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Paris 15 octobre 1867
Bonne Dame Van Hinsberg,
Je voulais vous écrire par Monsieur votre mari, mais le temps m'a manqué. J'en profite aujourd'hui.
Nous avons été heureux d'avoir chez nous le bon Monsieur Van Hinsberg, il me semblait que j'avais en lui toute sa chère famille que j'aime et estime beaucoup, et pour laquelle je prie comme pour la mienne - et vous êtes bien ma famille, puisque vous êtes tous agrégés.
Je vous remercie bien, bonne Dame, de m'avoir écrit les succès de votre cher Ernest, et de m'avoir exprimé tous vos sentiments si religieux et si dévoués. J'en ai été bien satisfait, je voulais y répondre de suite, mais le temps m'a fait défaut.
J'espère qu'Ernest, votre cher fils, va bien se mettre au travail, car une classe manquée, souvent tout est manqué. Je sais que vos bonnes filles sont studieuses et sages, j'en bénis Dieu.
Conservez-moi, bonne Mère, vos prières et votre bon souvenir devant Dieu, j'y tiens beaucoup et
Croyez-moi toujours en N.S. Tout à vous et aux vôtres.
Eymard Sup.
Paris 17 octobre 1867
Madame en N.S.
Je vous ai attendu tout le jour, j'ai cru vous voir sortir pendant l'office. Je suis sorti après vous et ne vous ai plus revue. J'ignorais que vous étiez là le soir. Comme j'en suis chagrin! Car moi aussi j'avais tant de choses à vous dire! Il faut croire que le Bon Dieu a voulu ce sacrifice qui m'a coûté autant qu'à vous.
Si je pouvais être à Paris pour la Toussaint, j'irais volontiers à votre Richebourg selon vos désirs. Je le saurai plus tard, car je suis attendu en bien des endroits.
Quoi qu'il en soit, j'irai vous voir, si ce n'est pas à cette époque, ce sera à une autre - votre âme m'est plus chère qu'une autre. Je prie bien pour vous, pour votre bonne Mère et votre cher Paul.
Croyez-moi en N.S. tout à vous
Eymard.
A M. X. Prêtre, au sujet de M. ANATOLE JEROME, scol.sss.
Paris 19 octobre 1867
Monsieur et cher confère,
Je suis bien content que M. Anatole Jérôme, minoré, se dévoue de coeur et d'âme à votre belle oeuvre de la Première Communion. J'espère que vous serez satisfait du choix que vous faites de lui; vous trouverez en lui un esprit simple et docile, un bon coeur, du dévouement et de la piété.
Vous compléterez ses études théologiques, il a fait un an de Théologie.
Il lui en coûte de nous quitter, nous l'aimions beaucoup, mais à chacun sa place dans l'Eglise, à M. Anatole il faut une active, il a besoin de se dépenser.
Agréez, Monsieur et cher confrère, les sentiments religieux et dévoués de votre très humble Serviteur.
Eymard Sup.
Nota. L'original de cette a été envoyé au T.R.P. Evers, Postulateur, à la date du 24 décembre 1953, par le P. Mario Tentorio, religieux Somasque, Collegio Gallio, Como.
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112, Boulevard Montparnasse, Paris, 21 Octobre 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Aujourd'hui nous mettons au chemin de fer ce qui reste du mobilier de Nemours. Nous avons loué un wagon, afin que tout fût mieux conditionné. J'espère que vous recevrez tout à bon port.
La grosse table de la lingerie est restée à Nemours, m'écrit le père Baudin: elle était trop embarrassante et lourde.
Je suis aise que Monseigneur ait été satisfait de ma réponse; elle était nette.
La question de l'acte de soeur Benoîte sur la maison est une chose qui ne doit pas vous inquiéter, car les héritiers n'ont rien à y prétendre, puisque c'est à la dernière survivante.
Je verrai ce que m'écrira Monseigneur. Sa pensée indique un sentiment d'intérêt et d'affection pour votre maison.
J'ai reçu et tiens en réserve ce que vous m'avez envoyé, car j'ai demandé à Nemours tous les petits comptes qui restent.
Je prie le bon Maître de vous guérir et de vous soutenir dans son service. Vous avez trop peur des hommes: si Dieu est pour vous, qui sera contre vous?
Je vous envoie la cantine de l'eau de la Salette que ma soeur m'a envoyée, j'en ai pris un peu.
Ma soeur me dit que six draps de lit lui manquent. Auraient-ils été pris en route? Voyez si vous ne les trouveriez pas.
J'écris à soeur Emilienne de demander ses affaires. Son adresse est: 14, quai Saint-Symphorien, à Tours. Peut-être serait-ce plutôt fait de les lui envoyer, car son hésitation à rentrer m'indique sa pensée ou ses craintes de ne pouvoir rester.
Je vous bénis en Notre-Seigneur, chère fille.
EYMARD.
112 Bd Montparnasse, Paris 22 octobre 1867
Chère Soeur en N.S.
J'ai reçu votre dernière lettre - demandez vos effets à Angers, je viens aujourd'hui d'y envoyer le reste du mobilier de Nemours. - Voilà une maison enterrée et finie! hélas! quelle tristesse de voir cette issue! Que Dieu en soit béni! Toujours est-il que vous y avez passé de beaux et d'heureux jours! ils compteront devant Dieu!
Organisez-vous à Tours et reprenez ce que votre position vous permettra de votre vie religieuse - tous les jours faites votre heure d'Adoration, récitez le S.Office - oubliez pour l'amour de Dieu toutes les créatures qui vous ont fait souffrir. Vous êtes à Dieu et Adoratrice du S. Sacrement à la mort, - on est riche avec ce trésor.
Je vous bénis, ma fille, en Jésus au T.S.Sacrement.
Eymard.
P.S. Nous allons vous envoyer par le chemin de fer ce que nous avons ici. J'attends pour cela qu'on envoie ce que vous pouvez encore avoir à Nemours. - J'écris à Soeur Philomène pour cela.
Paris 24 oct.1867
Bien vénéré et cher Père,
Je viens moi-même vous apprendre la nouvelle d'une petite fondation que nous allons faire à Bruxelles, non contre celle que nous avons faite rue Salazar, mais plutôt en faveur.
La demoiselle qui voulait faire la fondation d'un couvent de religieuses cloîtrées et adoratrices voyant que la chose devenait difficile, nous a offert à nous-mêmes sa propriété à la condition d'y faire une maison d'adoration dans ce quartier privé de toute chapelle, après avoir examiné le projet, nous en avons référé à Son Eminence avec la pensée d'y mettre le scholasticat et de favoriser ainsi pour la Belgique les vocations religieuses d'adoration car nous voyons bien que les sujets belges n'aiment pas à sortir de leur pays; par ce moyen plus à leur portée, peut-être viendront ils mieux faire l'essai de cette belle et sainte vocation.
Son Eminence a approuvé avec plaisir notre projet, aussi allons nous le réaliser au plus tôt; le Père Champion en ce moment ici à Paris a reçu de nous l'ordre de tout préparer.
Nous ne nous attendions pas assurément à cette nouvelle maison, mais Melle de Meeûs et Monseigneur Chaillot nous ayant témoigné leur peine de voir ces religieuses d'Angers s'établir à Bruxelles, et ayant pris leur prière en considération, il se trouve que la Divine Providence, sans nous y attendre le moins du monde, nous a mis en leur lieu et place et qu'ainsi nous pourrons faire un peu de bien dans ce quartier loin de tout secours particulier.
Je recommande à vos bonnes prières cette petite fondation, Bon Père Bonne. C'est la fille de la mère que vous avez appelée avec tant d'instances pour la gloire de Dieu.
Croyez-moi en N.S.
Bon et vénéré Père
votre respectueux et dévoué serviteur
Eymard
Paris 25 octobre 1867
Bonne Dame,
J'ai l'intention d'aller vous voir dimanche prochain pour dédommager votre visite stérile. Je pense partir demain soir à 4.35 et vous arriver vers 6.20. Ou si je manque demain, je partirai dimanche matin à 6.55. Cependant il faut ajouter: si Dieu le veut.
Mes respectueux hommages à Madame votre Mère.
Eymard.
Paris, 25 Octobre 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Vous avez dû recevoir le reste du mobilier de Nemours. Tout a été bien conditionné ici; j'espère que tout sera arrivé à bon port.
Je ferai porter, à la première occasion sûre, le calice et le ciboire, ainsi que les registres; je les ai ici.
Le frère Frédéric n'a pas mis l'ornement, dans la crainte de l'exposer. Il y a à faire venir de Nemours les devants d'autel brodés par les Soeurs: je ferai mettre le tout ensemble.
Si vous aimiez mieux faire payer Mlle Sterlingue par notre avoué, Mr Chauveau, 84 rue de Rivoli, - s'il y avait quelque difficulté de sa part, il en aurait vite raison. Il faudrait m'envoyer tous vos reçus de Mlle Sterlingue, afin de voir s'il n'y aurait pas moyen de réduire les 20.000 francs. Je soumets cela à votre examen.
Le P. Champion était hier ici, il est reparti; il demande la pierre sacrée de marbre blanc.
Je vais essayer de faire raccommoder la petite exposition de Nemours. Je voudrais la lui donner pour sa nouvelle maison, mais vous devez avoir la petite couronne de bois.
Veuillez m'envoyer tout cela par le chemin de fer vers les premiers jours de novembre seulement, et par la grande vitesse, du 2 au 5.
Monseigneur m'écrit le résumé de vos comptes: boni 1.646 francs. Sa Grandeur paraît satisfaite et vous porte beaucoup d'intérêt. Elle m'écrit ces mots:
"Il y a une difficulté que je vous prie de lever. La soeur Benoîte est une des quatre sur lesquelles repose l'acquisition de la maison d'Angers, faite sous forme de tontine. La Soeur a prêté seulement son nom et n'a pas donné d'argent. Elle a trop de délicatesse pour conserver des droits qu'elle ne peut exercer, ne faisant plus partie de la Congrégation. Je vous prie donc de lui demander un acte en bonne forme de renonciation... (deux lignes effacées)...
J'ai annoncé la nomination de Mr Grolleau comme Supérieur."
En conséquence de ce que m'a écrit Monseigneur, j'ai écrit à soeur Benoîte et ai copié les paroles de Sa Grandeur... (deux lignes effacées)...
Que Dieu tire sa gloire de tout, et nous, notre profit.
Je suis en notre bon Maître, chère fille.
EYMARD.
Paris, 25 Octobre 1867.
Cher Père,
Je m'occupe de l'argent; je comptais sur les MM. Le Clère, je vois qu'il n'y a pas moyen d'y compter, pour le moment du moins, quoiqu'ils soient très honorables; mais les affaires ont marché si mal cette année.
Je vais essayer de faire rembourser quelques-unes de nos obligations de l'emprunt Pontifical.
Assurément, comme vous et peut-être plus que tous, j'ai souffert de voir la décision de ces Dames de ne pas rentrer à Angers; j'ai fait tout ce que j'ai pu, promesses, menaces, etc., rien n'a pu les décider.
Je comprends un peu leurs craintes; elles savaient les lettres écrites de Monseigneur contre leur rentrée, le sentiment exprimé plusieurs fois de Sa Grandeur; elles n'ont pas eu le courage de dominer cette crainte et cette peine.
Je pense aller à Marseille vers le milieu de novembre, et vers le 8 à Bruxelles pour la question du contrat avec la fondatrice de la petite maison à ouvrir. Nous pensons y faire un petit scolasticat et favoriser ainsi les vocations belges, s'il y en a.
Que Dieu bénisse toujours vos travaux, cher Père: bâtir une église, c'est acheter une place au Ciel, à fortiori une église d'Exposition: ce sera un beau trône.
Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,
Tout à vous.
EYMARD, p.
P. S. Vous avez bien fait de donner à Mr Dussouchay cette petite somme, pressez-le bien pour les travaux.
Paris 25 octobre 1867
Cher frère,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre lettre, et surtout les bons sentiments que vous m'exprimez de votre vocation, et les dangers qui peuvent ébranler les plus solides et les plus saintes.
Vous avez raison, cher frère, il faut se défier de soi-même, craindre ses idées propres, et surtout trop personnelles;- un religieux est un soldat sous les drapeaux et à la volonté de Dieu par l'obéissance.
Dieu vous a fait triompher de cette dangereuse tentation, qui a assailli et asservi votre pauvre frère, - il voulait autre chose que le T.S.Sacrement? Hélas! quelle illusion!
Vous l'avez, ce T.S. Sacrement - vous êtes lié à son service par des chaînes d'amour perpétuelles - restez-y toujours bien fidèle.
Je ne vous direz rien de S. Benoîte, sinon que sa maladie peut avoir grandement influencé sa détermination et que, je l'espère, elle reviendra un jour, si Dieu le veut.
Allons, cher frère Marie, ne vous troublez pas pour les autres, soyez comme les Anges du Ciel, attentifs à Dieu seul, et à son service - soyez heureux.
Je vous bénis bien en notre bon Maître et le prie de bien vous unir à lui.
Tout à vous.
Eymard.
Paris, 25 Octobre 1867.
CHERE FILLE,
Ne me remerciez donc pas tant, je ne le mérite pas. Quel coeur vous avez toujours!
Je comprends votre joie: je la partage, je la bénis. C'est bien le Bon Dieu qui a tout fait. Reste le grand acte. J'écris aujourd'hui à votre cher frère.
Je ferai tout ce qu'il me sera possible de faire pour le 6; mais je suis tiraillé à cette époque vers Bruxelles et vers Marseille. Deux jours de plus ou de moins. Il faut bien quelque sacrifice à l'amitié.
Je vous bénis bien en N.-S.
EYMARD.
Paris, 29 Octobre 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur,
J'ai reçu votre lettre chargée; je ferai l'emploi marqué de ces 500 francs comme intérêts, et si nous pouvons faire rabattre le reste du temps à échoir, nous le ferons bien.
Je tâcherai de retirer les lettres, mais nous n'en avons pas le droit; elles sont déposées chez le notaire et laissées à sa discrétion. Il a promis de les garder. J'ai déjà écrit à Mlle S. pour lui demander de les remettre, je n'ai pas eu de réponse. Je vais essayer de notre avoué pour cela, il réussira peut-être mieux. On menacera au besoin, mais on a affaire à une tête à nulle pareille et capable de tout.
Je reçois une lettre de soeur B. qui est à Lantignié toujours, et se dit très malheureuse. Elle veut aller à Angers, sans doute pour vous faire tous ses reproches, toutes ses monitions. Je lui ai répondu que je n'avais pas lumière pour cela, que je n'en voyais pas le bien. Ira-t-elle vous voir? c'est bien possible. Alors vous agirez comme Dieu vous l'inspirera. Hélas! si Notre-Seigneur la gardait au pied de son trône à Angers! S'il lui disait une parole à triompher de cette résistance, de cet aveuglement!
Je ne puis me consoler de la voir aussi loin de sa grâce et de son centre. Je n'y comprends plus rien. Je me tais, parce que je ne puis bien voir son état intérieur, ni la volonté de Dieu sur elle. Il y a des choses qui me surpassent, que je ne puis concilier, expliquer, qui me paraissent être au-dessus des forces naturelles. Je me tais et j'attends.
Le P. Champion a redemandé son missel.
Je vais essayer de faire raccommoder l'exposition que j'avais donnée à Nemours, et brisée en cinq ou six morceaux, et je la lui donnerai avec un tapis que j'avais donné aussi.
Je vous remercie, chère fille, de vos offres. On s'en tirera bien à Bruxelles: c'est une bien petite maison.
Attendez pour m'envoyer votre argent et vos reçus. Je dois voir notre avoué avant, et je vous écrirai ce qu'il y a à faire pour soeur Ben. et son acte d'Angers: il n'y a aucune inquiétude à avoir, justement par la raison du nom signé.
Je suis plus que surpris de cette précaution d'argent de soeur B. Est-ce donc qu'elle prévoyait ce qui est arrivé?... (Trois lignes effacées)...
Vous n'avez rien à écrire à soeur B. Il faut l'attendre et prier beaucoup pour elle.
Je dois aller à Bruxelles le 9, et vers le 20 à Marseille.
Je prie bien pour vous toutes, et vous bénis bien en Notre-Seigneur.
EYMARD.
P. S. - Il faudra en finir avec cette pauvre fille de Lyon, si elle n'est pas plus décidée. Hélas! qu'il est difficile de se renoncer à un âge avancé, ou après une vie indépendante!
Paris, 29 Octobre 1867, 112, Boulevard Montparnasse.
Chère fille en N.-S.,
Je viens de recevoir votre lettre et vous en remercie; il y avait si longtemps que je n'avais rien reçu de vous!
Je remercie bien la divine Providence qui vous a donné le moyen de venir au secours d'Angers. C'est une vraie charité, car elle était dans le besoin.
Je remercie encore plus le bon Maître de la guérison de votre bonne et chère mère, car je craignais beaucoup à cause de son grand âge. La voilà bien, grâce au Très Saint Sacrement.
Je ne vais pas encore à Marseille; il faut que le 9 novembre je sois à Bruxelles pour ouvrir une petite maison d'adoration pour nous le 10.
J'y resterai quelques jours; puis, vers le 16-18, je passerai par Lyon. J'en écrirai aux Thorins quelques jours à l'avance, car vous êtes mon Béthanie, je ne puis vous laisser.
Je ne condamne pas Sr B., car elle est une exception, une personnalité, tellement en dehors de toute expérience, de toute règle, que je n'ose plus la juger avec sévérité. Elle est malheureuse aussi. Mais cette pauvre fille a tellement pour loi ce qu'elle veut, ou a vu ou espère voir, qu'elle ne sait ni peut obéir à l'encontre. Impossible de le lui persuader: c'est à n'y rien comprendre; et, avec cela, il y a des choses si étranges et si extraordinaires, tellement en dehors et au dessus de l'esprit humain, qu'on en est tout impressionné! Oh! chère fille, mieux vaut l'obéissance aveugle, simple et de foi! Mieux vaut le chemin battu, la voie commune. Je sais bien que c'est Dieu qui donne ses grâces, fait à chacun sa place dans son service; mais aussi, il est bien dangereux de vivre seul et de se conduire à travers les océans des pensées diverses et particulières.
Soyez toute petite, simple, obéissante, confiante, et toute à la sainte grâce de votre vocation.
Je me fais une fête de famille de penser que je vous verrai quelques heures.
En la grâce et la gloire de Notre-Seigneur, je vous bénis toutes deux bien paternellement en N.-S.
EYMARD, Sup.
Paris 29 oct.1867
Très Révérende Mère,
Je voulais vous écrire par le P.Champion. Je n'ai eu le temps que d'écrire au R.Père Bonne sur notre acceptation de la fondation offerte à ces Dames d'Angers. Avant de l'accepter nous avons soumis cette offre à Son Eminence, ainsi que notre désir d'y mettre le scholasticat afin de favoriser la vocation des sujets belges. Son Eminence a accueilli avec plaisir cette pensée qui aura pour fin, je l'espère du moins, de faire naître quelque vocation en ce pays cependant si catholique et si stérile pour nous et d'augmenter nos forces.
Je dois aller bientôt à Bruxelles pour cela et j'aurai alors l'honneur d'en parler plus longuement avec vous. Très Révérende Mère, c'est avec un religieux dévouement que je suis en Notre Seigneur
votre respectueux et dévoué serviteur.
Eymard, Sup.Congr.SSS
Paris, 3 Novembre 1867.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Envoyez-moi:
1· tous vos reçus Sterlingue;
2· vos 20.000 francs. Vous pouvez prendre un billet à la banque d'Angers pour celle de Paris;
3· une lettre à Mr Chauveau, avoué à Paris, ainsi conçue:
J'ai l'honneur de vous envoyer ma procuration pour traiter mes affaires d'intérêts avec Mlle Sterlingue, de Nemours, vous priant de faire tout ce que vous pourrez, et même par voie de justice, s'il le faut, pour retirer mes lettres déposées chez Mr Saunier, notaire à Nemours, et rendre à Mlle Sterlingue les siennes.
Je crois avoir droit de les réclamer, parce que, contrairement aux stipulations, elle en a conservé une copie par son homme d'affaires, Mr Spinay, et j'ai des preuves que Mr Spinay les a montrées à plusieurs personnes dont j'ai eu l'affirmation personnelle.
J'attends votre lettre pour traiter tout cela avant le 7.
Que Dieu nous tire de ce mauvais pas! Je vous bénis.
Tout à vous
EYMARD.
112, Boulevard Montparnasse, Paris, 4 Novembre 1867.
Chère fille.
Si soeur B. va à Angers, recevez-la à l'intérieur, j'ai pensé que la vue du T. S. Sacrement la terrasserait; mais je lui ai dit que si elle y allait pour vous disputer, elle n'avait qu'à rester où elle est.
Elle a des lettres... (Quatre lignes effacées)...
Si jamais elle osait s'en servir, je serais là pour répondre.
Oh! que de sottises, que d'imprudences, que d'illusions!
Faut-il avoir mérité de passer par là!
Enfin, c'est bien arrêté chez moi, j'espère que la leçon sera bonne, et soeur B., comme les autres, m'aura bien servi à sortir de cette simplicité d'enfant et de confiance sans aucun doute.
Je vous ai envoyé une dépêche pour que vous m'envoyiez la lettre par laquelle je vous demandais d'avancer 6.000 francs à Mlle Sterlingue. Je voudrais essayer si on ne pourrait pas rattraper quelque chose.
J'ai vu l'avoué, il fera tout ce qu'il pourra pour avoir les lettres.
Priez bien pour cela, il faudrait les retirer.
Je vous bénis.
EYMARD.
Paris, 6 Novembre 1867.
Chère fille,
J'ai tout reçu, on s'occupe de l'affaire, mais qu'obtiendrons-nous? Pas grand-chose; au moins nous aurons fait tout ce qui est possible. Je pars pour trois jours à Rennes.
Tout à vous
EYMARD.
A mon retour, j'écrirai à Mr Grolleau.
Paris 10 novembre 1867
Cher Ami
Je devais partir hier pour Bruxelles - des affaires pressantes m'ont fait rester et m'obligent d'être ici jusqu'à vendredi prochain. Ainsi je suis tout à vous pour vous accompagner à S. Maurice.
J'irai voir votre bonne mère pour la consoler, un peu après votre départ.
Faites bien ce suprême sacrifice d'Abraham, cher ami, on ne le fait qu'une seule fois en sa vie. C'est l'acte souverain de l'amour de Dieu. Il vaut un baptême et la victoire du Martyr. - Dieu d'ailleurs rend au centuple ce que l'on quitte pour lui.
Croyez-moi en N.S., cher ami, tout à vous.
Eymard
Paris, 10 Novembre 1867.
MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Enfin, j'ai de vos nouvelles! Je vous en remercie; je commençais à être inquiet. J'ai failli, samedi, aller vous surprendre; j'étais à Rennes vendredi. J'avais résolu de passer par Redon et d'aller coucher à Nantes, lorsque je me suis senti fatigué par une espèce de grippe; vite je me suis mis en wagon pour Paris. Je vais mieux, cependant, et je trouve votre lettre en arrivant.
Vous vous accusez bien fort de lâcheté et de paresse: c'est possible; de n'être pas assez généreuse dans ce que Dieu vous demande: c'est probable, mettez même la chose comme certaine. Ce bon Mr Rich. ne vous stimule pas trop. Finalement, il paraît que vous n'êtes guère contente de vous, le Bon Dieu est-il de même? c'est possible. Que faire alors?
Faire, d'ici à Noël, tous les sacrifices d'inutilité de choses non nécessaires de nécessité d'usage ou de convenance d'état; - et alors vous aurez la paix avec vous-même.
Il y a si longtemps que le bon Maître vous demande cela, que vous allez le faire pour ses étrennes divines à la Noël! Et puis vous ferez plus que cela le jour de la retraite du mois: vous examinerez vos superflus personnels, et puis vous me l'écrirez, et nous verrons ensemble ce qu'il y a à faire de bien et de mieux. Surtout, chère fille, il faut sortir de cet état de reproches continuels de votre conscience; c'est possible qu'il y ait beaucoup en cela de tentation; eh bien! il faudra le voir en réalité.
Arrivez à la paix, puis à la dévotion d'oraison, et enfin à l'union avec Notre-Seigneur, mais une union de vie et de sentiment.
Je suis bien content des nouvelles un peu rassurantes de votre chère soeur; votre lettre m'avait effrayé de son départ vers la céleste Patrie.
Oui, je prierai encore le Bon Dieu de vous la laisser; mais soyez bien fidèle à vos oraisons, au saint recueillement et à la présence de Dieu.
Je dois à la fin de la semaine aller à Bruxelles pour quatre à cinq jours, puis, vers le 25, à Marseille pour quinze jours environ. Je ne sais quand j'irai à Angers, peut-être plus tôt que je ne le pense. Je vais à Bruxelles élever un petit trône de plus à Notre-Seigneur.
Je vous bénis, chère fille, et suis, en la divine charité de N.-S.,
Tout et toujours à vous.
EYMARD, Sup.
Paris, 11 Novembre 1867.
Madame en N.-S.,
Je viens vous remercier de votre lettre, je l'attendais. Je bénis Dieu de votre possession divine du Tabernacle, vous êtes la plus heureuse des catholiques séculières, vous avez tout ce que l'on peut avoir de céleste et de divin en ce monde, accompagné de tout ce qui est requis pour en jouir: paix de la campagne, solitude du monde, liberté domestique, pouvoir aller - quand vous le voulez et autant que vous le voulez - visiter Notre-Seigneur en personne. Avec cela, sainte Messe quotidienne, piété d'amour, et Jésus, votre centre eucharistique, votre grâce, votre loi, votre consolation, votre monde dans le monde: que pouvez-vous avoir et désirer même de meilleur?... Aimez donc bien votre maison de l'Isle, ce Béthanie de Notre-Seigneur, ce Cénacle permanent de sa vie eucharistique!
Je vous trouve bien heureuse : au moins, personne ne vous dérange quand vous êtes aux pieds de Jésus! Oh! restez-y bien comme il vous y veut, comme il vous y met, comme il vous fait; l'état de l'âme en est la pensée, la prière, l'amour naturel; il faut être soi devant Dieu. - Dieu change le temps pour varier les travaux, les productions de la terre; or, notre âme est la terre de la grâce.
Appliquez-vous bien à la fixité de l'esprit de l'amour divin dans la variété de vos devoirs, de vos actions et de vos états intérieurs.
Le soleil ne change pas de nature, parce que des nuages le voilent en passant.
Je vous en prie, ne gardez jamais de nuages noirs. Ces nuages noirs ne peuvent que vous faire du mal; parce qu'ils sont noirs, ils sont mauvais et viennent du démon. Ah! que vous êtes donc comme la sensitive! comme il faut peu de chose pour donner la fièvre à votre âme!
Je sais bien que l'on ne peut pas être toujours dans la joie du Ciel; mais vous pouvez toujours être dans l'obéissance de Notre-Seigneur et dans la patience du retour du soleil qui ne se fait pas attendre....... (cinq lignes effacées)...................................
Je pars samedi pour Bruxelles (2bis, rue des Douze-Apôtres). Dimanche, nous élèverons un deuxième trône à Notre-Seigneur à 8 heures du matin. Unissez-vous à nous : je vous mettrai à ses pieds en adoratrice.
Je pense être de retour à Paris le jeudi 21, et la semaine suivante partir pour quinze jours à Marseille (7, rue Nau).
Je vous bénis en Notre-Seigneur.
EYMARD.