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1er Juillet 1856.
Je viens, ma chère fille, répondre quelques mots à votre lettre et vous dire d'abord que votre âme m'est encore plus chère depuis que Marie, notre bonne Mère, m'a donné à Jésus pour le servir dans le Sacrement de son amour.
Je ne puis vous dire la paix et la joie de mon âme de me voir appelé au divin Cénacle! A le préparer, rien ne me paraît vil ni humiliant. Nous avons fait les manoeuvres, les cireurs de parquet, les portiers; je crois que je me ferais même cuisinier. Tout est divin au service d'un Dieu.
Je ne sais pas si je verrai fleurir cette petite graine de sénevé; peu importe, pourvu qu'un jour Jésus soit glorifié; que dis-je? pourvu que je lui sois agréable par mes désirs.
Marie, ma bonne Mère, est doublement ma Mère parce que je lui dois cette seconde vocation. Oh! quand viendra le jour où nous exposerons solennellement ce Soleil de grâce et d'amour, et le verrons rayonner sur tout Paris et le monde! Priez bien, bonne fille, afin que nous devenions des saints, des hommes vraiment eucharistiques.
Pour vous, allez toujours en simplicité vers Dieu, oubliant comme l'enfant le passé, et vous proposant toujours de mieux faire et de plaire à Dieu. Ne vous tourmentez pas tant de votre froideur et incapacité: Bienheureux les pauvres d'esprit.
Le sommeil vous torture, c'est une terrible tentation; mais d'abord, prenez bien le temps de sommeil nécessaire. Arrangez-vous de manière à être libre le soir de tous vos exercices ordinaires de piété. On ne peut sans danger, à votre âge, se priver de sommeil.
Ne vous rendez pas esclave des soins de cette petite nièce. Cela nuirait à l'âme et au corps. Il faut être un peu à tout. Soyez la fille de la divine Providence, c'est le titre de votre bonne mère, il faut le partager et en être le disciple.
Adieu, bonne fille; tout ce qui vous trouble, méprisez-le; tout ce qui vous embrouille, laissez-le; tout ce qui vous porte à Dieu, dans la paix et la sainte liberté, jouissez-en comme d'une grande grâce.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
4 juillet 1856 (ou juin)
Le T.O. du T.S.Sacrement ne peut s'établir qu'après avoir fondé et assuré la Congrégation des prêtres qui commence à Paris.
Ne cessez d'élever vos voeux pour leur réussite, c'est l'oeuvre capitale de notre époque.
A Melle Giguet,
Pensionnaire Maison N.D. de Compassion,
Rue de l'Antiquaille, Lyon
Tout pour l'amour & la Gloire de Jésus Hostie
Paris, Rue d'Enfer 114, 4 juillet 1856
Mademoiselle & bien chère Soeur en Marie,
J'ai bien remercié Dieu de vous avoir épargnée, car je craignais beaucoup pour votre maison de Brottaux - Vous en aviez fait le sacrifice, tout vous reste & un mérite de plus.- ainsi la fortune de ce monde est appuyée sur une bien légère planche, & une goutte d'eau, une étincelle, un rien nous remet à la pauvreté de notre origine - mais les biens de la grâce de la gloire sont éternels en Dieu.
On m'a dit beaucoup de bien du P. Michon, il est pieux - calme & doux; on m'avait dit qu'il ne serait qu'en second, on cherche peut-être un homme plus âgé - mais le canal est insignifiant, s'il donne une eau pure.
Bonne résolution! La pureté d'intention est la pierre philosophale, le recueillement est le moule, & l'humilité l'ouvrier. - Vous avez parfaitement choisi, - reste le soin du travail, de l'arrosage, de la culture, & cela jusqu'à l'hiver de la mort.
Vous faites bien d'aller au moins dans le beau temps tous les mois près du P. Michon - c'est un bon exemple un acte de vertu & un lien précieux pour votre Ste charge.
Merci, grand merci de votre bon & constant souvenir devant Dieu, c'est la plus grande preuve, à mes yeux, de votre affection spirituelle - le reste est peu, ce qui est tout, c'est que nous soyons des saints, que nous accomplissions sa Ste Volonté, que nous procurions Sa gloire - oh! que de grâces on a besoin, quand on veut fonder une oeuvre semblable J'en suis effrayé, je n'ai qu'une consolation - c'est que la gloire de Dieu sera toute active & puissante en notre infirmité & misère.
Nous sommes au milieux des ouvriers de tout genre: maçons, serruriers, charpentiers, couvreurs &
On travaille à l'agrandissement de notre chapelle, dans 15 jours tout sera fini.-
Nous habitons la maison de Chateaubriand - J'occupe sa chambre en face de son beau cèdre du Liban & du parc magnifique qui en fait le séjour le plus délicieux & le plus calme de Paris - - Dieu nous aime bien!
Notre chapelle provisoire est l'ancien laboratoire du grand homme.- J.C. a pris sa place & là les inspirations de l'amour l'emportent sur le génie si beau du christianisme.
Nous ne sommes encore que trois; plusieurs vocations sont en travail, nous attendons quelques bons & saints Prêtres - mais il fallait avant préparer le Cénacle, - & quand tout sera prêt - Jésus y viendra avec ses Apôtres. Mais comment faisons-nous? comme les oiseaux des champs, ou mieux, nous disons au Roi... les soldats servent, mais le Roi les nourrit & les loge, & jusqu'à présent notre bon Roi, a bien soin de nous.-
Nous ornerons son sanctuaire, selon nos moyens, nous faisons d'abord comme les solitaires, les bergers, plus tard les arts & la magnificence viendront.-
Une belle moisson se présente, Paris! hélas! à Paris, que de misères spirituelles! quelle ignorance! quelle indifférence! Outre l'adoration perpétuelle nous avons 3 oeuvres de zèle (6) les 40 heures à prêcher dans les paroisses; les retraites l'oeuvre de la 1ère Communion des Adultes.- Oh! que d'hommes à Paris plus païens que les païens, sans 1ère Communion, sans mariage religieux, sans baptême!
Que de jolies choses, chère fille, vous m'apprenez sur votre belle-soeur, sur votre nièce &c. Mais que vous répondre? que vous avez été dans le droit? Oui. Pour le reste, c'est-à-dire, pour la voir & visiter; je le vois, les 1ères difficultés sont passées, reste l'impression pénible de ce passé bien triste & dont il vous est resté toute la croix mais aussi tout le mérite & une immense consolation - pour moi j'inclinerai pour la visite & le lien à renouer - à couse des enfants, & aussi par principe de sacrifice.
Je n'ai plus que la place de vous bénir, & de vous dire, avec quelle /sic/ affectueux dévouement, je vous suis uni & dévoué
Eyd
Mademoiselle
Mademoiselle de Revel
rue Ste Hélène
Lyon
Rhône
Nr. 0604
An Marianne Eymard
Tout pour Jésus.
Paris, rue d'Enfer, 114, le 5 Juillet 1856.
BIEN CHERES SOEURS,
Je viens vous donner de mes nouvelles, je me porte bien et mieux qu'à Lyon.
L'Oeuvre du Très Saint Sacrement est bénie de Dieu. Nous avons été au milieu des ouvriers jusqu'à présent; nous bâtissons une chapelle pour l'Adoration perpétuelle, elle sera finie, je l'espère, dans quinze jours. Je n'ai pas eu le temps de vous donner des détails de cette oeuvre si belle.
C'est une Société religieuse dont le but est l'adoration perpétuelle avec le Saint Sacrement exposé jour et nuit et adoré par des religieux et des séculiers qui vivent dans le monde et forment une association.
Les Pères du Très Saint Sacrement se dévouent au ministère eucharistique, savoir: à la prédication des Quarantes-Heures établies à Paris, à donner des retraites, à l'Oeuvre des Premières Communions des adultes, etc. Dieu a daigné se servir de moi pour diriger cette sainte oeuvre, malgré ma misère et mon indignité. Avant d'être fondée à Paris, cette Société a eu ses difficultés et ses épreuves.
L'ancien Supérieur Général, le P. Colin, m'avait encouragé à la faire; puis, ayant donné sa démission, le nouveau Supérieur qui lui a succédé n'ayant rien voulu prendre sur lui, alors la question de l'Oeuvre a été soumise au Pape qui l'a fortement encouragée et a conseillé de la commencer. Mais à Rome, on n'a pas conseillé de la faire dans la Société de Marie, de crainte qu'une oeuvre gênât l'autre ou lui fût nuisible. Le Conseil de Lyon était du même avis; alors, je suis venu à Paris, du consentement du Supérieur Général, faire une retraite entre les mains d'hommes de Dieu pour examiner si c'était la volonté de Dieu que je travaille à cette oeuvre. Trois évêques ont examiné cette question, les deux de Paris et celui de Carcassonne; après douze jours de retraite, de prières et d'examens, ils m'ont dit qu'ils croyaient que Dieu voulait que je me consacre à l'Oeuvre du Très Saint Sacrement et qu'il fallait la faire à Paris; et Monseigneur l'Archevêque nous a reçu dans une maison appartenant au diocèse et favorise l'Oeuvre eucharistique de tout son pouvoir. Me voilà donc dévoué à l'établissement de cette petite Société du Très Saint Sacrement, nous sommes plusieurs réunis. Mais pour travailler avec liberté, il a fallu demander la dispense de mes voeux de la Société de Marie pour faire ceux de la Société du Très Saint Sacrement et devenir religieux du Très Saint Sacrement, nom si beau qu'on nous a donné.
Je suis très heureux d'une si belle part et d'une si sainte vocation.
Maintenant, chères soeurs, il faut bien prier pour nous, afin que nous fassions bien saintement l'oeuvre de Dieu. Il y avait cinq ans que Dieu m'attirait vers cette pensée - on ne peut pas acheter trop cher une si grande grâce. Je ne puis encore vous dire quand je pourrai aller à La Mure, nous avons besoin avant de tout organiser.
Vous présenterez au bon Mr Cat mes affectueux et dévoués souvenirs, vous lui direz que mon commissionnaire à Rome a fait défaut et que je vais envoyer une troisième demande pour lui par Monseigneur le Nonce.
Tout à vous en N.-S.
Votre frère.
EYMARD, p. S. S. S.
Tour pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.
Paris, rue d'Enfer, 114, 5 Juillet 1856.
Bien cher ami,
Votre lettre m'a fait un plaisir bien grand; elle est la première que j'ai reçue de la part d'un fils et frère. Je suis heureux de voir que l'Oeuvre eucharistique à laquelle Dieu m'a fait la grâce de travailler a toutes vos sympathies religieuses, et que je n'ai rien perdu de votre affection.
Il m'en a bien coûté de dire à Dieu: "Coupez, brûlez, tranchez, pourvu que je vous sois agréable, et que je procure votre gloire." Si j'ai sacrifié le beau nom de Mariste, j'en ai conservé toute l'estime et tout l'amour d'un enfant à jamais dévoué. Marie donnant à Jésus un de ses religieux, et ce religieux étant moi, hélas! si pauvre et si misérable! j'ai la douce confiance que cette bonne Mère m'aimera toujours et me guidera en cette nouvelle voie. D'ailleurs, il n'y a rien de nouveau: c'est le culte perpétuel de la divine Eucharistie; c'est le ministère eucharistique, tout consacré à faire connaître, aimer, recevoir et glorifier Jésus en son Sacrement d'amour. - Je puis être misérable, pauvre, souffrant, pécheur; mais Jésus reste riche de ses grâces, mon Sauveur, le Dieu eucharistique, disant à tous: Venez à moi!
Oui, cher ami et frère, c'est avec joie que je vous associe à l'Oeuvre eucharistique, à ses petites souffrances, à ses faibles mérites; que je vous donne le titre de frère eucharistique. En retour, vous nous donnerez vos prières, vos souffrances.
Que souvent je me dis: Plût à Dieu que tous les enfants du bon Mr Creuset fussent grands! Il viendrait faire une garde d'honneur de plus.
Ayez toujours pour richesses la confiance en Dieu, pour force la croix, pour asile la divine Eucharistie, et Dieu sera votre tout.
Que Dieu bénisse votre famille et vous remplisse toujours de plus en plus de son saint amour.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, P.S.S.
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.
Paris, rue d'Enfer, 114, 6 Juillet 1856.
Mademoiselle,
C'est la seconde lettre que je vous écris. La première s'est échappée du paquet; celle-ci aura, je l'espère, plus de sûreté.
Je n'ai pas besoin de vous annoncer que je suis à Paris, pour l'Oeuvre eucharistique; que la petite Société du Très Saint Sacrement est en terre et en germe au pied de la croix, et que les adorateurs futurs s'y préparent dans le silence et la retraite. - Le but de cette oeuvre, c'est l'adoration perpétuelle et réparatrice; ses moyens de zèle, ce sont toutes les oeuvres qui se rattachent à la divine Eucharistie: retraites, prédication des Quarante-Heures, oeuvre de la Première Communion des adultes, etc.
Le grand levier, c'est la grâce de Dieu, et notre correspondance à cette grâce. Que nous avons besoin de devenir des saints, des anges adorateurs!
Voilà en peu de mots où nous en sommes. Quand je vous parlais de cette oeuvre, je ne pensais pas à un pareil dénouement. C'est Dieu qui a tout conduit! D'autres disent l'illusion, l'amour-propre, le démon. Pour moi, à la vue de ce que Dieu a fait et des difficultés et des épreuves passées, je dis: C'est l'oeuvre de Dieu.
Mes misères, mes péchés, mon ignorance sont à moi; la grâce et la bonté de Dieu sont à Dieu et viennent de Dieu.
J'espère donc vous voir à Paris, Mademoiselle, puisque Lyon était trop grand pour nous rencontrer; ici je cours moins et suis plus seul, et j'en bénis Dieu.
Si vous êtes assez bonne pour m'écrire, donnez-moi des nouvelles du bon Mr Foloppe et de sa vertueuse mère.
Puis, après avoir grondé un peu, des vôtres et de vos labeurs...
Croyez-moi toujours en N.-S.,
Mademoiselle,
Votre tout dévoué serviteur.
EYMARD, P.S.S.S.
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie.
Paris, 8 Juillet 1856.
Comment vous remercier, bonne fille, de toutes les richesses que vous nous envoyez! En les ouvrant, nous étions comme des enfants qui regardent et regardent encore, puis font mille projets, mille plans: nous voilà bien riches maintenant. Que Dieu est bon, et bon pour vous: que sa bonté vous le rende!
Je l'ai senti bien vivement et le sens encore, ce que c'est qu'une amitié à la première heure et au premier besoin, et ce que c'est qu'une amitié qui attend, qui veut voir avant, et que l'on sollicite son dévouement.
Aussi, Notre-Seigneur saura bien faire la différence, et moi aussi.
Nous n'avons pas souffert des besoins de la vie, mais bien des objets nécessaires; que voulez-vous faire? quand on arrive dans une maison avec quatre murs et sans cuisine ni cuisinier!
Aujourd'hui, c'est à en rire, maintenant que nous avons le gros nécessaire. Nous avons chaque jour des cuisiniers qui viennent s'offrir. Un jour, nous avions deux personnes à déjeuner, mais pour quatre, trois cuillères; heureusement, je m'en aperçus avant, et je dis que je ne prendrais pas de café: n'est-ce pas joli?
Voyez comme Dieu est bon! Il fallait aller prendre ses repas dans des restaurants par-ci, par-là. Je priais Dieu de nous envoyer quelqu'un, et il envoya un jeune homme.
C'est toujours ainsi: après une petite croix, il arrive une faveur.
Hier, j'allais sortir pour emprunter deux amicts. Une dame entre à ce moment et nous en apporte trois, avec une nappe et un voile pour la bénédiction.
Que de grâces de Providence nous consolent et nous réjouissent! Ne faites pas attention, bonne fille, à toutes ces petites tempêtes à mon sujet; d'abord, je ne vous nommerai jamais ni ne parlerai de ce que vous faites pour Notre-Seigneur.
J'excuse bien ces bonnes personnes qui peuvent dire un mot de peine sur moi, c'est bien raisonnable aux yeux de l'amitié; puis, en face du Corps, il est un peu juste de sacrifier une question particulière; on ne parle que de ma décision personnelle et non de celle donnée après ma retraite: tout cela n'est qu'un petit nuage; cependant, je vous remercie de tout ce que vous m'en dites, je tâcherai d'être plus prudent devant les personnes intéressées, et par charité. Soyez indifférentes sur moi, et comme étrangères. Dieu me garde de recevoir quelques maristes avec nous, ce serait bien tout brouiller; aussi mes pensées sont-elles bien fixées là-dessus, à moins que le T. R. Père Favre n'y consente.
Voici quelques détails sur nos commencements. Vous connaissez les épreuves de Toulon et celles de Lyon avant mon départ pour Paris. Jusqu'alors je m'étais borné à demander une permission temporaire d'un an ou de deux, pour mettre l'Oeuvre à flot, personne ne voulant se dévouer pour la première heure. Lyon refusa et me dit: ou renoncez, ou sortez. Le T. R. P. Favre souffrait, il aurait voulu tout concilier: son conseil était contre moi et contre l'Oeuvre. Pour couvrir le P. Favre, j'eus recours à Rome et écrivis que la réponse fût adressée à lui et non à moi, qu'il eût l'honneur de la chose. L'épreuve fut l'obligation du silence, et j'allai à Chaintré finir le manuel. Le P. Général, avant de partir pour Rome, me dit jusqu'à deux fois: "Je parlerai de votre affaire au Pape, et j'espère que vous vous soumettrez à tout ce que le Pape dira!" - "De grand coeur et absolument, lui dis-je; chez moi c'est une question de conscience: qu'on la tranche et tout est fini."
A Rome le T. R. Père voit mes amis qui lui donnent raison, mais je n'étais pas là. Il reste deux à trois heures dans la salle d'attente du Pape, bien résolu d'en parler. Pendant une heure il en parle avec Mgr Lucquet, qui avait la même pensée avec la soeur de la Réparation, et par conséquent contre la nôtre.
Le P. Favre, aux pieds du Pape, oublie mon affaire. Dieu l'a permis, car j'étais certainement dans la volonté arrêtée d'obéir au moindre signe, au moindre désir. La question, à son retour, restait la même; j'ai prié à Chaintré, et j'ose dire, jamais je n'ai tant prié, ni souffert pour conjurer Dieu de me manifester sa sainte volonté et ce qu'il fallait répondre. Quand l'heure est venue, j'ai senti en moi quelque chose de si fort et de si clair, que j'ai demandé, après toutes les supplications et les permissions simples, la délivrance de mes voeux; et voyant ma détermination fixe, on me l'a donnée: voilà la première période de ma résolution et voici la seconde. Avant de quitter Lyon, après avoir prié, il m'a semblé prudent de faire une dernière épreuve, de venir faire une retraite à Paris entre les mains d'hommes sages et pieux, et leur soumettre toutes les raisons pour et contre, et m'abandonner aveuglément à leur décision et sans appel. Je soumets cette pensée au T. R. P. Général qui l'approuve avec joie et suspend l'exécution de ma dispense jusqu'après la retraite. Je viens à Paris, je voulais être autour de la chapelle de la Réparation; après la première Messe, on me signifia de partir; le grand vicaire, supérieur de l'oeuvre, ne voulut pas que l'on me reçût, ou bien la mère ne le voulut-elle pas, je l'ignore.
Ne sachant où aller, et voulant cependant faire une retraite libre, on me parla d'une communauté d'hommes qui recevait des retraitants; je fus reçu le jour de l'Ascension après bien des courses. On me donna une chambre ouverte à tous les vents et sans feu, puis une autre très humide; mes draps, le soir, étaient comme venant de la rosée; une pauvre nourriture: Dieu me soutint.
Je m'ouvris d'abord à un Evêque pieux et prudent. Il ne voulut pas prendre la chose sur lui et me renvoya à l'Evêque auxiliaire de Paris, et je ne le connaissais pas. Je pris pour règle de laisser Dieu agir tout seul et défendis que l'on ne fît pas un pas.
Après quatre jours de retraite et d'ouverture consciencieuse des raisons pour et contre, on me répondit: "Vous reviendrez dans huit jours; nous avons besoin de prier, de réfléchir et de consulter."
Pendant cet intervalle, le P. Général vint me voir, et je lui raconte ce que j'avais dit; il en rit, et comme moi crut l'affaire terminée contre moi. Cependant il ajouta: "Eh bien! je ne veux que la volonté de Dieu comme vous: si l'on juge que vous devez vous consacrer à cette Oeuvre, nous nous soumettrons; si c'est pour nous, nous en serons plus contents."
Le P. Lagniet vient me voir après, et me propose de sortir de cette pauvre maison, je le remercie; il me dit que la chose pourrait s'arranger pour une permission temporaire, comme je l'avais demandé... C'était trop tard. L'affaire était trop avancée; " puis, c'est inutile, dis-je, si l'on est contre l'Oeuvre, je repars de suite à Lyon"; et je vous avoue qu'en face de ce calvaire nouveau que j'allais voir s'élever, mon coeur et la nature auraient préféré retourner à Lyon. Que d'assauts, que de tentations j'ai eus à soutenir! J'ai reçu des lettres bien pénibles. J'ai vu tout ce que l'on pensait et surtout ce que l'on disait. Dieu le sait, Dieu le veut pour le bien, me disait-il, qu'il en soit béni! Je crois avoir répondu avec calme et charité; cela venait de La Seyne et de Toulon.
Depuis le moment décisif, mon âme a toujours joui d'une grande paix, et quand une croix venait me visiter, j'ai pu souffrir, mais Dieu m'a fait la grâce de la baiser avec soumission et reconnaissance.
Admirez les desseins de Dieu: pendant ma retraite, la Communauté qui m'avait reçu (le St-Coeur de Marie) s'éteint et se dissout, et nous prenons leur place, ma malle n'est plus sortie d'ici.
Les personnes nécessaires à l'Oeuvre se trouvaient toutes sur notre passage, celles qui devaient être étrangères ne nous recevaient pas.
Nous avons eu bien des misères avec les restes de l'ancienne Communauté, nous n'en voulions point, ni de leurs meubles, et pendant près d'un mois, il a fallu les supporter; nous voulions être libres. C'est une grâce aussi que la Supérieure de la Réparation ait pris une attitude d'intérêt commun vis-à-vis de nous; nous restons libres de lui faire du bien librement, elle ne nous a été d'aucun secours.
Dieu le voulait ainsi, et comme le P. Colin est avec elle pour une oeuvre d'hommes, cela nous aurait liés et gênés.
Puis, c'est une sainte femme, mais il faut adopter ses idées, et je ne voulais pas dépendre d'une femme.
Pour notre nouveau Cénacle, nous avons eu jusqu'à présent les ouvriers, et c'est Mgr l'Archevêque qui, de sa bonne grâce, a payé toutes les réparations qui s'élevaient bien haut.
L'évêché est pour nous; le bail, il est vrai, n'est pas fait faute de temps du secrétaire, mais tout est consenti et on nous a donné la permission de bâtir une chapelle à nos frais, il est vrai, mais enfin, c'est preuve de bon vouloir. On veut vendre la propriété où nous sommes et voilà sept ans qu'elle est en vente.
Nous avons fait peut-être une imprudence pour notre chapelle qui nous coûtera trois mille francs, nous nous sommes dit: nous allons les donner à Notre-Seigneur, il nous y laissera tant qu'il le voudra; et comme nous disait Mgr l'Evêque: "il est possible que vous y restiez longtemps; d'ailleurs nous vous donnerons la préférence." Belle préférence, quand on n'a rien! ou plutôt nous avons tout en Notre-Seigneur Jésus.
On dit que mon confrère est riche, il a deux mille francs de retraite par an et voilà tout, mais les oiseaux du ciel et les vrais disciples sont bien riches.
Nous commençons à être heureux depuis dix-sept jours que nous avons la Ste Réserve. Nous n'aurons l'Exposition que lorsque la grande chapelle sera finie. Elle contiendra plus de cent personnes.
Nous ne faisons autre chose que ce que faisaient Pierre et Jean préparant le Cénacle, et quand tout sera fini, Jésus y enverra ses disciples. Nous avons déjà sept lits garnis, à 100 fr. pièce: voyez que nous sommes riches! Nous avions trois serviettes, puis six, maintenant vous nous avez enrichis.
En voilà bien assez pour aujourd'hui. J'ai écrit il y a deux jours à ma soeur la chose même; la voilà bien au courant.
Comment le prendra-t-elle? A la grâce de Dieu, vous comprenez que quand on a brûlé tant d'amorces, cela n'en ferait qu'une de plus sur le champ de bataille.
Ma santé est comme le temps, ou plutôt comme le bon Dieu le veut. J'aurais eu besoin d'aller aux eaux, Dieu y suppléera.
Je ne tiens à la vie que comme le bon Dieu y tient pour moi; pourvu que je fasse sa sainte volonté, je suis heureux.
Adieu, bonne fille, que d'actions de grâces à rendre à cette infinie bonté!
Tout à vous.
EYMARD.
L.J.C.
Rue d'Enfer, 114, Paris, 8 Juillet 1856.
Bien cher Monsieur le Président,
Vous savez sans doute ma détermination de me consacrer à l'oeuvre du Très Saint Sacrement à Paris. Il y avait longtemps que Dieu m'attirait vers ce centre si beau et si bon de l'Eucharistie. Je ne voulais d'abord qu'une permission temporaire; la chose ayant paru impossible, j'ai demandé ma liberté, et, avant d'en user, du consentement du T. R. Père Supérieur Général, j'ai fait sous la direction d'hommes de Dieu, sages et sévères, une retraite de douze jours. Je me suis ouvert tout entier; j'ai dit le pour et le contre, et mon indifférence entière pour le oui ou le non. Dieu m'avait fait cette grâce, et si on m'avait dit de retourner à Lyon, j'y serais retourné aussi volontiers et naturellement, même avec plus de joie, car, en face du Calvaire nouveau qui s'élevait devant moi, la nature avait peur.
Quelle ne fut pas ma surprise quand l'Evêque, Monseigneur de Tripoli et Monseigneur de Carcassonne me dirent: "Nous croyons que Dieu vous veut à cette oeuvre, et qu'il n'y a pas à hésiter!"
Monseigneur l'Archevêque de Paris approuva le projet avec une bonté surprenante, nous reçut le même jour dans une maison appartenant au diocèse, la Villa Chateaubriand.
Dieu fit tout, car, ici, je n'étais pas connu et je n'avais ni recommandations, ni protections, et personne de mes amis ne fit un pas pour cela. Et alors j'écrivis au T. R. P. Favre la décision, car il m'avait dit à Paris, en venant me voir pendant ma retraite: "Eh bien! nous regarderons comme la volonté de Dieu la décision des juges." Ce bon P. Favre a été d'une bonté vraiment trop grande pour moi, après la décision.
Je suis allé passer quelques jours dans la maison des PP. Maristes de Paris. J'y vais assez souvent; nous sommes dans les termes les plus fraternels, et je reste Mariste de coeur et de dévouement.
Ceux qui ne connaissent pas ces détails ont dû être scandalisés à mon sujet, et surtout on a dit que j'avais été influencé par Mr Touche et Mr de Cuers. A mon âge, on ne se laisse pas aussi facilement influencer; l'eussé-je été avant ma retraite, je ne l'étais pas pendant.
Pardonnez-moi ces détails, bon et cher Monsieur le Président. Ce n'est pas afin que vous me justifiiez ni que vous m'excusiez que je les écris, mais comme un besoin de mon coeur pour votre vieille et si bonne amitié, et je vous prie même de n'en rien dire à nos Pères. Je sais que le P. Denis n'est encore qu'à la première phrase de la question, qu'il croit toujours personnelle et jugée par moi.
Voici notre but: l'Adoration perpétuelle, de concert avec l'Adoration nocturne de Paris et qui se compose de 220 [membres].
Nous avons pour zèle : 1· la direction de l'association; - 2· l'oeuvre des Premières Communions des adultes (hélas! on est effrayé à la vue de tant d'hommes qui n'ont pas fait leur Première Communion); - les retraites d'hommes et de prêtres, etc.
Nous n'avons qu'une pensée, qu'un but, qu'un centre: l'Eucharistie! Heureux si nous pouvons devenir des hommes spéciaux, et ramener à la foi et à l'amour de l'Eucharistie les hommes indifférents et égoïstes de notre pauvre société!
Vous prierez pour nous, bon Monsieur Clappier, et nous le faisons continuellement pour vous et votre bien-aimée famille, et surtout pour Madame, que j'ai tant regretté de ne pouvoir accompagner à Ars.
Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,
Bien cher Monsieur le président,
Votre très humble et toujours dévoué serviteur.
EYMARD, S.S.S.
P.-S. - J'ai appris ces jours-ci le jour décisif du procès de nos amis Dando, le 17. Que Dieu leur vienne en aide! Ce jour-là, j'irai dire pour eux la messe à Notre-Dame des Victoires. Si Aix n'était pas si loin, je crois que votre présence, cher Monsieur, serait la plus grande consolation et la moitié du procès gagnée. Mais la chose est-elle possible?
Monsieur Clappier, Président du Tribunal,
Rue d'Enfer, 114, Paris, 1er Juillet 1856.
BON PERE GAUDIOZ,
Que vous êtes bon de penser encore à moi, de m'envoyer de si jolies choses, et de me conserver votre amitié! Tout cela m'a fait un bien grand plaisir. Je vois par là que votre amitié n'est pas comme le vent, ni l'intérêt, mais en Dieu; merci donc bien.
Je ne puis vous le rendre qu'en priant pour vous, pour votre chère famille et le succès de vos affaires, et surtout pour que Dieu vous donne toutes ses grâces pour bien profiter de toutes les occasions de mérite de votre pénible état.
Au ciel, bon père, nous ne nous séparerons plus; ce monde d'exil n'est qu'un chemin de croix et d'adieux; mais pour les enfants de Dieu c'est un passage qui aboutit au même centre éternel et divin.
Et vous, bonne dame et chère soeur, ne m'oubliez pas dans vos prières et vos souvenirs devant Dieu. Bien souvent je vais vous visiter à la place Leviste et vous bénir.
Soyez toujours la bonne mère, la gracieuse dame, la pieuse fille de Marie, et Dieu sera content.
Adieu, bons amis, croyez-moi toujours en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD, S.S.S.
Paris 20 juillet 1856
Tout pour l'amour et la gloire de Jésus-Hostie
Je viens répondre de suite, ma chère fille, à votre lettre.
Je suis affligé de vous savoir toujours souffrante, mais puisque Dieu le veut, adorez cette petite croix ou cette grande croix, que son amour vous offre, afin de vous rendre plus grande en son amour et au ciel.
Voyez en tout la divine Providence qui vous aime et vous nourrit par les mains de la divine charité. Je comprends bien que la nature souffre d'être à la disposition de la charité, mais votre piété et votre amour de Dieu vous rendront cette humiliation apparente, glorieuse et aimable. Ainsi, ma chère fille, plus de larmes ni de tristesse, c'est Dieu qui vous veut ainsi, et vous êtes agréable à ses yeux. Laissez le passé à sa bonté et sanctifiiez bien le présent. La vie passe vite, et quand elle est passée pour Dieu, le présent est bien doux et l'avenir bien beau. Courage donc et confiance.
Priez toujours pour moi, je vous en suis très reconnaissant, car j'en ai bien besoin.
Que Dieu vous bénisse et vous console et vous fortifie.
Tout à vous en N.S.
Eymard.
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.
Paris, 29 juillet 1856.
Merci, ma chère fille, de vos deux lettres. Je les trouve toujours courtes; ainsi, laissez aller librement votre plume et votre simplicité. Je vais reprendre un peu tout.
1· Pour votre démission. - J'aimerais qu'elle vînt comme naturellement, c'est-à-dire, qu'une autre fût élue à votre place: vous pouvez certainement vous servir des raisons de santé pour décliner ce lourd fardeau, mais attendez l'élection. Il vaut mieux attendre la liberté de Dieu que de la devancer. Au moins, vous aurez gagné une belle couronnes d'épines, et une preuve de plus de la misère et vanité des hommes; mettez en principe que, si votre présence comme rectrice est une cause de peine et d'embarras aux supérieurs de la Société, il vaut mieux demander à Dieu, ou de vous ôter de cette charge, ou de faire cesser la peine.
Quand aux peines qui viennent des gens au-dessous, il ne faut pas y faire attention, et ne pas faire un pas ni en avant, ni en arrière: c'est la croix de l'emploi.
2· Merci bien de ce que vous me dites au sujet de cette petite coterie et de cet envoi projeté; on m'a écrit, il y a un mois, c'est Mlle Camus par Mme Bernard. Je n'y ai pas répondu. Je vais le faire d'une manière convenable et pour leur dire de rester tranquilles et de se contenter de prier pour nous, une dame que je n'ai pas vue est venue ici et doit revenir demain pour nous demander de leur part ce dont nous avons besoin, la réponse sera vite faite.
3· Ma santé est assez bonne, notre chapelle s'avance. Mr de Cuers est un compagnon pieux, fidèle et tout dévoué à l'Oeuvre, et un bon frère pour moi. Nous avons un brave garçon pour cuisiner, seulement, pauvre tête et sans ordre, ce qui me fait douter si nous le garderons longtemps; un autre est prêt, à moins que le bon Dieu ne veuille nous éprouver encore.
Notre petit Cénacle a été animé depuis vingt jours; nous étions cinq prêtres, nous sommes encore trois. Mr Audibert, vicaire de Toulon, est venu examiner sa vocation, il paraît bien disposé, il reviendrait vers la fin de septembre ou au moins d'octobre, si Dieu le veut.
Ne vous attristez pas, bonne fille, de tous ces vents contraires, de tous ces jugements en l'air: pourvu que nous ayons Dieu pour nous, et qu'il bénisse l'Oeuvre de son amour, le reste est comme une tempête qui purifie l'air, et l'épreuve qui éprouve la véritable amitié. Dieu nous aime bien de ne nous donner que des croix lointaines; ici, tout va avec la paix.
Ce bon Maître m'a mis au coeur le désir de vivre caché et d'attendre avec patience et confiance les moments et les moyens de nous manifester, et ce qu'on appelle dans le monde de réussir en s'augmentant et s'étendant.
Je ne demande qu'une chose à la Société de Marie, c'est la charité du coeur; pour le reste, je ne dois pas y compter.
Quant aux sentiments pour ou contre des Pères inférieurs, je les abandonne au bon Dieu, quoique cela soit sensible à la nature: mais c'est le sang du sacrifice.
4· Je partage entièrement vos sentiments sur Mr Lallour, c'est un homme qui voulait faire son affaire et se servait de ce qu'il a de talent et de savoir-vivre pour gagner la confiance et son procès; c'est une tête du midi sur laquelle on ne peut faire fond.
Pour son ordonnance, vous pouvez vous en passer; en médecine on peut toujours dire des choses nouvelles et extraordinaires aux ignorants. Dieu seul a le secret de votre état.
Vous savez qu'il sait bien vous guérir et vous crucifier.
Bonne fille! pourquoi vous dépouiller de tout pour nous? cela me peine........ De grâce ne me faites plus cela quand vous nous enverrez mille choses toujours utiles et bien précieuses.................
Mlle de R. ne m'a pas écrit depuis longtemps, c'est vous dire tout le reste. Son âme seule m'est chère; à son âge, on craint, on raisonne: c'est la maladie du temps.
Inutile de vous dire de me rappeler aux bons souvenirs de vos soeurs.
Tout à vous en J. et M.
EYMARD.
Paris 4 août 1856
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie
Mademoiselle et bien chère Soeur en N.S.,
La promptitude de ma réponse vous prouvera le plaisir que m'a causé votre lettre. Un sentiment de famille ne se perd pas et votre famille m'a toujours été si chère!
Croyez-moi bien, il m'en a bien coûté et il m'en coûte toujours d'avoir fait un si grand sacrifice. Si, à la fin de ma retraite, trois hommes vénérables par leur caractère, leur sagesse et la sévérité de leur examen, ne m'avaient pas assuré de la volonté de Dieu, jamais je n'aurais fait ce pas.
Ah! ma bonne fille, le sacrifice est beau, de loin, mais quand le moment est venu de le faire, toute imagination disparaît, tout attrait est combattu, toute illusion tombe.
Je comprends que si je m'étais décidé par mon seul attrait et par le sentiment pieux, je ne serais pas exempt de blâme, mais, grâce à Dieu, pendant 12 jours de retraite sévère, il me semble que je me suis mis dans une complète indifférence.
Une de mes consolations, c'est d'avoir conservé l'amitié du bon Père Favre et de continuer des rapports d'amitié avec les bons Pères Maristes.
Pour vous, ma chère fille, je comprends votre perte, le P.Colin était un saint consommé dans la science des saints et la direction spirituelle des âmes, recueillez vos pieux souvenirs - et allez au plus libre. Le P.Michon a grâce d'état, je sais que l'on en était très satisfait, puis il y a toujours un lien de plus.
Ne m'oubliez pas auprès de votre aimable frère Tonny, et de sa chère Dame, de la sainte famille patriarcale de Pommiers et de cette bonne Marie que Dieu bénira.
Que Dieu soit votre tout. Tout à vous en N.S.
Eymard sss
Tout pour la gloire et l'amour de Jésus-Hostie.
Paris, 5 Août 1856.
Que Dieu soit béni et glorifié à jamais, chère fille, de la victoire qu'il vous a accordée dans sa divine miséricorde. Ce jour a été beau dans le Ciel, aimable à Jésus, votre divin Epoux. Vous commencez à composer votre dot sur son coeur, et comme je vous le disais, il est doux à l'âme de pouvoir dire à Jésus : Je vous ai aimé et vous aime plus que toute créature, plus que moi-même!
La grâce que Notre-Seigneur vous a faite m'a rempli de joie et de consolation; que sa divine bonté perfectionne en vous ce qu'elle a si bien commencée.
Méprisez tout retour, fuyez tout examen, abstenez-vous même dans vos prières de vue particulière de cette personne. Confondez-la avec tout le monde et oubliez-la s'il est possible. Dieu s'en souviendra, si vous le Lui abandonnez pour ne penser qu'à Dieu.
Ce qui est fait, est fait; laissez-le à Dieu. Mais, chère fille, laissez-moi vous dire en toute simplicité :
Estimez les grâces et les vertus de Jésus-Christ dans les hommes, mais sans permettre à votre coeur naturel de les contempler et encore moins de s'y attacher.
Méfiez-vous des hommes pieux qui peuvent avoir un but particulier et un intérêt personnel. La politesse, les services obligeants, la piété même peuvent être des moyens de gagner l'estime, la confiance, et pour aller plus loin, comme vous l'avez vu arriver.
Mettez bien en votre âme cette grande maxime: qu'une vierge chrétienne ne doit pas chercher à faire le bonheur d'une créature étrangère; elle doit laisser sans pitié souffrir des coeurs terrestres qui veulent l'asservir et lui ôter sa couronne. Hélas! bonne fille, que j'ai vu des personnes à coeur sensible, à esprit élevé, à volonté généreuse, qui se sont rendues esclaves sans s'en douter et, dans la crainte de faire de la peine, se sont rendues coupables d'une manière passive d'abord, puis libre et volontaire!
Pour vous, chère fille, soyez jalouse et fière de votre coeur, un Dieu le veut et le veut seul et entier.
Quant à votre santé, prenez le sommeil nécessaire. Soyez vigilante dans le jour pour tous vos exercices et vos devoirs, afin que le soir, et l'heure venue de prendre votre repos, vous soyez libre.
Par extraordinaire, on peut bien passer un jour avec moins, mais ordinairement il vaut mieux suppléer à ce qui manque; mais dans la balance du sommeil à prendre ou de la méditation à faire, que choisir? Si le corps est fatiguée et l'âme affaissée, il faut donner la préférence au repos; si seulement c'est un petit malaise que l'action dissipera facilement, il faut essayer de l'action.
Supportez-vous misérable, pauvre, stérile, c'est votre état; mais soyez et donnez-vous sans cesse toute à Dieu, c'est votre richesse.
Faites vos exercices pieux pour plaire à Dieu, et voilà tout.
Adieu, bonne fille; priez toujours bien pour le petit grain de sénevé semé en terre afin qu'il germe dans la bénédiction céleste, et croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,
Tout à vous.
EYMARD, S.S.S.
Paris 6 août 1856
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie
Madame et bien chère soeur en N.S.
Que faites-vous ? où êtes-vous ? deux questions que je me fais souvent, mais sans réponse.
Melle Monavon n'a pas eu le coeur d'y répondre. J'espérais la voir un peu au long, mais elle a été tellement prise et absorbée dans Paris que je ne l'ai pas revue.
Vous me faites peut-être les mêmes questions. Je vais y répondre.
Je ne bouge pas de Paris, car il faut être là avec les ouvriers - et les premiers travaux de fondation, - cela ne me coûte pas. Je me dis: Dieu le veut. Alors les eaux thermales, les visites d'amis, le séjour à la campagne, tout cela se trouve dans notre maison avec N.S.
Nous approchons du terme où le petit Cénacle sera prêt pour recevoir le Bon Maître, cependant il faudra bien attendre jusqu'au mois de septembre, avant que tout soit prêt, la chapelle est comme finie, reste l'ornementation. Nous dirons au Roi céleste de la remplir de ce beau nuage du jour de son Ascension plus beau que celui qui remplit le temple de Salomon.
Que n'êtes-vous à Paris, bonne fille, le jour de la bénédiction; ce jour-là, assurément, N.S. sera riche en dons et en bénédictions; mais je mettrai votre nom sous son trône.
Priez bien pour l'oeuvre et ma misère, afin que nous ne compromettions pas l'oeuvre de Dieu.
Une croix bien sensible vient de nous arriver, la commission de Paris, les agents, le secrétaire, le préfet de police et ces jours-ci le juge d'instruction, voilà les visites que nous recevons. Nous étions volés tous les jours par notre cuisinier, et il n'y allait pas de main morte, lorsque la justice de Dieu l'a livré à la justice des hommes. Il voilait à l'aide d'une fausse clef et ce malheureux est en prison et il sera peut-être condamné au bagne et moi, il faudra paraître aux assises. Jugez comme cela est pénible. Nous rions des vols, en nous disant que le Bon Dieu nous trouvait trop riches. Enfin, tout est fini et nous sommes débarrassés d'un voleur et d'un traître.
A Dieu, bonne et chère fille. Croyez-moi toujours en N.S.
Votre tout dévoué et suis aux pieds de Jésus
Eymard
P.S. Mes respectueux et bien affectueux hommages à
Mr. le Président que je vénère et aime de tout mon coeur.
Paris, rue d'Enfer, 114, 6 Août 1856.
MADAME ET BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je suis bien en retard, d'abord pour vous remercier de votre don à Notre-Seigneur, que m'a remis de votre part Mlle Monavon, puis de votre dernière lettre déjà bien vieille, puisqu'elle est du mois de février.
J'espérais aux vacances aller à La Mure, et je pensais avec bonheur vous faire une longue visite, et avoir le plaisir de faire la connaissance de votre bon mari. Mais Dieu ne le veut pas. Il faut que je fasse comme vous au début de votre installation. Ce n'est pas une petite affaire que de commencer un ménage.
Cependant notre petit Cénacle commence à prendre une petite forme. La chapelle de l'Exposition est comme finie. Bientôt, je l'espère, nous serons débarrassés des ouvriers, et nous pourrons nous consacrer dans le calme et la paix à l'adoration et au service de Jésus Eucharistique.
J'ai vu avec joie dans votre dernière lettre que vous aviez fait bonne provision de livres sérieux et religieux. C'est la vie de la piété et le bonheur de son intérieur qu'une jolie et sainte bibliothèque. Pendant que vous êtes jeune, lisez, réfléchissez, préparez-vous à l'éducation des enfants que Dieu vous donnera dans sa bonté.
Comme aussi pour prévenir le dégoût, l'ennui, la tristesse spirituelle, remettez-vous bien à vos petits exercices de piété. C'est une remarque faite, que quand on sert bien Dieu, on est fidèle à tous ses autres devoirs et qu'on a du temps pour tout quand Dieu a eu le sien.
Remettez-vous bien à votre petite méditation: c'est la boussole de la vie et la nourriture de la vertu. Quand vous ne pouvez la faire le matin, faites à la place dans le jour une petite lecture spirituelle, et votre âme n'en souffrira pas, et vous ne perdrez pas de vue ni Dieu, ni votre âme, ni l'ordre du devoir.
Soyez toujours heureuse de tout et en tout, et vous rendrez autour de vous tout le monde heureux.
Veuillez faire agréer à Mr Giraud tous mes sentiments de respectueuse affection, et me croire, en Notre-Seigneur, Madame et chère soeur,
Votre tout dévoué serviteur.
EYMARD, P. S. S. S.
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.
Paris, 8 Août 1856.
Vous avez reçu déjà, ma chère fille, ma réponse à votre première lettre. J'ai lu votre seconde avec beaucoup d'attention, et j'en ai été satisfait. Je vois que vous avez bien mis le pour et le contre.
Le présent, le passé et l'avenir ont eu leur aperçu; ma conclusion est celle-ci: Gardez ce que vous avez, c'est la meilleure part, la plus sainte, la plus agréable à Jésus, la plus glorieuse pour son Coeur.
Je ne vous aurais jamais souhaité une pareille tentation; puisqu'elle vous est arrivée, il faut bénir Dieu de la victoire de Jésus sur une créature; sans vouloir rabaisser ou analyser les vertus et les qualités de la personne, je vous dirai: Ne regrettez rien; on ne connaît un bon soldat que sur le champ de bataille, un génie qu'à l'oeuvre, une véritable piété qu'à l'épreuve.
On reproche en général à une jeune personne pieuse de se laisser trop prendre par l'apparence ou par les qualités extérieures. Je ne dis pas qu'il n'y en ait pas de réelles en la personne; oui, il y en a et j'en bénis Dieu; mais, chère fille, vous n'avez pas vu le pendant, le possible, l'incertain,..., etc.
Ou mieux, voyez Jésus, son désir d'avoir votre coeur, son amour pur et sans intérêt pour votre seul bonheur. Sa pauvreté plus grande, son abandon plus entier, qui l'aime, qui le suit aujourd'hui parmi la plupart de ces jeunes personnes riches et haut placées? Hélas! elles sont trop riches et trop grandes pour n'avoir que Jésus pour Epoux et bonheur!
Vous, chère fille, vous êtes plus heureuse; il vous a fait la grâce entière et, j'ose dire, il vous a donné et placé sur la terre une blanche couronne sans que vous en sachiez bien le prix.
Pauvre fille! vous pourriez peut-être croire qu'en vous mariant pour plaire à votre cher père vous hâteriez le jour de son retour entier vers Dieu. Eh quoi! le Sauveur votre Epoux aurait moins de puissance! Or, si cette grâce doit être la récompense d'un sacrifice, certes c'est Jésus qui y est obligé.
Ne vous tourmentez pas de tout cet examen, de toutes ces réflexions, il les fallait; rentrez dans le calme et la paix et oubliez, renvoyez ces pensées.
Dieu, ma chère fille, n'agit pas ainsi quand il veut manifester sa sainte Volonté.
Si Notre-Seigneur vous laisse froide, sèche, stérile, sans consolations, il faut vous dire: Je ne les mérite pas, et c'est bien vrai. Ces consolations ne me feraient pas de bien. Je me croirais plus intérieure, plus vertueuse que je ne le suis.
Il veut, ce bon Maître, éprouver ma foi et ma générosité, et savoir si je l'aimerai et travaillerai par amour pur, sans intérêt propre. Mais, si je l'aime fidèlement, comme son Coeur divin sera content de trouver une âme qui veille avec Lui au Jardin des Olives, au Jardin du pur amour!
Que Dieu, chère fille, vous comble de ses bénédictions et de ses grâces et vous donne un amour plus fort que la vie et la mort.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD, S.S.S.
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.
Paris, 12 Août 1856.
Merci, bonne fille, de votre lettre, de votre joli envoi, de tout ce qu'il renfermait, jusqu'aux épingles et fils. Que nous avons ri en faisant l'inventaire de tout, et je dis plus, nous nous trouvons à présent bien riches, grâce à vous.
Je comprends que dans une maison qui commence par les murs, tout devient utile; merci encore une fois.
2· Je viens d'écrire au T. R. P. Général une protestation contre ces envois des Tertiaires de Lyon. Je lui dis que j'en ai eu connaissance par une dame de Paris.
J'ai écris à Mlle..... pour refuser nettement tout envoi.
Je serais certainement peiné que cela ne s'arrête pas; l'intérêt ou autre motif peuvent faire naître des nuages dans la Société et troubler la bonne harmonie.
3· J'ai demandé au Docteur son sentiment sur vous. Il dit que c'est une maladie chronique et que le seul remède, c'est de ne pas marcher, c'est facile à dire. Votre état est donc entre les mains de Dieu et les médecins n'y entendent rien.
Servez-vous de toutes ces raisons de santé et de besoin de calme et de paix pour refuser votre réélection, et du temps depuis que vous êtes Rectrice, afin que l'on sache bien que vous n'y tenez pas. Si par extraordinaire, vous étiez réélue, oui, ayez avant une explication franche et précise, mais vous m'écrirez d'ici-là.
Je vais vous dire une grâce de Dieu, mais à une condition, c'est que vous ne ferez ni plus ni moins, autrement, je vous les cache. Tout à l'heure je dois paraître devant le juge d'instruction. J'ai déjà paru devant le commissaire, contre notre cuisinier, qui nous volait depuis son entrée; il avait une fausse clef et enfin, il a été pris en flagrant délit; le voilà en prison, et probablement il sera envoyé au bagne. Hélas! Il faut bien passer un peu partout. Mais quelle épreuve! Mais, soyez tranquille, la nourriture reste assurée. Il a pris l'argent destiné à l'ornementation de la chapelle. Dieu y pourvoira; c'est son oeuvre.
Ma santé n'est pas très forte en ce moment, les chaleurs m'ont éprouvé, tout passera. Bénissez Dieu pour nous et de toutes les grâces qu'il nous envoie.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.
P.S. Je n'ai pu vous envoyer ma lettre hier, j'y ajoute un petit mot.
Vous comprenez que dans l'autorité il y a un langage officiel et un langage intime. C'est bien assez pour moi que le T. R. P. Général ait de la charité et de l'amitié ordinaire pour moi, le reste rentre un peu dans la misère humaine et nous en montre la faiblesse et l'instabilité. C'est peut-être une grande grâce, la liberté nous reste, la charité nous unit, que faut-il de plus?
Mademoiselle Guillot Marguerite,
Rue du Juge de Paix 17, Fourvière.
Lyon (Rhône).
An Mariette Guillot
Tout pour l'amour de Jésus-Hostie.
Paris, 13 Août 1856.
BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,
Que vous m'avez fait plaisir de m'écrire, et surtout de m'écrire tout simplement tout ce qui se passe en votre âme!!! Faites-le toutes les fois que vous en aurez besoin, ma bonne fille, et soyez sûre que cela me fera grand plaisir.
Voici mes réponses à vos diverses questions:
1· Vous faites bien votre salut et Dieu vous aime, mais comme Marthe au milieu des embarras, des affaires, des soucis et des sacrifices de tout genre. C'est votre voie, et ce sera votre couronne. Un jour vous en bénirez éternellement Dieu. Pour moi, je vous assure que, tout en plaignant la pauvre nature, je vous bénis de voir que malgré tous vos sacrifices la nature n'y trouve aucune consolation, aucune sympathie, aucun remerciement: c'est excellent. Dieu veut être votre tout, votre seul témoin, votre seule récompense. Remerciez-le de cette grâce.
2· Pour votre méditation, continuez à la faire ainsi; faites passer la charité avant la piété, ou bien faites tout cela marcher de pair. Vous êtes trop âgée pour faire une méditation nouvelle; continuez celle que vous faites, un petit pot pourri, comme on le dit, un peu de tout: c'est la méditation des pauvres, des malades et des ignorants, mais très agréable à Dieu. Joignez-y, quand vous le pourrirez, une pensée du jour, ou du mystère, ou du saint, ou de quelque état extraordinaire de votre âme.
Dieu ne vous en demande pas davantage, ma bonne fille.
3· Pour vos confessions, faites-les comme à l'ordinaire, avec le désir de vous mettre bien en état de grâce, de mieux faire, abandonnant le reste à la divine Miséricorde. A la fin de vos accusations, contentez-vous de dire ainsi: Je m'accuse en particulier de toutes les fautes de ma vie passée que j'ai commises contre la charité, ou la patience, ou l'humilité, en pensées, paroles et actions, et cela est plus que suffisant, mais sans autres détails; il suffit pour varier de dire une fois les fautes contre la charité, un autre jour ce sera celles contre la patience, etc.; mais laissez de côté celles contre la chasteté, cela embrouille et trouble. Allons, bonne fille, du courage et de la confiance, la vie éternelle mérite tout cela, et plus encore. Offrez-vous seulement bien souvent à Dieu, donnez-vous toute à sa bonté et à son amour, et sa grâce fera le reste.
Adieu, pauvre fille.
Tout à vous en Jésus.
EYMARD, S. S. S.
Tours, 26 Août 1856.
Bien cher Confrère,
Je viens vous donner de mes nouvelles; me voici à Tours. J'ai vu l'excellente mère Marceau, et le saint homme Dupont, qui m'a bien édifié et surtout bien parlé. Il est tout à sa belle oeuvre de la Ste Face, c'est sa pensée, sa parole, sa vie, il faut glisser un mot à travers: c'est bien naturel et bien juste, il faut être l'homme d'une chose. Il prie pour nous, c'est l'essentiel.
J'irai voir Mme Sauvestre à Poitiers vendredi prochain, je vous écrirai de là.
J'ai vu la famille de Leudeville et causé de notre Oeuvre, on donnera l'ostensoir et l'exposition, et voilà tout. C'est bien déjà et nous devons en remercier Dieu.
Je pense qu'il serait bon que vous fissiez faire l'essentiel de la chapelle. Je serais heureux de le trouver fait en arrivant, au moins en partie; faites comme Dieu vous l'inspirera et tout sera bien.
Le temps me dure déjà de vous rejoindre. Priez pour la bénédiction de mon voyage.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD.
P. S. S. S.
P. S. Bien cher Confrère,
Si vous avez besoin de m'écrire à Poitiers, voici mon adresse: chez Mme Sauvestre de la Bouralière, 13, rue des Carmélites (Vienne), et à Tours, chez Mme Marceau, rue de l'Archevêché (Indre-et-Loire).
Paris, 5 Septembre 1856.
CHERE SOEUR EN N.-S.,
J'arrive d'un voyage en Bretagne fait pour la gloire de notre bon et doux Sauveur, et en arrivant je trouve votre lettre, vieille de date. J'arrive peut-être trop tard; Dieu l'aura voulu.
1· Je regrette bien que votre bon Curé ne sache pas qu'à Paris il y a nombre d'oeuvres où M. le Curé est Supérieur et un laïque Président, et même une Dame, et cela ne fait pas l'ombre de difficultés.
L'adoration nocturne des hommes a même été fondée ici par Mlle de Mauroy: c'est très fâcheux.
2· Que faire? offrir votre démission à Mr le Curé en le priant d'en donner connaissance lui-même au Cardinal et de vos motifs; que vous préférez que cette connaissance se fasse par lui plutôt que par vous; et vous donneriez les motifs de votre crainte d'être un obstacle au bien. Tout simplement et jusqu'à une réponse positive, prenez votre place de Présidente.
Gloire à Dieu! oui, que son règne arrive! C'est là aussi ma pensée, mon désir, mon bonheur, ma vie, ma mort. C'est la prière que je fais continuellement: que le règne de son amour arrive et s'étende sur toute le terre et la consume d'un feu céleste et éternel. Que souvent, à la vue de ce beau trône eucharistique que nous lui élevons, je dis à ce bon Seigneur: Que je sois l'escabeau de vos pieds, que je souffre, que je sois humilié, que je meure, tout m'est beau et bon pourvu que vous régniez!
Mettez-vous bien dans le coeur de Jésus à ses pieds, afin que sa bonté nous bénisse et nous enflamme.
Ecrivez-moi quand votre doux Seigneur vous l'inspirera.
Tout à vous en J.-C.
EYMARD, P. S. S. S.
P.-S. Que Mr Adolphe ait confiance et suive, en enfant, la voie de Dieu: votre prière sera son épée triomphante.