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Paris, 5 Avril 1859.
Cher et bien-aimé Père,
Votre lettre nous a bien consolés; nous craignions beaucoup pour votre voyage, étant déjà un peu fatigué avant de partir. Que Dieu soit béni et glorifié de votre voyage, de votre travail et de vos peines! je les sens bien vivement, je souffre de vous sentir à Marseille tout seul, et je prie le Bon Dieu de vous envoyer quelqu'un, et de nous donner des ouvriers pour cette fondation; comme vous le dites, l'heure de Dieu n'est peut-être pas encore arrivée.
J'ai admiré le jour de l'entrée, fête de S. François de Paule; le jour de la 1ère messe, où l'on chante: Laetare sterilis quae non parturis, l'Epître du fils de la Promesse, l'Evangile de la multiplication des pains, figure de la S. Eucharistie, le titre de Roi donné pour la première fois à Notre-Seigneur: que tout cela soit la grâce de la fondation!
Hier on a été au ministère et le soir on a d- vous expédier votre mandat; je vous en prie, gardez une somme pour vos besoins, je souffre de vous sentir si pauvre.
Je m'unis aux dragées, au repas de Baptême, le bon Mr Brunello est le laetare et nous ses enfants bien affectionnés et reconnaissants. C'est à ce bon Père que je communiquais, il y a longtemps, ma pensée, il l'approuva, l'encouragea. Comme les desseins de Dieu sont admirables! Comme il sait réunir les extrêmes et rapprocher ce qui paraissait si loin!
Je vais écrire à Mlle Marin, j'attendais votre lettre.
Tout marche, hier nous avons fait notre Retraite mensuelle. C'est le P. Champion qui l'a donnée, j'ai été bien édifié de ce qu'il a dit, on voit qu'il a la grâce de l'Oeuvre.
Ecrivez-nous de temps en temps, ce sera un dédommagement pour moi de votre absence et une consolation pour tous: tous vous embrassent tendrement ainsi que moi, qui suis en N. S.
Tout vôtre.
EYMARD, S. S. S.
J'attends les exemplaires de la notice, je vous en expédierai un certain nombre, on a voulu y mettre mon nom, hélas! quel nom! il aurait bien mieux valu le cacher.
Je rouvre ma lettre, pour vous dire que le Ministère de l'Intérieur n'est pas revenu, ni n'a rien envoyé. Mr l'abbé Abadie a donné 5 francs que j'ai remis à ces Dames.
Le Révérend Père de Cuers,
Paris, 8 Avril 1859.
Bonne fille,
Merci de votre lettre. Je suis content de vous et de votre travail, et un peu de votre vertu. Ce qui me fait plaisir, c'est que vous savez laisser le Bon Dieu pour le prochain, et cela de bonne grâce et sans scrupule; voilà du véritable amour de Dieu qui n'aime qu'une seule chose, sa sainte Volonté; ne tient qu'à une chose, à son bon plaisir divin.
Continuez, ma bonne fille, ainsi et exercez-vous continuellement à la patience, à la douceur, au support, à l'égalité d'humeur, à la charité en un mot, puisque votre grande occupation c'est le prochain et que le bon Maître vous y exerce: c'est le service royal.
Sachez, bonne fille, qu'entre aimer le prochain pour Dieu et ne travailler sur le prochain que pour Dieu, il y a une grande différence. La première chose est un principe; la seconde est un sacrifice continuel. Qu'il en coûte de ne recevoir du prochain que l'épreuve ou l'oubli! et cependant, c'est ce qu'il faut chercher pour l'amour de Dieu seul: pourvu que l'on ait l'estime, la bénédiction et le Coeur de Dieu, cela devrait nous suffire.
Il faut même bien remercier ce bon Maître quand les maîtres semblent vouloir vous trouver en défaut; ils vous aident, bonne fille, à veiller sur vous et à vous connaître.
Dormez, dormez bien; pas de sacrifices de volonté propre.
J'espère que le Bon Dieu nous a exaucés pour votre grand-père et pour votre bon père, car nous ne les séparons pas dans nos prières.
Oui, oui, quand le Bon Dieu inspire la prière et la souffrance, c'est qu'il veut accorder sa grâce.
Ne vous inquiétez pas si vous ne pouvez bien méditer, bien prier, mais faites vos exercices comme si vous y réussissiez bien. Ce sera vrai, car la grâce de Dieu suppléera à tout.
Allez vers le Bon Dieu pour vous offrir toute à Lui, lui dire tout ce que vous saurez de bien, puis ne vous inquiétez plus du reste.
Je voudrais bien que vous veniez à Paris, cela vous ferait à tous du bien et à nous ce serait une grande joie.
Adieu, bonne fille. Croyez-moi toujours en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, 19 Avril 1859 (nach Troussier 9. April 1859).
Bien cher Père,
Je n'ai que le temps de vous dire:
1· que j'ai reçu l'argent, Dieu vous le rende;
2· le P.Champion dit que dans le cas actuel il suffit que la place correspondante à l'autel soit libre de tout dormitoire;
3· vous voilà à l'amende! nous en avons bien ri;
4· demain on mettra à la poste les feuilles.
Tibi totus in Christo et osculo sancto.
EYMARD, S.
Paris, 13 Avril 1859.
Bien cher Père,
Je viens de voir Mr Koll, notre ancien menuisier, je lui ai fait la proposition d'aller à Marseille pour vos travaux, il m'avait demandé un jour de réflexion, il m'arrive en me disant qu'il accepte la proposition seulement aux conditions suivantes: 1· il se nourrira et accepte avec plaisir le logement et le coucher; 2· il préfère aller seul, 3· la condition essentielle c'est qu'il fera le travail à forfait, c'est-à-dire qu'il sera à ses pièces et non à la journée; je lui ai demandé sur quelles bases il établirait alors ses prix; il m'a répondu: "Sur les prix courants de Marseille; cela ne vous coûtera pas plus qu'à journées, m'a-t-il dit, et moi, je travaillerai davantage".
Voilà, bon Père, ses conditions; c'est un excellent ouvrier, habile, expéditif, il vaut peut-être mieux accepter ses conditions, c'est un homme d'honneur. Je lui ai dit de venir samedi ou dimanche et alors il pourrait partir lundi ou mardi, car il a besoin de quelques jours pour régler son travail ici, veuillez alors m'écrire de suite.
J'ai vu l'excellent Mr de Saint-Louvent et nous l'avons accueilli comme un ami, je crois qu'il aimerait un peu notre vie; il va passer un mois chez lui, nous le verrons au retour.
Le P. Eymar est toujours dans les mêmes intentions, il faut en faire le sacrifice. Dieu le remplacera; et, en attendant, nous paierons de notre personne. Il fait son paquet. Dieu soit béni! mais comme il est bon de nous éprouver un peu!
Votre joli ciboire sera fini le Mercredi Saint, et on vous m'expédiera de suite, il est de 299 pour 300 fr.
Soignez-vous: il reste encore un chemin long et pénible à parcourir, il faut des forces.
Tout marche à l'ordinaire. Amitiés au bon Père Brunello.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD, S. S. S.
Rue Nau N. 7, ancien couvent des Minimes.
Paris 15 avril 1859
Merci, chère fille, de vos reproches. Je les mérite bien un peu, car en passant devant la maison du bon et cher Mr. Tonny, je regardais bien si je voyais quelqu'un - ne pouvant que dire un bonjour de la main, - puis vous savez peut-être ce qui m'a arrêté à Lyon. C'est un cher malade, et à qui encore, je n'ai pu faire aucun bien.
Ce pauvre Lyon me faisait battre le coeur, je regardais de la voiture si je ne rencontrerais personne de ma connaissance, je n'ai rencontré qu'un jeune homme qui m'a bien regardé et ne m'a pas reconnu. Ainsi va la vie: on passe, on est vite oublié, c'est juste: Dieu seul est.
J'ai été heureux, ma bonne fille, à Rome, car là tout y est si grand, si Apostolique - la Religion est chez elle - J.C. est roi à Rome; aussi avec quelle dévotion visite-t-on ces lieux vénérés des siècles et si vénérables. Là, la foi sort de toutes les pierres, de tous les grains de sable arrosé du sang des martyrs. - En quittant la mère-patrie des catholiques, on se retourne cent fois pour revoir le dîme de S.Pierre et lui dire à revoir.
Le Saint Père a été si bon pour notre oeuvre et pour moi, il a voulu signer lui-même le bref et en me congédiant disait toujours: "Que Dieu bénisse votre Société ¯.
Oui, Dieu la bénira, car elle est à lui, de lui et toute pour lui.
Nous fondons en ce moment une maison d'adoration à Marseille, priez pour cette petite fille, si pauvre, et si faible, mais riche de N.S.
Que je suis content des paroles que vous m'écrivez de ce bon Père Mayet - son coeur est toujours grand et amical en Dieu - je le lui rends bien - car c'est le premier et le plus intime de mes amis.
Et vos bonnes et saintes Veuves ? dites-leur bien que si j'ai gardé un silence paresseux, je ne les ai pas oubliées devant le bon Dieu et que leurs larmes, comme leur vie, me sont toujours présentes devant N.S.
Et à ce bon Tonny! Et à sa chère et bien-aimée Clara et à toute la nombreuse famille - que Dieu leur donne la gloire, la vertu, la puissance de son amour, de sa droite et de son coeur et avec cela un million.
Adieu, bonne fille, ces demoiselles sont bénies de Dieu, elles ont été sous quelques croix, c'est une grande grâce - mais elles aiment bien le bon Dieu.
Croyez-moi toujours le fidèle et affectionné ami de la famille Mayet et, en N.S.
Tout à vous.
Eymard.
Mademoiselle Elisabeth Mayet
6 ou 8 Place S.Clair Lyon
Paris 15 avril 1859
Mademoiselle,
Je viens répondre à votre longue lettre du 13. - J'en garderai le secret et j'ai déchiré votre lettre. - Voici maintenant mon sentiment sur Soeur Benoîte, elle est humble, mortifiée, simple et ignorante de tout extraordinaire dans son état. - Ici on n'y fait même pas attention, de sorte qu'elle ignore ses grâces, si grâces il y a. - Elle nous édifie bien par sa conduite. - Je ne vois rien qui puisse me faire soupçonner de la supercherie de sa part. Elle m'avait dit ce que vous m'écrivez. - Ces jours-ci elle est venue me dire - Melle Jenny est souffrante, voudriez vous qu'elle vînt se reposer ici ? et je lui ai dit "bien volontiers".
Assurément il y a bien de l'extraordinaire dans sa voie, mais nous nous tenons bien en garde pour ne pas agir ou juger d'après cela, mais bien selon les règles de la prudence et de la foi. -
Maintenant, bonne Demoiselle, ce que soeur Benoîte a dit de vous est-ce vrai, je ne le sais pas. Seulement ce que je puis vous dire, c'est que si vous veniez ici, vous y seriez reçue comme l'enfant de la famille et peut-être bien heureuse, car c'est une bien belle vie.
Le peu d'attrait que vous en avez n'est peut-être qu'un sentiment naturel à cause de votre tante Marguerite que vous craignez peut-être un peu, et qui, cependant, est bien sage et aime bien le bon Dieu.
Ne pourriez-vous pas venir passer ici quelque temps pour votre santé et alors vous examineriez de près cette vie d'adoration ?
Cependant si vous n'éprouviez pas un mélange de désir et de crainte, de joie et de tristesse, mais si, au contraire, vous étiez toute découragée de cette pensée de venir, il vaudrait mieux attendre.
Voilà, bonne Demoiselle Jenny, ce que je puis vous dire. Je vais bien prier pour vous, comptez sur mon entier dévouement.
Et croyez-moi toujours en N.S., Bonne Demoiselle Jenny,
Tout à vous.
Eymard.
Paris, 16 Avril 1859.
BIEN CHERE FILLE EN N.-S.,
Je me reprochais mon silence, je commençais d'être inquiet sur vous; votre lettre m'a rassuré un peu et surtout l'annonce de votre précieux indult retrouvé. Déjà je m'occupais à chercher le moyen de le remplacer et j'avais trouvé; mais c'est inutile maintenant.
J'ai reçu dans le temps la jolie garniture d'autel que vous avez envoyée à Notre-Seigneur; merci pour lui et pour moi. Vraiment j'ai honte d'être un pauvre si ingrat et si négligent à remercier; heureusement que devant moi et au-dessus de moi est le divin Rémunérateur.
Je vous ai adressé quelques notices sur notre Oeuvre; j'aurais désir, que vous en fissiez part à Mr le Supérieur du grand séminaire.
Pour votre retraite, bien volontiers je vous recevrai ici à côté de nous dans une maison voisine, si cela vous arrange, et cela vaudrait mieux pour moi. Je pourrai vous voir plus facilement; seulement il ne faudra pas le dire, car je ne voudrais pas faire une oeuvre de retraites.
Pour l'époque, si vous pouviez venir vers le milieu de mai cela m'irait bien, car au mois de juin je serai trop occupé.
Nous fondons une maison à Marseille, et je serai obligé d'y aller passer quelques semaines vers la Fête-Dieu pour mettre tout en train. - Je vois bien, chère fille, que vous êtes toujours souffrante et faible. En cet état il faut faire comme les malades: souffrir pour Jésus et avec Jésus, redoubler vos affections jaculatoires, reprendre de suite l'examen de prévoyance le matin, l'examen particulier à midi (sur la patience) et l'examen du jour, le soir, une ou deux minutes à chaque examen, - l'état de malaise remplacera le reste.
Mais, bonne fille, vous voyez combien vous avez besoin de la sainte Communion: elle est toute votre vertu et votre vie. Communiez donc toujours.
Dans les tentations ordinaires on prie, dans les tentations extraordinaires on fait quelque pénitence, et si elles durent et résistent on va se confesser comme vous l'avez fait.
Allons, que Dieu vous amène à Paris, j'ai un grand désir de vous voir et que vous voyiez notre petite oeuvre du Saint Sacrement.
Croyez-moi toujours, en sa divine charité,
Tout à vous.
EYMARD.
P.-S. Ayez la bonté de faire chercher à Nantes l'acte de naissance et de baptême de la nommée Anne-Véronique Dupique. Elle se dit née et baptisée sur la paroisse Saint- Similien en 1822. Quand elle s'est mariée au sieur Dufour dont elle est veuve, elle croit qu'elle avait trente ou trente et un ans.
Elle est fille d'Antoine Dupique et de Marie Guichard; son parrain s'appelait Michel Girau et sa marraine Véronique Dupique, sa soeur. On a besoin de ces pièces pour la faire entrer dans une maison de secours, car elle est très pauvre.
Peut-être les noms sont-ils mal orthographiés, mais avec un peu de bonne volonté on finira par trouver.
Paris, 16 Avril 1859.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je me suis bien associé à votre joie de cette nomination. Vous me demandez ce que j'ai fait? Vous devez bien le pensez.
Maintenant pour ce monde, il vous faut encore un ruban rouge; puis une sainte et heureuse lignée du Bon Dieu. Eh bien! voilà ce qu'il faut demander encore.
J'ai vu Mme Nugues, j'ai été bien édifié et bien enchanté de cette digne soeur de Mr Giraud; nous avons renouvelé connaissance et vous en êtes un peu le centre. Elle m'a remis 50 fr.; ayez la bonté de me rappeler pour combien de messes: j'ai pris cette note, mais je n'ai pas le temps de la chercher.
Voilà la Semaine Sainte! C'est là que vous allez prier, adorer, vous consumer aux pieds de Notre-Seigneur.
Ah! mon Dieu, si au moins on pouvait faire mourir cette mauvaise nature! Est-il possible! Tous les jours je découvre des nids de défauts, de misères qui étaient bien cachés, et me voilà comme celui qui se croyait passable, pauvre, aveugle et misérable.
Priez pour moi, et vous me prouverez par là votre bonne charité.
Vous avez d- recevoir quelques-unes de nos notices. C'est bien petit, mais si le Bon Dieu bénit ce petit grain, il sera grand.
Adieu, je vous reste tout uni en N.-S.
Tout à vous.
EYMARD, S. S.
Paris, 17 Avril 1859.
Bien-aimé Père,
Ne vous inquiétez pas sur nous: à côté de l'épreuve, Dieu met sa grâce; c'est sur J. C. que nous devons fonder, et non sur les amis, les protecteurs, et sur aucune créature que ce soit. Dieu a voulu éprouver notre amour, et j'ose dire que tout ceux qui sont ici sont pleins de dévouement au service eucharistique de Bon Maître.
Mr Eymar est parti vendredi à une heure avec sa soeur et une demoiselle qu'il avait fait venir; il a été convenable dans son départ. Dieu a ses desseins: chacun a sa mission autour du T. S. Sacrement.
Le lendemain samedi, autre épreuve plus sensible. Mr Clavel reçoit une lettre qui lui annonce que son oncle de Montpellier est très malade, qu'il vient de prendre une attaque; alors ce bon confrère me dit: "Si nous étions plus nombreux, je vous demanderais à partir de suite pour aller voir mon oncle; mais le service de l'adoration en souffrirait, je reste. Si mon oncle est mort, c'est trop tard; s'il est malade, on me l'écrira; d'ailleurs il est entre les mains de Dieu, et moi, de l'obéissance.
Voyez cher ami, comme cela dédommage des épreuves!
J'ai vu Mr Koll aujourd'hui; il partira jeudi à deux heures après-midi et vous arrivera le vendredi soir avec ses outils. Je lui avancerai 200 fr. pour son voyage et ses premiers frais, et même 300, si je le puis.
J'arrive de l'adoration et je disais à N. Seigneur: "Je vais envoyer Mr Koll à votre Providence; c'est pour Vous qu'il va travailler; j'ai un billet de 500 fr. du P. de Cuers, je prendrai là-dessus les premiers frais; entendu!"
Voilà qu'en sortant, à deux heures, Mr Koll arrive et une dame au parloir de la part de la supérieure des Soeurs Aveugles, m'apportant en compte 300 fr.
Voyez, bon Père, comme notre Père qui est dans les Cieux aime son divin Fils et est content de ce que l'on désire faire pour lui!
Il est possible que Mr Koll vous conduise un brave jeune homme de seize ans, qui a fait sa cinquième, sage, pieux, je l'examine: je serai plus tranquille de vous savoir avec quelqu'un.
Le ciboire est très joli; Mr Koll vous le portera, et le reste.
Béni soit ce beau jour de Pâques qui nous a fait prendre possession de cette maison-ci, et que N. S. va ressusciter dans celle de Marseille; confiance et patience! cher confrère.
Notre bon Maître est notre caution et notre Roi.
Mille amitiés de tous.
Tout vôtre en J. C.
EYMARD.
Paris, 17 Avril 1859.
BIEN CHERE FILLE,
Votre première lettre m'a recommandé votre bonne soeur Marguerite; je le fais bien, mais le Bon Dieu le fait mieux que moi, car c'est vraiment miraculeux de voir qu'elle se porte bien et soutienne avec force le poids de tant de croix.
Votre seconde lettre me parle:
1· Des inquiétudes de vos confessions si brèves. Voici ma réponse, ma fille: Plus la confession est simple et brève, comme vous le dites, meilleure elle est; tant mieux qu'on vous fasse ce reproche! j'en bénis Dieu, soyez toujours ainsi. Ne vous inquiétez pas de ce que vous ne savez pas en dire bien long et bien détaillé, les enfants ont vite tout dit. - Bonne fille, soyez toujours enfant de simplicité.
2· Vous craignez pour vos communions parce que vous craignez n'en pas tirer profit. - Votre confesseur même vous avait un peu troublée là-dessus.
Voici, ma bonne fille, la règle à suivre:
Communiez tout de même avec simplicité, puisqu'il vous l'a dit; cette question était une épreuve ou une marque d'intérêt, et moi je vous dis encore: Communiez toujours, vous en avez besoin comme le pauvre, comme le malade, comme la fille de la croix.
Allez à la sainte Table avec votre pauvreté et vos misères, mais aussi avec confiance et amour; c'est la meilleure disposition que vous puissiez apporter.
Ne regardez plus, ma fille, vos progrès ni vos profits, mais vos besoins et le désir d'aimer le Bon Dieu.
3· Quelquefois vous vous ennuyez et vous avez peur de l'avenir avec toutes ces croix qui vous entourent et vous attendent. Ecoutez, ma fille: votre bon Père qui est dans les cieux, pour qui vous travaillez et souffrez, pour l'amour de qui vous avez tout sacrifié dans le monde, ne vous laissera pas; laissez-lui le soin de votre avenir et de vos vieux jours. Mais, dites-vous, je n'ai rien fait pour Dieu! Faites toujours, mettez sans compter dans votre tirelire; le Bon Dieu y mettra plus que vous et centuplera vos petits mérites.
4· Vous faites bien d'agir ainsi pour les affaires avec votre tante, c'est bon; pas de mal, continuez.
5· Dieu rendra à votre soeur Marguerite le bien et la bénédiction pour le mal qu'on dit d'elle.
6· Non, ma fille, vous ne serez pas seule quand vous aurez fermé les yeux à votre tante, vous viendrez ici vous reposer aux pieds du Bon Dieu; mais vous êtes encore nécessaire à Lyon.
7· Envoyez-nous votre chère soeur Claudine; voilà Pâques, c'est vous qui devez embarquer tout le monde; elle viendra vous préparer votre place.
Je voulais lui écrire, mais je n'ai pas le temps; vous serez ma parole et ma bénédiction.
Adieu, bonne fille, courage et confiance!
Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
Paris, 20 Avril 1859.
Bien cher Père,
Mr Koll ne peut partir que demain jeudi, par le train de onze heures du soir, ses affaires n'ayant pu être terminées plus tôt; il va seul, le jeune homme que je vous ai annoncé ne convient pas assez pour faire un pareil essai, les derniers renseignements que la divine Providence m'a ménagés, au moment même que je l'examinais, ont amené ce résultat qu'il était léger, peu pieux et paresseux. Vous comprenez que cela a suffi. Ne laissez pas entrevoir à Mr Koll qu'il peut se trouver sans travail, car je pense qu'il en aura à faire beaucoup pour nous.
Je lui ai fait observer les défauts de ses confessionnaux ici; ainsi, si je ne me trompe, il aura à faire: 1· deux autels, surtout celui de l'Exposition; 2· la boiserie orne comme celle du Bon Pasteur, comme fond, derrière l'autel; 3· la table de communion; 4· l'Exposition; 5· la crédence de la sacristie; 6· un rayonnement derrière l'Exposition; 7· des portes, etc.
Pour le bois, je pense qu'un fournisseur en fera l'avance, comme cela se fait toujours, à trois mois, et s'il le faut, on empruntera; car dans les choses nécessaires et essentielles au culte de N. S. J. C. il faut, après en avoir constaté la nécessité, aller de l'avant: c'est la condition essentielle de la fin de notre service et vous savez avec quelle bonté le Bon Maître nous a toujours traités.
Pour l'autel de l'Exposition, il me semble qu'il faut le faire de manière à ce qu'il soit susceptible d'augmentation de gradins et le faire en pyramides, comme le sont tous les autels de l'Exposition des XL heures à Rome; et pour cela il faut le Tabernacle ou le lieu de l'Exposition élevé; l'Exposition des Sacramentines de Rome est élevé au-dessus de quatre à cinq gradins, laissés avec une décoration ordinaire les jours ordinaires, et magnifiques les jours de fête; et comme nous pourrons conserver la Sainte Réserve dans la chapelle à côté, afin d'être selon la Règle, il faut en faire le Tabernacle convenable.
L'oncle de Mr Clavel est mort; on a d- l'enterrer hier mardi, qu'en adviendra-t-il? Nous ne le savons, Mr Clavel est toujours bien disposé, mais étant en partie héritier, il peut être obligé d'aller faire un voyage à Montpellier, le Bon Maître y pourvoira.
Nous ferons un petit tombeau au-dessous de la table de communion, à la place de l'orgue, afin de pouvoir célébrer Jeudi et Vendredi et adorer N. S.
Demain Mr Carrié recevra le saint habit et je pense lui faire faire le voeu annuel d'obéissance.
Nous prions bien pour vous.
La mère du Bon Pasteur vous envoie trois paires de bas. Mr Koll vous les portera avec le reste.
Ménagez votre petite force pour le Bon Maître et le grand jour de son Exposition dans ce nouveau Cénacle.
Nous sommes tous contents de pouvoir faire quelque chose de plus pour N.S.
Croyez-moi, bien-aimé Père, in caritate Xi,
Tout vôtre.
EYMARD, S. S. S.
Paris, 22 Avril 1859.
BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,
Je ne sais m'expliquer ce long silence envers vous, sinon en m'accusant de paresse et d'homme empressé à tout; votre charité voudra bien me le pardonner. Il n'en a pas été ainsi devant Notre-Seigneur; je n'ai cessé partout et toujours de vous offrir à notre bon et commun Maître, surtout en sachant que vous pensiez quitter cette terre d'exil, mais encore belle et aimable par le Calvaire et le Cénacle perpétuel de l'amour divin. J'ai bien prié le bon Maître de ne pas vous faire mourir encore, et il m'a exaucé; ainsi, aimer et souffrir encore, voilà ce qui vous reste pendant une longueur de chemin qui vous sépare encore de la montagne de la vision du Thabor éternel.
Mettez le feu divin, allumez-le; il s'éteint en beaucoup de coeurs. Aiguillonnez les timides et les lâches, poussez les chefs, et que Jésus-Christ règne au moins en Maître en quelque coeur et en quelques lieux.
Samedi Saint. - Votre dernière lettre à trouvé celle-ci commencée et non achevée; ainsi il m'arrive souvent de bien commencer et de ne rien finir.
J'en gémis bien devant le Bon Dieu et lui demande souvent de me faire mourir ou de me mettre dans un coin près du Tabernacle.
J'en viens vite à votre demande pour la retraite de Saint-Chamond. J'accepterais de tout mon coeur, mais je crains que ma sortie de chez les RR. PP. Maristes, leur voisinage au collège, la réserve que je dois mettre avec eux, l'impression peut-être pénible que cela fera sur le coeur du T. R. Père Général et la difficulté dans laquelle va se trouver Mr le Curé: voilà, bonne soeur, ce qui me fait vous proposer ces difficultés; veillez les examiner devant Dieu et m'en écrire ce que vous en pensez.
D'un autre côté, si Dieu ne nous envoyait pas du renfort, ce serait téméraire en ce moment de m'engager: quelques-uns de mes confrères sont fatigués et ne font pas de service aux pieds du bon Maître; d'autres doivent venir, mais il peut y avoir tant de difficultés sur le chemin que je n'ose rien dire pour l'époque. Si on me laisse un peu de latitude, je vous le promets; si la chose est fixée à ce temps que vous me marquez, le bon Maître me marque par là son adorable Volonté. Alors ne comptez pas sur moi pour Saint-Chamond.
Je dois aller à Marseille dans deux ou trois mois, mettre en action la fondation nouvelle que Notre-Seigneur nous y fait faire. Ma volonté arrêtée (en Dieu) était d'aller vous dire le salut du Seigneur en passant et vous donner une journée. - La question de la retraite d'Amplepuis étant dans la condition de celle de Saint-Chamond, je ne vous en dis rien: un sermon ou deux en passant à Tarare sont faisables.
Voilà, bonne soeur, ma réponse que vous allez recevoir le saint Jour de Pâques avec ma bénédiction en Jésus ressuscité, et ma prière et mes voeux que vous soyez toute ressuscitée, ne pensant, ne désirant, ne voulant, ne vous consumant plus que pour Jésus-Hostie. Tâchez de vous procurer le journal de la Voix de la vérité du Jeudi Saint; il y a un article sur notre Société qu'il ne m'appartient pas de qualifier.
Avec votre bonne soeur, nous parlions de votre cher Père comme adorateur; je vous assure que cela a été ma première pensée quand vous m'avez dit qu'il allait à la Grande Chartreuse. - J'irai voir votre frère artiste à Plaisance après Pâques; je l'ai promis à votre soeur; quel bonheur si je pouvais être utile à son âme!
Mes affectueux et dévoués souvenirs à vos chers enfants, à la bonne Mère Sainte-Claire. Je vous ai envoyé des notices à Tarare; vous les y trouverez.
Adieu, bonne soeur en N.-S.
Adieu; je vous bénis.
Tout à vous.
EYMARD, S. S.
Saint Jour de Pâques 1859.
CHERE FILLE EN JESUS-HOSTIE,
Que la paix de Jésus ressuscité habite toujours en vous!
Je ne vous ai rien dit des Indulgences et de l'Agrégation dans ma dernière lettre. Nous avons une Agrégation; je vous en soumettrai la forme et le fond sous peu.
Nous avons obtenu pour les Agrégés une indulgence plénière quotidienne, et pour ceux qui n'ont pas communié ce jour-là sept ans sept quarantaines; voilà nos richesses et notre bénédiction.
Si l'offre que j'ai faite pour Saint-Chamond souffre la moindre crainte, regardez, S.V.P., cela comme une expression de la sainte Volonté de Dieu contre.
Que Jésus vous bénisse, vous, vos chers enfants, votre mari, tous les vôtres.
Tout vôtre en J.-C.
EYMARD, S. S.
Bien cher Père,
Vous avez dû recevoir Mr Koll, et il est déjà sans doute à l'oeuvre: que Dieu lui donne la sagesse du travail!
Je sortirai demain mercredi pour votre lampe et l'encensoir.
Tout va bien, chacun se dévoue avec joie au service du Bon Maître. Le Carême a éprouvé, et non fatigué.
Mr Carrié a donc reçu solennellement le saint habit à la suite de la bénédiction, il a prononcé le voeu annuel d'obéissance.
Nous avons fait les grandes cérémonies de la Semaine-Sainte nous avons pour cela fait un tombeau à la place de l'orgue, cela a donné un peu de vie eucharistique à la maison. Le Samedi Saint, bénédiction du feu et du cierge pascal, puis messe. Le saint Jour de Pâques était resplendissant de lumières, d'ornements. L'Exposition de la mère du Bon Pasteur a fait bellement ses frais.
La fête continue ces deux jours.
J'ai bien remercié le Bon Maître d'aller vers vous le saint Jour de Pâques et d'y prendre hospitalité; qu'il vous bénisse et vous donne force, argent et joie.
J'ai vu ici Mme Chauvin, rue Paradis 83 et Mlle Liotard; toutes deux seront dévouées à l'Oeuvre, je n'en connais pas la mesure, Dieu le dira.
Rien encore de nouveau du côté des vocations, ce n'est pas encore l'heure, nous prions bien N. S. pour cela.
Point de nouvelles de Mr Eymar, sinon qu'hier nous avons reçu la visite de Mr Matton et il m'a dit que Mr Courtois avait demandé à un grand vicaire de Paris de permettre à Mr Eymar de faire son oeuvre du Sacré-Coeur à Paris et qu'on lui avait répondu qu'il y avait déjà assez d'oeuvres en souffrance.
Je ne craignais rien tant que cette démarche à l'archevêque. Que Dieu en soit béni!
Le service du Bon Maître se fait bien aussi; merci de vos offres de service, préparez le Cénacle là-bas, et à l'heure de Dieu nous irons.
Tout le monde vous aime, vous embrasse, prie pour vous ici.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD.
P. S. - 26 avril 1859 - Mme Spazzier, qui a passé son hiver à Hyères pour la peinture, me prie de vous prier de lui trouver une place de professeur de dessin au couvent des Sacramentines de Marseille; ce serait bon, si c'était possible.
Paris, 6 Mai 1859.
Bien cher Père,
1· Je suis un peu en retard avec vous; je viens le réparer. J'ai fait une petite absence à Lyon pour ce pauvre malade en danger de mort; hélas! cette pauvre et bien chère famille n'a pas encore la consolation de voir ce vieillard revenir à Dieu, il reste toujours dans son obstination.
2· Encore une petite croix. Mr Clavel est parti mercredi soir pour Montpellier emportant malle et effets; pense-t-il ne pas revenir? je ne le sais pas, je ne lui ai pas demandé; il a répondu au frère Charles: "A la volonté de Dieu"! et une autre fois, qu'il ne resterait pas longtemps absent.
Mr Carrié est devenu adorateur d'office, le Bon Maître a marqué clairement sa sainte volonté; tout marche bien, grâce à Dieu, et si quelqu'un manquait à l'appel, nous y mettrons le frère Charles: Dieu le voudrait.
Le bon Mr Carrié a décacheté lui-même une lettre qui lui annonçait hier, à 8 heures du matin, la mort de son pauvre frère. Sa douleur a été bien grande; il a fait cependant son adoration à midi, où il a trouvé force et résignation; tous ici lui ont témoigné une grande sympathie; votre lettre de ce matin lui a fait grand bien, il en avait besoin.
Quelle bonne nouvelle que celle de Rome! que le Bon Dieu est bon! oui mettons notre confiance en lui seul; sachons attendre et souffrir un peu, sans secours humains, avec le voile de la foi et de l'espérance; et Dieu viendra en son moment.
Avant-hier, j'avais eu une grande déception. Obligé le 15 Mai de rembourser Mr Pélissier de Toulon, la tante de Mr Barlazue cordonnier m'avait assuré cette somme et aux mêmes conditions, quand mercredi à deux heures, Mr Barlazue arrive et me dit que sa tante voulait une hypothèque légale sur notre maison. J'ai remercié alors et n'ai pas voulu d'un argent à une telle condition, me confiant en la divine Providence. Le lendemain, à la même heure, une Dame m'offrait cette somme; je l'ai acceptée en bénissant la divine Bonté, car elle l'avait apportée avec elle: ce n'est qu'un prêté il est vrai, mais à cette heure on ne trouve plus rien à emprunter.
5ø J'ai avancé à Mr Koll 200 fr. sur ce que nous lui devrons pour son travail; je n'ai point fait de prix, il m'a dit que ses prix seraient raisonnables et ne seraient pas plus élevés que ceux des ouvriers de Marseille, que d'ailleurs nous pourrions les faire examiner. Comme Mr Koll est un homme délicat et nous est dévoué, il vaut mieux lui donner cet acte de confiance.
6· J'ai écrit, il y a quelque temps, à Mlle Marin, je n'ai rien reçu.
7· Que Dieu soit béni de cette heureuse idée de la chapelle de N. D. du S. Sacrement! j'en suis tout heureux.
8· Je vois qu'à la fin cette petite maison sera bien convenable pour Notre Seigneur.
Tous sont très contents de votre plan; mais ce qui était bien nécessaire, c'était l'agrandissement ogival des fenêtres de la chapelle; j'y avais réfléchi toute la matinée, quand j'ai lu cette pensée réalisée.
9· Que la bonté de Dieu est grande! l'épreuve est suivie de suite de la consolation: l'arrivée de ce bon Prêtre de Rome sera, je l'espère, suivie des autres nécessaires; mais pour le moment, je ne puis rien promettre pour l'Ascension et la Pentecôte. Il faut attendre que quelqu'un vienne ici; ce sera là le signe de la volonté de Dieu. Voulez-vous que je vous envoie un billet de 100fr.? je crains que vous n'ayez pas seulement de quoi acheter du pain. Mlle Liotard est venue d'elle-même, ainsi que Mme Chauvin, mais est-ce de la part de Dieu?
Tout le monde vous embrasse in osculo sancto, bien cher Père.
Tout vôtre en N. S.
EYMARD, S. S. S.
Paris, 8. Mai 1859.
Bonne dame,
Mlle Claudine est arrivée à bon port, heureuse de rentrer dans le Cénacle de Notre-Seigneur; elle l'a bien gagné.
Moi aussi, je suis arrivé heureusement à Ars d'abord, où je suis arrivé à 1h.¬, étant parti de Lyon à 10 h 3/4.
Je suis reparti d'Ars vers les 5 heures, et de Villefranche à 8 heures du soir pour Paris et, en arrivant, j'ai dit la sainte Messe et sans migraine. Voyez comme le Bon Dieu a bien soin de ses pauvres serviteurs!
Je bénis Dieu de mon voyage, il a ses desseins et ses moments de miséricorde. Il faut donc prier et mettre en lui toute sa confiance.
Tenez, bonne fille, votre âme en paix et jouissez de cette paix et de cette confiance.
Allez au Bon Dieu comme l'enfant de son amour qui ne sait rien prévoir, rien dire, rien faire, rien achever sans lui; soyez contente de votre impuissance et de votre faiblesse qui vous rend le Bon Dieu si nécessaire et si bon.
Que Dieu vous bénisse et votre chère fille.
Tout à vous.
EYMARD.
Paris, le 11 Mai 1859.
Mon bien cher Père,
Je vous écris de chez Mr Favier, pour ne pas manquer le courrier.
1· Mr Picard vous enverra tous les bronzes que vous désirez; vous n'avez qu'à lui marquer ce que vous voulez.
2· Mr Favier ne peut donner le calice de la même forme que le ciboire qu'au prix de 330 à 340.
3· Pour l'ostensoir, le correspondant de Mr Rey a déjà fait la commande, cependant on verra comment on pourra s'en tirer.
Mr Favier est fort embarrassé, ayant déjà donné sa parole; l'ostensoir moyen-âge, qu'on propose, est d'environ 700 fr. Je proposerais d'y ajouter le monogramme IHS au-dessous du noeud, ce qui, dit Mr Favier, le rendrait très gracieux, car autrement il est trop nu; ce IHS serait en pierre sur argent doré, qu'en pensez-vous? ce qui pourrait aller le tout à 800 fr. environ.
4· Pour les ornements de forme gothique, êtes-vous sûr que Mgr l'Evêque les tolérera? car s'il venait à les exclure comme Mgr l'Archevêque de Lyon, on serait embarrassé: il faut bien s'assurer.
Je connais un facteur d'ornements à Lyon, habile et consciencieux, qui peut-être les ferait à meilleur marché. Je trouve dans les ornements soie et forme ordinaire une assez grande différence avec Paris; un mot là-dessus.
Je n'ai pas encore fait votre commission à la Rde Mère du Bon Pasteur: je n'ai pu sortir.
Le service Eucharistique va bien, très bien; chacun double sa garde avec joie et amour, jusqu'à ce que le Bon Maître envoie des soldats.
Rappelez-vous que, de tous les Israélites sortis de l'Egypte, deux seulement entrèrent dans la Terre promise; mais Dieu les bénit.
Ainsi en est-il arrivé; il faut du neuf et des hommes nouveaux. Depuis mon arrivée de Rome, notre retraite, nos voeux, rien n'est venu: temps de préparation par conséquent; ce qui est parti était du temps d'épreuve.
Je m'empresse de finir avant la levée du courrier, et de me dire
Tout vôtre en N. S.
EYMARD.
P. S. Espérons que Dieu nous enverra du monde pour que je puisse aller à Marseille, comme vous le désirez et le désire moi-même; si c'est le bon plaisir de Dieu.
Paris, 12 Mai 1859.
Cher ami,
Je vous ai fait un peu attendre ma réponse, excusez-moi, j'avais besoin de prier encore. Je reste dans les mêmes sentiments sur la mission de Mr Delarue, savoir: que pour moi, elle est obscure et me paraît dangereuse, à cause du merveilleux qui s'y mêle, d'une interprétation personnelle sans sanction, de l'élément laïque qui paraît en devoir être la base et la composition.
Mr Delarue, par ses explications, m'a prouvé qu'il était dans la bonne foi et avait une intention bien droite; mais cela prouve une belle âme, mais non une voie. Fénelon avait une belle âme. Je suis convaincu que beaucoup de quiétistes étaient dans la bonne foi, illusionnés par le beau côté de l'amour et les états d'oraison. La lettre que Mr Delarue m'a écrite, en dernier lieu, sur cette forme extraordinaire employée, comme moyen, pour vous faire mieux comprendre sa pensée et peut-être sa mission, - cette lettre, dis-je, m'a prouvé de nouveau sa bonne foi et sa simplicité; mais, assurément, quiconque lira ses notes pensera comme moi, et peut-être avec moins de bienveillance pour sa personne.
En résumé, cher ami, je ne veux plus me mêler ni m'entremêler dans cette chose. Vous me demandez mon conseil, le voici: abstenez-vous, et restez en paix dans la vie commune de la piété chrétienne.
Je vous reste bien uni et affectionné en N.-S.,
Cher ami.
EYMARD.
Puis-je me considérer comme entièrement libre envers Mr D., tant à l'égard de sa prétendue mission, que pour le soin de son avenir matériel?
Réponse. - Vous êtes entièrement libre de la première ainsi que pour l'avenir matériel. Le lien brisé, tout cesse.
Puis-je, en vue de mon repos intérieur, hâter le moment de son départ?
Réponse. - Ne brusquez rien; attendez l'occasion, elle viendra d'elle-même. Seulement, plus de discussion, ni de retour. Dites-vous: Ce n'est pas ma voie, ni ma voix de Dieu.
Si Mr Delarue persévère..., ne dois-je pas rompre tous rapports?
Réponse. - Non. Faites vos affaires de l'Eglise; n'ayez pas l'air de bouder, ni de les plaindre, mais seulement [faites voir] que ce n'est pas votre voie ni votre vocation.
Et si on fait des tentatives, ne les repoussez pas avec indignation ni mépris, mais avec calme, en disant: J'y ai renoncé, c'est fait et fini: à chacun sa grâce. votre calme et votre paix feront mieux que tout le reste.
Voilà, cher ami, ma réponse; je vous en prie, soyez sans trouble ni inquiétude. C'est une leçon et une grâce.
Adieu.
Tout vôtre.
EYMARD.
à Leudeville, près Marolles-en-Hurepoix
Paris, 14 Mai 1859.
MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,
Que Dieu soit béni de l'heureuse pensée et de l'acceptation pour le P.Germain à Saint-Chamond; cela pourra faire un double bien.
J'y serais allé avec plaisir si Dieu l'avait voulu en me le montrant possible.
Je vous conseille et vous prie d'agir comme si je ne devais pas aller vous voir, car Dieu vient de nous donner une petite parcelle de sa sainte et aimable Croix: ce qui me met comme dans l'impossibilité de prévoir une absence possible. Cependant on m'écrit de Marseille que ma présence sera un peu nécessaire; mais Dieu le sait.
En faisant des prévisions et des calculs humains je crois ne pouvoir aller chez vous que vers le mois de juillet.
Pauvre fille! clouée à la Croix, vous ne pouvez voir et recevoir la sainte et adorable Hostie, visiter votre Bien-Aimé, vous y faire même porter comme le paralytique; mais l'amour de la très sainte volonté de Jésus vaut mieux que tous les dons, tous les biens de notre volonté. Vous avez la communion d'amour, la présence et la grâce de Jésus; soyez donc un Tabernacle vivant, une colombe comme les premiers Tabernacles, une arche d'alliance avec l'or et les deux chérubins.
Que Jésus vous soit tout en tout et toujours.
Tout à vous en sa charité.
EYMARD, S. S. S.
Paris, 16 Mai 1859.
BONNE DAME,
J'accepte avec bien de la reconnaissance l'offre si dévouée de votre bon coeur. C'est pour le 31 mai que j'aurai besoin de cette somme de deux mille francs, et si vous pouviez y ajouter 300 francs, car je crains que cette somme qui doit nous rentrer ce mois reste arriérée, à cause des affaires languissantes. Je ne vous dis pas combien je suis touché de votre bonté; je le dis bien au Bon Dieu.
Je suis en sa divine charité,
Bonne dame,
Votre tout dévoué.
EYMARD.