Éloge de l’infidélité

ou 

Vaut-il mieux copier religieusement ou plutôt récrire d’une manière originale et émouvante?   

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Peut-être que c’est faire preuve d’une fausse attitude, mais, malgré la grande curiosité qu’a éveillé en moi  la nouvelle de la réalisation d’un nouveau film d’animation sur Lady Oscar, je ne peux pas nier que je considère cette nouvelle avec une bonne dose de préjugés. Préjugés dans le sens étymologique de jugement formulé à l’avance : le fait de juger avant de l’avoir vu, et avant de savoir exactement de quoi il s’agit. Ce qui s’avère être une attitude en principe fausse, je le reconnais.

 

Et pourtant, en fan de la première heure d’une série que j’ai connue et aimée profondément, comme tous les fans européens, grâce à la version animée de Dezaki, je ne peux me défendre de ressentir une certaine inquiétude vis-à-vis de certaines choses que je lis et que j’entends dire à son sujet. En effet, mon inquiétude se fonde surtout sur le fait qu’on insiste beaucoup en nous présentant ce nouveau « produit » qu’il sera différent de la série animée et scrupuleusement respectueux, au contraire, du manga. Madame Ikeda a déclaré sur son site, à ce qu’il paraît, que cette fois-ci elle suivra les choses de près, qu’elle servira de « superviseur » à l’ensemble du projet.

 

A mon sens, ce « cette fois-ci » est bien révélateur et suscite chez moi beaucoup de perplexité. Que signifie ce « cette fois-ci » ? « Cette fois-ci » implique automatiquement “pas comme l’autre fois”, et il suppose donc un jugement défavorable sur l’animé que nous connaissons tous. On peut évidemment déduire qu’on tâchera de s’en éloigner le plus possible, afin de retrouver l’histoire telle qu’elle est racontée dans le manga, et ce an niveau du dessin et, ce qui m’inquiète encore davantage, au niveau de la structure de l’intrigue.

 

Je sais bien qu’au Japon, quand elle est sortie, la version animée de Lady Oscar ne fut pas un succès. Les fans, probablement, s’attendaient à quelque chose de différent. C’est compréhensible, eux qui avaient découvert l’histoire grâce au manga de Riyoko Ikeda : il s’agit au fond de la même attitude que nous-mêmes aurions tendance à avoir aujourd’hui--nous qui sommes des habitués de la série dezakienne--devant quelque chose de différent et qui s’éloigne, même un tant soit peu, de ce que nous connaissons. C’est  normal, et, d’une certaine manière, c’est « humain ». 

 

Je crois qu’il survient également des différences de culture et de goût entre le public européen et japonais : ces mêmes raisons qui font du Takarazuka un grand succès en Orient feraient en sorte que ce genre de théâtre ferait difficilement salle comble chez nous. On peut dire cela, et argumenter sagement pour et contre, comme on peut trouver à redire sur les dessins du nouvel animé, lesquels sont très beaux mais sans âme. Peut-être manquent-ils d’âme d’autant plus qu’ils sont parfaitement fidèles au dessin original de la bande dessinée.

 

Mais la question que je voudrais aborder ici en est principalement une autre, que je crois plus fondamentale. A savoir celle-ci : sommes-nous vraiment certains que le fait que Dezaki se soit éloigné du manga doive être considéré comme une démarche d’une moindre valeur ? Devons-nous vraiment croire que, dans une réalisation artistique, le fait de suivre servilement un modèle soit une qualité ? Je suis consciente qu’en considérant l'animé comme point de repère, je pars d'un point de vue diamétralement opposé à celui des fans japonais, et donc que je m’expose au même genre de critique. Cependant, en cherchant à raisonner avec objectivité et en tenant compte des données pour ainsi dire « historiques », n'est-il pas vrai de dire que l'animé s'écarte en mieux du manga, par exemple d’un point de vue fondamental comme celui de sa structure narrative ? N’est-il pas vrai que le manga, aussi riche, élaboré et plein d’idées qu'il soit, se révèle assez dispersé sur le plan de l'intrigue et ne bénéficie pas du tout de cette profonde cohésion et de cette très solide et compacte structure que l'animé, malgré ses  deux directeurs, arrive pourtant à avoir ?

 

L'animé nous présente d’emblée et sans détours, l'histoire d'Oscar. Son titre même le déclare, et il fut choisi à mon avis non seulement parce qu’il pouvait faire une plus grande impression sur le public mais aussi parce que, dès le début, il met en évidence une spécificité de cette nouvelle adaptation, à savoir le fait que le récit est en grande partie centré, du commencement à la fin, sur la vie d’Oscar, et seulement d’une manière accessoire sur celle des autres protagonistes du manga. On pense à Marie Antoinette et à Fersen (et à André lui-même, au fond, bien que d’une façon différente), lesquels apparaissent dans l’animé essentiellement dans la mesure où ils se révèlent utiles à la construction de l’histoire d’Oscar et de son évolution comme femme et comme personne. C’est-à-dire que l’animé, si nous voulons déranger les unités aristotéliciennes, se fonde sur une unité d’action beaucoup plus nette et efficace que celle du manga, où l’action au contraire se montre souvent dispersée et, dans la partie initiale comme au final, tend à suivre divers fils narratifs sans qu’aucun d’eux n’arrive à s’imposer et à donner une réelle unité « dramatique » au récit.

 

Ce n’est pas une invention mais bien un fait historique, il me semble, de dire que les ventes du manga, même au Japon, ne décollèrent vraiment qu’à partir du moment où se développa un chassé-croisé amoureux entre Oscar et André, à un point tel que la jeune Ikeda fut poussée par ses éditeurs à développer davantage leur histoire. En effet, celle-ci ne devait être que plus marginale dans le projet initial et ce n’est qu’en cours de route--et non pas selon un plan préétabli – que l’histoire amoureuse entre Oscar et André devînt la clef de voûte d’une œuvre qui allait s’appeler « Les roses de Versailles », mais peut-être aussi au début, comme on semble enfin le découvrir aujourd’hui, « La rose de Versailles », en se référant à la seule reine Marie Antoinette.

  

C’est-à-dire que Riyoko Ikeda voulait surtout raconter la biographie de la reine de France et c’est seulement suite au succès de la partie « oscarienne » qu’elle fut amenée à régler le tir et à changer de cap. Je ne voudrais pas, avec cela, soulever une « question ikedienne », que du reste je trouverais très intéressante. Mais, pour autant que je sache, ce que je dis est un fait connu, et ce qui le confirme très clairement est le fait que le personnage d'André était au départ seulement un comparse (à la différence du très choyé Fersen, par exemple), et qu’il fut « promu » au rang de protagoniste bien plus tard, suite au succès de son histoire d'amour avec Oscar. Et surtout--fait qui à mon avis démontre encore mieux mon propos--le manga après la mort d'André et d'Oscar, et à la différence de l'animé, s’étale péniblement[1] pendant encore plusieurs chapitres, en nous racontant dans le détail les événements révolutionnaires conduisant à l’exécution de la reine. Egalement reconnu est le fait qu'Ikeda aurait voulu développer le scénario encore plus en profondeur, mais qu’elle fut « stoppée » par les éditeurs parce que le ventes, après la mort d'Oscar, chutèrent, les poussant à réclamer un dénouement rapide à l’histoire. Ce qui signifie deux choses, il me paraît évident: premièrement, que le manga, avec tout le bien qu'on peut en dire et avec tout le mérite qu’il a de nous avoir donné Oscar, ne bénéficie pas de la même solide et cohérente structure que l'animé qui s’en inspire; deuxièmement, que le public japonais savait clairement afficher ses préférences en dirigeant toute son affection envers Oscar. Une fois son étoile née, c’est bien à cause d’Oscar qu’il voua un éternel amour à l'œuvre d'Ikeda.

 

Mais revenons à l’animé, maintenant, et cherchons à comprendre comment ses réalisateurs agirent. Je note, comme entrée en matière, que l’insuccès de la série au Japon apparaît comme étant liée, surtout au début, à la direction de Nagahama lequel, de manière paradoxale, fut précisément celui des deux directeurs qui s’en tint le plus fidèlement au manga. Cela me paraît très significatif et devrait susciter quelques réflexions. Ce fut avec la direction de Dezaki – celui que l’on accuse le plus souvent d’infidélité--que l’animé connut finalement une popularité grandissante, et qu’il devint un succès. Au Japon, mais aussi et surtout à l’étranger, où il emballa complètement les spectateurs et devint ce phénomène de portée mondiale qui dure depuis trente ans et qui a fait la réputation de Riyoko Ikeda qui jusqu’alors était une célébrité au Japon mais une parfaite inconnue en Europe. Ce n’est pas un hasard si le manga ne fut traduit chez nous que bien des années plus tard : malgré toute l’appréciation qu’il connut il ne remplaça jamais la série animé dans le cœur des fans.

 

J’insère entre parenthèses une double considération. Non pas que je veuille entrer dans la tête de l’auteur, mais il ne me semble pas insignifiant que, d’une part, l’insuccès nippon de la série animée ait beaucoup pesé sur madame Ikeda (au point de l’amener à ne plus accorder de droits pour un autre film pendant trente ans). Cela me conduit d’un côté à remarquer que l’auteur, comme bien d’autres, a peut-être un peu trop tendance (peut-être dû à une question de mentalité) à considérer la valeur « objective » d’une œuvre en la mesurant à l’aulne du succès public dans son pays d’origine. Ce facteur devrait, certes, peser lourd dans l’argumentation, entendons-nous bien, mais ceci n’est pas la seule considération possible ni nécessairement la plus véridique au sens absolu, surtout qu’elle est exclusivement circonscrite, de façon un peu « provinciale » (même si cela est tout à fait compréhensible), au jugement du public japonais.

 

Je remarque ici une certaine ressemblance avec cette façon de penser en termes monétaires qui, dans le cas du cinéma hollywoodien, conduit un film à être jugé uniquement sur la base de son succès populaire et du nombre de spectateurs qui l’ont vu aux États-Unis, même si sur le plan du contenu il peut être lamentablement naïf et inintéressant. Ce critère de la valeur monétaire a souvent son utilité, mais il est tout aussi souvent trompeur quant à la valeur absolue d’une production, et mène à de graves erreurs d’évaluation, en faisant sous-estimer ou ne pas comprendre des films qui peuvent s’avérer être des œuvres phares.

 

Le fait d’ailleurs que ce fut justement l’animé profondément repensé par Dezaki qui conquit littéralement le public occidental, en laissant plutôt dans l’ombre son modèle de bandes dessinées, est à mon avis aussi digne de considération. Et il me paraît naturel de se demander quel impact cela eut sur l’auteur, et si elle ne fut pas un peu vexée de voir cette transformation qu’elle n’avait jamais directement voulue et de voir aussi que cette nouvelle adaptation recevait une telle approbation. Je me demande si donc elle n’a pas ressenti l’exigence, en conséquence, de se réapproprier, d’une certaine manière, une histoire qui était sienne, et qu’elle voyait d’une part présentée d’une façon moins conforme à son intention originale, et de l’autre jouir en tant que version « revue et corrigée » d’un retentissant succès international.

 

Mais pour revenir à l’animé de Dezaki, explicitement accusé, aujourd’hui, de ne pas avoir été fidèle au manga ikedien (de l’avis de plusieurs, à en croire les paraphrases publiées sur le site officiel de l’auteur de Versailles no bara), qu’est-ce que l’on peut répondre à cette critique ? Loin de nier l’accusation, je l’assume au contraire et la revendique comme preuve d’originalité artistique. Car où est-il écrit que la beauté doit se fonder sur la scrupuleuse fidélité à un modèle ? En effet, on peut dire qu’une œuvre est d’autant plus artistique qu’elle s’écarte du modèle—chaque variante se base sur des raisons précises dictées par une vision unique—le repense et le réélabore sur la base d’une lecture individuelle, nous proposant, même en restant fidèle à un texte de base, un message nouveau, original, intense. Les coupures, les réinterprétations, les omissions et les modifications seront les bienvenues si elles produisent un chef-d’œuvre d’expressivité, d’émotion, d’une profonde signification; si elles ne sont pas exécutées  au hasard et d’une façon gratuite, mais sont au contraire pensées et motivées, chacune, dans le moindre détail, afin de nous proposer la lecture d’un « classique » qui à ce moment devient, grâce au souffle créateur d’un nouvel auteur, un tout autre « classique ».

 

Au-delà des goûts personnels et subjectifs (et je déclare sans réserves être une grande admiratrice des caractérisations dezakiennes et arakiennes, des silences déchirants et dépouillés et des regards discrets qui dans l’animé remplacent les tirades et les flots de larmes mélodramatiques du manga), de toute façon, qui pourrait bien nier que les personnages de la série animé bénéficient d’une caractérisation splendide, cohérente, crédible, que les mots prononcés mais surtout ceux qu’ils ne le sont pas, que leurs expressions, leurs gestes, leurs réactions même des moindres soient profondément poétiques, émouvants, efficaces, même et d’autant plus quand ils nous laissent un goût amer, quand ils nous font désirer autre chose encore, quand ils nous laissent imaginer au travers ces paroles jamais prononcées tout cet univers de celles qui auraient pu l’être? Qui peut nier que ces mots étouffés enrichissent la représentation qui nous est offerte d’un arrière-goût amer et émouvant? Qui pourrait nier que l’histoire, au moment précis où elle s’écarte le plus du modèle littéraire (lequel ne pouvait être présenté au public occidental, plus âgé et plus mûr, dans les mêmes termes qu’au public japonais formé d’adolescentes fleur bleue) arrive à décoller et à vivre de sa propre vie, à frapper et toucher et émouvoir avec un impact encore plus fort?

 

Comment ne pas convenir, par exemple, de la subtilité du personnage d’Alain, si mûr et douloureux, si proche d’André, si humainement suspicieux mais aussi attiré par le nouveau colonel femme, si délicatement et d’une façon à peine esquissé lié à elle et en même temps, de manière contradictoire et complexe, lié par une amitié profonde pour André ? Comment ne pas convenir que la caractérisation de ce personnage est un véritable chef-d’œuvre brossé avec une grande économie de moyens à l’aide de quelques savants traits, et qu’à cela concourent le scénario, le dessin, les expressions du visage, les regards ? Au final, est-il vraiment important, quelle que soit l’opinion qu’on puisse en avoir, qu’il soit différent de l’Alain du manga ? Car c’est un personnage qui vit de sa propre vie--et quelle vie !—un personnage auquel le nouveau directeur de la série a su donner une sensibilité, une âme, un rôle fondamental dans l’histoire. Mon avis très personnel, d’ailleurs, c’est que ce nouveau rôle est bien plus réussi que l’original, mais au fond cela ne compte que jusqu’à un certain point. Ce qui importe réellement c’est que Dezaki et Araki, en modifiant l’histoire un petit peu et en composant autrement les traits de son visage, ses mimiques, ses actions, ont créé un personnage absolument véridique, crédible, et profondément poétique[2]

La même argumentation vaut pour André, auquel la grande sobriété de l’animé prête une stature exceptionnelle. Il s’agit d’un personnage qui ne s’exprime, pudiquement, qu’à demi-mot, se révélant ainsi bien davantage qu’au travers de longs discours. André souffre de façon indicible pendant des années, nous faisant souffrir avec lui, et un jour explose, désespéré, puis se tait en se consumant, en implorant silencieusement le pardon mais en ne renonçant jamais, obstinément et prophétiquement, à son amour. Mon avis très personnel est que l’émotion est beaucoup mieux ressentie ici que dans les scènes où André tombe à genoux aux pieds d’Oscar en déclamant moult phrases mélodramatiques. Mais là n’est pas le plus important, au fond. Ce qui importe c’est plutôt que ce nouvel André jouisse d’une personnalité très forte et bien campée, ce qui structure le récit et contribue à le construire. L’important c’est qu’il agisse et interagisse avec les autres personnages en donnant vie à une histoire passionnante et crédible, laquelle ne trahit pas du tout celle de Riyoko Ikeda mais plutôt l’interprète à un niveau plus profond en nous proposant une réflexion réaliste sur la vie, sur l’amour, sur le sens des choix qui changent les hommes, qui les révèlent à eux-mêmes, et qui leur demandent d’en supporter le poids.

 

Que le nouveau film repense justement en le diminuant le rôle d’André et d’Alain, voilà qui m’inspire une bonne dose de scepticisme. Bien plus que ne provoqua la nouvelle, qui m’a fait rire un peu cyniquement, que notre héros n’aura cette fois-ci plus les yeux verts, comme depuis si longtemps nous l’aimions, mais d’un bleu azur—l’azur décoratif du jeu de Pachinko (mais pourquoi donc ? Pourquoi faire une chose pareille, si gratuite et inutile, au fond, comme si en changeant ce détail on voulait délibérément et obstinément ignorer une « tradition » désormais solide, même si elle était établie par l’animé, comme pour déclarer à tout le monde: « La véritable Lady Oscar est la mienne et j’en fais ce que je veux » ? Ah, non, je regrette, comme le savait bien le bon Pirandello, les personnages n’appartiennent plus à l’auteur une fois sortis de sa plume : ils vivent de leur propre vie et l’auteur n’a plus le droit légitime de les transformer au gré de ses fantaisies, même si l’on fait abstraction de ce détail concernant les yeux verts. Ce sont les nouveaux personnages qui lui tracent désormais le chemin, et si l’auteur se refuse à le prendre, il ne produira que des singeries ridicules).

 

Pour cette raison et pour bien d’autres encore, je ne suis pas très optimiste sur ce film. Et  c’est sans considérer d’autres ‘détails’ tels les dialogues, le décor, le doublage, l’animation techniquement parfaite mais créée à l’ordinateur, et donc dépourvue de tension et d’originalité car s’en tenant rigoureusement, dans l’emploi de la technologie digitale, aux coordonnées déjà données par la tradition du dessin du manga. Mon impression générale est que ce nouveau film nous donnera plutôt l’agréable mais fade sensation de feuilleter un vieil album de photos de famille, et non pas la véritable et bouleversante impression créée par le chef-d’œuvre de Dezaki. En effet, la prémisse annoncée du nouveau film est de ne pas vouloir être original, n’avoir rien à ajouter, ni à changer, ni à proposer, et d’être « supervisé » (ou vaudrait-il mieux dire gardé à vue) d’un bout à l’autre par l’auteur du manga. Le film déclare, dès le début, se vouloir une copie fidèle, c’est-à-dire l’imitation d’une imitation. Il semble surtout être, à lire les informations sorties en coulisse sur la production, une opération commerciale qui aura probablement le succès économique escompté, étant donné la passion avec laquelle les fans suivent l’histoire depuis des années : c’est un produit qui se vendra tout seul, sans aucun doute . Mais se révèlera-t-il autre chose qu’un produit ?

 

Pour le moment je reste assez prudente. A défaut d’une profonde unité et d’émotions véritables, je chercherai dans le nouveau film des émotions partielles ici et là, en recouvrant par endroits dans l’histoire narrée quelques-uns de ces « vides » souvent laissés par l’animé, mais que j’aimais beaucoup justement pour leur pouvoir de suggestion. Ce que le film saura apporter en plus sera cela de gagné.

 

Naturellement je parle sans rien avoir vu, et donc je déclare être toute à fait prête à réviser mon opinion et à faire amende honorable, si jamais l’avenir me démentait.

 

 

 

Littlecorner, juillet 2011

Première traduction par l’auteur.

Adaptation du texte et correction de Caroline Drolet.

 

pubblicazione in italiano sul sito Little Corner dell'aprile 2007 - pubblicazione della traduzione sul sito Little Corner del settembre 2011

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[1] L’auteur utilisait le terme ‘lutulento’ dans l’italien original. C’est un mot qui signifie ‘quelque chose qui avance (lentement et avec difficulté), telle la boue.’ La citation vient du poète latin Horace, qui y critiquait le poète Lucilius (note de l’éditeur).

[2] Ces caractéristiques du personnage d’Alain émergent dans la version française de l’animé dans une moindre mesure que dans la version original. Dans la version française, en effet, le fait qu’Oscar est une femme n’est pas connu de tous dès le début : alors que la série fuit traduite en français en l’an 1986, une commission historique établit qu’il n’était pas possible dans le XVIII siècle qu’une femme commandait des soldats, et donc il fut décidé de modifier le doublage original en faisant croire que la nature féminine d’Oscar était connue seulement par peu d’intimes (André, Marie Antoinette, Fersen etc. Mais pas Alain, par exemple) . Cela crée différences très significatives dans les rapports entre les personnages. Particulièrement, en ce qui concerne Alain, le fait qu’il connaisse dès le début la vraie identité du colonel provoque dans la version originelle un développement très suggestif de son histoire, dans lequel on suggère, avec une grande délicatesse, qu’il éprouve un sentiment pour Oscar. Je propose à nouveau quelques comparaisons entre le deux versions que j’avais déjà proposés à l’occasion de la traduction de mon récit « Prima che ti chiami amore » (« Avant que je t’appelle mon amour » , trouvable sur ce même site à ce lien : http://digilander.libero.it/LittleCorner/Fanfics/Alessandra/avant_que_je.htm.)

Episode 30 (la rossée d’André).

Version italienne (conforme à l’original) : Alain : « Zut, on t’a drôlement arrangé ! Allez, courage, mets-toi debout. Mais qu'est-ce que tu fais... » André (gémissant de douleur) : "Oscar, je t’en prie, ne te marie pas, je t’en prie, Oscar..." (Alain voit Oscar sur le seuil de la porte) Alain: "C’est ça ! Maintenant je comprends tout... je crois qu'il vous aime, colonel!  Bien, alors je vous laisse seuls : je crois qu’il vaut mieux que vous vous occupiez d'André » (Alain s'approche d’Oscar). Alain : « En tout cas il vous aime tellement qu’il risque sa vie pour vous... » (il part en riant).

Voilà au contraire la version française : Alain : « Eh bien André, dans quel état ils t’ont mis ces sauvages ! Allez, c’est fini, relève-toi André. Hein, André, réveille-toi André ». André (gémissant de douleur) : « Oh Oscar, je... je donnerai ma vie pour toi... Oscar! » (Alain voit Oscar sur le seuil de la porte.) Alain : « Tu es fou, André ! Personne ne vaut le sacrifice de sa vie ! Surtout pas un de ces nobles arrogants que tu apprécies tant. Je vous le laisse colonel, et surtout, veillez sur lui comme sur le bien le plus précieux, ce pauvre André donnerait sa vie pour vous. Ha ha ! Il est bien le seul ! » (Il part en riant.)

Episode 31 (le dialogue pendant la garde nocturne d'André et Alain sur le pont, au cours de la mission d'escorte du prince espagnol.

Version italienne (conforme à l’original) : Alain : "Écoute-moi, André, tu devrais cesser de l’aim

er. Vois-tu, elle est un excellent commandant, sur ceci je n'ai plus le moindre doute, même si parfois j'ai la sensation qu’elle fuit quelque chose. C’est une femme qu’il faut admirer, non pas aimer. On finit dans les ennuis jusqu’au cou, pour un amour impossible. On perd la raison et on est disposé à donner même sa vie pour elle. Tiens, André, bois, ça te fera du bien. (Alain lance la flasque de liqueur à André, mais il la laisse tomber. Alors Alain la ramasse, l'ouvre et lui la tend). Alain : "Je n'ai aucun doute, André : pour cette femme tu serais disposé à donner même ta vie. Il ne passera pas beaucoup de temps et tu lui offriras même le seul œil que t'est resté. Il est très mal en point, cet œil, je m'en suis aperçu plus d’une fois en étant auprès de toi ces jours-ci. Le colonel sait-il que tu as des ennuis à l’œil droit, André?". André : "Non, non!". Alain : "Ah..." André : « Mais je veux que tu ne parles à personne de mon problème". Alain : "Oui, comme tu veux".

Mais voilà le dialogue correspondant en français : Alain : « Ah André ! Que ne donnerais-je pas pour une bonne bouteille et un lit ! Evidemment toi qui donnerais ta vie pour ton cher Colonel, tu n’es pas de cet avis, hein ! Mon pauvre André ! j’ai bien l’impression que tu vis d’illusions ! Je me demande ce que tu espères. Crois-moi, il n’y a rien à attendre de ces gens-là ». (Ensuite Alain sort une flasque de sa veste et boit). Alain : « Et tu peux me faire confiance : on n'est rien du tout pour eux ! Tu ferais mieux d’oublier un peu ton Colonel et de penser d’abord à toi. Tiens ! Attrape ! » (Et Alain lance la flasque à André qui la laisse tomber). André: «Oh!» (Alain s’approche d’André, ramasse la flasque et lui tend Alain): «Tiens.» André : « Ah ! Merci. » Alain : « Mais qu’est-ce qui t’arrive ? On dirait que tu ne rêves plus que d’une chose : pouvoir donner ta vie pour Oscar. Si encore, tu pouvais escompter quelque chose. Une récompense ? Que sais-je ? Je comprendrais. Mais je suis sûr que tu n’en veux pas. Tu es un drôle d’oiseau, tu sais. On dirait que tu as décidé de tout lui sacrifier, André. Est-ce qu’au moins le Colonel sait pour ton œil ? » André : « Quoi ? Non, Alain, je t’en conjure, ne lui parle surtout pas de mon œil. Par pitié ! »

Episode 38. Dans l’original Oscar révèle aux soldats qu’elle est la compagne d’André et qu’elle le suivra en embrassant la cause des révolutionnaires. Dans la version française, au contraire, c’est justement à ce moment que Oscar révèle aux soldats qu’elle est une femme, par ces mots : Oscar : « Mais l'aveu que j'ai à vous faire est plus étonnant encore... Il est temps que vous le sachiez : cet habit que je porte n'est pas celui de ma condition. Les hasards de la vie ont fait, Messieurs, que vous êtes commandés par une femme... Oui, une femme, qu'un étrange destin a placé à cent lieues de sa nature, dans un univers où tout lui était étranger, et auquel j'ai dû me plier au delà de mes forces. j'ai longtemps cru qu'il en serait toujours ainsi, malgré les bourrasques et les tempêtes, et que jusqu'à mon dernier soupir je me verrais obligée de jouer cette pesante comédie. Or je me trompais Messieurs. Ce que je prenais pour mon devoir le plus absolu n'était qu'une de ces illusions qui nous tenait à tous lieu de règle. Mais voilà, le beau rêve est fini... Le roi nous a abandonné, et devant vous je remets mon destin entre les mains de celui que j'ai toujours aimé : André Grandier ».