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Nr.0401

An Marg. Guillot

La Seyne-sur-Mer, 17 Mars 1853.

Me voici enfin à vous. J'ai eu des professeurs malades, des enfants aussi, l'Adoration sur les bras, etc,. etc., impossible d'avoir un moment la tête calme; enfin, j'ai un moment, il est pour vous. Je sais que votre charité est patiente et compatissante, et que vos petits reproches ne sont que de justes plaintes, pour me faire ressouvenir de vous, si je pouvais vous oublier.

19 Mars. - C'est aujourd'hui votre fête Tierçaire, je vous l'ai bien souhaitée et vous désire la protection toute spéciale du bon Saint Joseph, son esprit et son amour pour Jésus et Marie. Nous faisons avec toute la piété possible le mois de Saint Joseph dans toute la maison, et nous en ressentons des effets bien consolants: nos enfants sont bien pieux. J'aime bien ce grand saint. Je pense que vous l'avez bien prié pour moi.

21. - J'en viens à vos lettres. Jamais je n'aurais cru être si en retard, et cependant je suis tous les jours à Lyon.

Je vous remercie bien d'avoir pensé à moi le jour de sainte Agathe, c'est en effet le beau jour de mon baptême, et la veille, le jour de ma pauvre naissance.

2· J'aime bien ce que vous me dites sur mes besoins spirituels, c'est là de la vraie charité. Oui, ma fille, priez bien pour votre Père, il en a besoin, et en est bien reconnaissant. Je n'ai pas besoin d'autre chose, j'ai assez de souffrances pour une petite croix et assez de force pour travailler: quel bel état! c'est le plus beau à mon avis, et j'en remercie le Bon Dieu.

Vendredi Saint. - Ma pauvre lettre est bien lente, n'est-ce pas? ma bonne fille, mais vous savez que ce n'est que le temps qui me manque. Je viens de terminer les Offices du matin, j'ai un petit moment, il ne sera que pour vous.

L'idée d'une maison de retraite pour les vieilles filles Tierçaires m'avait déjà souri, et j'en avais parlé avec une des soeurs qui depuis longtemps a cette pensée, Mlle du Rousset. J'y voyais beaucoup de bien, mais aussi, beaucoup de difficultés. D'abord, il fallait une bonne tête et de l'argent. Aujourd'hui, j'aime encore cette pensée, mais je crois que le moment n'est pas encore venu. Il faudrait un Père qui y fût tout dévoué, et le P. Supérieur Général ne le donnerait peut-être pas. Voici comment je comprends le T.O. dans toute sa perfection: I· Etablir une maison religieuse tierçaire de femmes qui fût comme le centre des tierçaires séculières où elles seraient venues se retremper. Et quand elles auraient été dans les conditions voulues, on les aurait admises dans la communauté. Même maison pour les hommes. On y aurait établi l'adoration perpétuelle comme aliment et centre de la piété. Puis des maisons de Nazareth pour celles qui n'avaient pas le goût de la communauté ou qui n'auraient pu quitter le monde. J'aurais surtout établi une Maison de Nazareth là où on n'aurait pas pu établir une communauté tierçaire, car ce qui est important, c'est d'avoir un centre pour le T.O. A Lyon, le centre jusqu'à présent était le directeur; il faut qu'il n'en soit que l'âme et donne le mouvement; il faut un centre de famille.

Dans mon amour pour le T.O., j'aurais désiré que le P. Supérieur Général me donnât cette branche avec un Père pour ne nous occuper que de la direction, et j'aurais travaillé à l'étendre partout. Voilà, ma fille, ma grande pensée; le Bon Dieu ne l'a pas encore voulu, le voudra-t-il plus tard? tout ce qu'il voudra et rien de ce qu'il ne veut pas. Il est bien sûr que, si l'on m'écrivait: Dévouez-vous au T.O., je partirais sur l'heure et avec joie. Le Bon Dieu voit mon coeur, il sait ce qu'il me faut. Que ce soit un autre qui le fasse, que m'importe! pourvu que Jésus et Marie soient aimés et servis, et les âmes intérieures soutenues et fortifiées.

Oui, suivez votre attrait. Cependant, si de votre consentement devait résulter l'établissement de la maison en question, il serait bon de le donner. Les oeuvres, même de Dieu, dans ce qui n'est pas de la constitution de l'Eglise elle-même, commencent imparfaitement, puis vont en se perfectionnant.

Pour votre voeu perpétuel, soit! que Dieu vous donne grâce et force. Je l'approuve.

En faisant observer la Règle dans votre maison, vous faites une oeuvre très agréable à Dieu; alors même que cela vous contrarie, faites ce sacrifice.

La voie du crucifiement est votre voie; il faut que votre amour pour N.-S. soit toujours crucifié, si vous voulez qu'il soit pur et uni à son Epoux, ainsi a été Jésus, et Marie.

Continuez votre direction à genoux, l'humilité et l'humiliation sont la fleur de la croix. Votre grâce, votre victoire, votre paix sont attachées à votre obéissance simple, aveugle, et en N.S.J.C.

Si le P. Ch. vous conseille, pour ne pas vous singulariser, d'aller une fois au P.F., allez-y, parlez-lui de moi. Prévoyant cela, je lui avais dit un mot de vous. Il est bon et simple. Votre tentation, ma fille, est bien pénible, Dieu la veut pour vous crucifier, vous purifier comme par le feu. Tenez-vous bien unie à Jésus par la croix, et vous en sortirez victorieuse et toute pure. Soyez toujours douce, agneau envers vos soeurs et tout le monde, qu'un air de simplicité et, si j'osais dire, d'indifférence, vous fasse trouver un peu insensible dans les contrariétés, comme si vous aviez un esprit qui ne s'en aperçoit pas et qui n'a pas assez d'esprit pour voir et comprendre les choses pénibles.

Oui, prenez des mesures pour vos affaires, sans trop brusquer les choses. Oui, vous avez le droit de réclamer toutes les rentes arriérées, le billet de 1851 n'y fait rien pour le passé: Le 5 pour cent est le taux légal... (deux lignes effacées) C'est une bien bonne oeuvre que celle de cette pauvre femme, Dieu y pourvoira et ne permettra pas que rien vous arrive. Il faudrait, s'il était prudent, l'engager à une sage économie.

Que Dieu bénisse Mlle Jaricot, cette pauvre fille du Calvaire! oui, Dieu la bénira, car lorsque le grain de froment est mort, il germe et devient une belle plante.

J'en viens à votre lettre du 7 mars. Aimez toujours le T.O., c'est votre couronne, mais ne quittez pas les assemblées, votre droit. La règle fixe les nominations à trois ans, le changement de directeur n'y fait rien. Je suis d'avis que vous ne sortiez pas de vous-même du Conseil, vous pouvez aller voir le P. Favre et lui offrir votre démission. S'il l'accepte, soit; sinon, restez. Je vous écrirai encore. Je tiens à faire partir aujourd'hui ma lettre, afin que vous la receviez le Saint jour de Pâques.

Mille choses, en Jésus et Marie, à toute votre maison. Je vais assez bien.

Tout à vous.

(...)

EYMARD.


Nr.0402

An Marg. Guillot

La Seyne, 30 Avril 1853.

Loué et aimé soit Jésus Eucharistique.

Excusez-moi, ma chère fille, d'un si long retard à vous répondre, cela m'a été impossible depuis Pâques. J'ai été un peu souffrant, et au milieu de grandes occupations. C'était (pour ne pas vous laisser dans la peine) un peu de tout, migraine, névralgie, rhume; à présent, je vais mieux. Aussi, ai-je laissé de côté toutes les lettres à répondre.

Laissez-moi vous dire que je ne voudrais pas encore mourir avant d'avoir vu se réaliser une belle et grande pensée que le Bon Dieu m'a mise au coeur relativement au Culte de Jésus au T.S. Sacrement. Elle est si grande que la pauvre nature en a presque peur, mais si belle que cette vue réjouit, et m'encourage à tous ses sacrifices. Je ne vous dis pas ce que c'est, car je prie et demande à Dieu de m'en rendre digne. Je voudrais que N.S. vous la dise et vous fît connaître sa volonté. Priez pour cela beaucoup, et faites prier pour moi. Je vais faire le mois de Marie à cette intention.

Comme aussi, comme il s'agit de Jésus au Saint Autel, je vous charge de quêter quelques robes de soie, n'importe la couleur (Mme Gal m'en avait promis une), de quêter un peu de linge d'autel, etc.; voilà pour l'office de Marie habillant Jésus. Vous comprenez trop bien que je ne puis dire sur ce papier ma pensée encore, il faut que Jésus vous l'inspire.

Je suis bien content de vous savoir en si bonne main. Cette pensée me console et me pacifie sur vous. Ayez bonne confiance, ma fille, Jésus aura son jour et son heure pour vous.

Je viens à Mme... J'ai trouvé une bonne pension pour le petit, ce serait chez les frères Maristes ou à Vauban, diocèse de Moulins, ou à Saint-Paul-trois-Châteaux, diocèse de Valence. La pension serait de trois cents francs et je ferais en sorte qu'on le garde toute l'année. Pour notre Pensionnat de la Seyne, il est monté trop en grand; alors même que je diminuerais la pension de moitié, il y a trop d'accessoire. Je me charge de prévenir les frères de tout.

Pour la petite fille, elle serait bien à La Mure. Je crois que la pension est aussi de trois cents francs. Je la recommanderai, et si elle pouvait y rester jusqu'aux vacances, en passant à La Mure, si cela n'allait pas, je chercherais ailleurs.

Pour la mère il faudrait la faire entrer dans quelque communauté, s'il était possible. Il me vient une bonne pensée: envoyez-la à Notre-Dame du Laus; là, les vivres sont à bon marché, les loyers de même; elle tiendra un petit banc d'objets religieux, je la recommanderai à Mr le Supérieur, voilà une bonne affaire.

Maintenant, n'ayez donc pas peur, ni vous, ni M.G., rien ne vous arrivera, vous avez fait une bonne et excellente charité bien agréable à Dieu. La prudence est bonne, c'est vrai, mais Dieu aime à demander quelquefois le sacrifice même contre la prudence; ainsi, mes chères filles, Dieu vous bénira, et vous aurez sauvé trois âmes.

Dites, s.v.p., à M.G. que je lui écrirai par vous au premier jour libre, de ne pas se troubler, de laisser le tout à la divine et paternelle Providence, que tout tourne à bien à ceux qui ont confiance en Dieu.

Ah! le ciel est bon, est beau, est parfait! Mais, mes bonnes filles, c'est le terme de l'amour souffrant, aimez-le cet amour souffrant! Il est beau que Dieu ne pouvant souffrir par amour dans le ciel, s'est fait aimer pour l'amour crucifié.

Oui vous pouvez m'écrire...(trois lignes effacées). à la rigueur vous pouvez... cependant... je vous conseillerais... et je vous... faites pour cela. Gardez-moi donc vos cinquante francs (s'il est encore temps) pour ma grande et eucharistique pensée.

De tout mon coeur, j'approuve le pèlerinage de la Salette, mais il faut passer quelques jours à La Mure, il y a des lits pour toutes.

Autrement, je serai bien peiné et je n'appellerai plus Mme Gal ma mère nourrice.

Pauvre T.O.! Il germe dans la terre, il poussera bien haut, aimez-le toujours. Hélas! est-il possible qu'à Puylata on ne l'aime pas! On ne le connaît pas, puis ces bons Pères n'osent pas . Ah! si j'avais été timide, je n'aurais rien fait; je disais toujours à la Sainte Vierge: je serai grondé, mais pourvu que cela réussisse, cela ne fait rien.

Allons! chère fille de la croix, attachez-vous bien à N.S. votre Epoux couronné d'épines. C'est là l'anneau de la divine alliance. Je vous bénis de tout mon coeur, vous et les vôtres.


Nr.0403

An Fräul. Antonia Bost

J. M.J.

8 Mai 1853.

MADEMOISELLE,

Je viens enfin répondre quelques mots à votre bonne lettre, et vous dire qu'en la lisant je bénissais Dieu pour vous, pour ses dons et ses grâces, et surtout demandant à ce bon Père qu'il les augmente et vous rende bien fidèle à son amour.

Que vous êtes heureuse d'avoir compris encore jeune que Jésus seul est le seul Dieu véritable et éternel du coeur! Aussi cachez bien votre coeur dans son Coeur divin, afin qu'une même vie les unisse.

Oui, Mademoiselle, vous êtes bien là où le Bon Dieu vous veut et vous veut dans son amour. Ne cherchez pas d'autre position, mais sachez trouver dans la vôtre, en la paix et la retraite de Nazareth, la charité et le zèle de Jésus Sauveur dans la Judée. Puis ayez aussi votre Thabor, votre Cénacle; puis acceptez le Calvaire que Jésus a dressé autour de vous, car il y en a bien un, et puis le coeur est toujours la croix vivante.

Aimer sa position, en aimer les devoirs, en sanctifier les peines et les sacrifices: voilà ce que Jésus aime par-dessus tout. Aussi soyez heureuse de la volonté de Jésus.

Je prierai avec vous pour cette bonne mère; une pensée, un pas de plus, et la voilà sainte. Mais vous, que Jésus aime, plaignez-vous donc à cet Epoux divin de vous laisser triste, et demandez-lui ce miracle de la grâce. Vous pouvez tout sur son Coeur.

Quant à la méditation, je vous voudrais une fille d'oraison, parce que sans oraison il n'y a pas d'union habituelle avec Dieu. Mais il vous faut une oraison en rapport avec votre caractère, votre position, votre attrait intérieur, votre coeur par conséquent. Parlez simplement et naïvement à Notre-Seigneur comme avec un autre vous-même, comme avec votre soeur. Soyez une enfant d'amour et d'abandon envers ce bon Maître. Que ce soit plutôt une conversation intérieure avec Dieu qu'un travail de l'esprit. Alors cette méditation si dissipée, si distraite, deviendra tout actuelle, parce qu'elle exprimera toutes les pensées, tous les besoins du coeur.

Mais il faut faire chaque jour vote petite méditation avec Notre-Seigneur.

Demandez bien à la Sainte Vierge ce don d'oraison; demandez-le aussi pour moi. C'est le don qui renferme tous les dons, et c'est le mois le plus beau des mois.

Ces pieuses et cordiales causeries avec votre bonne soeur valent bien une méditation; cependant elles ne sauraient remplacer la première, parce qu'après avoir parlé avec bonheur du Seigneur Jésus, il faut encore aller lui dire: Mon Dieu, je vous aime!

Je vous envoie, un peu plus tard, il est vrai, une pratique du mois pour les Soeurs du Tiers-Ordre.

Mes respectueux hommages à Madame votre soeur. Je ne puis l'oublier, elle est malade, puis un je ne sais quoi me la rappelle souvent. Dites-lui que Notre-Seigneur l'aime bien, et, qu'à son tour, elle aime sa position et sa croix dans l'amour de Dieu.

Je suis, en N.-S.,

Tout à vous.

EYMARD, P. M.

Madame Tholin-Bost, à Tarare (Rhône).

Mlle Bost.


Nr.0404

An Marg. Guillot

L.J.E.

La Seyne, 10 Mai 1853.

Je me hâte de vite vous écrire, ma chère fille, je ne l'ai pu jusqu'à à ce moment. Nous avons eu la Première Communion, la Confirmation, et l'Ordination pendant ces jours-ci, et je n'ai pas eu un moment.

Pour ce petit enfant, j'ai envoyé hier les notes au frère directeur de Saint-Paul-trois Châteaux (Drôme), c'est plus bas que Valence. Ce frère (F. Léonide) doit être en ce moment à l'Hermitage, près de Saint-Chamond, à la maison-mère, pour une réunion générale qui s'ouvre vendredi et doit durer une dizaine de jours. Si quelqu'un pouvait y aller de Lyon, ou plutôt non, je vais lui écrire, afin qu'il réponde là; il adressera sa réponse à Mr Gaudioz. Je lui ai demandé de le garder pour les vacances.

Si Chambéry était possible, cela irait bien, ou N.D. du Laus. Que voulez-vous? ma chère fille, n'ayez pas du regret de la peine et des suites, c'est une bonne oeuvre que vous avez faite toutes, et le Bon Dieu vous le rendra. Dans le temps des persécutions, on cachait les confesseurs de la foi, malgré les menaces et les fureurs des persécuteurs. Je vous conseille de préférence Saint-Paul-trois-Châteaux, il y a moins à craindre qu'ailleurs.

Et mon secret? Je ne vous le dis pas encore. Je prie et fais prier, peut-être le Bon Dieu n'en veut-il que le désir! J'en voudrais bien l'exécution, s'il le voulait. En me voyant faible et souffrant, je n'oserais y penser, si je ne savais que le Bon Dieu aime à se servir de ce qui est infirme, abject et néant, pour faire éclater sa grâce et sa bonté.

Vous en avez deviné un peu, mais non tout: il s'agit d'établir l'ORDRE DU T.S. SACREMENT: voilà la grande pensée.

Je vous quitte pour aller faire le mois de Marie.

Adieu, bonne fille, laissez-vous bien crucifier par la sainte obéissance et pour l'amour de N.S. Jésus. Puis, que vos peines et tentations ne vous troublent pas l'âme: Dieu le veut.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0405

An Fräul. v. Revel

(L+S)

Pensionnat de La Seyne

L.J.E.

12 mai 1853

Bien chère Soeur en Marie,

Est-il possible que je sois resté si long temps à répondre à votre missive toujours bonne et si long temps attendue & lue avec tant de plaisir! & cependant c'est bien vrai. Vous allez dire que je vous ai oubliée, que sais-je! oh non! ce n'est pas possible, au contraire, quand on a une dette pressante, on y pense sans cesse. Et si mes prières & mes voeux pour vous avaient été plus parfaits vous les auriez sentis tous les jours. Mais pourquoi ce retard? il vient en peu de tout, voilà deux mois et demi que je n'ai écrit à personne.. J'avais à peine le temps de dormir.- professeurs malades à remplacer, Adoration de Toulon à diriger en l'absence du Père qui en est chargé mes 115 enfants, de petites maladies du printemps... 1re Communion, confirmation Examens, Economat &c &c par dessus cela migraine & névralgie, voyez si je ne mérite pas un peu d'indulgence, - mais que cela ne vous empêche pas de m'écrire, ce temps est passé; à présent cela ira mieux -

Vous auriez dû bonne Soeur, m'écrire une petite lettre pressée, me faire des reproches, ou venir m'en faire

J'en viens à votre lettre, les tristes nouvelles sur votre santé m'ont bien attristé, maintenant que vous pourriez vivre plus tranquille, le Bon Dieu vous met sur la croix, vous souffrez avec la perspective de toujours souffrir; à cette vue la nature tremble & s'effraie, mais que l'amour de Jésus vous fortifie et vous élève au dessus de la croix.- La souffrance de l'amour en est la vie & la perfection. Dieu semble ne demander que cela pour la couronne éternelle, elle est belle cette couronne à raison de ses épines & de ses plaies Allons, bonne fille. changeons la couleur & la perspective du tableau, ne prenez pas pour l'éclairer le soleil du calvaire, mais le soleil du Ciel, changeons le nom des sacrifices & appelons les du beau & doux nom de l'amour de Jésus crucifié. Cependant ne pensez pas trop à la mort, non, non, cela n'amène pas à grand-chose de grand. Pensez au contraire au prix de la vie, de la grâce, de l'amour de Dieu vous sanctifiant, vous épurant, vous dégageant de tout pour s'unir parfaitement avec vous. Il ne faut pas encore mourir. Je voudrais être là, personne n'y a plus de droit que moi; je veux vous fermer les yeux & prendre votre chère âme pour la remettre toute belle à Jésus & à Marie.

Non, non, vous n'avez pas fait de communions sacrilèges ne vous en tourmentez pas; pour les communions tièdes hélas! c'est là le fruit de l'infirmité humaine, ô vous tous qui êtes tristes & accablés venez à moi dit N. Seigneur & Notre Seigneur au St. Sacrement puisqu'il n'est que là sur la terre, donc la Ste. Communion est la table des pauvres des infirmes des faibles, comme elle l'est aussi des aigles & des parfaits. Ainsi ma bonne fille, allez à la Ste Communion avec vos misères, & votre pauvreté, c'est tout ce que vous pouvez faire de mieux, c'est la vie & la vie éternelle. - Si vous voulez vous accuser de quelque choses, dites le en général de votre peu de dévotion dans la Ste Communion & pas plus.

Pour votre direction, vivez un peu du passé, puis si vous avez besoin de moi, je suis à votre service; je vais vous donner une ruse. Dites moi, j'attends votre réponse d'ici à tel jour & je serai là.-

La retraite promise est comme faite, il faudra que je vous la porte, & vous la fasse faire.-

Faites toujours bien aller le patronage, sans vous fatiguer cependant, ne laissez jamais un bien à faire par crainte de le mal faire ou d'y faire du mal.-

Mme Spazzier m'a fait remettre les 20 f. dont vous me parlez. Je vous remercie bien de toutes les nouvelles diverses que vous me donnez sur Lyon sur vos amies, sur les miens, tout intéresse pour un pays que l'on aime, & j'aime Lyon plus que tout autre pays. Non, non, Lyon & mes filles en N. S. auront toujours la primauté. Je confesse peu ici, & voudrais peu confesser.- Vous avez bien fait d'immoler la nature à la grâce qui la surnaturalise, - dans les rapports avec Melle de Revel c'est bien, je suis content de vous, encore une fois & vous voilà reine.

Pauvre Mr Gabit! est-il possible qu'une si grande croix lui soit arrivé par son frère! hélas! la fortune est comme une maison exposée aux orages & aux tempêtes heureusement qu'il est riche de l'amour de N. Seigneur.

Mes affectueux souvenirs ainsi qu'à vos bonnes amies, Mme Louis & Melle Hypolite que j'aurais vue avec beaucoup de plaisir (signe peu lisible, peut-être: Si?)

J'ai prié le P. Hermann d'aller vous voir & vous saluer de ma part. Je pense qu'il aura trouvé un petit moment.

Adieu, bonne fille & chère Soeur, priez pour moi, pour m'obtenir une grâce particulière envers Jésus au St. Sacrement, écrivez-moi comme vous causiez avec moi & croyez moi toujours en N. Seig.

Tout à vous

Eyd


Nr.0406

An Marg. Guillot

La Seyne, mercredi 18 Mai 1853.

J'ai écrit, ma chère fille, au frère Léonide à l'Hermitage, à Saint-Chamond, le priant de répondre à Mr Gaudioz. S'il ne l'a pas encore fait, vous feriez bien d'y envoyer quelqu'un et de vite finir cette affaire. Je crois qu'on le prendrait aussi à Vauban, près de Moulins, mais comme c'est trop près du département de Saône-et-Loire, peut-être vaudrait-il mieux le placer à Saint-Paul-trois-Châteaux.

J'ai lu et relu votre dernière lettre avec beaucoup de plaisir. Ce pauvre T.O. a besoin de quelque chose, c'est vrai, la T.Ste Vierge lui donnera Jésus.

Priez bien pour ce que je vous ai dit, et surtout pour moi. Je ne vais pas mal, mon rhume paraît s'adoucir, et ma migraine est assez bonne. Il faut du fumier pour mettre au pied de l'arbre, si au moins j'en étais un bon!

Adieu. Tout à vous.

EYD.

Mes souvenirs bien affectueux à votre bonne mère et à toutes vos chères soeurs.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de paix, à Fourvière,

Lyon (Rhône).


Nr.0407

An Marg. Guillot

La Seyne, 21 Mai 1853.

Je viens de recevoir, ma chère fille, la lettre d'admission de cet enfant. Je vous l'envoie ci-incluse, vous pouvez, en conséquence, le faire partir quand vous le voudrez; si l'on peut attendre le frère Léonide, il l'emmènerait avec lui, ce seraient des frais et du souci de moins; ou bien si vous vouliez vous en débarrasser plus tôt, par nécessité, vous pourrez l'envoyer avec la lettre du frère Jean-Baptiste, Provincial des frères.

Je n'ai que le temps de vous prier de présenter mes affectueux sentiments au P. Champion. Je sais qu'il est tout dévoué à votre âme et qu'il lui fera tout le bien en son pouvoir. Soyez-lui bien enfant, l'obéissance d'enfant est la voie divine. C'est vraiment une grande grâce de Providence pour vous, vous voyez la réalisation de ce que je vous disais: Dieu n'abandonne jamais les âmes qui sont à lui; il met toujours sur le chemin un Ananie pour les conduire; et le dernier est toujours le meilleur, parce que c'est celui qui a la grâce du moment; c'est le pilote du passage.

Il faut aussi bien prier pour le T.O., afin qu'il soit bien ce que Marie, sa Reine, veut qu'il soit. Et priez bien pour la pensée que je vous ai dite, priez, de ma part, le Bon Père Champion de prier et de bien faire prier.

Mes respects à toute votre famille.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de Paix, 33,

à Fourvière, Lyon.

(Rhône).


Nr.0408

An Marg. Guillot

La Seyne, 25 Mai 1853.

Je viens vous annoncer, ma chère fille, que j'ai reçu votre dernière lettre avec le billet des Messes qu'elle renfermait et dont je vous remercie.

Vraiment! quelle croix, que de misères avec cette pauvre famille! et cependant le Bon Dieu a dû aimer cette oeuvre de charité, qu'on ait retiré cette pauvre mère et ses enfants du scandale et des mauvais traitements. Mais le Bon Dieu a ses desseins impénétrables, il faut les adorer. Je prends bien part à toutes les peines que cela vous a données, j'ai bien prié pour vous toutes, en cette triste position.

Nous ferons comme vous me dites, mais je vous le répète, vous pouvez m'écrire vos peines... si vous en avez besoin, et vous savez combien votre âme m'est chère devant Dieu. Aussi la lui présente-je souvent et tous les jours, afin qu'elle soit digne de son amour et de ses grâces. La direction du P. Ch. sera bien profitable à votre âme, elle est forte et généreuse, il vous fallait cela, tirez-en bien profit. Vous me suggérerez les pensées ... écrivez-moi où en sont les choses, cela me tient bien dans la peine. Vous aurez reçu, je pense, ma dernière lettre, et dans laquelle j'avais inséré celle du frère Jean-Baptiste.

Pour moi, je ne vais pas mal, je souffre toujours un peu d'une irritation de poitrine, cela passera bien, si le Bon Dieu le veut; je puis travailler comme à l'ordinaire et me lever à quatre heures.

Priez-vous bien pour l'Ordre du T.S. Sacrement? Il faut des hommes, des prêtres de feu; il faut les demander à Notre-Seigneur, surtout pendant la belle octave eucharistique.

Adieu, ma fille, je vous bénis toutes en la divine charité de Notre-Seigneur.

Tout à vous.

EYD.


Nr.0409

An Fräul. Elis. Mayet

La Seyne 25 mai 1853

L.J.C.

Mademoiselle et chère Soeur en Marie,

J'ai reçu ce matin votre bonne lettre et je me hâte de vous répondre pour vous tirer de peine.

Le P.Colin, Supérieur Général, vient d'écrire une lettre charmante, pleine de délicatesse et de reconnaissance pour le bon Monsieur Tonny, et d'affection pour le cher P.Mayet. Il lui dit qu'il peut rentrer quand il voudra, qu'il l'a toujours regardé comme son enfant, etc...

Voilà la question tranchée, seulement comme il l'a accordé à Mr Tonny, il lui conseille de lui écrire, de sorte que Mr Tonny n'a qu'à laisser le bon Père libre de rentrer et tout est fini et moi, je vais écrire au Père Supérieur de me donner le P. Mayet à La Seyne.

Engagez M.Tonny à le laisser rentrer, cet isolement ne le guérit pas, il est toujours le même, l'état physique du bon Père est bien, mais c'est toujours à ce pauvre larynx.

Mes respectueux sentiments à toute votre aimable famille et surtout à votre bonne Soeur.

Priez bien pour moi, afin que je corresponde bien à tout ce que le bon Dieu veut de moi.

Adieu, ma chère fille en N.S. Tout à vous.

Eymard S


Nr.0410

An Marg. Guillot

Maubel, 17 Juin 1853.

J.M.J.

Je vous écris deux mots de Maubel, ma fille, maison que nous avons à quatre lieues de la Seyne. J'y suis arrivé hier, j'y vais passer quelques jours pour y prendre un peu de force; voilà dix jours que j'ai été fatigué un peu de la tête, un peu de la poitrine, un peu (de) partout. Je vais mieux, mais comme tout le train de maison de la Seyne me fatiguait trop, je suis venu ici. A Lyon, on ne sait pas mon indisposition.

Dites ce que vous savez et répondez à ce qu'on vous demandera sur le T.O.... et si on veut vous donner un emploi, priez de vous laisser tranquille; si on insiste, laissez-vous faire.

La forme de votre direction ne peut sans doute que vous être un grand moyen de terrasser le démon, et soumettre à la grâce cette nature rebelle, mais pratiquez-y beaucoup de douceur et de calme, surtout sachez bien que vous pouvez me dire vos craintes et vos peines de conscience sans la permission du P. Ch.: on en peut vous en empêcher...(deux lignes effacées). pas même dans le cas des voeux.

Souffrez en amour de N.S.J.C., c'est votre Calvaire.

Je pense à vous toujours et surtout à vos peines temporelles.

Adieu, ne m'écrivez que dans une huitaine de jours.

EYD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de Paix, 31,

à Fourvière, Lyon.

(Rhône).


Nr.0411

An Frau Tholin-Bost

Loué et aimé soit Jésus Eucharistie.

Maubel, 23 Juin 1853.

Je vous écris, ma chère fille en Jésus, de Maubel, nouvelle maison de la Société où il y a un commencement de noviciat. J'étais fatigué depuis quelque temps, depuis la Semaine Sainte, lorsqu'il y a quinze jours la fatigue est devenue plus grande; alors le médecin a jugé à propos de m'isoler à la campagne (J'espère être à La Seyne dans quatre jours).

Je ne sais pas jusqu'où ira cette fatigue de la poitrine; si c'est la première nouvelle de la préparation du départ, que le Bon Dieu en soit mille fois béni. Les uns disent que c'est une irritation de la poitrine, les autres un excès de fatigue, d'autres un cathare; moi j'en laisse à notre bon Maître le secret et à sa divine Providence. Mais finir ma carrière apostolique sans avoir rien fait de grand pour Notre-Seigneur, mais n'avoir fait que mener une vie bien tiède, voilà, chère soeur, ce qui désole parfois mon pauvre coeur. Et cette indisposition est venue dans un beau moment où j'allais réjouir votre âme par une grande nouvelle, quand je fus forcé d'ajourner le tout.

En voici la substance (mais dont je vous prie de ne pas parler). Le 18 avril, dans l'action de grâces de la sainte Messe, je fus tout à coup saisi par un grand sentiment de reconnaissance et d'amour pour Jésus, et alors de lui dire: "Mais que pourrais-je faire de grand pour vous?" Et une pensée douce, paisible, mais forte et vive, me rendit heureux de me dévouer au service du Très Saint Sacrement, d'en demander la permission, de chercher les moyens de soutenir et de former la grande oeuvre de l'Adoration perpétuelle, de pousser à établir l'ordre religieux du Très Saint Sacrement. Quelle belle pensée, n'est-ce pas, bonne fille! N'est-il pas surprenant que, depuis l'établissement de la sainte Eglise, la sainte Eucharistie n'ait pas eu son corps religieux, sa garde, sa cour, sa famille, comme les autres mystères de Notre-Seigneur ont tous eu un corps religieux pour les honorer et les prêcher? Et il me semblait que j'étais disposé à faire tous les sacrifices pour Jésus au Très Saint Sacrement.

Je fis part de ce sentiment au Père Hermann qui se trouvait avec nous, et avec qui je suis lié depuis longtemps; et voilà que nos pensées et nos désirs se rencontrent. Nous bénissons Dieu, et la conclusion fut: Travaillons à cette oeuvre divine, cherchons des hommes, les moyens; prions, souffrons, attendons le moment de Dieu. - Voilà où nous en sommes et tous deux nous sommes malades. J'ai vu hier à Hyères ce bon Père Hermann: il souffre, mais nous sommes heureux de souffrir. Lui, voudrait aller au Ciel; et moi, rester pour faire glorifier Notre-Seigneur. Et nous avons eu une longue discussion; à la fin nous nous en sommes remis à la sainte Volonté divine. Ainsi, bonne soeur, priez, demandez à ce bon Maître qu'il me fasse la grâce de travailler à sa gloire. Comment et quand? J'attends un signe de sa main. En attendant, nous préparons les fondations: plusieurs prêtres déjà s'y dévoueraient, mais il y a encore quelques difficultés de position.

J'en viens maintenant à la question de l'éducation de ces chers enfants.

I· Suivez toujours la même marche. Les quatre premières classes ne sont, à proprement parler, que des classes de grammaire, de principes: c'est ce qui fait les bonnes études. Ainsi, analyse française, latine, grecque; ainsi, examiner chaque mot en particulier, en étudier la nature: mot simple, mot composé; en étudier la forme, la forme des déclinaisons, des verbes; en étudier les propriétés, comparer les mots entre eux afin de voir et d'apprécier les rapports qui les unissent; distinguer les propositions, les apprécier: - voilà le travail de l'analyse grammaticale et logique.

Pour l'étude de la grammaire, faire marcher de pair l'étude de la première partie, avec la syntaxe qui y a rapport; faire des thèmes sur les règles de la syntaxe connues; peu et bon, c'est ce que vous faites. Il sera bon de faire des thèmes d'imitation, et voici comment: Lorsque l'enfant a fait une version, on lui redonne cette même version à faire en thème, mais ayant soin de changer quelques mots: les sujets, les adjectifs, quelques verbes. Cela a un grand avantage: c'est de rendre les thèmes agréables et faciles, puis d'économiser le temps à chercher des mots; enfin, ils ont le modèle sous les yeux et s'y habituent à faire du bon latin.

Pour l'histoire de France, la meilleure que je connaisse est celle d'Amédée Gabourd, en trois volumes. Prenez-la; je vous la conseille de préférence à tous ces petits résumés faits même par de bons auteurs. Nous suivons, nous, l'abbé Drioux.

Vous ferez bien de faire traduire le de Viris illustribus de Vervost; de commencer la grammaire grecque de Burnouf, appuyant bien sur les déclinaisons et les verbes; - puis, plus tard, faire traduire l'Enchiridion (grec) de Cognet; vous en trouverez la traduction et le mot à mot. Ce me serait un grand plaisir en Notre-Seigneur s'il voulait me permettre d'aller vous voir, aux vacances. Je laisse cela à sa sainte Volonté.

Je vais me procurer les ouvrages que vous m'annonciez, je vous en remercie bien.

Allons, ma fille, aimez bien Notre-Seigneur et faites-le connaître et aimer de toutes vos forces; la vie n'est précieuse que pour cela. Ecrivez-moi; priez pour moi, afin que je fasse tout ce que le bon Maître veut.

Tout à vous en sa charité.

EYMARD.

Madame,

Madame Clothilde Tholin-Bost,

à Tarare (Rhône).


Nr.0412

An Herrn Gaudioz, Lyon

Tout pour Dieu seul.

La Seyne, 30 Juin 1853.

BIEN CHER AMI ET FRERE EN MARIE,

Il y a longtemps que je voulais vous écrire un petit mot d'amitié, car votre souvenir, ainsi que celui de Madame et de votre famille, m'est toujours présent. J'aime à prier Dieu pour vous et votre commerce, afin que le Bon Dieu bénisse tout et que tout serve à votre salut. Hélas ! oui, il faut que tout serve au salut, autrement nous ferions de trop grandes pertes pour le ciel, et vous pouvez pratiquer la charité, la douceur, la patience, l'humilité et toutes les vertus; seulement, ayons toujours Dieu présent et sa sainte Volonté. Ne nous décourageons jamais ni de nos fautes ni de nos tentations: l'humilité de confiance est la plus belle des victoires.

Tenez toujours votre coeur dans la paix, dans la confiance à la divine Providence, et soyez assuré que le Bon Dieu sera toujours votre Père et votre soutien.

J'ai appris avec la plus vive satisfaction ce que vous avez fait pour vos soeurs en leur donnant le dix pour cent de tout l'argent qu'elles ont chez vous; vous êtes leur bonne Providence et le Bon Dieu vous rendra au centuple le double intérêt que vous leur donnez avec tant de générosité. Hélas! ces pauvres filles avaient bien besoin de cela.

Voici nos vacances à la fin de juillet, et si je vais à Lyon vous aurez, bon père Gaudioz, ma première visite, comme vous avez eu ma dernière; en attendant, priez pour moi, et rappelez-moi aux prières de la bonne dame Gaudioz.

Je suis en N.-S ,

Cher ami et frère,

Tout à vous.

EYMARD.

P.-S. Je suis chargé de l'Adoration de Toulon; c'est une Oeuvre admirable: 100 messieurs passent la nuit devant le Très Saint Sacrement et 300 dames au moins le jour, du jeudi au vendredi soir. Ainsi le Bon Dieu a partout des élus.

Je vous prierai de faire passer cette lettre ci-incluse à Mr Perret, je ne sais pas son adresse.


Nr.0413

An Fräul. v. Revel

Pensionnat de La Seyne

1 Juillet 53

Chère Soeur en Marie,

Merci bien de votre bonne lettre. Je vais mieux, je suis au travail depuis huit jours, mes forces reviennent de jour en jour, c'était un avertissement du bon Dieu, quelques maladies de temps en temps font du bien, obligent l'âme à se recueillir & à regarder un peu en arrière & devant soi. Mais ce qui me peine c'est de vous savoir fatiguée, je prie le Bon Dieu de ne pas vous retirer encore dans le Ciel, mais de vous donner bien son St amour.

L'oeuvre du T. S. Sacrement est encore dans la terre & germe priez pour elle.. Le P. Hermann est toujours fatigué, il vient da partir pour les Pyrénées aux eaux de Bagnières c'est un saint Prêtre, mais - j'espère qu'il ira mieux.

Adieu bonne fille & chère Soeur croyez-moi toujours en N. Seigneur

Tout à vous

Eymard


Nr.0414

An Marg. Guillot

La Seyne, 6 Juillet 1853.

Je viens vous donner de mes pauvres nouvelles. Je vais assez bien, je suis à mes affaires depuis quelques jours. Je ne dis pas que je sois sans petites souffrances, mais cela ne m'empêche pas d'aller. Je suis plein de courage dans la pensée que j'irai me délasser un peu aux pieds de la bonne Mère du Laus, pendant les vacances.

Je vous prierais bien, si vous aviez la copie de mes anciens procès-verbaux du T.O., de me la prêter, vous pourriez la porter chez Madame Chassaignon, rue St Jean, maison de la Cure; cette dame doit nous envoyer un paquet vers le dix du mois.

Pourriez-vous vous informer si, à Lyon, on trouverait une Vierge Immaculée de la hauteur de 60 à 70 centimètres, jolie et solide pour résister à la pluie? On voudrait en faire l'acquisition.

Adieu, ma chère fille, je n'ai que le temps de vous bénir, vous, et toute votre famille. J'ai vu le P. Favre, il part ce soir pour Lyon, il aime le T.O., mais il est dans une position un peu délicate: le P. Colin ne lui laisse pas assez de liberté. Priez, le temps de l'adolescence, de la majorité de la famille de Marie viendra.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P.S. - Ecrivez-moi sans affranchir, c'est bien plus simple.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de Paix, 31,

Près Fourvière, Lyon.

(Rhône).


Nr.0415

An Frau Franchet

J.M.J.

La Seyne 6 juillet 1853

Madame et chère Soeur en Marie,

Il y a bien longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles; seriez-vous déjà au ciel ? ou bien craindriez-vous de me peiner et de me prendre un temps précieux?

Expliquez-moi ce silence, car vous ne pouvez douter de tout le bien que je veux à votre âme et qu'elle m'est toujours bien chère; un mot indirect est venu me dire que vous alliez bien, que vous marchiez bien à la suite de N.S. et j'en ai béni le Bon Dieu, car le plus grand bonheur de mon coeur c'est d'apprendre que mes anciennes filles sont toujours généreuses et fidèles.

Puis toutes vos souffrances ne sont pas infructueuses; c'est la rosée du ciel que la souffrance. Quand votre bon mari m'a fait part de son désir que je vous écrivisse, mon coeur vous a fait un petit reproche; mais peut-être êtes-vous peinée à mon sujet et je l'ignore.

Voici, maintenant, un service que je viens vous demander - dans le temps vous aviez copié les procès-verbaux des Dames du T.O.. Je serais bien désireux de les voir; pourriez-vous me les faire passer ?

Me Chassagnon, rue S.Jean, maison de la Cure, doit envoyer un paquet vers le 10 du mois. Si vous l'aviez sous la main, je vous serais bien reconnaissant de me l'envoyer.

On vous a peut-être dit que j'avais été malade; je vais mieux et travaille comme avant depuis deux jours.

Le pauvre nature n'aime pas la croix, mais puisque le Bon Dieu le veut, il faut bien la baiser.

Maintenant c'est une triste névralgie qui me rend un peu souffrant.

Aussi je m'arrête là et vous prie de présenter mes affectueux souvenirs à Mr Franchet et à votre bon petit Charles.

Tout à vous en N.S.

Eymard


Nr.0416

An Marianne Eymard

[Juillet 1853.]

BIEN CHERES SOEURS,

Je suis toujours bien négligent pour vous écrire; je ne sais pas comment le temps passe, les semaines et les mois se passent et je m'en aperçois à peine. En ce moment-ci nous sommes bien heureux: nous avons reçu le corps tout entier d'un saint de Rome, saint Victorius. Il est de grandeur naturelle, de toute beauté, avec une châsse dorée magnifique. Dimanche prochain, nous allons en faire la translation solennelle. Tout ce qu'il y a de grand et de population y assistera; musique, canons, tout va célébrer la gloire de ce saint Martyr. Nous faisons en ce moment une neuvaine préparatoire, et je l'ai bien prié, pour vous.

Dans quinze jours nous renverrons nos enfants et nous serons en vacances; mais il y a encore bien à travailler d'ici là. Cependant je me porte bien à présent. Il y a trois semaines, j'ai été un peu fatigué, sans cependant tenir habituellement le lit: c'était une indigestion, un peu de fatigue. Je suis allé passer une dizaine de jours à la campagne sans rien faire, et cela m'a remis; je suis même mieux qu'avant. A Lyon, j'ai passé pour très malade; mais ces braves gens ont bien prié pour moi, et c'est toujours tant de gagné.

J'espère aller vous voir aux vacances; je n'en sais pas encore bien l'époque. Tâchez de bien vous porter et que je vous trouve bien portantes.

Je suis heureux de penser que je pourrai encore saluer en passant la bonne Mère du Laus et de la Salette. Je ne sais pas encore comment j'organiserai mon voyage: je vous écrirai avant de le faire. Pour Notre-Dame du Laus, je n'ose promettre de vous y attendre; d'un côté, si je ne puis obtenir quelques jours pour y faire ma retraite, j'aurais besoin d'être seul; de l'autre, si je n'y fais que passer, cela n'en vaut pas la peine.

A bientôt, chères soeurs.

Tout à vous en J.-C.

EYMARD.

P.-S. Mes amitiés à la famille Reymond et aux Dlles Fayolle.


Nr.0417

An Frau Jordan Camille

26 Juillet 1853.

MADAME ET CHERE SOEUR EN MARIE,

Je réponds de suite à votre lettre. Je vous ai accompagnée de mes prières dans votre voyage et je vous désirais le bonheur de voir Notre-Dame du Laus. J'irai, je l'espère, vous rendre votre bon et pieux souvenir et prier pour vous et pour les vôtres cette bonne Mère.

Ne vous laissez pas troubler par votre état intérieur; ah! gardez-vous bien de laisser la sainte Communion: c'est une affreuse tentation, un coup de mort que veut vous porter le démon. Communiez en pauvre, communiez en mendiante, en infirme, en malade, mais toujours avec la confiance et le désir d'aimer Dieu.

Vous auriez besoin d'un peu plus de calme et de recueillement; cela viendra. J'en viens à votre demande:

La famille Giroud est la famille la plus respectable de La Mure. J'ai connu la grand-mère et les enfants; tous sont bons. Je ne crois pas que Mr Giroud père soit pratiquant, mais il respecte la religion, il est charitable et bon père.

La mère est une demoiselle Périer, de Vizille, je crois; je l'ai connue un peu, je la crois très bien. Quant à la demoiselle, je l'ai vue petite, je ne puis rien en dire.

Il y a donc bonne réputation dans cette famille, point de ces maladies et infirmités repoussantes, de la fortune et de bons parents. Je fais des voeux pour le bonheur de tous.

Lundi 1er août a lieu notre distribution. Si vous étiez ici, je serais heureux de vous y inviter; écrivez-moi de Saint-Romans si vous y allez bientôt.

Adieu, chère fille et soeur en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD.

P.-S. Pour ma santé, elle va comme on la pousse. Les vacances sont là.


Nr.0418

An Frau Gourd

Notre-Dame du Laus, le 16 Août 1853.

Madame et chère soeur en Marie,

C'est du Laus, ce lieu si vénéré et si cher que je vous écris. C'est vous dire que vous m'[êtes] bien présente ainsi que Mlle Stéphanie et toute votre famille. J'ai bien prié pour [vous ainsi que pour ceux] qui vous sont chers. Abandonnez le tout à la divine Providence; [elle] tient compte de tout, et tout a été pour ...

Ne vous inquiétez de rien, ne vous fatiguez [pas] des conséquences; c'est l'affaire de Dieu.

Vous êtes pauvre; Dieu en soit béni: Dieu enrichit les pauvres. Vous êtes toujours ... ouvrez bien votre âme à la confiance en Dieu. [Il] vous donnera avec abondance cette céleste rosée qui féconde le désert. Je serai content si je vous vois à Lyon; j'y serai vers les derniers jours d'août, jusqu'au 7 septembre, jour de l'ouverture de notre retraite. Mes souvenirs religieux à Mlle Stéphanie.

Depuis sept jours, je suis ici en retraite. Je pars aujourd'hui pour La Mure.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

Madame Gourd.


Nr.0419

An Fräul. v. Revel

(Image de N.D. avec l'Enfant Jésus)

Notre Dame du Laus, le 16 août 1853

Mademoiselle & chère Soeur,

Je vous écrits /sic/ deux mots de N. D. du Laus de ce lieu si cher à mon coeur, & où il me semble que je puis tout sur le coeur de la T.S. Vierge, c'est vous dire que je l'ai bien priée pour vous pendant les 7 jours que j'y ai passé /sic/ en retraite, mon âme en avait bien besoin, & je m'en irai un peu plus fort.- J'espère être à Lyon dans 8 à 10 jours & soyez sûre que vous aurez ma visite, & à votre campagne; Je ne vous dis rien de ma santé elle est passable, je pourrais dire assez bonne, que j'aurais été heureux cependant de mourir ici aux pieds de Marie! mais il faudra encore retourner au combat, & je pars aujourd'hui pour La Salette, & La Mure.

A bientôt

tout à vous en J. et M.

Eymard

Mademoiselle

Mademoiselle de Revel

rue Ste Hélène

Lyon

Rhône


Nr.0420

An Marg. Guillot

Notre-Dame du Laus, le 16 Août 1853.

Ma chère fille en N.S.,

Je suis au Laus depuis sept jours, j'en pars aujourd'hui pour la Salette et la Mure, j'ai avec moi six Pères. Vous devinez de suite combien j'ai prié pour vous et pour toute votre chère famille. Je me rappelais avec plaisir votre pèlerinage, j'aurais aimé à le voir se renouveler. Je n'ai pu vous écrire au milieu de tous les embarras de la fin de l'année, et j'en ai été un peu fatigué. La Bonne Mère du Laus m'a redonné courage et confiance. Ces sept jours de prières m'ont fait du bien. J'arriverai à Lyon dans huit à dix jours et soyez assurées toutes que vous serez toujours ma maison de Nazareth.

Adieu donc; je pars aujourd'hui.

Tout à vous en Jésus et Marie.

EYMARD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Rue du Juge de Paix, 31, Fourvière,

Lyon (Rhône).


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