité, c'est de vivre de Jésus-Christ, en Jésus-Christ, pour Jésus-Christ; et pour cela il faut se mettre en communication habituelle et constante avec son esprit, ses vertus, son amour, sa croix, son Eucharistie. La vérité de Jésus est comme la lumière; pour en jouir, il faut se mettre en communication avec elle par les actes de la vie. L'amour de Jésus est comme le feu: il faut se mettre en rapport avec le feu pour le sentir, et c'est par l'amour pratique que l'on aime.

Allons, bonne fille, en voilà assez; vous devinez le reste, c'est là la porte de la grande salle du Festin du Roi.

Je suis tout heureux de vous annoncer qu'après toutes les misères, les épreuves, les déceptions, etc., nous avons acheté une maison, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 68; elle est grande, mais en pitoyable état. L'entrepreneur me disait hier: "Je n'ai jamais rien vu de si triste et de si délabré." Cela me fait grand plaisir. Il y a trois ans qu'elle est abandonnée. La première fois que j'y suis entré, j'en ai eu peur. La chapelle est bien et très bien, voilà ma joie; le Maître sera bien logé, c'est l'essentiel. Les hommes se tirent toujours d'affaire, la nature sait toujours si bien s'arranger et se réconforter! On répare avec activité; à Pâques nous y serons, s'il plaît à Dieu. Il y a un beau jardin, puis le calme, la paix et le soleil: nous sommes sept - quatre prêtres; un cinquième va venir. Voyez, bonne fille, comme Dieu sait tout adoucir et mêler la Croix avec la grâce.

Au milieu de tout ce déluge d'affaires, je vais bien. Dieu a choisi l'infirmité pour fortifier ou confondre ce qui est fort.

Merci de faire quelque chose pour Mr Laval, tâchez de le tirer d'affaire et d'aller le consoler. Il n'est pas mauvais, ni dangereux; mais, comme je vous le disais, il a trop bon coeur et ne connaît pas les hommes.

Adieu, je vous bénis et tous les vôtres.

Tout à vous en J.-C.

EYMARD, S. S.


Nr.0735

Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.

Mlle Marguerite.

Paris, 6 Mars 1858.

Bonne fille,

Merci de votre lettre. J'étais inquiet sur vous, j'allais vous écrire, vous sentant tout accablée de tristesse et de souffrances.

Il paraît que votre départ est prochain, car je vois l'agonie et la croix se succéder autour de vous: bon signe! Courage et confiance! Vous gagnez votre dot, elle est belle, riche, comme je vous la désire.

Voyez en vos combats Notre-Seigneur annonçant et promettant la sainte Eucharistie, puis les autres et mêmes ses disciples scandalisés, puis l'abandonner; mais je pense que, comme les Apôtres, vous sentez une force invincible au dedans de vous qui vous fortifie et vous soutient dans votre ferme résolution; tout cela n'est qu'une tempête qui fait voguer plus vite vers le port.

Je ne fixe pas de temps pour venir; venez quand vous le voudrez. Si j'avais un désir, ce serait que vous fussiez à Pâques ici, mais je sens bien que la maison que je vous destine ne sera pas encore prête. Elle le sera à la fin d'avril, afin que le mois de mai tout soit prêt.

On me dit beaucoup de bien de Mlle Bouillon, c'est bien; qu'elle vienne avec vous. Elle est bienheureuse d'être préférée à tant d'autres; mais il faut bien lui dire les choses. Si elle tient à l'extérieur d'un costume religieux, si elle s'attend à trouver une communauté toute montée, toute réglée, elle doit attendre alors; car nous ne sommes que dans les fondations. Cependant une chose est parfaite, c'est notre but, notre Règle, c'est en un mot la divine Eucharistie; là il n'y a rien à inventer, à créer à perfectionner: il n'y a qu'à adorer, à aimer, à servir ... (six lignes effacées) ...

Nous travaillons bien à notre chapelle, nous commençons par loger le Maître, c'est bien juste; je ne m'inquiète pas comment nous payerons tout cela; le bon Dieu est si bon! Tout arrive à point quand le besoin est là. Oh! oui, abandonnons-nous à la divine Providence, elle est si maternelle!

Le P. Bruneau va bien, il est plein de bonne volonté. Je crois que cette nouvelle vocation lui fera beaucoup de bien à l'âme; car, chez le P P. Maristes, il allait en perdant et peut-être même en se négligeant.

Le bon P. Champion est toujours bien fervent... (Trois lignes effacées) ...

Nous n'avons jamais eu aucun nuage.

8 Mars. - J'ai lu hier, avant de finir ma lettre, votre lettre au P. Champion et vos raisons d'ajourner au mois de mai, raisons que j'approuve. Elles sont justes et charitables: ainsi soit. C'était un peu par compassion pour vos luttes et vos peines que je permettais plus tôt.

J'ai laissé Mme D. Cilly et ses soeurs dans l'ignorance de ce que je pourrais faire pour vous loger...............

......................................................

Je ne lui ai rien dit de Mme Richard.

Adieu, ma fille, tenez bien votre âme calme et libre; voyez autour de vous le combat de la liberté et de l'amour divin.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0736

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 6 Mars 1858.

Mlle Claudine

Bien chère fille,

J'ai toujours eu la pensée que si Notre-Seigneur voulait une communauté de femmes pour le Très Saint Sacrement, vous suivriez votre soeur Marguerite si les autres soeurs n'en voulaient pas ou ne s'y sentaient pas appelées; ainsi, ce que vous me dites me fait grand bien et me réjouit en Notre-Seigneur. Vous savez avec quel bonheur je vous partagerai mon bonheur; il est bien grand, je n'ai jamais été si heureux qu'à présent et mieux portant, malgré toutes ces fatigues qui autrefois m'auraient mis au lit. C'est que nous servons un si bon Maître ! et qu'y a-t-il de plus beau et de meilleur que l'Eucharistie?

Tout ce que j'ai souffert m'est maintenant un grand sujet de joie et je n'ai qu'un regret, c'est celui de n'avoir pas plus souffert et mieux; mais à mesure que l'amour divin remplira mon âme, j'espère que cette sainte croix, qui en est la vie et le triomphe, ne me sera pas refusée. Ainsi, oui, bonne fille, je vous reçois dans la famille du Très Saint Sacrement. Je sais ce que vous êtes, ce que vous pouvez faire; ainsi, soyez tranquille là-dessus: vous venez, non pour être utile et travailler, mais pour bien aimer et servir, selon votre état, notre bon Maître et Seigneur.

Mlle Marguerite a bien tort de se faire du chagrin de son état; dites-lui de ne s'en plus faire; que Jésus, son Epoux et notre Roi, le veut ainsi.

En attendant, chère fille, laissez la Très Sainte Vierge vous préparer, et mourez à tout l'humain et le naturel pour ne plus vivre que de la vie eucharistique: vie de mort et d'amour.

Je vous bénis en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD.

A Mademoiselle Claudine Guillot,

17, rue du Juge de Paix,

Fourvière, Lyon.


Nr.0737

An Fräul. Agarithe Monavon

Tout pour Jésus-Hostie.

Paris, 8 Mars 1858.

Mademoiselle,

Merci de votre bon souvenir, il est rare. Je comprends que prise et reprise par tant de choses, votre plume ne peut sortir du cercle de Lyon, ou en courant seulement; puis, cette vie de peines et de douleurs absorbe souvent les sentiments extérieurs.

Merci de prier et de vous intéresser toujours à notre chère oeuvre. Dieu la bénit, il vient de la doter d'une chapelle, d'une maison et d'un beau jardin d'une superficie de 4.452 mètres; on dit ce total énorme pour Paris. Notre adresse à Pâques sera faubourg Saint-Jacques, 68.

Quant à Mr Marzion, ses amis sont son apologie: Mr Baudon, président général des conférences de Saint-Vincent de Paul, etc. Je l'ai vu souvent et je le trouve meilleur qu'on ne me l'a dit. C'est un homme de foi et d'une grande piété, capable de faire de grands sacrifices; je crois que dans toute cette affaire de l'Arche d'alliance et de l'Océanie, il y a eu quelque intrigue de la part de ses sous-chefs. J'en ai su quelque chose: un commis l'a desservi et je crois même l'a calomnié. Notre bon et saint ami a été trompé en partie par cet employé, et son âme si droite a tout cru, et a agi avec cette droiture et fermeté que vous lui connaissez. Je vois des personnes très honorables qui ont confiance en Mr Marzion; pour moi je lui ai rendu mon estime et mon affection;

Je vois de temps en temps Mr Foloppe: c'est toujours le bon chrétien, mais absorbé à Paris. Nous avons parlé de vous; il avoue sa lenteur, mais c'est une âme bien droite et que j'estime beaucoup.

On m'a dit, et c'est Mr d'Hareng, que Lyon aurait peut-être l'exposition des Quarante-Heures. Je me surprends à désirer aller y mettre le feu, à ce bon Lyon.

Adieu, Mademoiselle, votre mission est de prier tout en courant, ne nous oubliez pas.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.0738

An Fräul. Danion

Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.

Paris, 8 Mars 1858.

MADEMOISELLE ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Quel silence depuis quelque temps! Assurément c'est de ma faute! Voici que Mlle de Mauroy est revenue de Rome. J'ai depuis quelques jours le diplôme pour Mr l'abbé, et je vais le lui envoyer aujourd'hui: le voilà tout en règle, je suis peiné de ce retard.

Vous n'avez rien répondu à la nouvelle de l'entrée au Très Saint Sacrement du P. Champion. Un autre est venu encore; nous voilà quatre prêtres et bientôt cinq. Priez donc, chère soeur, pour que de bonnes et saintes vocations viennent grossir la petite famille eucharistique.

Nous venons d'acquérir une maison où se trouve une chapelle, faubourg Saint-Jacques, 68. Remerciez avec nous et pour nous notre bon Maître, car nous étions comme les Hébreux au désert.

A Pâques nous espérons y entrer; ce sera pour moi une grande consolation d'y ressusciter avec Jésus.

Vous comprenez que de voyages, que de soucis il a fallu pour arriver au résultat; c'est ce qui vous explique un peu mon silence.

J'espère donc m'occuper sérieusement, et jusqu'à son exécution, du Tiers-Ordre des prêtres; plusieurs l'attendent. Vous m'aiderez, n'est-ce pas? Croyez-moi toujours en N.-S.,

Chère soeur,

Votre tout uni en sa divine Eucharistie.

EYMARD, S.

P.-S. Mlle de Mauroy ne m'a pas donné autre chose; pour la validité du diplôme et des indulgences, il faut seulement avoir l'exequatur de l'Evêché sur la feuille. Si l'on n'a pas une formule de réception du Saint Scapulaire, on prend l'ordinaire, en y substituant les dénominations du Très Saint Sacrement, en attendant mieux. C'est ainsi que je fis à Lyon. D'ailleurs, ici la formule est libre.


Nr.0739

An Frau v. Grandville

Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.

Paris, 8 Mars 1858.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je devais vous écrire le lendemain de votre lettre pour vous prouver ma bonne volonté, mais depuis j'ai été sur un courant qui m'a emporté en haute mer.

Enfin notre maison est achetée, l'acte est passé, les ouvriers la réparent, nous espérons y entrer pour le saint jour de Pâques. La chapelle sera mieux que celle-ci. La maison est assez belle pour nous. Quand le Maître est logé décemment, les serviteurs sont contents. - Voilà un pas de fait dans l'ordre temporel, mais que de soucis me restent! Je vais, de temps en temps, faire comme ceux qui avec une hotte ramassent des pierres et vont se décharger au pierrier.

Diriez-vous, bonne fille, que la souffrance préparatoire m'a trouvé insensible au plaisir de l'acquisition? Ah! je le comprends mieux, Dieu seul suffit à l'âme. Sa possession est tous les biens, son amour tous les plaisirs, son service toute gloire. Rien ne peut remplacer Dieu, Il remplace divinement tout. La richesse souveraine est de viser, de tendre à avoir toujours moins; enfin le rien de Jésus-Christ.

Toutes ces secousses des hommes et des choses m'ont fait un grand bien à l'âme; elles me font trouver Dieu bien bon, et me forcent à m'abriter sous l'aile de sa divine bonté.

Que n'êtes-vous ici à Pâques, bonne fille! vous verriez notre nouveau cénacle à son début. Vous le verrez plus tard. Aujourd'hui on commande un confessionnal, j'en ris.

Soyez tout eucharistique en votre vie comme en vos oeuvres.

Vivez de la divine Eucharistie, comme les Hébreux de la manne, comme Marie de Jésus.

Je vous bénis en la divine charité et me dis

Tout à vous,

EYMARD.


Nr.0740

An Mariette Guillot

Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.

Paris, 8 Mars 1858.

CHERE FILLE,

Je vous fais toujours bien attendre ma réponse, hélas! j'en suis tout peiné; je suis comme ces gens qui ne savent trouver le temps à rien et qui paraissent très affairés. - Voilà donc notre maison achetée, grandes actions de grâce à rendre à Dieu. Mais maintenant arrivent les réparations énormes à faire, les soucis. Oh! oui, plus on possède, plus on est soucieux et pesant; heureux celui qui n'a rien ou qui ne tient à rien.

Vos deux soeurs désirent venir servir Jésus au Très Saint Sacrement, près de nous. Je ne puis rien leur refuser, ni à vous, ni à votre soeur Jenny, ni à votre famille. Je vous l'ai toujours dit, votre famille, c'est la mienne. Que de fois j'ai pensé que si ma soeur et Nanette mouraient avant moi, que je vous aurais remis tout notre petit patrimoine, comme à des soeurs! Je ne l'ai jamais dit, mais c'était bien arrêté en moi.

Vos deux soeurs vont venir dans quelque temps, quand tout sera prêt; mais j'espère bien qu'un jour vous y viendrez aussi, ainsi que Mlle Jenny, car vous ne pouvez pas rester séparées, ayant toujours été si unies. C'est là, chez moi, une pensée que j'ai eue dès le premier jour, car, je le répète, vous êtes ma première famille, et je ne puis pas être heureux sans vous partager mon bonheur; mais je ne voudrais pas vous partager mes petites croix: pour celles-ci je les garde, et ne veux que vous en donner les grâces.

Quant aux soins de vos soeurs, avant que vous veniez les soigner, soyez tranquille, c'est moi qui m'en charge. Je vous remercie bien de tous les détails que vous me donnez sur leurs infirmités; dites-moi bien tout ce qu'elles ne peuvent faire et ce qu'il leur faut.

Pour vous, je pense que vous allez rester ensemble avec Mlle Jenny .......................................................................

Je ne cesse de dire à ces Dames que je ne veux pas maintenant ni costume, ni extérieur de religieuses, mais qu'elles soient comme en famille. Ainsi à ceux qui vous diront: C'est un couvent, vous pouvez dire que non, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu d'en ordonner autrement.

Allons, bonne fille, ne vous faites pas de mauvais sang, et ne pleurez donc pas un bonheur que vous partagerez aussi, je l'espère, un jour.

Laissez penser et dire le monde. Mon parti à moi est bien pris aussi de laisser dire tout ce que l'on voudra contre moi; pourvu que Notre-Seigneur soit content de moi, je me ris de tout le reste; je n'en ai pas besoin. Dieu me donnera la bénédiction à la place de tout.

Allons, bonne fille, regardez tout cela comme un beau voyage et une heureuse visite vers Jésus. - Mes souvenirs tout de coeur à votre soeur Jenny, elle doit aussi bien souffrir. Ce sont là les arrhes du Bon Dieu.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


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