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Nr.0561

An Marg. Guillot

Lyon, 30 Avril 1856.

Ma chère fille en Notre-Seigneur,

Je pars pour aller faire une retraite à Paris, et consulter; ainsi, j'ai encore dix jours de réflexions, de prières et d'immolation.

Continuez-moi vos prières, je ne veux que Dieu, sa sainte volonté, sa gloire. Si, dans sa divine miséricorde, Dieu me fait pressentir que ce n'est pas là ma place, ni son bon plaisir, la question sera terminée pour toujours.

Croyez-le bien, chez moi, ce n'est pas une question de raison, ni de désir d'une vocation plus parfaite, c'est une crainte de conscience: la crainte d'être infidèle à une grâce et à une croix.

J'ai laissé le bon Père Favre dans cette pensée, et son coeur en a été consolé: il est si bon et si tendre!

Tout à vous en Notre-Seigneur

EYMARD.

Mademoiselle Guillot Marguerite,

Maison des Carmélites,

Rue du Juge de Paix, Fourvière.

Lyon.


Nr.0562

An Fräul. v. Revel

Lyon 30 av. 1856

Mademoiselle & bien chère Soeur en N. S.

Je viens me recommander à vos bonnes prières Je pars pour aller faire une retraite de dix jours à Paris & consulter un homme étranger c'est la dernière épreuve que je crois devoir faire pour l'acquit de ma conscience, chez moi cette pensée que vous connaissez n'est pas autre chose qu'un attrait d'abord, et qui est devenu depuis quatre ans une question de conscience. Je me croirais infidèle & ingrat de ne pas avoir fait ce que j'ai fait, reste l'épreuve déterminante, j'espère que la divine miséricorde ne m'abandonnera pas en cette grave circonstance, & ne me laissera pas m'égarer, dans le désir qui m'a guidé, le seul désir de faire sa volonté, bien disposé de tout laisser & revenir si un rayon de grâce & de lumière /la dernière ligne de la première page reste ainsi inachevée/

Madame de Froissard /sic/ cette bonne Dame protestante qui s'est convertie m'a écrit pour un jeune homme auquel elle s'intéresse, c'est son neveu, le fils de M. Monod; mais je ne puis rien faire du moins pour le moment, cette question demanderait un plus sérieux examen des deux côtés, - du coté même de la personne.- Je lui aurais écrit mais j'ai oublié son adresse.

Croyez-moi toujours en N. S.

votre tout dévoué /signe illisible/

Eymard.

Mademoiselle de Revel

rue Ste Hélène

Lyon


Nr.0563

An Frau Sauvestre

Paris, rue des Ursulines, 12,

Ascension, Mai 1856.

Madame et bien chère soeur en N.-S.,

Me voici à Paris depuis quelques heures, ma première lettre doit être pour vous; elle est écrite de la maison de l'Adoration Réparatrice. C'est vous dire que j'y suis. Le T. R. Père Supérieur Général m'a permis de venir faire une retraite décisive : ou pour l'Oeuvre du Saint Sacrement, ou pour y renoncer tout à fait.

Tout mon désir était d'entrer en retraite avec la reine du Cénacle et les apôtres, en revenant tout heureux du Mont des Oliviers, tout majestueux encore de la gloire de Jésus. Et moi, je viens au cénacle comme un soldat revenu du champ de bataille, je ne dis pas victorieux, mais harassé et tout agité encore du combat. Si Dieu, dans son infinie bonté, me dit: "Avance, monte sur ce Calvaire de feu", avec la grâce et le désir de son amour je consommerai le sacrifice. J'ai l'épée et la victime à ma disposition, la dispense de mes voeux; mais son effet est suspendu jusqu'à la fin de ma retraite. Si, au contraire, dans son infinie bonté, et à cause de mon indignité, Dieu me dit de retourner à Lyon, je repartirai de suite et sans autre regret que celui de n'avoir pas été assez saint pour aspirer à l'honneur de servir plus directement et plus absolument ce bon Jésus, ce grand Roi de l'amour.

Voilà, Madame et chère soeur, mes dispositions. Vous allez bien prier pour moi, pour l'Oeuvre, pour la plus grande gloire de Dieu. Je prie beaucoup Marie, Reine du cénacle, saint Joseph de Jésus (je veux dire de Bethléem, de l'Egypte et de Nazareth). J'ai pris pour protecteur l'Archange saint Gabriel, la force de Dieu.

J'ai appris ici votre offrande, c'est la première, rien de plus consolant. Que Celui qui a dit: "Qui nourrit le Prophète a la même récompense que lui", vous le rende au centuple.* Maintenant, chère soeur et dame, si je savais que le bon Maître dût me dire : "Jette le filet en haute mer, prépare-moi un Cénacle, j'y ferai mes délices", je vous dirais: "Le premier amict, la première aube, le premier cordon, le premier ornement doivent sortir de vos mains; les premiers bouquets qui orneront l'autel de l'Agneau doivent être votre ouvrage et votre hommage. Vous devez être la mère, la soeur et la servante."

Ce que je dis pour vous, je le dis aussi pour votre bonne et excellente soeur, dont je suis heureux de connaître le coeur et à qui je vous prie de présenter mes respectueux souvenirs.

Croyez-moi toujours en N.-S.

Madame et chère soeur, tout vôtre en son amour.

P. EYMARD.

P.-S. - Une première épreuve: on me signale de la part du Supérieur que je ne puis faire ma retraite à la Réparation.

Me voici dans une Communauté bien pauvre, mais un divin Tabernacle s'y trouve: cela suffit et remplace tout.

Envoyez-moi vos croix: A Monsieur l'abbé Eymard, rue d'Enfer, 114, Paris.

Mme Sauvestre de la Bouralière,

près du Grand Séminaire,

Poitiers.


Nr.0564

An P. Lagniet, Marist

Paris, rue des Ursulines, 12, Ascension 1er mai 1856

Bien cher et T.R.P. Lagniet,

Je ne veux pas que vous appreniez par tout autre que par moi mon arrivée subite à Paris. Je suis arrivé hier soir vers la nuit. Je viens, du consentement du T. R. P. Supérieur Général, faire une retraite définitive pour en finir d'une manière ou d'une autre avec la pensée qui depuis plusieurs années, et surtout depuis deux ans, m'occupe, m'éprouve et me fait souffrir; vous savez ce que je veux dire. Comme ce sentiment n'est pas en moi un jugement, ni simplement un attrait du coeur, mais un sentiment qui touche à ma conscience, de fidélité ou d'infidélité à la grâce, je viens l'éclaircir dans uns retraite et consulter un étranger instruit, expérimenté et plutôt sévère et me soumettre à sa décision. Je vais prier pendant quelques jours, avant de le choisir, et ne m'occuper qu'à me mettre dans la paix, à me débarrasser de moi-même et à mettre de côté toutes mes pensées anciennes, tous mes désirs, en un mot tout ce qui pourrait favoriser cette pensée, pour me mettre dans une complète indifférence, disposé à retourner de suite à Lyon pour faire ce que l'on voudra, et sans retour ni regret; ou bien, si l'homme de Dieu à qui je confierai sincèrement le pour et le contre, me dit d'aller en avant, je fais le grand pas et je vais m'enterrer pendant quelque temps. J'ai trop souffert. On me disait: Faites un acte de simple obéissance. Je l'ai fait mille fois, mais cette question de conscience, (vraie ou fausse) venait me ressaisir. La réponse du P. Colin encore Général se remettait devant mes yeux. Vous voyez, bon Père, combien j'ai besoin de vos prières et de votre charité.

Pour faire l'épreuve entière, j'ai exposé au T.R.P. mon intention de faire une retraite indépendante dans la chapelle de l'Adoration, avec M. de Cuers. La Providence a permis qu'en arrivant hier soir j'aie trouvé les appartements qu'occupait Mgr Luquet libres. Car je n'étais pas attendu ni même annoncé à la Réparation et la R.M. Supérieure a été surprise de mon arrivée, (depuis plus de quatre ans nous ne nous étions vus ni écrit)et de ma demande; elle n'a pas voulu prendre sur elle, crainte de vous froisser; elle en a écrit à son Supérieur. Je ne sais pas la décision, je la présume favorable, car je ne veux rester que les jours de ma retraite.

Je n'irais vous voir que lundi prochain, bon Père, c'est chose entendue ainsi avec le T.R.P. Supérieur. Vous avez qu'il vous arrivera dimanche matin à 5 h. par le premier express. Si toutefois d'ici à lundi vous voyez quelque inconvénient à ce que j'aille à la maison, je compte sur votre bonté pour me l'écrire, et je vous assure que, quelque soit le parti pris, je le verrai comme un effet de sagesse et de prudence.

Ah! cher Père, ce matin je vous écrivais comme j'étais; et quand ma lettre est partie, j'aurais eu bien d'autres choses à vous dire, mais le coeur me manquait. Veuillez ne pas dire mon affaire et ma retraite à la Maison, si la chose est possible.

Croyez-moi toujours en Jésus et Marie, bien cher et T. Rév. Père,

Tout à vous.

Eymard p.m.

rue des Ursulines 12

Ascension 56

P.S. Après la Ste Messe, la Rév. Mère me communique la réponse de M. son Supérieur; M.Gaume ne croit pas prudent qu'elle me permette de faire ma retraite près de la Répa- ration. J'ai pris de suite mon parti et je vais dans une petite communauté, rue d'Enfer 114. Je ne sais ni le nom, ni le but; il paraît que c'est comme une Trappe.

Au T.R.P. Lagniet

Prov. des PP.Maristes

Montparnasse, 31

Paris


Nr.0565

An P. Lagniet, Marist

Paris, 4 mai 1856

Bien cher et T. Rév. Père,

C'est encore moi. J'ai réfléchi qu'il serait plus prudent de n'aller vous voir qu'à la fin de ma retraite. Si la décision est en faveur de ma première vocation, ma visite sera plus fraternelle. Si, au contraire, elle est pour le sacrifice, je comprends que la prudence demande plus de réserve et un oubli entier. Je suis dans une communauté du S. Coeur de Marie. Je ne sors nullement et ne vois personne, excepté M. de Cuers qui vient de temps en temps. C'est une solitude complète. Je suis heureux de n'être pas resté à la Réparation: je croyais M. de Cuers en dehors de la Communauté. Puis on ne réfléchit jamais assez, je n'ai pas encore fait mon choix; ici il n'y a personne qui m'aille. On m'a parlé de quelques Sulpiciens ou des Jésuites. Je suis sur la Croix: Dieu le veut.

Si au moins, je pouvais bien mourir à moi-même, à tout sentiment, à toute volonté propre. C'est ce que j'essaie de faire et de dire sans cesse: Ne propicias me a facie tua, et Spiritum Sanctum tuum ne auferas a me. Pater, non quod ego volo, sed quod tu.

Priez pour celui qui sera toujours en Jésus et en Marie,

Très cher et Révérend Père,

Tout à vous.

Eymard p.m.


Nr.0566

An hochwst. Bischof Sibour

A MONSEIGNEUR SIBOUR, ARCH. de PARIS

(ou à L'Archevêché)

/4 mai 1856/

Monseigneur,

C'est un prêtre de Lyon qui ose réclamer de votre bonté une audience particulière. Je suis venu tout exprès à Paris pour consulter Votre Grandeur sur une affaire importante et qui peut procurer le bien de l'Eglise. Je n'abuserai pas de votre charité, Monseigneur, j'ai la douce confiance qu'elle ne me refusera pas cette faveur.

J'ai l'honneur d'être, dans les sentiments du respect le plus profond, de Votre Grandeur, Monseigneur,

le très humble et très obéissant serviteur

L'Abbé Eymard

Paris, rue d'Enfer 114

4 mai 1856


Nr.0567

An hochwst. Bischof Sibour

RAPPORT PRESENTEE A Mgr SIBOUR

Monseigneur,

Permettez-moi de vous ouvrir mon âme, sur la pensée que j'ai cru venir de Dieu, mais me défiant de ma faiblesse et des illusions de l'amour-propre, j'ai besoin de votre sage conseil afin d'agir selon les voies ordinaires de la divine Providence, c'est-à-dire, par l'obéissance.

Depuis cinq ans je me sens attiré vers la divine Eucharistie, par un sentiment intérieur très fort. Pendant plus de deux ans je l'ai combattu et en ai gardé le silence; ce sentiment devenant toujours plus pressant et craignant de résister à une grâce, je m'en ouvris au P. Alphonse, Provincial des Capucins; cet homme sage et prudent me conseilla de renoncer à cette pensée; si cependant, ajouta-t-il, elle vous poursuit toujours, faites-en part à votre Supérieur Général, il a grâce pour cela. Près d'un an s'écoula dans cette lutte intérieure, à la fin je manifestai ma pensée au T.R.P. Colin, mon Supérieur. Après l'avoir examinée, il me dit: "cette pensée est bonne, je crois qu'elle vient de Dieu; priez, mourez à vous-même, et peut-être qu'un jour Dieu en tirera sa gloire"... - Plus tard, le T.R.P. Colin ayant donné sa démission, je communiquai le désir de mon âme au T.R.P. Favre son successeur, et il l'a combattu avec force jusqu'à ce jour. Son affection pour moi, la nouvelle position, craignant quelque malaise dans la Société, ayant été moi-même Provincial quelques années auparavant, la crainte d'une illusion pieuse: tels furent les principaux motifs de son refus.

Un an s'est écoulé dans cette longue et pénible épreuve; mais le premier sentiment a été toujours croissant; craignant donc d'être infidèle à la grâce, encouragé par les paroles de mon ancien Supérieur Général et par le sentiment d'un de mes anciens directeurs, après avoir prié et fait prier beaucoup, j'ai mis aux pieds de Sa Sainteté Pie IX cette pensée et ce désir de son coeur.

Or voici sa réponse orale, le 27 août 1855:

"L'Oeuvre vient de Dieu, j'en suis convaincu, l'Eglise a besoin de cela, qu'on prenne tous les moyens pour faire connaître la divine Eucharistie. Mai je désire que le prêtre mariste s'entende avec son Supérieur et l'Evêque du lieu pour commencer tout cela. Je pourrais lui donner moi-même la permission de se mettre à l'ouvre, mais la sagesse de Rome exige que le Supérieur Général s'y prête, et il le fera de bonne grâce."

Après cette réponse bienveillante du Souverain Pontife, je m'attendais à recevoir une réponse favorable, et je ne reçus que des épreuves; elles étaient sans aucun doute nécessaires pour le bien de mon âme; il me semble, avec la grâce de Dieu, en avoir fait mon profit.

Enfin, il y a douze jours, je fis ma dernière tentative auprès de mon Supérieur, qui cette fois m'a donné ma pleine liberté, mais je dois le dire, avec peine et douleur - l'épreuve était finie, elle avait duré plus de deux ans, alors le langage du T.R.P. Supérieur changea de caractère, il devait m'éprouver, il voulait me garder, c'ètait son devoir et un acte d'affection, me dit-il, or voici ses dernières paroles: "pour vous montrer, mon bon Père, combien je tiens à vous, je vous dis en toute affection que si l'essai que vous allez faire ne réussissait pas, ou si pour quelqu'autre motif vous vouliez rentrer dans la Société, les portes vous seront toujours ouvertes, et vous y serez toujours reçu comme l'enfant de la famille." Tant de marques de bonté, Monseigneur, auraient triomphé de mon coeur, si je n'avais pas craint de résister à la voix de Dieu.

Cependant, avant de le quitter, et d'user de ma liberté, et aussi pou rendre ma résolution non l'effet d'un attrait particulier, mais de l'obéissance, je demandais de faire, avant de me mettre à l'ouvre, une retraite, pendant laquelle je remettrais encore cette pensée eucharistique et ma liberté à l'examen d'un sage directeur, ce qu'il accepta avec le plus grand plaisir.

Je suis en retraite depuis l'Ascension et Dieu m'attire de plus en plus vers le sacrifice entier par l'amour de la croix. Maintenant, Monseigneur, permettez-moi de vous consulter comme l'Ananie de ma vie, et de vous demander la charité d'un conseil.

Je vous obéirai comme à Dieu même.

Croyez-vous, Monseigneur, que je fasse une chose agréable à N.S. de me dévouer au service de la divine Eucharistie?

Pensez-vous que je puisse, tuta conscientia, me servir de ma liberté?

Si Votre Grandeur me répond que oui, je l'en bénirai toute ma vie, et je commencerai avec bonheur et confiance; tout semble prêt: 5 ou 6 prêtres très pieux et très estimés de leur Evêque n'attendent que cette décision pour se préparer, trois sont libres.

Si au contraire votre sagesse juge qu'il faut y renoncer entièrement, je suit prêt à obéir sur l'heure et j'adorerai la volonté de Dieu manifestée par la vôtre et je retournerai reprendre mes premiers liens.-

Mgr de la Bouillerie qui me connaît et à qui j'ai fait connaître mon désir et ma position actuelle, ainsi que ma résolution de soumettre ma question personnelle à Votre Grandeur, m'a fortement approuvé et encouragé - il m'a même dit des paroles très encourageantes "que si Votre Grandeur nous accueillait avec bienveillance, nous pourrions nous rendre utiles sous votre haut Patronage aux Oeuvres de l'Adoration de Paris - que la qualité de religieux etc. serait, au lieu d'être nuisible, utile, au commencement du moins, pour former les sujets, et que d'ailleurs l'offre si obligeante de mon Supérieur de me recevoir toujours, était une sauvegarde et un motif de confiance de l'essai."

J'abandonne maintenant, Monseigneur, le tout à votre jugement et j'espère de la miséricordieux bonté de Dieu la grâce de m'y soumettre de tout mon coeur et sans réserve.

C'est dans les sentiments du plus profond respect et d'un entier abandon que j'ose me dire en N.S.

de Votre Grandeur, Monseigneur,

l'humble enfant

Eymard p.Mar.

Paris rue d'Enfer 114

5 mai 1856


Nr.0568

An hochwst. Bischof Sibour

Monseigneur

Quelques prêtres des diocèses de Lyon, de Marseille et de Toulon osent déposer aux pieds de Votre Grandeur le désir intime de leur âme.

Animés d'un même sentiment, de se dévouer d'une manière toute spéciale au service de l'adorable Eucharistie; encouragés par la parole bienveillante du Souverain Pontife, ils viennent solliciter de votre bonté et de votre amour pour J.C. la permission de se réunir sous votre haut Patronage, de vivre en commun et de se préparer ainsi sans bruit, dans la prière, l'étude et les vertus apostoliques à cette belle mission eucharistique, et se rendre capables de rendre quelques services aux diverses Oeuvres d'Adoration qui font déjà tant de bien dans la Capitale.

C'est dans les sentiments de la plus profonde vénération et d'une filiale confiance qu'ils osent se dire;

de Votre Grandeur, Monseigneur,

les très humbles et très obéissants serviteurs.

Eymard de Cuers

p. Pr.

Paris rue d'Enfer 114

5 mai 1856


Nr.0569

An Marg. Guillot

Paris, 7 Mai 1856.

Je suis toujours en retraite, ma chère fille en Notre-Seigneur; j'y resterai jusqu'au mardi 13. Je me suis mis dans une entière indifférence. J'ai ouvert mon âme à un homme de Dieu instruit, expérimenté, sévère et que je ne connaissais pas; sa dernière parole a été: "J'ai besoin de prier, de réfléchir et de consulter. Mardi, je vous donnerai une réponse".

Quelle sera cette réponse? je n'en sais rien; ce qui me rassure, c'est que j'ai dit simplement tout ce qui était contre moi, tout ce qu'on m'a dit à Lyon. J'en ai trop dit pour avoir confiance naturelle maintenant; la sainte volonté de Dieu se manifestera par son organe.

S'il me dit de renoncer à cette pensée, je serai tranquille, j'aurai fait ce que ma conscience a cru [devoir] faire. Si, au contraire, il me dit d'aller en avant, j'irai au nom de la sainte Obéissance; ainsi, la question a changé de caractère, j'en suis là où elle aurait dû commencer: Dieu l'a voulu ainsi, et je l'en bénis, cela m'aura fait du bien, et dégagé de bien des choses naturelles et humaines.

J'ai vu le T. R. Père Général, il a eu la bonté de venir me voir. Son affection, sa bonté me percent le coeur, et me font plus souffrir que toutes les tentations du démon ou de la nature; il m'a dit que lui aussi ne voulait que la volonté de Dieu, j'en suis tout heureux.

Autre nouvelle, j'ai trouvé une excellente place pour l'enfant de Charlieu; il sera dans un établissement où la religion, les arts, les métiers ne laissent rien à désirer. Il faut tâcher de l'envoyer de suite, et trouver quelque bon voyageur qui l'accompagne à Paris, chez Mr de Cuers, rue des Ursulines n·12, à Paris.

Pour moi, je suis en retraite seul, et bien seul avec Notre-Seigneur, dans une communauté d'hommes, Rue d'Enfer 114, Paris. Encore un peu de prière, de patience et d'abandon, et tout sera dit.

Toujours tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P.S. - Mes bien sincères souvenirs à vos bonnes soeurs.

Mademoiselle Guillot Marguerite,

Maison des Carmélites,

Rue du Juge de Paix, Fourvière.

Lyon (Rhône).


Nr.0570

An hochwst. Bischof Sibour

/7 mai 1856/

Monseigneur,

Je prends la liberté d'adresser à Votre Grandeur, une copie plus convenable du projet de la Société du T.S. Sacrement, soumis à Sa Sainteté Pie IX, le 27 août 1855. Si dans sa haute sagesse et malgré notre indignité, Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque daigne en bénir l'essai sous votre bienveillant Patronage, Monseigneur, j'ose espérer de votre bonté une approbation, au moins temporaire, afin que nous marchions de suite par la voie divine de l'obéissance.

Daignez agréer les sentiments de la plus profonde vénération et de l'abnégation entière avec lesquelles j'ose me dire en N.S.

De Votre Grandeur, Monseigneur,

l'humble enfant,

Julien Pierre Eymard

P.m.

Nota: Voici le Sommaire de ce rapport sur la SOCIETE DU T.S. SACREMENT, dont l'original est aux Archives de l'Archevêché de Paris et la copie authentique dans D-1 339.

Chapitre 1. Des fins de la Société........ (1 page)

" 2. Des oeuvres de la Société.. (1 page)

" 3. De l'esprit de la Société. (1 page)

" 4. Des Membres.................(1/2 page)

" 5. Des Voeux................... (1 page)

" 6. De la conduite des Religieux envers les Supérieurs ecclésiastiques.. (1 page)

" 7. Du Gouvernement......... (1/2 page)


Nr.0571

An P. Lagniet, Marist

/Paris/ 12 mai 1856

Bon et T. Rév. Père,

Merci de votre petit mot. Que vous êtes bon! vous l'êtes vraiment trop pour moi! Je ne sors pas; et ce n'est que vers le soir que je dois enfin recevoir une décision, et qui sait si encore je l'aurai! A la volonté de Dieu! je ne sais nullement ce qu'elle sera. Dieu m'a tenu dans une mort complète pendant ces onze jours d'immolation de ma volonté; il me semble être prêt à tout, à aller vous embrasser de bien bon coeur si je vous reste, et à me ceindre la tête de la couronne d'épines, si Dieu m'appelle à son Oeuvre. Ce ne sera, je présume, que mercredi matin que je pourrai vous donner quelque nouvelle; en attendant, regardez-moi toujours en N.S., Bon Père,

Comme votre enfant.

Eymard p.m.

Au Rév. P. Lagniet

Provincial des PP. Maristes

à Paris, 31, Rue Montparnasse


Nr.0572

Achtung: das Schreiben an Pius IX. hat im franz. Katl. keine Veröffentlichungsquelle!

An Papst Pius IX.

Paris, 13. Mai 1856

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Nr.0573

An den Generalobern P. Favre

AU T.R.P. FAVRE.

Paris, 14 mai 1856

Bon et T.Rév.Père,

Enfin, après douze jours d'attente, de prières, de larmes et d'abandon, l'épreuve est finie: on m'a répondu par deux fois que l'on croyait que la volonté de Dieu était que je me dévouasse à l'Oeuvre du T.S. Sacrement. J'étais bien résolu d'accepter le jugement contraire en toute simplicité et sans retour; ma volonté était dans l'indifférence, du choix. Puisque Dieu me manifeste sa volonté, je vais m'y dévouer, ne me confiant que sur sa grâce et espérant le secours de votre charité et de vos prières.

Je ne vous dis pas, bon et très Rév. Père, les peines, les tentations, les épreuves par lesquelles il a plus à Dieu de me faire passer. Je ne vous dis pas non plus combien il m'en coûte à mon coeur, à mon âme, à tous mes sentiments de faire ce pas, ce grand pas (que je pourrais appeler celui de l'agonie), car je ne vois que la croix et le calice, heureux encore si Dieu daigne agréer mon sacrifice; mais ce que je puis dire en toute simplicité, c'est que je serai toujours de coeur, de reconnaissance et par le dévouement filial, l'enfant de la Société de Marie; c'est que j'ai la confiance que ma démarche tournera au bien de la Société, et j'en ai au fond de mon coeur comme l'assurance. Ce sera, après tant de souffrances, une bien douce consolation; car comment n'aimerais-je pas une Société qui a été une mère si bonne et si tendre pour moi, un Père dont le coeur m'est connu et qui m'a aimé avec tant d'affection et de dévouement; des frères si bienveillants? L'avouerai-je, mon Très Révérend Père? jusqu'au jour de la résolution définitive, j'ai regardé ma pensée eucharistique jugée et perdue: mon sacrifice était fait, tout était prêt pour repartir le même jour à Lyon. Dieu en juge autrement: que sa sainte volonté s'accomplisse!

Maintenant, bon et T. Rév. Père, acceptez avec bonté mes bien vifs et bien sincères sentiments pour tout ce que la Société a daigné faire pour moi. Veuillez remercier pour moi le bon Père Teraillon de ses bons conseils, auxquels je dois d'avoir fait cette pénible, mais salutaire retraite; et par cette retraite tout est rentré dans l'ordre ordinaire: ce n'est plus moi qui ai examiné ni jugé, je ne me dévoue plus à l'Oeuvre Eucharistique par mon attrait, j'en avais fait entièrement le sacrifice; c'est par l'autorité de trois hommes éprouvés que je ne connaissais pas, en un mot de trois évêques, puis d'un homme instruit, expérimenté, sévère; et en ajoutant votre bénédiction, mon T. R. Père, vos prières, vos conseils, je me trouve dans l'ordre de la Providence.

Mgr l'Archevêque a accueilli cette Oeuvre avec grand plaisir, il lui a donné son approbation avec une bienveillance qui nous a surpris. C'est Mgr de Tripoli qui en est le Supérieur ecclésiastique et qui a donné tous les pouvoirs. Voilà ce qu'est devenue en quelques jours cette pensée. Mgr a bien voulu, jusqu'à la vente de l'ancienne Maison Châteaubriand, la mettre à la disposition de l'Oeuvre naissante, celle de M. Bad... étant finie.

En tout il me semble avoir agi en toute simplicité et vérité; j'ai montré votre certificat, j'ai dit tout ce qui était contre mois. Je me suis placé alors au moment de la mort et devant le tribunal /du Souverain Juge/, afin que plus tard je n'eusse pas de regrets ni de reproches intérieurs.

Maintenant, bon et T.Rév. Père, j'ai deux faveurs à vous demander: la première, de me conserver votre amitié, ou si c'est trop, votre charité, vos prières, et celles de la Société; la seconde, en répondant à Rome, de voir plutôt l'Oeuvre que mon indignité, le bien qu'elle peut faire, plutôt que l'instrument, hélas! si misérable et qui n'est bon que pour souffrir, encore à peine.

J'ai dit aux évêques ce qui s'est passé à Rome, les renseignements que l'on vous demande, la délicatesse de ma question personnelle. On m'a répondu: Avant notre décision, oui, la situation était embarrassante, mais aujourd'hui elle change de caractère, et votre Supérieur Général qui, comme vous, s'est mis dans l'indifférence, jugera votre question sur l'état présent.

Le bon Père Lagniet est venu me voir hier 14, et sa bonté et sa charité m'ont amené ici aujourd'hui 15 au milieu de la famille bénie de Marie, d'où je finis ces lignes. "Nous devons, me dit-il, rester amis, vivre en bons rapports, rester frères; c'est sûrement de votre intérêt comme du notre". J'ai accepté avec reconnaissance et grande joie jusqu'à ce que vous régliez dans votre sagesse, bon et T.R.Père, ce qui est le plus convenable et le plus utile.

Bénissez-moi encore une fois et cette bénédiction me portera bonheur, et Dieu vous le rendra au centuple.

C'est dans les sentiments de la reconnaissance la plus vive et du dévouement le plus filial que je suis et serai toujours en N.S., Bon et T.Rév. Père,

Votre enfant.

P. Eymard


Nr.0574

An Frau Sauvestre

Paris, 15 Mai 1856.

Madame et bien chère soeur en N.-S.,

Il est juste et consolant pour moi de vous donner la première nouvelle: l'épreuve de douze jours, de cinq ans est finie. La divine Eucharistie l'a emporté, je suis son heureux serviteur, et fasse qu'un jour j'en sois le zélé et dévoué apôtre! c'est le 13 que Mgr l'Archevêque a approuvé l'Oeuvre, et hier au soir que l'on a tranché ma question. Trois Evêques l'ont examinée et jugée.

A plus tard les détails. Avant d'accepter la démission de mes premiers voeux, j'ai indulgencié toutes vos croix ce matin; elles sont reparties de suite.

J'ai un peu le désir d'aller vous voir un jour à Poitiers, si Dieu le veut.

Mes respectueux et dévoués hommages à votre chère et bien-aimée soeur.

Tout à vous en Jésus et Marie.

EYMARD.

P.-S. - Mon adresse actuelle: Rue des Ursulines, N· 12, Paris, chez Mr de Cuers.

Mme Sauvestre de la Bouralière,

rue des Carmélites, Poitiers (Vienne).


Nr.0575

An hochwst. Bischof Sibour

/Paris/ 16 Mai 1856

Monseigneur,

J'ose adresser à Votre Grandeur les noms et prénoms de vos enfants de la petite Société du T.S. Sacrement, afin qu'elle daigne leur accorder une feuille de pouvoirs.

M. de Cuers Raymond (du diocèse de Marseille)

Eymard Julien-Pierre (du diocèse de Grenoble)

Notre coeur, Monseigneur, déborde de joie et de reconnaissance pour l'insigne grâce que nous vous devons. La petite Société du T.S. Sacrement est votre oeuvre, et nous serons heureux de vous obéir comme à Notre-Seigneur et de vous aimer comme notre Père.

vvvvvv

Remarque: Il semble que les lettres 1,2,4, ont été adressées à Mgr SIBOUR, Evêque de Tripoli et Auxiliaire de Mgr SIBOUR, Archevêque de Paris, et peut-être aussi la lettre n.5.


Nr.0576

An Frau Sauvestre de la Bouralière

(Paris) 17 mai 1856

à Me Sauvestre,

Gloire à Jésus Eucharistie !!!!!

C'est un grand événement que je vous annonce, peut-être le plus grand de notre vie à tous deux.

Trois évêques ont à Paris reçu et approuvé l'oeuvre du T.S.St. Ils ont béni le P.Eymard et l'abbé de Cuers. Je surabonde de joie et suis dans une jubilation que je ne puis décrire.

En même temps le P. Marie de Jésus m'écrit qu'il a 2 vocations, 2 jeunes prêtres fervents comme des Séraphins.

Quant au temporel, je vais m'en occuper et j'aime à espérer que vous serez à la hauteur de votre mission. On m'a promis 64.000, dont je servirai bientôt les intérêts. Quant au capital, c'est l'affaire de plusieurs années.


Nr.0577

An Marg. Guillot

Paris, 18 Mai 1856.

Je viens, ma chère fille, vous donner la grande nouvelle. Hier, le T. R. Père Supérieur a dû recevoir ma lettre qui lui annonce qu'après douze jours de souffrances, d'épreuves, d'abandon, trois personnages éminents en sainteté et en science m'ont dit qu'ils croyaient que la volonté de Dieu était que je me dévouasse à l'Oeuvre du T. S. Sacrement. Cette réponse m'est venue dans un moment où je croyais que tout était perdu. Mon sacrifice était fait sans retour.

Je devais repartir de suite de Paris. Dieu en a décidé autrement, qu'il en soit béni et glorifié!

Le T. R. Père Favre a été d'une bonté et d'une piété qui m'ont transpercé le coeur; cela a été l'épée la plus sensible, car je l'aime, et il le mérite à tous égards.

Je ne vous dis rien de moi. Je ne vais pas bien mal, toutes ces secousses n'ont pu que fatiguer ce misérable corps: tout cela n'est rien, pourvu que Jésus-Christ soit servi, aimé et glorifié par sa petite famille et par tous les hommes.

Mes sentiments envers vous et vos bonnes soeurs seront toujours ce qu'ils ont été. Votre âme et votre état me seront toujours bien chers. Je ne suis peiné que d'une chose, c'est que ma résolution vous ait tant fait souffrir: il y en avait bien assez de moi.

Priez maintenant que je ne me rende pas indigne d'une si belle et si sainte vocation, car si le combat est fini, un autre va recommencer: c'est celui du calvaire personnel, du sacrifice de chaque jour.

Je n'ai pas besoin de vous dire que si je ne porte plus le titre de Mariste, je reste l'enfant de la Société de Marie par le coeur, la reconnaissance et le dévouement: on n'oublie pas une si bonne mère. Dieu a permis toutes les épreuves, que l'on ne se soit pas compris; que l'on m'ait supposé des pensées contraires...; il le fallait pour arriver à une détermination absolue.

Croyez-moi toujours en N.-S., chère fille;

Tout à vous.

EYMARD.

P.S. - Il faut bien vous dire que Monseigneur l'Archevêque de Paris a béni et favorisé

l'Oeuvre et qu'elle commencera dans la même maison où j'étais en épreuve; la communauté s'est dissoute (le Saint-Coeur de Marie) et nous verrons après, Rue d'Enfer 114.

Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de Paix, Maison des Carmélites,

Lyon (Rhône).


Nr.0578

An Fräul. v. Revel

18 mai 1856

Paris, rue d'enfer, 114 (5)

Mademoiselle & bien chère Soeur en N. S.

Vous avez dû recevoir ma dernière lettre qui vous faisait part de mon départ pour une retraite & de ma résolution de me mettre dans la Ste indifférence. Ma retraite de 12 jours est finie, la décision a été en faveur de l'oeuvre du T.S. Sacrement. Je n'ai pas mis une paille dans la balance, ni fait agir personne, ceux qui ont jugé ne me connaissaient pas. Je me suis ouvert en toutes simplicité. Je ne comptais pas même sur une décision en faveur de l'oeuvre, puis Dieu en a jugé autrement qu'il en soit glorifié & béni! Ce n'est plus par mon attrait que je m'y dévoue mais par un motif plus sûr. - Il m'en a bien coûté - dans le combat on ne sent pas le sacrifice, mais c'est après quand il faut couper un membre - j'espère que Dieu agréera mon sacrifice, il me semble le lui avoir fait entier.

Nous avons l'approbation bienveillante de Monseigneur l'Archevêque, nous allons commencer à Paris dans la solitude, la pauvreté, la prière - nous attendrons pour agir que Dieu nous dise allez.- Vous prierez pour moi, bonne Soeur, si le nom est changé, le coeur ne l'est pas c'est maintenant surtout que j'ai besoin de faire comme le grain de froment - il faut que Jésus me fasse mourir pour me donner ensuite sa vie, la grâce de ma mission.

Vous serez toujours la bonne soeur du T. O. - & vous aimerez toujours la Société de Marie pour laquelle je garde toujours une affection filiale, & le désir de la servir.

Croyez-moi toujours en N.S.

Chère Soeur en Marie

Tout à vous

Eymard

Mademoiselle de Revel

rue Ste Hélène

Lyon (Rhône)


Nr.0579

An Frau Tholin-Bost

Paris, rue des Ursulines, 12;

18 Mai 1856.

BIEN CHERE FILLE ET SOEUR EN N.-S.,

Le bon Maître a gagné sa cause; me voici à Paris et tout à son service et à son amour eucharistique. Tous les sacrifices sont consommés, les épreuves du moment finies. Le T.R.Père Supérieur Général m'a donné la dispense de mes voeux et conservé son amitié. Trois évêques ont approuvé ma résolution et mon désir. Mgr l'Archevêque de Paris l'a accueillie et bénie avec une bonté toute paternelle.

La maison est louée (rue d'Enfer, 114, Paris); dans quelques jours nous y serons pauvrement installés, mais avec joie et bonheur.

Mon corps et mes facultés sont comme un soldat qui revient d'un champ de bataille. Avant d'user de ma liberté et avec la permission du T.R.Père Supérieur Général, j'ai fait la retraite du Cénacle en douze jours, et le 13 mai nous avons été approuvés.

Voilà, bonne soeur, où la cause eucharistique est arrivée; bénissez-en Dieu et remerciez-le pour moi. Mon âme ne cessait de dire le Magnificat, et, sous le poids encore des pensées et des sacrifices, elle n'avait qu'une parole: "Que le bon Dieu est bon!"

Vous allez maintenant prier pour que je réponde à une si belle vocation; que, comme le pain du sacrifice, je perde ma vie, ma substance, ma personnalité, pour être changé en l'esprit et la vie de Jésus, n'en conservant que l'apparence humaine, que l'humiliation et la pauvreté, afin que la vertu de Jésus habite au milieu de mes infirmités.

Mais, bonne soeur, si nous n'avons rien pour nous, nous voudrions avoir quelque chose pour le Roi eucharistique; nous voudrions bien le recevoir, l'honorer, l'entourer de gloire; vous voudrez donc prier Notre-Seigneur de nous envoyer quelque chose pour le vêtir, le loger, célébrer les augustes Mystères. J'attends le beau pupitre et le Tabernacle quand il sera fait; mais ce que j'attends avec le plus de désir ce sont des nouvelles de votre santé, de votre nouvel état.

Vous avez dû bien souffrir pour quitter tant de bonnes âmes et le terrain de la charité.

Vous voilà cénaculiste avec nous. Que Jésus vous garde et vous conserve en sa divine charité.

Tout à vous.

EYMARD, P.

P.-S. Mes affectueux souvenirs au bon Mr Tholin et à votre fils spirituel.

Madame,

Madame Tholin-Bost,

Tarare (Rhône).


Nr.0580

An P. de Cuers

Leudeville, par Marolles en Hurepoix - 20 Mai 1856.

Bien cher frère en N.-S.,

Je ne partirai d'ici que vendredi matin, j'irai descendre chez nos Pères et puis vous voir dans l'après-midi.

Si je puis reprendre ma liberté convenablement, je ferai mes adieux en rue Mont-Parnasse pour aller à Marie Thérèse ou, ce que j'aimerai mieux, à notre Cénacle.

C'est le bon Dieu qui m'a envoyé ici, je vous l'expliquerai: un saint prêtre sera peut-être le fruit de ma visite.

J'ai appris hier que Dimanche le T. R. P. Lagniet a annoncé à sa communauté, de la part du T. R. P. Sup. Général, ma sortie de la Société et l'Oeuvre du T. S. Sacrement. Il paraît que le P. Général a dit des choses très bienveillantes pour moi, que nous devions rester amis, [qu'il fallait] se voir [qu'il voulait] me recevoir, et cette nouvelle m'a fait grand bien. Le Dieu de la charité et de la paix a ramené tous les coeurs dans un même centre d'affection. C'est qu'il est le Maître des coeurs et ce que Dieu veut, se fait.

J'ai demandé mes effets, je pense que vous les recevrez bientôt.

Si vous voyez Mr Badiche, exprimez-lui mes regrets de ne l'avoir pas vu pour le remercier de sa bonté envers moi. J'allais le voir, lorsque Mr le Prieur me dit qu'il n'était pas chez lui.

A bientôt. Ma santé se fortifie. J'en ai besoin de ces quelques jour de calme!

Tout à vous in X·.

EYMARD, P. S. S.

Monsieur l'abbé de Cuers.

Rue des Ursulines, 12

Paris.


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