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Paris, 21 Janvier 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je viens vous accuser réception de votre lettre et de son contenu: merci; mais si vous êtes plus pauvre que nous, il fallait nous laisser faire cette petite dépense, qui, comme les autres, est toute pour le service et la gloire du Bon Maître.
Je ne vous ai pas écrit, ni à personne, parce que j'avais un malaise qui me rendait paresseux. C'est un climat qui passe à Paris, beaucoup de gens en souffrent; mais cela ne m'a ni alité ni arrêté, seulement j'étais paresseux pour écrire.
Je suis allé à Nemours vendredi, avec un bon Prêtre: Mr Courtois, notre ancien novice. J'espère qu'il sera aumônier de notre petite Communauté: j'en serais heureux, car il est pieux, a quelques ressources, et nous aime bien. Il a bon esprit. Cette semaine la chose sera définie; il faut que j'aille à Meaux en parler à Monseigneur; déjà hier j'en ai parlé à l'Archevêché.
J'ai été bien content de ma visite.
J'avais bien grondé et avais laissé soeur B. sous cette impression que j'étais fort mécontent...
Paris, 21 Janvier 1866.
BONNE DEMOISELLE ANTONIA,
Demain à cinq heures et un quart je vais faire ma visite à votre frère du Gaze. Il m'attend. Je l'ai fait prévenir; il a paru content de me voir. Je voudrais bien lui faire comme à son frère. Priez pour ma visite.
J'ai reçu une lettre de votre soeur. Elle est bonne cette lettre. La voilà séparée de tous les siens; mais elle aime toujours bien le Bon Dieu. Puis il faut l'excuser parce qu'elle ne voit pas ce que nous voyons: il y a tant de myopes en ce monde!
Je ne puis assez admirer la bonté de Dieu d'avoir la paix et la charité avec tant de fous qui remplissent le monde.
Vous avez donc été malade, sainte fille du Bon Dieu! Il faut bien passer quelquefois par cette hôtellerie du Ciel: elle est un peu cher, mais c'est si bon!
Oui, je vous aime un peu fière, quoique bonne et toujours digne. Ayez du coeur, peu d'yeux, pas d'oreilles.
Que je suis heureux de vous savoir près de cette chère et bonne amie! Comme la divine Providence l'aime, et vous aussi!
Adieu, je vous bénis. Je vais dire la sainte Messe et vous offrir au bon petit Enfant Jésus, en qui je suis
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, Dimanche, 22 janvier 1866
Ma révérende Mère,
Hier je recevais de Rome, en même temps que votre lettre, la lettre de la S. Congrégation permettant et approuvant la fondation des Bruxelles.
Concours de Providence:
Tout est donc en règle, nous partirons d'ici lundi prochain pour arriver le soir et être ainsi prêts pour les 40 heures. J'espère pouvoir partir avant si c'est possible! Cependant ne m'attendez pas. Je désirerais arriver le dimanche soir pour tout organiser.
Ayez la bonté de faire commander 3 matelas chez le même fabricant que votre concierge connaît, afin que nous les trouvions tous prêts.
Je n'ai que le temps de me recommander à vos prières et de me dire en N. S.,
Très honorée Mère,
Votre respectueux et tout dévoué serviteur.
Eymard.
Lettre d'obédience.
Le Supérieur de la Société du Très Saint Sacrement (faubourg Saint-Jacques, 68) prie Monsieur l'Aumônier de la Chapelle Expiatoire de permettre au P. Billon, porteur du présent, de célébrer dans la Chapelle.
EYMARD.
Paris, 23 Janvier 1866.
Madame en N.-S.,
Je pars dimanche soir ou lundi matin pour Bruxelles, et cela pour quelques semaines.
Si vous avez besoin de moi, je serai à votre disposition samedi ou dimanche.
Priez pour cette fondation qui me coûte bien, mais la gloire du bon Maître n'est jamais achetée ou du moins procurée trop cher.
J'aime à penser que l'esprit est toujours avec un beau et bon soleil, le coeur libre comme l'air, et le Bon Dieu en vous, la volonté sans choix autre que celui de la Volonté de Dieu du moment, aimant tout ce que Dieu aime, indifférente à tout ce qui n'a pas le mouvement vers Dieu, méprisant tout ce qui est contre.
Pour ce pauvre corps voué à la souffrance, il faut toujours le regarder comme la petite maison de la Sainte Trinité, et le tenir toujours digne d'une si divine demeure.
Vivez en un mot du positif de la vérité, de la grâce, de la bonté divine et enfin de l'amour qui donne et reçoit avec amour.
Je vous bénis en Notre-Seigneur et vous laisse à sa main paternelle et à son bon service.
En Lui donc,
Votre respectueux et dévoué serviteur.
EYMARD.
Paris, 23 Janvier 1866.
Bien cher Père,
Je viens de recevoir le rescrit de Rome pour Bruxelles, et nous nous préparons pour y aller commencer le jour de la fête de la Présentation, 2 février; et même, comme les XL Heures du diocèse s'ouvrent le 30, 31, et le 1er février, j'irai les prêcher.
Je vais donc partir pour la Belgique dimanche soir ou lundi matin.
Voici ceux que je pense envoyer: le Père Viguier, qui avant fera ses voeux, car il a son temps: il a été reconnu un bon religieux et un bon adorateur, le conseil l'a donc admis à la profession pour dimanche; il est en retraite depuis lundi. On a admis aux voeux triennaux le frère Antoine et le frère Marius, qui aussi sont en retraite et que je réserve pour la maison de Bruxelles, avec le frère Alexandre, qui a appris un peu la cuisine, pour le sixième.
J'hésite encore entre les frères.
Ainsi, cher Père, vous prierez et ferez prier pour nous; c'est moi qui vais commencer, car comme il y a à trancher bien des questions de liturgie, et mettre les choses en bon mouvement, j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'y aller: le P. Champion peut bien suffire ici pendant quelque temps.
Nous avons en retraite de vocation un jeune prêtre de Beauvais (vingt-sept ans); il s'annonce bien et il arrive bien providentiellement.
Nous vous donnons bien de la peine pour vos mandats, mais à la caisse on n'a jamais voulu les solder sans cela; et cependant le frère Eugène, qui avait pris tous les renseignements, m'avait dit qu'un suffirait.
Je pense que ma lettre se croisera avec la vôtre qui me renvoie ce certificat de vie, car la cire du Maître est en retard.
Est-ce que la maison de Marseille ne doit pas à celle de Paris une petite somme pour le drap que celle-ci a fourni? Dans ce cas, il faudra, quand elle le pourra, nous en envoyer le montant pour la bonne régularité des envois. La maison-mère a tant de charges, qu'elle a besoin et grand besoin de ses ressources.
Croyez-moi, bien cher Père, en Notre-Seigneur,
Votre tout affectueux serviteur.
EYMARD,
S. S.
Paris, 25 Janvier 1866.
CHERE DEMOISELLE ANTONIA,
Ce n'est qu'hier au soir que j'ai vu votre cher frère Claudius. Il m'a bien reçu, et j'ai été content de le revoir. Comme il vous ressemble en beaucoup de choses! Je voudrais bien que ce fût en tout... Mais il y a d'excellent dans ce cher frère: ce coeur d'or, cette honorabilité, cette franchise. S'il y avait la foi à travers ce petit bosquet, vraiment il serait un grand saint. Déjà le romantique des sentiments passe un peu: voilà le fruit de la vie éternelle que vous devez cultiver et faire mûrir.
Nous avons beaucoup parlé de vous; et jugez de ma joie de voir qu'il vous aime bien, parce que vous pourrez lui faire beaucoup de bien.
J'aime à penser que vous êtes bien remise de votre petite indisposition et que tout va bien, surtout la vie érémitique à certaines heures; la vie cénobitique dans la vie commune, et la grande vie d'amour du Cénacle. Car, mes chères filles, il faut les trois couleurs au drapeau de la perfection: le blanc pour la vie du Cénacle, le rouge pour la vie de charité, et le bleu du ciel pour la vie solitaire. Mais que toujours le soleil de la confiance et de la joie illumine vos pas et vos oeuvres. Nous servons un si bon Maître! Puis vous avez toujours été à lui et lui serez toujours fidèle.
Du courage donc! Votre soleil du midi monte vers le ciel son beau couchant, et il faut bien monter avec lui.
Je pars dimanche soir pour Bruxelles, pour y commencer une fondation, 24, rue des Sols. Priez pour moi et pour tous.
Je vous bénis de toute mon âme, et je vous suis, en N.-S.,
Tout dévoué.
EYMARD.
Paris, 25 Janvier 1866.
BONNE DAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Je vous renvoie votre billet fait comme vous le désirez, merci encore. J'aime à croire que votre esprit est bien en paix avec la sainte Volonté de Dieu, votre coeur bien fort en l'épreuve de la parenté et votre âme toujours toute à notre bon Maître.
Quand Dieu est content, soyons contents! Quand Dieu nous aime, que nous importe le reste!
Quand Dieu est pour nous, comment nous inquiéter, nous attrister de ce qui est contre nous!
Et dans ce centre divin du Coeur de Jésus, comment redouter les tempêtes du dehors!
Alors même que Jésus semble dormir, ne craignons rien, veillons à ses pieds et reposons tranquilles.
Je vous en prie, ne laissez pas la tristesse gagner votre âme, ni la préoccupation s'emparer de votre esprit. Dieu est content et vous aime.
Je vais partir dimanche pour Bruxelles (24, rue des Sols), nous allons faire une petite fondation du Très Saint Sacrement; priez pour nous, bonne fille. Je n'ai pas besoin de vous dire que je ne cesse de le faire pour vous et les vôtres.
Adieu en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 27 Janvier 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Je vous fait bien attendre ma lettre, mais excusez-moi; je n'ai plus le temps et presque la force de respirer. Je pars demain soir pour Bruxelles avec le Père Billon et quatre autres pour commencer, mardi 30, l'adoration et la fondation nouvelle. J'en ai par-dessus presque mes forces, mais le bon Dieu est là. Impossible d'ajourner notre départ (Vous pourrez m'écrire à Bruxelles, 24 rue des Sols, Belgique; affranchir avec deux timbres).
J'ai lu la lettre du Père Champion pour Benoîte. C'est son genre d'écrire, il ne faut voir que le fond. Puis cela ne fait rien à la vertu; au contraire, cela rendra la vôtre plus grande, et vous serez encore plus mère.
J'ai vu Mr Courtois hier; il part ce matin pour Nemours. Il fera très bien, c'est une vraie Providence, un miracle: remercions-en Dieu; car je ne sais comment nous aurions pu faire, moi obligé de rappeler le Père Champion.
Je vais l'envoyer de suite... (six lignes effacées)...
Le Père Champion sera bon; vous réglerez avec lui pour Monseigneur.
Ayez confiance en votre grâce et votre mission de Dieu.
Dieu vous a donné la prudence et la sagesse, mais il vous manque un peu de force.
Je vous enverrai, avant de partir, la réponse à vos notes; mais ayez un peu de patience et de miséricorde envers moi, je suis tiraillé de tous côtés.
Adieu. Je vous bénis de toute mon âme, ainsi que vos filles.
Tout à vous en Notre-Seigneur.
EYMARD.
P. S. - Vous auriez pu faire faire la retraite de cette demoiselle; vous auriez vu ce qu'elle est.
Je pense que le bon Père Champion vous arrivera mardi matin ou ce soir.
Je suis peiné que vous vous soyez dépouillée de vos 100 francs puisque vous êtes si pauvre! Et moi je le suis aussi, car nous vous avons tout donné pour Nemours. Je presse la vente du moulin, c'est nécessaire. Pensez que Mr Le Clère a prêté pour
Nemours quatre mille francs, et que nous avons emprunté pour vous à la Banque de France six mille sept cents francs, qu'il faut rembourser bientôt. Oh! que cette pauvre demoiselle Sterlingue nous a fait de dépenses, et quelle croix pour la maison! Pauvre fille! elle est bien à plaindre. Mais aussi son père lui en a tant fait! Il faut prier pour elle.
Paris, 27 Janvier 1866.
MADAME,
J'ai su que l'excellente demoiselle de Revel vous a recommandé Mr Baret, jeune homme sage et intelligent auquel je m'intéresse beaucoup et estime beaucoup sa famille. Si j'avais su que vous connaissiez Mr Onofrio, je vous l'aurais recommandé en premier, car je sais votre dévouement et votre joie d'obliger.
Je pars demain soir pour Bruxelles (24, rue des Sols) pour une fondation; j'y resterai quelques semaines, je la recommande bien à vos prières.
Je ne cesse de prier pour vous et votre chère fille.
Croyez-moi en N.-S.,
Madame,
Votre respectueux et tout dévoué.
EYMARD, S.
Paris, 28 janvier 1866
Très Révérende Mère,
Vous recevrez demain matin le P. Viguier avec trois frères. J'espérais les précéder ou les accompagner, et voilà que je ne vous arriverai qu'à deux heures, ou le soir à 11 heures 20, suivant la liberté que me laisseront mes affaires.
Enfin, Bonne Mère, nous voilà en chemin et bientôt en service royal du Bon Maître.
Si vous saviez toutes les difficultés et toutes les entraves qui nous sont arrivées. Enfin Dieu soit béni! N. S. aura la victoire, car hier encore et ce matin le démon étai là.
Oui, Dieu veut cette fondation, elle est marquée au coin de la croix et aussi de son amour.
A bientôt, Bonne Mère,
Votre respectueux et dévoué serviteur.
Eymard Sup.
Paris, 28 Janvier 1866.
Monseigneur,
Enfin, je puis envoyer le R.P.Champion, assistant de la Société, auprès de Votre Grandeur. J'ai été forcé de le laisser à Nemours pour le service de la nouvelle colonie de la Maison-Mère d'Angers, parce que Mgr l'Evêque de Meaux n'avait aucun prêtre disponible.
Aujourd'hui, le Père est remplacé par un excellent prêtre de ma connaissance, et je me hâte de le faire partir, afin de travailler avec Votre Grandeur pour le bien de cette petite Communauté d'adoratrices qu'elle aime et protège si paternellement.
Permettez-moi, Monseigneur, de recommander à vos prières une petite fondation que nous faisons en ce moment à Bruxelles, ce boulevard de la franc-maçonnerie.
Son Eminence le Cardinal de Malines nous ayant désirés depuis longtemps, nous avons fini par accepter les bienveillantes prooositions qui nous sont faites.
Daignez agréer les hommages les plus respectueux et les plus dévoués de celui qui est heureux d'être
de Votre Grandeur, Monseigneur, le très humble et très obéissant serviteur.
Eymard, Sup.
Paris, 28 Janvier 1866.
Madame en N.-S.,
Je viens vous donner ma dernière bénédiction avant de partir. Que Dieu vous garde, vous guide et vous soit consolation et force!!!
Abandonnez-vous bien à sa divine et aimable Providence. Laissez-vous conduire par les événements, par les lois de nécessité, d'état et de devoir, et surtout suivez bien le vent de la grâce; que votre âme, comme la voile d'un navire, s'ouvre bien au gré de ce vent céleste, qu'elle le garde afin d'en suivre l'impulsion.
Tout est là pour l'âme intérieure.
J'ai vu la personne dont je vous avais parlé; c'est un maître d'hôtel et non un maître cuisinier, de là ma déception.
Je vous confie notre chère Oeuvre de la Première Communion. Aimez-la, c'est votre moisson à préparer.
Je vous laisse dans le Coeur de notre bon Maître, en qui je suis
Votre tout dévoué.
EYMARD.
P.-S. - Je viens de recevoir la petite note du bon Mr le Curé de Saint-Thomas; je vous l'envoie de suite et vous prie de le remercier.
Bruxelles, 30 Janvier 1866.
MADEMOISELLE ET CHERE FILLE EN N.-S.,
Je reçois votre lettre et je viens vite y répondre pour ne pas vous laisser dans l'attente; mais avant tout laissez-moi vous dire que nous sommes arrivés à bon port, hommes et choses.
Comment vous remercier de tout ce que vous avez donné et envoyé!
Vous ne nous laissez pas le mérite et l'épreuve de la pauvreté, rien ne manque. Merci encore; que Dieu le rende au centuple!
L'adoration de la Société commencera vendredi à 8h. 1/2, comme d'ordinaire dans nos maisons, avec un sermon d'ouverture, et le Salut tous les jours a lieu à 3h. à cause des offices des paroisses. Le jour de la fête, il y aura encore sermon à 3h. pour expliquer le but de L'Oeuvre.
La migraine voulait venir ce matin, mais elle s'est dissipée devant les courses à faire, car il faut monter ce petit ménage de tout, et comme je veux donner ce soin à personne, je vais chez les marchands moi-même.
J'en viens à vous.
J'ai lu toute la lettre de votre oncle; pauvre homme! il est plus mort que votre tante. Je vous conseille de ne pas entrer dans les détails en votre réponse. Voici la mienne :
"J'accepte les comptes que vous me donnez et vous en donne quittance. Je vous prie de m'envoyer les 357 fr. 50. Je vous remercie pour les valeurs, je préfère recevoir l'argent. Je ne suivrai pas les détails de votre lettre qui me concernent personnellement.
"Je ne me serais jamais attendue de la part de mon oncle à de pareilles défiances ni à des jugements si humiliants sur ma vie. J'en porterai l'humiliation, laissant au temps et à Dieu le soin de me justifier si j'en ai besoin."
Pauvre fille ! cette lettre de votre oncle montre ce qu'il est, sans foi et la suite; voilà où l'on descend avec l'impiété. Dieu voulait encore ce sacrifice de vous, et ce sacrifice vous rend toute votre liberté; prenez-la et gardez-la bien. Laissez passer ce nuage et vivez sous votre bon soleil de l'Eucharistie.
Je vous bénis bien en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
L'affranchissement n'est que de 30 centimes.
CONGREGATION DU T. S. SACREMENT
Bruxelles, 31 janvier 1866
Eminence,
La Société du T. S. Sacrement, reçue avec tant de bienveillance par votre zèle de la religion, a trois oeuvres de zèle particulières:
le première est celle des retraites personnelles des prêtres, la seconde L'Oeuvre de la première communion des adultes qui auraient négligé de s'instruire de la doctrine chrétienne et de recevoir ce divin Sacrement;
la troisième est une agrégation des fidèles dévoués au culte de l'adoration par laquelle ils s'engagent à faire une adoration mensuelle, ou à sanctifier une semaine eucharistique.
Afin de favoriser cette belle oeuvre des Eglises pauvres, les agrégés reçus par nous feront partie de l'Association des Eglises Pauvres de Bruxelles.
J'ose donc, Monseigneur, supplier Votre Eminence de bénir les oeuvres auxquelles se voue notre Société, afin que Dieu leur donne la grâce qui est le fruit de l'obéissance et de l'union avec l'autorité du Premier Pasteur.
C'est avec la plus profonde vénération que je baise votre Pourpre Sacrée et que je suis heureux d'être par N.S.
de Votre Eminence, Monseigneur,
le très humble et très obéissant serviteur.
Pierre Eymard
Sup. de la Soc. du T. S. St.
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FACULTES ACCORDEES PAR LE CARD. ENGELBERT, Archev. de MALINES aux Religieux du T. S. Sacrement à Bruxelles, fondés rue des 12 Apôtres, 2 bis, le 2 février 1866.
1· L'ouverture de l'adoration solennelle le 2 février 1866.
2· L'Exposition perpétuelle du T. S. Sacrement.
3· Bénédiction quotidienne du T. S. Sacrement dans la soirée.
(suit une liste de CHANTS DIVERS pour les SALUTS QUOTIDIENS)
(ce sont ceux indiqués dans le COUTUMIER de la Congrégation)
Bruxelles, rue des 12 Apôtres, 2 bis, 6 Février 1866.
Chère fille en Notre-Seigneur,
Me voici à vous. J'ai été si absorbé que je n'ai pas eu un moment à moi. Nous ne sommes que cinq pour faire tout le service du Maître et de la maison: ce sont le P. Viguier, les frères François, Antoine et Marius.
La fondation a commencé le 2 février. Une fondation est toujours un peu crucifiante, mais aussi elle a bien des consolations: quelle plus belle et plus douce que celle de donner un trône de plus à Notre-Seigneur!
J'ai reçu vos 300 francs, grand merci. Mais je n'aurais pas voulu vous voir dépouiller ainsi. J'espère que vous serez bien agréable à Dieu en lui offrant bien toutes vos peines.
Je vous voudrais un peu comme moi, dans les croix que je ne puis ni ôter ni empêcher. Je tâche de faire comme quand il pleut et que l'on n'a pas de parapluie: on reçoit la pluie du ciel.
Je suis bien et Dieu fait tout.
Je n'ai que le temps de vous bénir. Je sais que le Père Champion est chez vous, j'espère qu'il vous fera du bien.
Courage et confiance! bonne fille.
Tout à vous.
EYMARD.
Bruxelles, rue des Douze-Apôtres, 2 bis, 6 Février 1866.
MADAME EN N.-S.,
Me voici à Bruxelles depuis huit jours. Cette fondation projetée depuis tant d'années est commencée depuis le 2 février; nous sommes cinq seulement pour commencer.
Les commencements sont toujours pénibles à la nature, car nous avons trouvé les quatre murailles nues; mais Dieu est si bon pour les siens! puis il faut bien mettre sa confiance un peu à l'épreuve de la foi.
Le démon est ici, comme ailleurs, en grande partie maître, surtout par les sociétés secrètes. On espère que le nouveau roi fera du bien et corrigera un peu le mal que son père a fait. Ce défunt roi, qu'on exalte tant, a fini son règne par se faire mépriser de tout ce qui a un sens moral, et même la Flandre belge ne l'aurait reçu que comme un être méprisable.
On dit qu'il était temps qu'il mourût. Il laisse quatre bâtards, et, avec toutes ses qualités de gouvernement, un trône à son fils, hérissé de difficultés. Voilà par où finissent les grands hommes sans foi. Je pense rester ici un mois, au moins; j'aurai donc le temps de recevoir de vos nouvelles et d'y répondre.
Je ne vous dis rien de plus aujourd'hui, puisque ce n'est qu'une annonce.
Je vous reste bien uni en N.-S.
EYMARD.
Excusez-moi si je n'affranchis pas; ce n'est que trente centimes cependant!
Bruxelles, rue des 12 Apôtres, 2 bis, le 6 Février 1866.
Au cher Père Leroyer,
Bien cher Père,
Je désirais dès le commencement vous écrire de Bruxelles pour vous dire un mot de la fondation; mais nous avons été absorbés jusqu'à présent. C'est le 2 février que nous avons pris possession et position ici.
Tout s'est fait en grande harmonie avec ces Dames; elles sont pleines de dévouement au service de la chapelle, et même à nous; mais sur ce pied-là, nous nous tenons en réserve, et nous ne demandons rien pour nous, puisque nous pouvons nous suffire petitement.
Ce qui me console, c'est de voir le bon esprit et le joyeux dévouement de nos religieux ici: chacun se met à tout.
Puis la liturgie romaine prend sa place au milieu de tous ces usages gallicans des Belges, nous nous tenons forts là-dessus.
Je n'ai encore rien établi pour nos oeuvres; j'aurais besoin d'une de vos feuilles de chaque oeuvre de l'Agrégation, des Semaines Eucharistiques, etc., veuillez me les envoyer par la poste le plus tôt. La Semaine Eucharistique que vous avez établie se borne à une petite souscription pour le luminaire; je pense parler de l'Agrégation jeudi, j'en ai déjà dit un mot en chaire le premier jour: il faut préparer le terrain. On dit les Belges longs à entrer dans une idée nouvelle.
J'ai vu peu de monde, ou plutôt presque personne; nous avons été si occupés! Puis l'église à besoin de faire son auditoire; on a conservé de vous ici un bon souvenir, surtout Mlle de Meeüs.
Ceux que j'ai amenés ici sont: le P. Viguier, les frères François, Antoine et Marius; nous sommes peu, mais c'est suffisant pour le moment. Je vais rester ici encore deux mois pour bien préparer la place et traiter les grosses difficultés.
Priez pour nous, bien cher Père, car ce n'est que par là qu'on arrose et qu'on fait germer l'arbre transplanté.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
EYMARD.
Bruxelles, rue des XII Apôtres, 2 bis, 6 Février 1866.
Bien cher Père,
Je viens vous donner de nos nouvelles; j'ai été si occupé, que je n'ai pas eu un moment. Arrivés ici le 29 Janvier (Père Viguier, ff. François, Antoine, Marius et moi), nous avons le 30 participé aux trois jours des XL Heures du diocèse.
Le jour de la Fête de la Présentation de N. S. a été le jour de notre fondation; elle a été faite aussi belle que possible pour Notre-Seigneur; le matin il y avait peu de monde, le soir un peu plus, le temps mauvais a retenu les paresseux; nous commençons tous les jours l'Exposition après la messe de sept heures et nous terminons à neuf heures du soir. L'église commence à avoir quelques adorateurs; comme il n'y avait rien de fixé, ou du moins de continu, cette église était un peu déserte. Puis les Belges sont froids; j'espère cependant que cette petite fondation procurera un jour une grande gloire à Notre-Seigneur. Mais cette vie d'adoration est si peu comprise!
Nos rapports avec Mlle de Meeûs sont simples et bons; ces Dames sont toutes dévouées au culte du T. S. Sacrement. Notre grande lutte a été de mettre de côté tous les usages antiliturgiques belges et de nous mettre au pur Romain: c'est fait, mais tout est à inculquer, à corriger, à former. Je n'ai encore eu aucune réclamation du clergé ou des coteries pieuses; il est vrai que nous ne voyons personne, absorbés par notre service.
Nous donnons le salut à trois heures, parce que dans les paroisses on le donne à quatre heures et que notre curé nous ferait des misères si nous le donnions à son heure.
Nous nous sommes mis à la bière, car le vin est si cher ici; heureusement que le P. Champion nous a envoyé de son pays du vin de messe. Tout va, chacun se dévoue comme en campagne.
Mais les finances sont bien petites, et si nous ne savions que la Divine Providence a toujours été si bonne pour nous, nous aurions peur. Je n'ai voulu rien demander, ni à Mlle de Meeûs, ni a personne; jusqu'à présent, nous n'avons manqué de rien; mais j'ai une dette, c'est celle d'une partie de la literie et des chaises; ne pourriez-vous pas m'envoyer ce que vous avez mis en dépôt chez M. Guérin (500)?
Je reçois une lettre du fr. François, par laquelle il me demande l'argent qu'il m'a remis en entrant pour venir, dit-il, embrasser sa mère avant sa mort et entrer dans la solitude: pauvre frère, il s'abuse bien. Je ne sais pas quelle somme il a donnée; c'est bien marqué à Paris, mais je n'ai pas les notes ici.
Voyez s'il est possible de le faire attendre jusqu'à mon retour à Paris; mais l'embarras, c'est que nous n'avons pas de frère cuisinier pour le remplacer à Marseille. Cela montre la nécessité d'avoir des frères qui dans chaque maison apprennent à faire la cuisine en cas de besoin; aussi je vais les mettre à cela ici et à Paris.
Nous avons été embarrassés ici un jour: j'ai été obligé, le jour de le fête, de faire moi-même la cuisine; le fr. François avait une forte migraine.
Je vous prie, cher Père, de ne pas oublier la nouvelle fille du T. S. Sacrement; elle est petite et faible, mais elle a bonne volonté.
Je vous reste bien uni en Notre-Seigneur et suis,
Tout à vous.
EYMARD.
P. S. Mes bien affectueux sentiments aux Pères et aux frères.
Bruxelles, 7 Février 1866, rue des Douze-Apôtres, 2bis.
CHERE FILLE EN N.-S.,
Vraiment la croix vous suit! mais aussi la grâce et l'amour de Dieu! Il faut que tout vous laisse, mais en vous crucifiant! Souvenez-vous que l'amour est plus fort que la mort. Je prie beaucoup pour vous, car je sens que vous devez en avoir besoin.
Pauvre Marie! elle est venue chez sa vieille et bonne amie; où pouvait-elle aller sinon là où elle a toujours trouvé un dévouement si pur et si affectueux ?
Il me semble que le mieux serait peut-être de la remettre rue du Théâtre, où elle était. Je ne comprends guère une affection médicale qui l'envoie à deux cents lieues; quels soins alors pourront donner l'amitié et la haute science de Mr Evrat !
Je pense que ces Dames de la rue du Théâtre la recevraient encore; cependant, sur les lieux on juge mieux, aussi soumets-je mon jugement à un plus expert.
Je prie beaucoup pour cette pauvre Marie, car elle me fait bien compassion. J'ai bien besoin de la confier à Dieu, car son état est si triste! mais Dieu est souverainement bon et sage, il faut adorer ses desseins cachés quand notre vue si courte ne voit que des difficultés ou des peines.
Quand vous aurez un moment libre, vous me ferez plaisir de me donner de vos nouvelles.
Je suis tout absorbé, faisant l'adoration à cinq. Le bon Maître nous occupe et nous en sommes heureux.
Croyez-moi, chère fille, en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.