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Nr.0341
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne, le 28 Mars 1852.
Excusez-moi, ma chère fille, si j'ai tardé de vous répondre; j'attendais une lettre de N.D. du Laus, du Supérieur. Il paraît qu'il est absent, je vais réécrire; mais il y a toujours de la place et cela ne coûtera pas plus qu'à St François Régis, moins même, car les vivres y sont à bon compte. Puis nous, nous sommes dans de petits embarras, mais très absorbants: nous avons la rougeole dans la maison, déjà dix sont pris... puis les mères, les parents, tout afflue. Ajoutez à cela que j'ai la grippe depuis quelques jours, c'est ce qui me rend paresseux; cependant je ne tiens pas le lit: il faut bien aussi avoir sa petite parcelle de la croix de Notre-Seigneur. Mais les Supérieurs ne sont pas à plaindre, tout le monde s'empresse pour les soigner. Ainsi, soyez sans inquiétude.
J'en viens à vos réponses:
1· Silence. - Vous pouvez le garder jusqu'à la fin mars. Si la cause dure, vous ferez bien d'en dire un mot.
2· Vos lettres me consolent, mais je ne voudrais pas qu'elles aggravent votre mal. Soyez prudente.
3· Oui, faites comme vous le dites pour les deux confesseurs. Mais le P. Champion est un directeur très éclairé, vous pouvez vous ouvrir à lui; je lui ai parlé du P. Surin, que je vous avais prêté, sur les épreuves de votre état; parlez-lui simplement: dès qu'un directeur connaît l'état intérieur avec les épreuves extraordinaires, il sait tout cela; parlez-lui de la tentation du suicide, c'est une tentation même ordinaire dans cet état, ainsi que le P. Surin l'a dit; dites............. Je m'accuse de tout ce que j'aurais fait qui aurait pu offenser Dieu; on me défendait de trop examiner là-dessus; et cela suffira.
4· Vous pouvez parler du voeu de chasteté, il est ordinaire: le reste n'est pas nécessaire pour le moment.
5· Vos gros péchés sont très bien confessés comme je vous l'ai dit, et surtout si le confesseur, comme le P. Champion, connaît votre état. Pauvre fille, toutes ces grandes tentations sont votre Purgatoire, et vous rendent plus agréable à Dieu; seulement ne les raisonnez pas, et ne vous en accusez pas en détail.
6· Vos prières vocales. - Si cela ne vous fatigue pas, vous pouvez continuer l'exercice du Chemin de Croix, quelques dizaines de chapelet. Cependant, pas trop de prières vocales, votre tête en souffrirait.
7· L'aumône du jubilé. - Facultative, un franc suffit, dix sous même. Les pauvres donnent....
Adieu, bonne fille, merci de votre billet de 100 fr. J'acquitte les Messes de ma bonne Marie, dites-lui que je ne l'oublie pas.
Je remercierai bien St Joseph, s'il vous guérit et vient au secours de vos soeurs.
Ma soeur va toujours un peu mieux.
Je vous laisse en l'amour de Notre-Seigneur.
EYMARD.
P.S. Je rouvre ma lettre pour vous accuser réception de la vôtre aujourd'hui. Hélas! je ne m'attendais pas à une si triste nouvelle! ce pauvre père devra beaucoup au T.O. ! La Ste Vierge ne le laissera pas. Soyez tranquille sur la lettre, je l'avais prié de la brûler, puis il n'y avait rien de compromettant, c'étaient des avis simples. Hélas! je dirai demain votre Messe, offrez pour lui le mois d'avril et de mai.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,
Lyon (Rhône).
Nr.0342
An Mariette Guillot
La Seyne-sur-Mer, Mars 1854.
MADEMOISELLE MARIETTE,
Votre lettre, ma chère fille, m'a fait plaisir et peine: plaisir de recevoir de vos nouvelles, et peine en vous voyant si souffrante et si peinée. Hélas! le Bon Dieu le veut, voilà toute la consolation chrétienne, et le Bon Dieu le veut pour notre plus grand bien; peut-être que sans ces croix notre vie ne lui serait pas agréable.
Bénissez-le donc ce bon Père, alors même qu'il semble vous crucifier un peu avec son divin Fils, qui, cependant, fut toujours l'objet de ses complaisances et son premier amour. La souffrance remplace la méditation, mais ayez soin, ma fille, de bien faire l'offrande de la croix à la croix de Jésus, de tout ce que vous souffrez et souffrirez; cette offrande sera votre méditation et la plus excellente de toutes. Comme aussi tâchez, ma bonne fille, de ne pas vivre avec vos peines, vous les augmenteriez; c'est bien assez de les porter avec patience.
Faites bien vos communions, vous en avez besoin, et le Bon Dieu sait bien ce que vous êtes. Mais ne dites plus: Je ne puis être intérieure, recueillie; voyez, vous pouvez faire en tout la sainte Volonté de Dieu, et par conséquent être tout ce que le Bon Dieu veut.
Je partage bien votre pensée sur Chasselay et je prie le Bon Dieu de vous faire connaître sa sainte Volonté.
Essayez peut-être de Mr Preuvost, vous lui direz comment je vous connaissais.
Adieu, ma chère fille. Hélas! que Notre-Seigneur vous console, vous soutienne et vous fortifie.
EYMARD.
Nr.0343
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne, 7 Avril 1852.
Je vais, ma chère fille, satisfaire à votre désir d'avoir de mes nouvelles. La grippe est passée, nos malades sont presque tous guéris, il ne nous reste plus que quatre à cinq convalescents. La petite épreuve passe. Vous vous tourmentez trop sur moi; au printemps, on a toujours quelques petites misères.
Je vous promets le voeu de St Joseph et je prie ce bon et grand saint de vous obtenir ce que vous demandez, ainsi: 1 vous pouvez ajouter au je confesse à Dieu, le nom de St Joseph sans difficulté. Le 2 la grâce........... 3 le quart d'heure chaque mercredi. 4 La neuvaine d'heures et de communions, quand vous serez bien guérie; par la communion, pour remercier Notre-Seigneur de la gloire et des vertus qui ont illustré St Joseph; par les heures, pour honorer sa vie intérieure et cachée et lui demander le don d'oraison.
Je suis heureux des grâces que le bon St Joseph vous a déjà obtenues. Courage et confiance! ce n'est qu'un commencement. Toutes vos misères..... vous tiennent dans l'humilité, et vous feront glorifier Dieu dans votre pauvreté plus que dans la paix.... Allons! ma fille, souvenez-vous que quand le corps souffre, la nature gémit et soupire, il ne faut pas trop lui en vouloir pour cela, c'est si naturel! seulement il faut toujours la ramener à Dieu.
Adieu, bonne fille, que Notre-Seigneur vous guérisse et vous remplisse de sa grâce et de son amour, vous et toutes vos chères soeurs, à qui je vous prie de bien présenter mes sentiments affectueux. Je prends bien part à toutes vos peines, vous pourrez écrire encore......... et qu'il vous en coûte bien d'engager son billet, mais que vous y serez forcée (et alors vous remettrez ce billet dans le commerce ou à une autre personne). Mlle de Revel me donne de vos nouvelles; elle me dit que, s'étant aperçue que les visites vous fatiguaient, elle n'avait pas osé aller vous voir par discrétion.......... La maison de Fourvière est une bien petite perte et, peut-être, un gain.
Pour l'argent du tableau, gardez le silence sur la personne qui en avait le dépôt, la personne qui l'a donné ne veut pas être connue. Vous pourrez le remettre à Mlle de Revel pour qu'elle le remette à Mme Spazzier qui a déjà reçu 50 francs. De sorte que ce n'est plus que onze cents francs, y compris le cadre qui coûte 150 fr. et le tableau mille. Quand tout sera fini, on fera bien de le faire porter à la chapelle du T.O., mais attendre un jour où le Père Supérieur Général n'y sera pas.
Adieu, ma fille. Je vais écrire à Mlle Jenny. J'ai reçu la réponse du Laus, elle est bien.
Tout à vous
EYD.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,
Lyon (Rhône).
Nr.0344
An Marianne Eymard
Tout pour Dieu seul.
Vendredi Saint 1852.
BIEN CHERES SOEURS,
Je viens vous souhaiter une bonne fête de Pâques et de la Résurrection, quant à la santé et à l'augmentation de la vie de Jésus en vous. Il est bien juste que vous partagiez le bonheur de Notre-Seigneur, puisque vous avez partagé sa croix. C'est là la marque des élus, des véritables épouses de l'Agneau sans tâche, immolé pour notre salut. Profitons bien, mes chères soeurs, de toutes ces petites croix que l'amour de Dieu nous envoie: elles feront notre confiance à la mort et notre gloire dans le ciel. La vie présente n'est véritablement précieuse que par l'occasion qu'elle nous donne de souffrir quelque chose pour l'amour de Dieu. Puis, le Bon Dieu vous fait une grande grâce de vous détacher du monde: le monde est si peu de chose! Vous avez le Bon Dieu pour vous, la sainte Eucharistie pour consolation et force. Si ces Messieurs vous laissent un peu... souvent c'est pour un plus grand bien: Jésus fera toute votre consolation.
Que le Bon Dieu vous guérisse, car votre maladie a été un grand sujet de tristesse pour moi. Je suis bien content de vous savoir mieux; mais soyez prudente pendant la convalescence.
Je vais bien. Nous avons un temps magnifique. C'est un excellent pays.
Adieu, bonnes et chères soeurs.
Tout à vous.
Votre frère.
EYMARD.
P.S. Hélas! cette bonne dame Fayolle est donc morte!
J'ai dit la Messe pour cette bonne mère que j'aimais beaucoup: elle était si bonne!
Mademoiselle,
Mademoiselle Eymard Marianne,
rue du Breuil,
à La Mure d'Isère.
Nr.0345
An Fräul. v. Revel
La Seyne 17 avril 1852
Mademoiselle,
J'ai reçu votre lettre du 19 mars comme toutes les autres avec joie et reconnaissance, je faisais comme vous, j'espérais avec anxiété; mais comment se fait-il que je ne vous ai pas répondu de suite ? Votre charité, j'en suis sûr, m'a excusé d'avance. C'est que votre lettre m'a trouvé au milieu de mille embarras.
La rougeole désolait notre communauté, la grippe tourmentait nos professeurs et pour tout dire, je l'ai (eu) moi-même, puis il fallait remplacer les absents, les malades et depuis plus d'un mois je n'ai pas eu un moment pour m'occuper de mes amis du dehors.
A présent nos enfants sont guéris, nous n'avons plus que deux ou trois professeurs fatigués. Ce sont ces petits moments pénibles que Dieu envoie pour notre bien. J'ai eu un grand regret: le commandant du Généreux où sont renfermés huit cents insurgés, vint, il y a quelque temps, me demander un confesseur pour ses prisonniers, me disant qu'un grand nombre étaient bien disposés et je n'ai pu y aller! Oh ! que cela m'a coûté!
J'en ai parlé à des prêtres de Toulon, mais ils ont tous à faire. Et le bon Père Preuvost est donc mort. Hélas! que cette nouvelle m'a affligé, je voyais en lui un bon directeur du T.O..
J'espère que la sainte Vierge ne laissera pas son oeuvre. Toutes celles de Dieu se font avec la misère humaine et au milieu de mille imperfections de ses créatures.
J'arrive trop tard pour Monsieur de Gélias; c'est fâcheux si je suis cause d'une perte spirituelle pour votre âme; mais mon grand principe est qu'il faut, tant qu'on le peut, profiter des grâces de Dieu qui passent et prendre une vertu à un saint; bien entendu qu'il faut sentir en son coeur un attrait, indice de la volonté de Dieu, car le coeur ne s'ouvre que par cette voie.
Vous me parlez de venir à La Seyne; je le veux bien, je serais trop heureux d'être l'intermédiaire de Dieu.
Nr.0346
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne-sur-Mer, 24 Avril 1852.
Il paraît que vous êtes bien malade, ma chère fille, car il y a bien longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles, et cela m'attriste; ayez la bonté de m'en faire donner. Je suis en peine. Hélas! que la Croix de notre divin Sauveur soit bénie! mais elle est bien votre partage et votre couronne; la foi et l'espérance aiment la croix, et l'amour nous y crucifie; mais la pauvre nature doit bien souffrir; que la grâce de Notre-Seigneur vous soutienne et vous fortifie, et que votre amour soit plus grand que vos souffrances! Allons! ma chère fille, encore un peu de patience avec Notre-Seigneur, et il viendra chercher son épouse crucifiée pour lui. Tout l'enfer était sur le Calvaire pour y tourmenter notre Bon Maître; mais l'enfer y fut vaincu et la croix devint le sceptre de l'amour et de la puissance.
Pour moi, je vais bien; priez seulement pour que j'accomplisse bien la sainte volonté de Dieu. Nos enfants malades sont guéris, mais nous avons trois de nos Pères malades de la grippe.
Adieu, ma chère fille. De nos nouvelles. J'en ai reçu de ma soeur, elle est allée à la Messe le jour de Pâques.
EYD.
A Mademoiselle Marguerite.
Nr.0347
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne, 28 Avril 1852.
Je viens répondre, ma chère fille, à votre désir. J'espère que Mlle Jenny, a reçu ma lettre la semaine passée, dans laquelle il y avait un petit mot pour vous. J'étais inquiet sur votre état, votre lettre m'a un peu consolé. Je reviens à Mlle Jenny, j'espère bien qu'elle ne passera pas à la Mure sans s'y arrêter quelques jours et je voudrais dire quelques semaines; cela lui ferait du bien, ma soeur la mettrait au courant du Laus. Je vais encore écrire à un de mes amis de Gap, au secrétaire de Mgr l'Evêque, il va souvent au Laus, et il pourra être utile à votre soeur, si elle avait besoin de quelque chose. Dites bien à vos soeurs que je leur suis toujours également uni et dévoué, que les lettres de Mlle Claudine me font grand plaisir, que si je n'y ai répondu, c'est que j'avais été écrasé d'ouvrage jusqu'à présent, au point d'avoir à peine le temps de faire mes prières.
Quant à vous, j'aurais vu avec plaisir que vous fussiez allée à la campagne de Mlle de Revel. Il y a longtemps que je le désirais, vos soeurs souffrent de se séparer de vous, quoique ce ne soit pas une séparation; mais je vous assure que toutes ces raisons du T.O. et d'amour-propre ne me font aucune impression, et à la place de Mlle de Revel, je vous emmènerais et serais vivement blessé de cette jalousie du T.O., je mépriserais tout cela. Je ne verrais qu'une chose pour différer le départ pour le Laus, de Mlle Jenny, votre santé, si elle ne pouvait encore supporter le voyage.
Je comprends votre gêne à l'égard de Mlle.... c'est là la condition de la pauvre humanité, vous faites bien d'en agir ainsi; cependant, il est des limites de liberté que vous devez conserver.
Je n'ai que le temps de vous bénir.
EYMARD.
La lettre ci-contre est pour la montrer.
Nr.0348
An Marg. Guillot
La Seyne, 28 Avril 1852.
Mademoiselle.
J'ai reçu votre lettre, je vous remercie de votre bon souvenir, et suis heureux de votre amour pour le T.O. Aimez-le bien et soyez-lui toujours toute dévouée. Je vous prie de ne pas dire qui vous a remis l'argent du tableau; c'est un don, et personne que moi n'en aura le secret. Les investigations que l'on pourrait faire seraient bien indiscrètes et me blesseraient, car on doit être reconnaissant d'un don au T.O. et rester convenable, sous peine d'en être privé.
Je verrai avec plaisir votre petite sortie à la campagne de la bonne Demoiselle de Revel, mais je crains que cela ne soit trop tôt, et vous feriez mieux d'attendre encore un peu.
Je me recommande à vos prières et suis en Notre-Seigneur.
Votre tout dévoué serviteur.
EYMARD.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,
Lyon (Rhône).
Nr.0349
An Pfarrer Baret
T. P. D. S.
La Seyne sur Mer, 2 Mai 1852.
Bien cher ami,
Ton silence me fait craindre de t'avoir peut-être peiné. Je serais bien peiné de t'avoir contristé, car la distance, la séparation, le monde, la mort ne peuvent séparer deux coeurs que Dieu a unis. Ainsi, tu aurais dû m'écrire .
Cependant je n'ai pas laissé dormir la vocation de ta nièce, et je suis heureux de t'annoncer qu'on la recevra. Mme la Supérieure Générale m'écrit: "Je me rapporte parfaitement à ce que vous me dites de Melle. Vous pouvez donc lui écrire de venir quand elle voudra."
Ainsi, cher ami, voilà ma négociation finie. Tu peux écrire en toute confiance à Belley, à la maison-mère des Soeurs Maristes.
Que fais tu? As-tu eu de bonnes Pâques? Ta santé va-t-elle mieux?
Si le Bon Dieu me permet d'aller à la Mure cette année, je te promets d'aller te voir.
Adieu, cher ami, pense un peu à moi devant Dieu et crois-moi ad annos aeternos
Tout à toi in Christo .
EYMARD, P.M.
M . Baret , curé de la Motte d'Aveillans ,
par La Mure ( Isère )
Nr.0350
An Frau Tholin-Bost
Tout pour Dieu seul.
2 Mai 1852.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je vous envoie la réponse à Mlle Antoine; je prie Notre-Seigneur de prendre tout ce coeur et de lui suffire. Hélas! il souffre, et s'il connaissait tout le bonheur, la paix, la force, la richesse, la suavité de l'amour divin, il serait trop heureux d'avoir cet amour jaloux. Priez..... Pour moi, je crois que c'est une grande grâce que lui fait le bon Maître: c'est le cri de la nature agonisante, c'est la mort.....puis la vie viendra; elle est faite pour Jésus seul, cette bonne soeur. Je vous remercie de votre bon souvenir; donnez-m'en de temps en temps.
Que le Bon Dieu bénisse votre travail pour l'éducation de vos enfants. Vous pouvez leur suffire pendant plusieurs années, et si je le puis, aux vacances, je vous ferai part de ma petite expérience.
Adieu, chère soeur. De neuf à dix heures, aux pieds de Jésus. L'adoration s'étend ici: quel bonheur de pouvoir faire connaître et aimer Jésus! Mais je suis triste; je ne fais rien, mon esprit est trop absorbé par cette vie extérieure qui m'accable. Suppléez-y un peu.
Adieu en la divine charité.
EYMARD.
P.-S. Mes respectueuses amitiés à votre famille.
Madame,
Madame Tholin-Bost,
Négt, à Tarare (Rhône).
Nr.0351
An Frau Jordan Camille
Tout pour Dieu seul.
3 Mai 1852.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Vous voilà donc à Saint-Romans dans votre délicieuse et silencieuse campagne, jouissant de l'air pur d'Isère, de l'affection de vos bonnes gens, de distractions de tout un petit monde nouveau! Il me semble vous voir non plus triste et souffrante comme dans ces brouillards même religieux de Lyon, mais gaie, heureuse. Je vous souhaite plus de joie que l'an passé. Hélas! vous voyez, Madame, que le monde passe ainsi que ces plaisirs et ces peines, et que cette grande éternité, ce grand rendez-vous du genre humain va toujours en croissant; et puis, nous aussi, dans quelque temps, nous irons voir et rester dans ce grand centre divin. Quelles idées je viens vous écrire, n'est-ce pas? mais vous les aimez et moi aussi; c'est ma pensée dominante. Passer, glorifier Dieu et mourir: voilà l'homme, le chrétien et l'élu. Le reste n'est rien; ce sont des amusements d'enfants ou de la folie adulte.
Votre dernière lettre m'avait attristé d'abord. Hélas! que de croix, de peines! Vous êtes faites pour souffrir, Madame, parce que vous êtes créée pour le Ciel de Jésus crucifié. La semence de la gloire c'est la souffrance. Or comme Notre-Seigneur veut nous glorifier divinement et éternellement, il nous met dans la nécessité de la souffrance; mais souffrons bien avec amour, et souffrons seuls avec Dieu seul; que l'on nous croie heureux et contents quand le coeur est crucifié et l'âme désolée. Oh! que Dieu est content d'une âme qui alors lui dit avec tant d'héroïsme: Mon Dieu, je vous aime par-dessus tout!
A la campagne on fait provision d'esprit, de recueillement pour l'année; quel bonheur! je l'envierais un peu si le Bon Dieu ne me voulait pas au milieu du brouhaha d'une fourmilière d'enfants. Que le Bon Dieu est bon! J'avais besoin de passer par cet emploi; que d'imperfections j'ai reconnues en moi! que de défauts endormis se sont réveillés dans l'action! J'en remercie bien le Bon Dieu et vous prie de le faire pour moi.
Quant à la vie de Mr Marceau, voilà deux mois que je ne puis m'en occuper; nous avons eu ici la rougeole, la grippe, et il fallait être un peu partout. J'aime à vous voir d'avance travailler avec Mlle Agarithe; vous serez bien édifiées, je l'espère, puis le sujet vous intéresse.
Adieu, bonne soeur; ne m'en voulez pas si je suis si tardif, mon âme ne l'est pas. Puis ne restez pas aussi des olympiades pour me donner de vos nouvelles et de toute votre bonne famille à qui je vous prie de présenter mes respectueux hommages.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.S. Je vous remercie bien de ce que vous avez fait pour ce malheureux père de famille. J'oubliais de vous dire que ma santé se soutient.
Madame,
Madame Jordan, à sa campagne, à Saint-Romans,
par Saint-Marcellin (Isère).
Nr.0352
An Frau Spazzier
A Madame Spazzier, Lyon.
La Seyne 6 mai 1852
Tout pour Dieu seul
Madame,
Il y a bien longtemps que je voulais vous écrire deux mots: 1 pour vous remercier du tableau du T.O. et qui vous a donné tant de peine! que la Ste Vierge vous en récompense! 2 Pour vous remercier de l'aquarelle que vous avez eu la bonté de me faire; je suis peiné que vous y ayez mis tant de travail, surtout pour un pauvre religieux, qu'il m'en coûte de l'accepter ainsi!
Vous comprenez ma pensée, que le Bon Dieu me fasse un jour la grâce de vous le rendre par quelque moyen. 3 J'ai vu Mr Martel, et il m'a dit que peut-être vous viendriez à Hyères, alors je serai, je l'espère, plus heureux que l'autre fois; on m'a dit que vous souffriez toujours, hélas! madame, la nature a le droit de gémir, mais que l'amour de Dieu, que l'amour de Jésus crucifié vous fasse goûter combien il est doux de souffrir et de mourir à petit feu pour lui. Prenons courage en la voie douloureuse, elle est la voie la plus sûre et la plus courte pour aller au ciel; une heure de souffrance vaut plus que mille ans dans les consolations les plus angéliques. Je puis me tromper, en priant pour vous, il me vient souvent une pensée que vous êtes dans la désolation et l'aridité spirituelles, et je suis porté à bien demander pour vous cet amour qui est tout pur, tout holocauste, parce qu'il sacrifie à la pure gloire de Dieu tout notre Etre. - N'oublions jamais que nous venons de Dieu par le néant et que nous allons à Dieu par le néant humain.
Adieu, chère soeur en N.S.. Priez toujours pour moi; c'est un devoir et un bonheur pour moi de le faire pour vous.
Je suis en N.S., Madame,
votre tout dévoué S.
Eymard S.m.
P.S. J'avais prié une demoiselle de vous faire passer l'argent du tableau; j'espère qu'elle l'aura fait; je regrette que la somme soit si petite, votre tableau en vaut bien plus! pour moi il vaut votre admission au T.O.
Nr.0353
An Frau Franchet
(La Seyne) 11 mai 1852
Tout pour Dieu seul
Madame et chère Soeur en Notre-Seigneur,
Je mérite bien un peu vos reproches, mais j'ai été si accablé, depuis deux mois, par les malades et les affaires.
Maintenant, tout va un peu mieux; je suis en retard un peu pour tout et vous savez par expérience, que je n'ai jamais eu le prix de diligence et toujours je suis en dettes; hélas! cependant, devant Dieu, je vous paye tous les jours.
A plus tard; Adieu, on part.
Eymard.
P.S. Je voulais vous remettre cette lettre qui ne doit pas contenir grand-chose, car je l'ai achevée au moment de mon départ; je voulais vous la remettre moi-même; c'est pour cela qu'elle a fait le voyage de St.....Le Bon Dieu ne l'a pas voulu. Ne préjugez de rien; je ne suis coupable ni avant ni après. Priez pour moi, s'il vous plaît.
Eymard.
Nr.0354
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne-sur-Mer, 14 Mai 1852.
Ma chère fille en Notre-Seigneur,
Je viens répondre à vos bonnes lettres et qui me font toujours bien plaisir, et me consolent sur vous; mais cette lettre et mes réponses ne sont que pour vous seule. Je ne peux me fier à la discrétion de Mlle D. Le P. Viennot, par trop de zèle, peut me compromettre; à Puylata on verrait avec déplaisir des lettres de direction du T.O. de ma part, j'en ai reçu une fois le reproche du P. Lagniet et je comprends la raison légitime de tout cela: voilà pourquoi je ne veux pas répondre en détail à Mlle D. Tout va bien avec ces têtes impressionnables, quand tout va selon leurs désirs; puis quand leur tête est montée, elles compromettent tout. Je sais que Mlle D. a bonne intention, qu'elle aime beaucoup le T.O. et lui est toute dévouée, mais quant à ses actes extérieurs, je dois me tenir sur la réserve. Pour vous, vous savez que je vais avec vous à coeur ouvert et en toute simplicité, et c'est une grâce, j'aime votre réciprocité.
Et d'abord, que je vous dise:
1· Que je brûle vos papiers après y avoir répondu. Si je meurs, on ne trouvera rien de vous chez moi. Je vous dois cela, je serais inquiet autrement, ainsi, pas de crainte de conscience.
2· Pour le tableau, les jeunes gens m'écrivent aujourd'hui qu'ils le trouvent magnifique. C'est la pensée qu'il faut voir dans le tableau, un peu plus de simplicité irait bien mieux. Que de tableaux, dans nos églises, moins modestes que celui-là! que de Madeleines mondaines!
Mais soit. Mme Spazzier arrangera tout. Aujourd'hui que le tableau est fait, j'aimerais mieux un tableau de la vie intérieure; je le voulais alors, mais la difficulté de représenter la vie intérieure me fit accepter la Mère du Bel Amour et de la Sainte Espérance, car enfin, dans la Mère du Bel Amour, il y a bien la vie intérieure! Les justes et les pécheurs représenteront les victoires du T.O.
3· Pour Mlle...., je serais d'avis qu'on la renvoyât honnêtement.
4· Pour le directeur, la prière et la confiance en Jésus et Marie en obtiendront un selon le coeur de Dieu. On juge trop du mérite de tel ou tel Père; et quelquefois on serait puni, si Dieu écoutait des désirs trop inquiets.
Souvenons-nous bien que le bien se fait toujours au milieu de la guerre et des contradictions, par des moyens qui semblent devoir tout détruire; puis, quand la force ou la faiblesse de sa créature est à bout, Dieu paraît et agit, par sa grâce, pour sa gloire.
Vous me parlez d'une espérance de retour de moi à Lyon pour le T.O., j'aurais presque le désir de vous demander sur quoi vous la fondez; car vous comprenez que la nature en moi ne doit guère désirer y aller. Mais je ne m'en occupe pas, je laisse au bon Dieu le soin de diriger ma petite nacelle vers tel ou tel rivage; moi, je n'ai qu'un devoir, celui de ramer sous ses ordres divins. J'aime le T.O.! oui, mais en Dieu. Je vous prie, ne prenez pas ma défense et ne vous tourmentez pas quand je suis sur le tapis des langues, tout cela est un vent léger qui passe, et rafraîchit le désir d'être à Dieu seul et de ne travailler que pour lui.
Je dirai les soixante Messes de ma chère fille Marie, et cela, le plus tôt possible. Rappelez-moi à son souvenir et dites-lui que je ne l'oublie pas. Gardez cet argent jusqu'à nouvel ordre. Combien avez-vous à m'envoyer?
Le jour de l'Ascension, nous faisons notre Première Communion ici, je dirai la Messe de votre mère, la veille.
Mes respects à Mme Gou....; demain, je lui écrirai.
Le P. Ch. peut bien aller vous voir à la campagne. Je voudrais que Mlle de Revel fit sa connaissance. Qu'en pensez-vous?
Je compatis bien à toutes les peines de votre maison, hélas! je me plains quelquefois au bon Dieu. Je l'avoue....... c'est là un grand sacrifice pour moi...... Quant à l'affaire, j'y avais pensé avant vous, et mon plan était et est arrêté..... cependant j'ai besoin encore d'une réponse qui sera, je l'espère, favorable.
J'ai fait votre neuvaine de Mme G. pour vous et le T.O. Pour l'argent du T.O., gardez-le toujours et, si je venais à mourir avant, vous l'emploieriez au T.O. comme vous le jugerez convenable, sans en rendre compte à personne. Sur les cinquante francs en sus du cadre, il y a dix francs de messes acquittées. Veuillez les mettre au nombre de celles que vous m'avez annoncées; et si je venais à mourir, vous le feriez passer à la maison de la Seyne, par le P. Champion ou autre.
Pour la croix funéraire sur la tombe du P. Preuvost, je ne dis rien.
Le P. Lagniet m'écrit que l'affaire Collomb est arrangée, et que le Cardinal est revenu de ses préventions; mais, dit-il, c'est une direction dont il faut user avec réserve. Je désirerais qu'on usât de beaucoup d'égards et de déférences pour le P. Lagniet et pour ses sentiments, car il protège de toutes ses forces le T.O. Ainsi, s'il tient à ce que quelques petites filles de Marie soient reçues, ne serait-ce pas bien de laisser vivre cette espérance? Oui, je suis de votre avis pour celles qui pensent à se marier, mais Mlle Mouly aînée ne le veut pas; je comprends que c'est difficile, gagnez du temps.
15 Mai. - J'en reviens à la grande affaire. Je dirai la Messe le 16 mai et le 24 juin selon vos intentions. Je suis d'avis que vous restiez ou vous êtes........
C'est vrai, le calvaire planté dans votre maison semble indiquer que la souffrance est votre partage; eh bien! oui, je partage votre sentiment.....
Allez au P. Champion en toute confiance, c'est celui que j'ai demandé à Dieu pour vous, il comprend votre état, il est pieux et instruit; et soyez bien sa fille en toute simplicité. Je suis heureux de vous sentir sous sa conduite. Vous pensez bien que cela ne diminue en rien l'intérêt que je vous porte et le dévouement de mon âme, au contraire, voulant votre bien, je suis consolé de voir que vous n'êtes pas délaissée.
Adieu, chère fille, je vous bénis en Notre-Seigneur, ainsi que votre bonne famille.
EYMARD.
P.S. - Je dois vous dire que Mlle.... est soutenue par son frère qui gagne beaucoup; je crois, en effet, qu'il y a quelque temps que.... leur fit passer quelque chose fort délicatement comme prix d'un tableau......
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,
Lyon (Rhône).
Nr.0355
An Fräul. v. Revel
La Seyne, 15 mai 1852
Ma chère soeur en N.S.
C'est aujourd'hui la fête de votre frère, je lui ai souhaité la fête éternelle à ce cher fils en N.S.
J'ai été heureux aujourd'hui de dire la messe pour lui. Son souvenir m'est toujours présent; il me poursuit, je ne l'oublierai jamais. Oui, j'espère que la miséricorde de Dieu l'a reçu dans son sein. J'aime à prier pour lui. Il m'a coûté; c'est mon fils et votre parent, ma chère soeur; à ces deux titres il m'est bien cher.
Vos lettres me font du bien et je me dis: je n'ai rien fait pour tant de reconnaissance.
C'est le bon Dieu qui a tout fait. C'est vrai, mon âme est toute dévouée à votre salut, je vous désire toutes les grâces de Dieu et son amour parfait. Oui, le bon Dieu vous aime bien, bonne soeur.
Il vous a conduite par une voie épineuse et de sacrifices.
Bénissez le bon Dieu de ses faveurs, elles sont grandes; elles vous ont gagné son coeur et mise dans une voie de plus grand détachement et par conséquent d'un amour plus pur et plus magnanime. Que Dieu en soit mille fois béni, mais laissez-vous conduire par ce bon Maître. Il veut que vous mouriez à tout le créé; que vous n'ayez d'autre consolation que son amour et la croix de son amour. A présent que vos souffrances ont changé de nature, puisque c'est le corps qui souffre et souvent le coeur, disposez-vous à la visite de l'Epoux céleste.
Sommeillez aux pieds de ce divin Sauveur, mais que la lampe de la charité brûle toujours.
Vous avez plus besoin de Dieu que des créatures de Dieu, et on dirait que la science de Dieu seul se fait jour à travers vos besoins. Mais cette mort est peut-être encore trop triste à vos yeux; elle l'est beaucoup pour moi quand vous m'en parlez. Non, votre mission n'est pas finie, la mission de la souffrance s'immolant par amour de Jésus crucifié.- Si vous n'étiez pas l'épouse de Jésus immolé, si le Ciel n'était pas la conséquence et le fruit éternel de la croix, je pleurerais sur vous; et vous le dirais-je ? le souvenir de vos peines m'attriste souvent, puis je prie pour vous.
Nr.0356
An Frau Franchet
Tout pour Dieu seul
16 mai
Madame et chère Soeur en Notre-Seigneur,
J'ai un moment, il est pour vous, j'ai regretté, l'autre jour, de laisser partir le P.Marcel sans une grande lettre; le temps m'a manqué, mais vous savez que si le papier est un peu muet, devant Dieu je me dédommage pour vous.
Votre dernière lettre m'a fait un immense plaisir; c'est bien là une des meilleures que vous m'ayez écrites; aussi je désire que la mienne vous porte mon désir. - Qu'a-t-elle donc, votre dernière lettre ? Elle peint admirablement votre âme agonisante, souffrante, ses désirs, ses besoins. Puis le travail de la grâce en vous; or voici ce que j'ai éprouvé.
Le Bon Dieu veut vous affranchir, non du monde, vous êtes affranchie, mais de vous-même; de ce sensualisme spirituel qui dévore vos bons désirs et stérilise vos grâces immenses.
Le coeur souffre, il ne le dit pas assez à Dieu seul et en le disant trop hors de Dieu, il ne fait qu'agrandir la plaie, que faire un vide plus grand de Dieu. Votre coeur ne sait pas encore assez aimer en souffrant seul avec Dieu seul et c'est cependant ce que Notre-Seigneur veut de vous.
Vous aimez Dieu, mais la crainte de ne pas l'aimer vous fait trop demander davantage; il y a là, au fond, un amour qui se recherche. Vous avez l'âme forte et portée aux grandes choses; vous voudriez porter au service de Dieu ces besoins de votre coeur; et le Bon Dieu ne veut pas des élans, des violences, de généreux sentiments de votre coeur, il en veut la faiblesse, l'isolement, la souffrance, en un mot la mort et la vie. Le mal, chez vous, n'est pas dans l'esprit, dans l'imagination, dans les peines extérieures, dans les peines du prochain, non, non: le mal est au coeur, qui voudrait sacrifier tout le reste, excepté ce sentiment si doux et si suave de l'amour divin.
Allons, ma chère soeur, donnez à Notre-Seigneur le coeur de la place; il est déjà Maître des remparts; il faut vous rendre à discrétion; les conditions du vainqueur seront dures en apparences, mais magnifiques et douces à l'âme.
La conclusion pratique, la voici: Servez Dieu par fidélité d'amour et non par la paix et le repos de l'amour. Servez Dieu contre vous-même, et que votre plus grand plaisir, votre plus grande consolation votre plus vif désir soit de lui plaire dans l'état d'épreuve et vous le savez le soldat est plus grand sur le champ de bataille; l'amour s'immolent est plus grand que l'amour contemplant.
Souvenez-vous que N.S. paralyse pour vous les créatures, afin de vous forcer d'aller à lui seul; ne vous en prenez pas à ces pauvres riens, mais à Dieu qui veut vous tenir lieu de tout.-
Voyez, ma chère Soeur, qu'il faut que votre âme me soit bien chère pour oser lui dire tout cela.
Ah! oui, elle m'est chère! elle est au pied de la croix; mais je la veux non accablée, non abattue, mais debout avec la T.S.Vierge, afin de se rapprocher de plus près de son divin fils.
Je prie et prierai pour votre bon Charles, c'est un enfant de bénédiction; je prie et prierai pour son bon père, pour sa tendre mère. Je vous remercie de votre bon souvenir, la nacelle est en bon vent.
Adieu, chère Soeur. Votre tout dévoué en N.S.
Eymard.
Nr.0357
An Herrn Creuset, Lyon
Tout pour Dieu seul.
La Seyne-sur-Mer (Var), 24 Mai 1852.
Bien cher ami et frère en Jésus et Marie,
Merci de vos bonnes lettres; elles me sont bien chères et bien douces au coeur. Je regrette de ne pas vous répondre de suite, et cependant mon coeur le fait tous les jours et plusieurs fois le jour aux pieds de Dieu et de la Très Sainte Vierge. Que souvent je demande au Bon Dieu pour vous d'être votre soutien et votre Providence! Je vois que les charges sont bien lourdes, et les croix profondément enracinées dans votre maison. L'amitié souffre toujours de voir un ami sur le Calvaire, fut-il un saint, fut-il Dieu comme notre bon Sauveur. Que de fois j'ai regretté ma nullité: il serait si doux de soulager un ami!
Vous me consolez bien dans votre lettre... Oui, cher ami, vive la croix en ce monde! Mais la croix de Dieu, celle qui nous vient toujours de son coeur de Père. il est dur pour la pauvre nature, de dépendre de la divine Providence, du jour au jour; mais comme cette maternelle Providence sera demain et jusqu'à la mort, abandonnons-nous à elle, la bonté de Dieu est infinie. Voyez ce que valent les biens de ce monde! Dieu leur préfère un acte de pauvreté, et il honore ses saints par cet état. Nous serons toujours assez riches, si l'espérance et l'amour sont notre bien.
Appliquez-vous toujours, cher ami, à l'amour de Jésus crucifié, et vous y trouverez des trésors et des délices inconnus aux âmes qui n'osent pas monter sur le Calvaire. Job était grand sur son fumier, il était plus roi que sur son trône étincelant d'or. Mais Jésus était plus grand sur le Calvaire que sur le Thabor, et quand il veut grandir un chrétien, il l'attire à lui. Il disait: "Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi." Et quand vous serez tout à Jésus, il fera s'il le faut, des miracles pour vous. Les Anges le servirent quand il eut faim après quarante jours de jeûne et de combats.
Hélas! ne regardez pas la croix naturelle de la souffrance de votre dame et du cher petit enfant; votre coeur de père serait trop désolé. Regardez cette croix en Notre Seigneur, et elle changera de caractère. Je prie bien la Très Sainte Vierge de guérir votre bonne dame, et de vous venir en aide.
La mort du P. Prevost m'a bien affligé; mais j'ai toujours confiance que la bonne Mère n'abandonne pas sa famille, et que si elle a son épreuve du côté du directeur, ce sera la dernière. Celle-là lui manquait, elle avait eu toutes les autres!
Soyez toujours bien dévoué à ce cher Tiers-Ordre, et soyez persuadé que vous en recevrez le centuple.
Adieu, cher ami et frère; mes humbles respects à Madame, dites-lui de ma part: Confiance et prière.
Tout à vous in Christo.
EYMARD, S.P.M.
Monsieur,
Monsieur Creuset,
place et rue Bellecour, 13,
Lyon (Rhône).
Nr.0358
An Fräul. Elis. Mayet
(La Seyne) 2 juin 1852
Tout pour Dieu seul
Chère Soeur en Jésus et Marie,
Je viens glisser un petit mot pour vous, dans la lettre de votre bon frère. J'ai eu bien du plaisir à voir le bon Mr Thony, Me Clara, toute la famille. Quand on est loin d'un pays que l'on aime de tout son coeur, on est si content de retrouver quelqu'un, et surtout un ami. Mais c'était trop court. Voilà le bonheur de la vie, il passe en vous saluant. Vous avez eu vos peines dans le T.O. Hélas! il est donc toujours vrai de dire que le bien ne se fait qu'avec la croix, et que les saints font souffrir les saints.
Oui, vous faites bien d'être réservée et discrète. Je n'aurais jamais cru à tant d'indiscrétion dans le monde même pieux, si je ne le voyais tous les jours, cela prouve qu'il n'y a pas beaucoup de ces amitiés solides et pures fondées sur la vertu.
Vous êtes donc toujours sur la croix! oh! comme le bon Dieu aime la bonne famille Mayet! mais aussi elle est si généreuse.
Comme l'épouse de N.S., vous devez être là où est ce divin Epoux; comme lui étant unie; les douleurs de son crucifiement doivent avoir un contrecoup en vous. Voilà le bien parfait de l'amour divin - la croix - aimez-la bien - aimez-la comme Jésus l'a aimée.
J'espère que c'est la dernière épreuve du T.O. que celle qui l'éprouve en ce moment. Il lui manquait encore celle-là...
Soyez-lui toujours dévouée. Je suis heureux de vous sentir là. Ne vous découragez pas de toute la misère humaine qui s'agite autour du T.O. C'est la flamme qui l'épure. Adieu, bonne Soeur.
Mes respects à toute votre famille et à Mademoiselle Guillot quand vous la verrez.
Tout à vous en Jésus et Marie.
Eymard.
Nr.0359
An Marg. Guillot
Tout pour Dieu seul.
La Seyne-sur-Mer, 2 Juin 1852.
Je vous regarderai toujours comme ma chère fille en Notre-Seigneur; ainsi, ne vous tourmentez pas si je vous dis d'avoir grande confiance au P. Champion, de lui ouvrir votre âme: il est intérieur et savant, discret et prudent, il fera un très bon directeur.
J'ai admiré votre confiance de me dire toute votre peine...... mais je m'y attendais, car je connais et j'apprécie votre simplicité de coeur, ainsi vous m'avez fait grand plaisir. Je ris cependant quelquefois de vos craintes de m'ennuyer, de me faire de la peine, etc., etc., le bon Dieu m'a donné un coeur de père, de mère, pour vous et votre famille.
Je n'ai pas encore reçu ma réponse de........ .... .........d'ailleurs, si cela ne réussit pas de ce côté, je me tournerai d'un autre...... J'aimerai bien cette petite maison qui a du soleil, si c'est possible.
J'écrirais à Mr.......... mais il ne faut pas le mettre par écrit, la loi vous condamnerait à l'amende, il faut le lier par la confiance à sa parole.
Il faut renvoyer Mlle B. honnêtement et ne pas irriter, c'est inutile.
Le tableau est corrigé, tant mieux! Le P. Lagniet m'écrit que ce n'est pas Mlle David, mais lui qui a remarqué le besoin de correction, que c'est lui qui a prié M.D. d'aller demander la correction du tableau. Que Dieu soit béni et loué de tout!
C'est heureux que le P. Champion ait vu vos écrits, il n'y a point d'inconvénient pour lui. Je crois avec lui qu'il faut diminuer vos prières vocales, surtout dans votre état actuel.
Restez chez Mlle de Revel tout le temps qu'il faut pour vous remettre; vos bonnes soeurs doivent savoir se passer de vous encore, pour vous retrouver mieux portante, ce serait un peu trop enfant.
Je vais à l'ordinaire, merci.
Je viens de recevoir une lettre de la Mure. Nanette était à la Salette le 25. Il y avait Monseigneur l'Evêque de Grenoble et celui de Valence, beaucoup de monde, tout a été bien édifiant!
Adieu, chère fille que Notre-Seigneur vous rende toute sienne!
EYD.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,
Lyon (Rhône).
Nr.0360
An Frau Jordan Camille
T. P. D. S.
La Seyne-sur-Mer, 29 Juin 1852.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je vous remercie beaucoup de vos deux lettres; seulement je les trouve trop courtes. C'est vous dire le plaisir qu'elles me font. Comme je bénis Notre-Seigneur de vous avoir donné son saint amour et un grand désir de faire de grandes choses pour son amour et sa gloire! Oh! que vous êtes heureuse d'avoir compris que Dieu est tout et la créature rien, que Dieu seul mérite l'hommage souverain de votre coeur et de votre vie et de tous vos biens; la terre, la vie, toutes les qualités: tout cela, en effet, n'est bon que par les moyens qu'ils nous donnent de glorifier Dieu en passant dans le lieu d'exil... N'est-il pas vrai, bonne soeur, que quand on a fait l'expérience du monde et l'expérience de Dieu, on comprend la justesse de cette sentence: Tout n'est que vanité, excepté d'aimer et de servir Dieu?
Pour moi je crains la mort et je demande au Bon Dieu de l'éloigner encore. Quand je pense au prix de la vie présente, à ce qu'elle a coûté à Notre-Seigneur, à la gloire que nous procurons à Dieu, au mérite et à l'amour des souffrances, je ne puis me résigner à mourir, à m'en aller vers le Dieu de l'éternité comme l'enfant d'un jour. C'est une grande, une divine chose que de souffrir pour l'amour de Dieu et de lui sacrifier tout ce que l'on a et tout ce que l'on est.
Passer, glorifier Dieu et mourir, c'est une belle devise; mais sous quel emblème la représenter?
Je n'en connais pas d'autre que celui de Jésus crucifié, ou l'âme sur la Croix avec Jésus.
Vous me demandez votre défaut dominant; je ne le sais pas; mais par contraire je sais la vertu qui doit dominer en vous: ce n'est pas l'humilité, la pénitence, mais la douceur avec vous, votre prochain et envers Dieu, soit qu'il vous traite avec rigueur ou avec bonté: voilà ce qui peut s'appeler l'amour filial, la charité parfaite; voilà la vertu que je vous désire de toute mon âme. Et cette divine vertu coûte beaucoup à acquérir; elle est la belle vertu de Notre-Seigneur: " Apprenez de moi que je suis doux"; mais surtout travaillez à être douce et suave au milieu des aridités, des épreuves du prochain, des rigueurs apparentes de Dieu. Je plains bien votre amie scrupuleuse, surtout si elle est encore jeune; le meilleur moyen serait de lui faire faire une retraite sous un directeur habile et qui la traitât en malade et lui fît faire pendant la retraite tous les sacrifices d'esprit et de jugement.
Pour recevoir votre amie du Tiers-Ordre, c'est très facile: je donne au Prêtre que vous me désignerez pour cela tous les pouvoirs nécessaires pour recevoir la profession de cette amie, puis vous me direz son nom et je l'inscrirai sur le Catalogue particulier; on peut la dispenser du noviciat et lui faire prononcer dans la même cérémonie particulière sa consécration de novice et de professe.
J'ai vu Mlle Monavon; elle a passé deux jours à La Seyne et nous avons beaucoup causé, mais surtout de ma bonne dauphinoise. Elle a emporté tous mes papiers et vous serez, j'espère, bien édifiées toutes deux de ce que vous apprendrez sur Mr Marceau; puis vous travaillerez à tout compléter et à vite finir. Je vous conseille de lire une petite Vie d'un Père mariste intitulée: Notice sur la vie et la mort de Jean-Marie-Anthelme Buyat, de la Société de Marie; chez Pélagaud.
Adieu, bonne et chère soeur; priez pour moi et faites prier votre chère fille que je n'oublie pas.
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.