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Nr.1741

An P. Chanuet

Adveniat Regnum tuum.

Bruxelles, 5 Mars 1866.

Bien cher Père,

Soyez tranquille sur moi: j'ai repris aujourd'hui mon service eucharistique. Je ne sens plus la fièvre, ma ceinture de feu commence à s'éteindre, et à flétrir. Je ne savais pas pourquoi mes épaules me faisaient si mal la nuit depuis quelque temps, ni pourquoi le côté du coeur me faisait mal aussi, quand, vendredi matin, je m'aperçois de ces gros boutons. Le médecin est venu; j'ai fait ce qu'il m'a dit, je ne sors pas: heureusement qu'il ne (m'a) pas ordonné le lit, car c'était me mettre en purgatoire.

Ce qui m'a affaibli ces jours passées, c'est une purgation qu'il m'a donnée, mais tout va bien; n'envoyez personne. Si je sentais que le mal veut revenir, je vous l'écrirais; on m'avait effrayé de la rougeole ou de la petite vérole; mais ni l'une ni l'autre n'ont pu prendre place. Hier au soir, j'ai prêché: c'est vous dire que cela va mieux.

Comment avez-vous pu faire pour vos comptes du mois?

J'ai ici quelques cents francs qu'on m'a donnés et que nous avons ramassés pour la cire, je vais vous les envoyer; si vous n'avez rien, Mr Ravon attendrait bien un peu plus; que si la divine Providence est venue à notre secours, vous les remettrez à Mr Ravon en à-compte pour Bruxelles et vous retiendrez 50 francs pour la maison de Paris; l'acquit des onze messes dites à mon intention s'y trouvera.

Oui! bon Père, sans mortification, pas d'hommes religieux possibles et véritables: toutes ces piétés à l'eau de rose, aux sentiments de joie et de bonheur, sont comme ces voyages en bon wagon. Je n'y ai plus foi ni confiance: il faut donc faire avant tout des hommes de vertu, c'est-à-dire des hommes de sacrifices. Après tout, Notre-Seigneur a posé les bases de la perfection évangélique: abneget semetipsum; quiconque aime sa liberté, ses aises, sa petite santé, ses petits privilèges, tout cela n'est pas l'abneget, mais l'amour de soi.

Dieu a permis que nous ayons fait là-dessus des expériences assez sanglantes. Et il ne faut plus transiger: tout homme que l'on ne peut pas amener à cette vertu d'abnégation personnelle, il faut l'éprouver graduellement et enfin le renvoyer. Le fr. Arsène est jugé pour moi: j'ai vu dans lui peu de générosité et peu d'initiative de vertu, dites-lui net que c'est sa dernière nomination de grâce, ou plutôt dites-lui: nous avons examiné votre vertu, nous avons proposé nos observations au T. R. Père, il avait déjà fait les mêmes que nous, il ne vous croit pas assez de vertu et de courage pour nous: vous vous écoutez trop, ou vous êtes malade, prenez votre parti. Vous verrez alors ce qu'il fera; et si vous croyez à un amendement, donnez-lui un peu de temps; sinon, renvoyez-le.

Vous avez bien fait de corriger, ne vous lassez pas. Revenez à la charge dans la même occasion, ici le ton ne fait rien, mais c'est le fond; sans doute si vous pouvez être à froid et raisonner votre monition par la règle, l'exemple, etc., vous ferez mieux, mais priez avant et allez avec confiance.

Je vous bénis de tout mon coeur.

EYMARD.

Comme c'est trop tard pour envoyer ma lettre, je l'enverrai plus tard.


Nr.1742

(41.) Lettre du P.Eymard à Melle de Meeûs.

(Lettre non datée: probablement Bruxelles, 5-10 mars 1866)

T. Révérende Mère,

Le P.Champion restera ici jusqu'à Dimanche soir - nous avons le temps de faire ce que vous voudrez. Je pense que cette affaire est de mettre la dernière close à nos conventions d'Ostregnies.

Vous m'aviez dit que vous donniez ordinairement votre offrande pour l'Université de Louvain - je l'attends pour porter à Mr. le doyen notre quête qui en comptant les 10 f. de M.Decock, s'élève à 132fr50.

Puisque j'oublie toujours mes petites commissions, permettez moi de les écrire-

1 - l'ombrello - mais cela n'est pas urgent, seulement on est si peu à la procession que un seul portant l'ombrello les autres porteraient des cierges.

2 - les conopeum de diverses couleurs - cependant s'ils ne peuvent être prêts, le blanc les remplace ordinairement mais non les autres couleurs.

3 - Je vous envois la chape des dimanches pour lui faire ajouter un bord plus large.

4 - Vous ferez grand plaisir au P.Champion de lui promettre bientôt la petite langue de terre de votre jardin - pour faire promener nos jeunes gens dont la tête se prend faute d'air - c'est la 1re chose qu'il m'a demandée, je lui ai dit que c'était moi qui avais fait ajourner à cause du mauvais temps.

5 - les bouteilles pour le vin blanc de la messe.

Le P.Champion est enchanté de Bruxelles, de votre Eglise et de vous - j'en bénis Dieu En Notre Seigneur

Tout à vous

Eymard


Nr.1743

An Frau Eulalie Tenaillon

Bruxelles, 12 Mars 1866.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

J'ai bien pris part à votre croix de la maladie de votre fils aîné; vos soins et vos prières ont hâté sa guérison. J'ai bien prié le jour de l'ordination pour ce cher fils; le voilà un degré plus haut dans la sainte hiérarchie, et assurément avec l'ascension des vertus qui accompagnent les saints ordres qu'il a reçus. C'est un bel exemple pour ses autres frères et une douce consolation pour leur bonne mère.

Vous voilà, chère fille, dans votre petit Nazareth; soyez-y bien heureuse, et pour cela mettez-y Jésus, Marie, Joseph, et soyez-en l'heureuse servante.

Oui, travaillez au saint recueillement, c'est-à-dire vivez en société de vie, d'union et d'amour avec Dieu, avec Notre-Seigneur. Que votre recueillement ait sa vie dans le coeur plutôt que dans l'esprit.

Voyez continuellement les bontés de Dieu pour vous, ses grâces passées, son amour présent, ses promesses divines d'être tout à vous et toujours.

Votre force vient du coeur, tout est là pour vous. Aussi, est-ce par là que le Bon Dieu vous a prise et vous garde; mais comme le coeur souffre plus qu'il ne jouit dans son amour, il faudra souffrir pour Dieu et avec Jésus: la croix est le combat de l'amour - et sa gloire.

Oh! oui! aimez bien le Bon Dieu; le reste est si peu! aimez-le comme il vous aime, comme il vous donne de l'aimer.

Je vous remercie de vos prières, je vais mieux; le bon Maître a voulu me donner un avis du départ afin que je travaille mieux le peu de temps qui me reste. Je n'ai jamais cru au danger de cette zona; aussi, quand on m'en parle, je dis que le Bon Dieu est mon médecin.

Je vous envoie une feuille d'Agrégation que je viens de faire imprimer: ce sera un lien de plus en Notre-Seigneur en qui je suis, Madame et chère fille,

Votre tout dévoué.

EYMARD, Sup.


Nr.1744

An P. Chanuet

A. R. T.

Bruxelles, 12 Mars 1866.

Bien cher Père,

Je vais mieux, quoiqu'avec un reste de misère qui me rend paresseux; on dit que cela pouvait devenir grave, mais je n'ai senti ma faiblesse que samedi; alors il a fallu faire gras, ce que je croyais pouvoir éviter; ce qui me console, c'est que je souffre plus au lit que levé, par conséquent cela secoue un peu la paresse.

Le P. Champion va repartir demain; il aura vu la position, et c'est bien; il vous portera ce que je destinais à Mr Ravon.

Je vous prie d'envoyer, aussitôt ma lettre reçue, fr. Eugène chez Mr Coltat lui commander une grosse de médailles de l'Agrégation, comme celles de Marseille. Il me les faut pour Dimanche prochain, ou bien il ne faut pas les commander.

Faites mettre dans le même paquet une grosse de médailles de St Benoît moyennes; en l'oubliez pas, s.v.p., car je commence une retraite eucharistique lundi 19, et j'aurais besoin de ces médailles comme entrée.

J'ai reçu une lettre du fr. Arsène, elle est bien; il paraît qu'il gardait un petit secret qui le rendait peu ouvert.

Je prie le fr. Eugène de faire tenir avec celle-ci incluse la pétition de Mme Berthier à la Mère Supérieure de l'hôpital militaire de Vincennes, afin qu'elle ait la bonté de la faire passer au ministre de la guerre. Je prie le fr. Eugène d'aller en donner avis à Mme Berthier, rue Tombe Isoire 3, de l'envoi de cette pétition et par qui; qu'il lui écrive un mot, s'il ne peut y aller: cela m'évitera une lettre, ou plutôt qu'il ne fasse cela qu'après avoir fait passer la pétition à la Mère Supérieure.

Continuez à prier le bon St Joseph: il viendra à son heure. J'espère que le mois de ce bon Saint ne passera pas sans en recevoir les fruits de bénédiction.

Adieu, bon Père, priez bien pour la retraite de la semaine prochaine, afin que j'aie force et grâce.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD, S.


Nr.1745

An Sr. Guyot

Bruxelles, 13 Mars 1866.

Chère Mère en N.-S.,

Je viens vous donner moi-même de mes pauvres nouvelles.

Le Bon Dieu n'a pas voulu de moi; il me laisse pour faire un peu pénitence, et afin de ne pas rester si longtemps en Purgatoire.

Seulement, je suis devenu un peu paresseux; c'est mon défaut naturel: tout de feu, ou tout endormi.

Vous voilà aussi un peu arrêtée, puisque vous n'avez pu suivre votre attrait de pénitence; vous voyez que le bon Maître fait passer les siennes avant tout, parce qu'elles sont meilleures.

Il faut sans doute offrir, donner, commencer le crucifiement, comme Abraham sur le mont Horeb, puis Dieu, content de la bonne volonté, changera la victime: celle du coeur a été offerte.

Vous vous plaignez, chère Mère, de vos difficultés à vous recueillir; c'est que le recueillement est le commencement du Paradis. Mais comme personne n'entre au Ciel qu'après avoir souffert, ainsi en est-il du recueillement, puisqu'il est défini: la vie en Dieu, avec Dieu. Or, c'est bien là le Ciel.

Ayez donc le recueillement de l'intention, puis celui de l'affection, et rapprochez-vous autant que vous le pourrez du recueillement de la pensée de la présence habituelle de Dieu.

Ah! si nous voyions plus Dieu en tout, si nous le consultions comme les Anges, nous agirions plus sagement, nous nous posséderions en tout, parce que nous serions en si bonne compagnie!

Voilà, chère fille, ce à quoi il faut vous appliquer beaucoup; prenez le dessus dans vos prières, d'abord, commencez par chasser les mouches à l'église, à être à Dieu et à vous seulement, et vous prendrez peu à peu empire sur vous.

Maintenant, je vous laisse à Dieu, et prie et prierai pour vous et vos enfants et vos soeurs, comptant sur la réciprocité.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.1746

An Frau Wwe Maréchal

Bruxelles 13 mars 1866

Madame en N.S.

...Je vais mieux, quoique un peu traînard et faible, - c'est une grande consolation pour moi de pouvoir suivre le petit train de vie et de ne pas garder le lit. - On s'est exagéré cette zona - vous savez qu'il y a des médecins alarmistes - puis, c'est ma faute, si je n'avais rien dit, cela serait passé inaperçu. Bonne leçon!

Tenez-vous vous-même forte dans le combat, paisible dans l'action, libre en mille choses, mais toujours en Dieu. Ne faites jamais les choses pour le succès, mais pour accomplir la Ste volonté de Dieu, qui est d'abord sa gloire, puis le bien, le salut du prochain.

Je sais que vous n'aimez pas les demi-moyens ni les demi-permissions, mais il y a des occasions d'attente, de préparation à un état qui sont naturellement peu dessinées. Que faire dans ce cas-là, sinon consulter l'obéissance, si on en a les moyens, ou bien ses devoirs, son état personnel, son attrait de vertu.

Voici les grands jours de l'expiation, de l'amour crucifié, entrez bien avant dans les plaies de J.C., mais n'oubliez pas la mère des douleurs. Soyez sa fille compatissante.

Eymard.


Nr.1747

An Marg. Guillot

Adveniat Regnum tuum.

Bruxelles, 14 Mars 1866.

S'en aller de ce monde, je ne regretterais que de n'avoir pas bien servi le Bon Maître, d'avoir été si lâche et si négligent; puis je voyais bien une chose, c'est que toute la force en ce moment est dans la confiance en la miséricorde de Dieu et à l'abandon en sa divine bonté.

Oh! que nos vertus paraissent laides et nos bonnes oeuvres misérables!

Mettez-vous bien sous les ailes de cette divine miséricorde, de cet amour si compatissant, de cette charité si tendre, et votre paix grandira avec votre confiance. Oh oui! il faut sans doute travailler, prier, faire toutes les oeuvres chrétiennes parce que Dieu le commande et le veut; mais après cela, il faut faire comme l'enfant qui revient de l'école vers ses parents: jouir de leur bonté et de leur amour plus grand que tout ce qu'il peut faire.

Vous me demanderez quelques pensées pour le chemin de croix. En voici quelques-unes:

1er Pater. - Adorez la plaie sacrée du pied gauche de Notre-Seigneur, ses douleurs, les pas qu'il a faits pour venir chercher sa brebis égarée; baisez cette divine plaie avec Madeleine et les saintes femmes de la résurrection.

2ème Pater. - Adorez la plaie du pied droit de Notre-Seigneur; baisez avec respect et amour ce pied qui vous a tracé le bon chemin du Ciel, qui s'est fatigué à vous chercher, à venir vers vous.

3ème Pater. - Adorez la plaie de la main gauche du Sauveur, cette main du coeur, qui a pris la vôtre pour vous conduire et vous soutenir. Baisez-la avec affection cette divine main; recevez sur votre tête le sang divin qui en découle pour vous purifier.

4ème Pater. - Adorez la plaie de la main droite de Jésus, cette main qui vous a portée en votre faiblesse, défendue dans les dangers, protégée dans les combats, qui vous a si souvent bénie; baisez-la avec action de grâces, mettez-la sur votre tête sur votre coeur, sur votre bouche.

5ème Pater. - Adorez la plaie profonde du Sacré-Coeur de Jésus; mettez-vous sous cette divine plaie, afin que l'eau qui en sort vous purifie et le sang divin vous sanctifie. Baisez cette divine plaie, aspirez-en la flamme qui en sort si belle et si vive. Entrez dans cette divine demeure, mettez-y votre coeur, en union.

Voilà une idée, vous y en ajouterez d'autres, et surtout quand vous voulez faire un chemin de croix de réparation en cette forme:

1· - Plaie du pied gauche; demander pardon pour les péchés d'hérésie.

2· - Pied droit, pour les péchés des chrétiens qui vivent en païens.

3· - Main gauche, ingratitude.

4· - Main droite, péchés du sanctuaire.

5· - Sacré Côté, infidélité des coeurs consacrés à Dieu.

__________

Je m'arrête là... (deux lignes et demie effacées)...

Je vous recommande une retraite que je vais prêcher la semaine prochaine du 19 au 25.

Je vous bénis en Notre-Seigneur.

EYMARD.

P. S. - A propos, je... (une ligne et demi effacée)... Dieu... au contraire,... leur tout ce que vous avez. Mais ... (deux mots effacés)... non, non.


Nr.1748

An Frau Spazzier

Bruxelles 14 mars 1866

Madame et chère fille en N.S.

Je viens vous dire un petit bonjour de famille et vous recommander une retraite eucharistique que je vais prêcher ici la semaine prochaine.

Ce peuple est froid mais bon; en l'instruisant bien du T.S.Sacrement, il arrivera à donner de bons adorateurs.

Me voici ici jusqu'à Quasimodo; le P.Champion venant me remplacer, je retournerai à Paris.

Je ne vous donne pas des nouvelles de ma santé: le P. Champion vous dira que je vais assez bien; ce n'était que la (sic) Zona qui fait un peu souffrir la peau par ses éruptions.

Je vous envoie une jolie gravure du T.S.Sacrement; vous êtes de l'agrégation depuis si longtemps.

Je vous bénis bien cordialement en N.S.

Eymard.

P.S. Excusez mon pauvre papier taché; je n'ai pas le temps de refaire ma lettre.


Nr.1749

An Frau v. Grandville

Adveniat Regnum tuum.

Bruxelles, 14 Mars 1866, rue des Douze-Apôtres, 2 bis.

BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,

Vous dire que j'ai été malade et que je souffre encore d'un zona, ce sera m'excuser un peu auprès de vous.

J'ai été si absorbé, - n'étant que cinq pour une adoration de quatorze heures, - puis, tant à faire, qu'il paraît que, par suite de refroidissement ou d'échauffement, l'éruption a éclaté; on dit que c'est heureux, parce que autrement cela aurait pu me faire mourir.

Le fait est que je travaille aujourd'hui non à ordinaire, mais comme mes petites forces le peuvent.

Je n'ai pas vu la mort de près, excepté samedi passé. Oh! comme on sent que la vie n'est rien! que ses vertus prétendues sont misérables! et le peu de bien que l'on a fait défectueux! On n'a plus qu'un recours; c'est en la divine et inépuisable miséricorde de Dieu, en la bonté si paternelle de Notre-Seigneur.

Je me suis bien promis de me mettre tout entier dans les plaies de Notre-Seigneur afin que sa justice ne me trouble que dans la miséricorde!

Notre fondation va bien. Notre-Seigneur est bien visité et prié. J'espère que cette grâce, nouvelle ici, sera une source de miséricorde pour ce pauvre pays où le mal lève la tête, où il règne. On espère du roi et de la reine un meilleur règne que celui du roi défunt qui, malgré sa science politique, a laissé ce royaume pire qu'avant: à tel point, que la Flandre entière lui avait retiré toute son estime et le méprisait souverainement et l'aurait insulté.

Le scandale a achevé ce que l'impiété maçonnique avait commencé; malheureusement les catholiques sont restés trop tranquilles, ont fait de la patience alors qu'il fallait se remuer, se sont cachés quand il fallait parler. Aujourd'hui leur sort est faible, parce que les francs-maçons ont toutes les places, font les lois, sont au ministère; mais, avec le roi actuel et de l'énergie prudente et bien combinée, ils peuvent se relever. Mais je fais de la politique! Assez, j'en viens à vous.

I· De grâce, ne laissez pas Mr Rich; ce serait vous priver de la direction d'un saint et d'un savant. Tout ce que vous gagneriez en dehors ne pourrait vous dédommager de cette perte. Il vous connaît, - il respecte en vous la grâce, - il vous dirige par la vie et non par les petits moyens personnels; ainsi, ne le quittez pas.

2· Oui, ce serait un bien de ne vous confesser que tous les quinze jours, afin d'éviter ces vues et ces retours de conscience qui vous donnent la fièvre. Cependant, il y a des temps de peine, d'épreuves, où l'on a besoin de tous les huit jours. Suivez les temps, mais aspirez à moins souvent.

3· Je vous gronderais bien de jeûner, d'avoir jeûné, si ce n'était pas trop tard; vous ne devez pas jeûner, et cela sans crainte: votre infirmité de coqueluche, votre tempérament usé, et vos nerfs, puis l'obéissance, ce qui vaut mieux encore, tout cela vous dit: Restez tranquille.

Je désire bien recevoir de vos nouvelles. Votre première lettre du 30 janvier m'a bien été envoyée à Bruxelles; mais elle a eu le sort d'une lettre ensevelie sous un monceau d'autres.

Mais j'espère que cela n'arrivera plus. Donnez-moi aussi des nouvelles de votre bonne soeur et de votre famille.

Je vous envoie une feuille nouvelle d'agrégation; elle est mieux que la première.

Je vous bénis bien religieusement en N.-S.

EYMARD, Sup.


Nr.1750

An Fräul. Thomas

Bruxelles, 14 Mars 1866.

BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,

Je vous envoie un petit bonjour en Notre-Seigneur.

Le P. Champion vous dira que la maladie est passé; cela pouvait devenir une maladie, au fond ce n'était qu'une souffrance de passage.

J'ai reçu un petit ballot contenant édredon, tricot, etc. Comme je vous connais, je vous en remercie, mais je n'en avais pas besoin.

Je vais donner ici la semaine prochaine la retraite aux Agrégés; je la recommande à vos prières. Ce peuple est bon, mais il est si lent et si froid! il n'en est peut-être que meilleur.

Vous êtes un peu paresseuse à m'écrire, et cependant vos lettres m'intéressent doublement.

Je prie bien pour vous, chère fille, afin que votre mission soit couronnée de succès; il en coûte de sauver les âmes, bonne fille, et la gloire de Dieu a toujours la condition d'un calvaire!

Mais courage et confiance, Dieu vous a bénie et vous bénira.

Je vous reste bien uni en N.-S.

EYMARD.

P.-S. J'ai écrit un mot à M. Son silence me fait craindre.


Nr.1751

An Frau v. Fraguier

Bruxelles, 14 Mars 1866.

Madame en N.-S.,

J'ai besoin de vous remercier de votre dévouement à notre petite oeuvre de la Première Communion des ouvriers. Notre-Seigneur ne pouvait pas ne pas la bénir: c'est pour lui directement, c'est son oeuvre.

Vous dites bien, Madame la Marquise: c'est tout une oeuvre de foi; elle n'a rien d'apparent, peu de consolation, etc.; mais c'est une renaissance de Jésus-Christ en ses enfants. Oh! que votre famille de neuf est plus heureuse!

Ces chers enfants sont élevés dans votre maison, grande et immense grâce! Ils évitent les dangers presque toujours certains du contact d'une mauvaise jeunesse. Ils gagnent, par l'innocence, la piété, les vertus de famille, ce qu'ils pourraient trouver dans l'émulation, le conflit et le contact des caractères dans une vie de collège: petits avantages comparés aux premiers! Une terre vierge est toujours plus féconde qu'une terre que l'art a épuisée.

Vous nous demandez nos prières, elles vous sont assurées, Madame, car nous devenons vos débiteurs.

Je n'oublie pas la pauvre âme affligée dont vous me parlez. Saint Joseph est si puissant et si bon!

A mon retour à Paris, qui sera après le dimanche de Quasimodo, j'aurai le bonheur d'aller vous remercier moi-même. Ce sera une joie pour moi de présenter mes religieux hommages à Mr de Fraguier et de voir toute la famille.

Daignez agréer les sentiments respectueux,

Madame la Marquise,

De votre très humble et dévoué serviteur,

EYMARD, Sup.

P.-S. - Permettez-moi de vous envoyer cette petite Agrégation.


Nr.1752

An Frau Lepage

Bruxelles, 15 Mars 1866, rue des Douze-Apôtres, 2 bis.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Que devez-vous penser de mon silence? J'ai été fatigué et le suis encore d'une zona ou ceinture de feu qui m'a rendu bien paresseux. Cela va mieux à présent; le Bon Dieu a voulu me montrer un peu la caducité et la misère de cette vie.

Je suis ici jusqu'au 10 ou 12 avril, puis je retournerai à Paris.

Si Rennes était sur mon chemin, ou à quelques lieues seulement, j'irais bien vous dire un petit bonjour de Notre-Seigneur.

Vous avez donc bien souffert, pauvre fille. Il le fallait pour conquérir votre liberté et devenir forte contre vous-même; car je vois bien que le Bon Dieu veut de vous ce sacrifice. Vous en avez pris votre parti, je vous en loue et demande à Dieu que cette vertu devienne habituelle; demandez-en bien la force, car il y a des jours où elle vous coûtera beaucoup; parce que la raison, l'affection et le dévouement n'étant que de votre côté, tout souffrira en vous et voudrait se révolter; c'est alors l'occasion d'un grand mérite et qu'il ne faut pas perdre, car elle ne vient qu'une fois dans la vie.

Mettez, bonne fille, votre paix en Dieu, et elle ne sera jamais troublée; elle sera toujours suave et forte. Dieu est-il content de vous? Oui, qu'importe le reste?

Ah! il faut longtemps et fortement combattre contre la nature pour arriver à la liberté de la grâce et de la vie surnaturelle!

Il faut que tout vienne à la fois, l'incendie, la rue l'Evêque, la souffrance et puis le trouble, la tristesse, la peine: tout cela fait un beau bouquet à Dieu.

Allons, chère fille, il faut souvent lever la tête et le coeur vers la croix, puis vers le Ciel; cela encourage et console.

Vous seriez trop aimée, et vous auriez une grande tentation d'aimer et de rendre service un peu naturellement, si Dieu ne vous mettait pas en quelques épines.

Rappelez-moi au bon souvenir de votre bonne et sainte Carmélite. Diriez-vous que je voulais pourtant lui écrire et qu'il m'est impossible de trouver le nom de son Carmel!

Je compte sur vos prières et reste, en N.-S.,

Tout à vous.

EYMARD.

P.-S. Tâchez de vous procurer chez Ruffet ou Périsse, à Paris, la Retraite du P. Huby sur l'amour de Dieu.


Nr.1753

An Frau Gourd

Bruxelles, 16 Mars 1866, rue des Douze-Apôtres, 2bis.

Madame et bien chère fille en N.-S.,

Je suis bien en retard pour répondre à votre lettre. Que votre charité veuille bien m'excuser! J'ai eu (et j'en ai encore un reste) la zona, ou ceinture de feu, qui m'a rendu paresseux, mais je vais assez bien.

Je n'ai pas gardé le lit. C'était une souffrance d'irruption à l'extérieur; puis je suis trop sensible. Un autre n'y aurait pas fait attention. Bref, c'est bien humiliant de savoir si peu profiter des bonnes grâces de Dieu.

Vous avez été malade, bonne fille, encore depuis votre lettre! C'est Jésus crucifié qui vous visite avec une parcelle de sa sainte Croix. Recevez-le toujours bien, car vous devenez en ce, le petit jardin qu'il cultive avec affection.

Toutes ces petites maladies sont des retraites de l'âme en Dieu, en sa sainte Volonté, en union avec Jésus crucifié. L'oraison, c'est l'offrande affectueuse de la souffrance; les prières sont des oraisons jaculatoires; mais il faut, puisque l'esprit est faible et somnolent, que le coeur remplace tout, s'offre et se donne en mille manières.

Croyez-moi, chère fille, vos oraisons d'aridité, d'impuissance, sont plus agréables à Dieu que toutes les plus belles lectures et les plus sublimes pensées. Au moins vous serez devant le Bon Dieu comme le pauvre, l'infirme et l'enfant qui ne sait rien dire mais qui aime.

Sachez, chère fille, qu'en convalescence la grande tentation naturelle, c'est l'irritation nerveuse, l'impatience: ce sont les épines de la nature. Oui, il faut alors bien se tenir près de Notre-Seigneur pour être doux et humble de coeur comme lui.

Abandonnez-vous toujours bien à la sainte Volonté de Dieu sur vous, bonne fille; vous savez que c'est votre grande loi de vie, votre grâce et votre unique vertu; mais elle est la mère de toutes les autres; elle est la vertu souveraine de Jésus.

Adieu, chère fille. Donnez-moi de vos nouvelles. J'en languis ici, si loin! Je vais rester ici jusqu'après le dimanche de Quasimodo.

Je vous bénis de toute mon âme.

Tout à vous.

EYMARD, S.S.

Madame Gourd.


Nr.1754

An Fräul. Stéphanie Gourd

Bruxelles, 16 Mars 1866, rue des Douze-Apôtres, 2bis.

Chère fille en N.-S.,

Je vous dois un petit mot; si ce n'était qu'une prière, j'acquitte mon devoir tous les jours pour vous, mais ma pauvre plume a été paresseuse, et vous un peu...

Retenez bien ces trois règles de conduite que je vais vous donner:

1· Faire tout pour plaire à Dieu; que ce soit là votre intention générale et particulière dans les actions: cette règle est plutôt un sentiment qu'une pensée actuelle, elle s'allie avec tout et vous laisse dans votre simplicité d'action; l'intention générale suffit; cependant, quand il y a quelque chose de plus pénible à faire, un sacrifice qui coûte, alors une intention particulière fait beaucoup de bien à l'âme; plaire à Dieu, c'est aimer ce qu'il aime, c'est vouloir ce qu'il veut, c'est aussi rejeter tout ce qui est mal.

La deuxième règle c'est d'être à toutes choses en esprit de simplicité, c'est-à-dire faire les choses en esprit de liberté intérieure, n'y tenant qu'autant que Dieu les veut et pendant qu'il les veut; en esprit de paix, faisant les choses avec ordre, l'une après l'autre, avec modération et patience; travaillant pour bien faire, mais non pour s'en vite débarrasser. Prenez pour modèle l'enfant qui est tout par l'obéissance et n'est rien par la vie.

La troisième règle: Vivez un peu plus en Dieu, comme centre, et rien ne vous encombrera, et rien ne vous dissipera; vous serez alors dans le sentiment de la présence de Dieu qui vivifie tout, qui voit tout et qui dirige l'âme en toutes ses voies.

Oh! que le Bon Dieu vous a aimée, chère fille! il vous a gardée à lui et pour lui! et cela malgré tout. Il vous aime d'un amour tendre et infini! S'il vous laisse sèche, aride et souffrante devant lui, c'est là l'état des âmes que notre bon Maître emploie aux devoirs extérieurs afin de les tenir unies à lui par la souffrance intérieure, et aussi par l'esprit pur de la foi.

Marchez toujours, le chemin est bon, c'est Dieu qui vous l'a tracé; mais, la sainte Messe et l'adoration faite, le chapelet récité, si Dieu vous met aux soins et aux devoirs extérieurs, tout va bien; puis, quand vous serez libre, reprenez le courant.

Adieu, bonne fille en Notre-Seigneur. Je vous bénis. Je suis bien content que le divin Maître soit rentré dans son tabernacle; aimez-le bien et il restera avec complaisance et malgré tout votre ami de Béthanie.

Tout à vous.

EYMARD, S.S.S.


Nr.1755

An Fräul. Danion

Bruxelles, 16 Mars 1866, rue des Douze-Apôtres, 2 bis.

CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je ne sais pas si vous attendez quelque chose de moi, mais j'en attends de vous; il y a si longtemps que je n'ai rien reçu de vous! Depuis le 4 janvier; mais vous n'aviez pas mon adresse!

Voici notre fondation faite depuis le 2 février, fête de la Présentation de Notre-Seigneur, faite par Dieu seul et avec Dieu seul, mais à la grande gloire de Notre-Seigneur. L'Eglise est déjà bien fréquentée et le bon Maître bien prié et adoré! C'est un grand triomphe dans une aussi mauvaise ville que Bruxelles, où tous les francs-maçons règnent.

Depuis une quinzaine de jours je suis souffrant d'une zona, ou ceinture de feu. Si c'était au moins une ceinture de feu divin! Je puis travailler cependant, car avec cette maladie le lit est une grande souffrance; mais tout cela n'est rien.

Nous sommes cinq ici; l'exposition commence à 7h.1/2 jusqu'à 9h. du soir; il y a de quoi vivre de Notre-Seigneur et pour Notre-Seigneur. Je pense être à Paris pour le dimanche de Quasimodo.

Si Mauron était sur mon chemin ou n'était pas si loin, j'irais bien vous voir. Je désire vous voir et causer avec vous du Très Saint Sacrement, car je voudrais voir ce feu sortir de sous sa cendre et avoir une flamme incendiaire. Je sais bien qu'il faut attendre l'heure de Dieu; mais qui vous dit, bonne fille, qu'elle n'est pas arrivée? Pour moi, je le crois et vous dis: Allons! à l'oeuvre! il faut forcer les hommes à ouvrir cette porte du tabernacle. Notre-Seigneur ne doit pas rester caché devant cette génération indifférente ou incrédule; il faut que le soleil de l'Eucharistie se lève pour dissiper tous ces fantômes de la nuit et dégeler ces âmes glacées, et faire peur à ses ennemis, s'ils ne sont pas touchés de son amour.

Mais quand irai-je en Bretagne? je n'en sais rien. J'espère aller à Angers fin avril. Si le tour n'est pas trop grand, je verrai comment on se rapproche de Mauron.

Nous sommes d'accord!

Je vois avec grande joie l'année 1866, il me semble que Dieu va faire de grandes choses pour sa gloire!

Vous allez me donner de longues nouvelles de vous; vous êtes paresseuse et portée à vite finir une lettre; allons! corrigez-vous.

Je vous bénis bien eucharistiquement en N.-S., en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD, Sup.

P.-S. Je vous envoie une de nos images.


Nr.1756

An Fräul. Julie-Antoinette Bost

Bruxelles, 16 Mars 1866.

BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,

Il faut aussi que vous m'excusiez à cause de mon indisposition.

Votre bonne lettre me remercie de ma visite à votre frère: mais n'est-ce pas votre frère? D'ailleurs, il a de si belles qualités, qu'il serait vite excellent, s'il connaissait mieux Notre-Seigneur Jésus-Christ. Un coeur comme le sien serait vite enflammé et dévoué, car il me semble que sa haute intelligence doit être humiliée devant ces hideuses et misérables idoles de chair et de vanité.

Vous avez donc été malade! C'est la floraison de la sainteté, car vous savez que la vigne pleure avant de fleurir, ainsi que le beau marronnier. On souffre quand on est crucifié avec Jésus, on pleure et on est en joie: les deux natures donnent chacune leur fruit.

Mais comme vous avez un grand courage et que vous êtes plus forte que votre force, alors je ne crains rien.

Je crois que vous avez été sage et forte en ces petites tempêtes de la rue l'Evêque; il faut savoir laisser passer les bourrasques: peine perdue de s'y opposer.

La patience et la dignité d'état finissent toujours par dominer la position, parce que la passion n'ayant ni la raison ni l'honneur pour soi, finit par se rendre, mais il ne faut rien gâter.

Il faut savoir dominer son coeur, pour n'avancer qu'avec les droits de la liberté conquise sauvegardés.

Aimez toujours bien le Bon Dieu. Vous n'êtes faite que pour cette vie, ce sentiment, ce bonheur d'épanouissement. Jésus est le soleil de la fleur de grâce: elle ne doit s'ouvrir que sous ce divin soleil.

Combien je suis heureux de vous savoir à côté de cette bonne et si crucifiée Madame Lepage!

Adieu! Je vous bénis toujours, et je suis toujours, en N.-S.,

Tout à vous.

EYMARD, S. S.


Nr.1757

An Marg. Guillot

Bruxelles, 18 Mars 1866.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je n'ai été que souffrant et non malade. Je ne voulais pas vous le dire parce que vous avez bien assez de vos peines.

J'ai bien lu votre lettre et les raisons que vous me donnez pour ce changement de maison. Assurément vous y seriez mieux, il y a de quoi y faire une jolie et assez grande chapelle dans l'aile gauche; on ferait tomber les mansardes et [on y ferait] une petite voûte. C'était mon plan premier quand nous voulions l'acheter. La maison est très solide et bien bâtie, avec un magnifique jardin; puis cela vous débarrasserait de vos dettes sur la maison Bardet. Mais pour cela, il faut que j'aille à Angers voir les choses de plus près. Pour moi, je n'aimerais pas une église commune entre vous et nous, ce serait vous annuler; puis la prudence ne le veut pas; Notre-Seigneur y perdrait un trône aussi, Dieu garde!

Vous êtes dans un moment de transition, chère fille; vous avez à ménager Monseigneur l'Evêque qui vous a reçues avec tant de bonté.

L'expérience, le temps, la grâce de Dieu, tout montrera ce qu'il y a à garder et ce qu'il y a à retrancher.

Assurément je vous aimerais mieux près de Paris, non à Paris même, car l'on vous y donnerait forcément un prêtre de la ville pour supérieur: c'est la règle absolue du diocèse; mais là où je vous voudrais et voulais en premier, ce serait à Versailles, à une demi-heure de Paris, avec un si bon Evêque. J'espère que cette première idée se réalisera un jour, et alors tout sera remis à sa place et en son ordre. Vous êtes encore sous terre pour y mûrir et germer.

Ne pensez pas à Rome en ce moment, ce n'est pas l'heure; ce serait reculer les difficultés; il faut se constituer avant, parce qu'on ne peut plus rien faire après.

Je suis bien de votre avis pour former une maîtresse de novices; c'est la chose du monde qui presse le plus. Nous nous en occuperons dès que nous serons arrivés à Paris.

Nous avons le même sentiment vis-à-vis... (nom effacé)... Mais puisque le Bon Dieu l'a donnée, il faut en tirer la vertu qui existe, ou la croix qui en sort.

Je vous prie, chère et bonne fille, gardez votre tête libre des choses contrariantes et des gens qui exercent; que votre tête soit toujours dans le soleil, calme et forte à repousser tout ce qui n'est pas en son temps, en la grâce du moment: c'est toujours ma même demande et ma même prière pour vous.

Je bénis bien vos malades, et la petite de Lyon que vous allez recevoir; j'en ai une à Paris aussi, mais elle a une dot suffisante.

Adieu, bonne fille. Soyez joyeuse avec Dieu, calme avec vous, bonne et égale envers toutes; et je serai content.

EYMARD.

P. S. - Le P. Ch. m'a dit tenir de vous que M... avait eu un malheur: cela m'a fait une grande peine. Je l'ignorais; il m'a dit que Mlle... vous l'avait dit.


Nr.1758

An Frau Lepage

Bruxelles, 18 Mars 1866.

CHERE FILLE EN N.-S.,

Je viens vite vous dire d'en rester là avec v. m. Plus vous ferez, plus elle sera exigeante; c'est l'intérêt, l'amour-propre froissé et puis entêtement. Laissez-la venir et revenir, seulement pas de faiblesse de votre côté; ce serait tout gâter. Voilà mon avis. Vous n'êtes pas un enfant: votre position et votre état vous ont laissé fille, c'est vrai, mais aussi maîtresse de maison, vous avez les mêmes droits que lorsque votre cher mari était vivant.

Il faut regarder cet état de votre m. comme une tentation et une maladie, prier pour elle, mais vous défendre d'y penser; et quand vous devez y aller, y aller par devoir sans en attendre la réciprocité.

Oh! oui, allez-vous-en vite à Bergerac, vous y serez mieux.

Je suis mieux aussi, quoique toujours un peu souffrant.

Je vous bénis et votre chère amie.

Tout à vous.

EYMARD.

P.-S. Nous allons bien prier pour le retour de votre si bon père, surtout demain fête de saint Joseph.


Nr.1759

An Sr. Antoinette sss

Adveniat Regnum tuum.

Bruxelles 18 Mars 1866.

CHERE SOEUR MARIE,

J'ai lu avec grande attention votre lettre. Merci des observations et des aperçus qu'elle renferme; c'est toujours pour le plus grand bien de la Congrégation. Je comprends qu'il faut une même direction pour avoir le même esprit, et pour cela le voisinage des deux maisons-mères; mais il y a des difficultés très grandes pour Paris, et aussi la grande raison que si Mgr l'Archevêque vous reçoit, il vous imposera un prêtre de la ville: c'est la règle générale de Paris; rien que cette raison fait ajourner ce projet.

Il faut bien prier pour Nemours, c'est une fille d'Angers. Il faut ne pas trop voir les personnes, mais la gloire de Dieu et sa grâce; il faut ordinairement passer par les douleurs de l'agonie pour arriver à la vie de Dieu.

Soyez toujours bonne et encourageante pour vos filles, vous en avez la grâce et la mission.

A bientôt, chère soeur.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.


Nr.1760

An Marg. Guillot

Bruxelles, 2 Avril 1866.

Bien chère fille en Notre-Seigneur,

J'ai reçu ce que vous m'avez envoyé, que Dieu vous le rende! Avec une partie, nous avons pu orner convenablement le grand autel pour Pâques, mais c'est assez, et trop même.

Gagnez du temps pour Mr de Russon; si l'on vous presse, dites que vous m'attendez incessamment.

Gardez-vous bien d'acheter ce terrain derrière Mr Allard.

Acheter un terrain pour y tout bâtir, c'est se jeter dans des dettes énormes. Pour moi, je ne puis rien dire de la maison de Russon. Si vous achetez la maison Allard, c'est inutile. Si vous ne l'achetez pas, c'est trop tôt; pourquoi acquérir avec cette condition que Mr de Russon y restera jusqu'à ce qu'il trouve une maison à acheter?

Gagnez du temps, et pour aucun motif ne laissez Mgr l'Evêque finir l'affaire sans moi.

Je suis aise que le P. Champion aille de suite à Angers, il sera plus tôt ici pour me remplacer.

Adieu, bonne fille. J'espère que vous serez ressuscitée en une vie plus abondante en l'esprit et l'amour de Notre-Seigneur.

Ecoutez tout avec bienveillance; jugez tout dans l'intérêt de votre Société; faites tout pour le meilleur service de Notre-Seigneur. Hors de ces trois motifs, rien pour la créature.

Je vous bénis toutes.

EYMARD.


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