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La Mure d'Isère, 20 Août 1853.
L.J.C.E.
Je suis bien désolé, ma chère fille, de la triste nouvelle que vous m'annoncez; et ce qui me désole le plus, c'est de ne pouvoir pas partir tout de suite pour Lyon. Je suis ici depuis deux jours et un peu fatigué du voyage de la Salette, j'espère cependant être à Lyon jeudi soir. Je prie le Bon Dieu de me faire la grâce de voir encore votre bonne mère, annoncez-lui ma visite.
Pour Mme..., j'aurais été bien content de la voir, je lui avais écrit du Laus que je ne serais à Lyon que vers les derniers jours du mois.
Ma soeur et Nanette vont bien; mais nous partageons bien votre peine; hélas! que de croix à la fois!
Adieu. Tout à vous en N.-S.
EYMARD.
P.S. Si vous voyez..., exprimez-lui mes regrets, et dites-lui que je lui écrirai si j'allais à Chalon.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Rue du Juge de Paix, 31, Fourvière,
Lyon (Rhône).
La Mure, le 24 Août 1853.
Je viens de recevoir, ma chère fille, votre lettre de faire part de la mort de votre bonne mère: quelle douleur pour moi de n'avoir pu la revoir, cette bonne mère! Je voulais partir le plus tôt possible, espérant la revoir, quand votre lettre est venue m'apprendre cette triste nouvelle. Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai dit la Sainte Messe pour elle, et que mes soeurs ont été bien douloureusement affectées de votre malheur. Dans quelques heures, je pars pour Grenoble. Je serai à Lyon vendredi soir ou samedi.
Adieu, mes chères filles, à bientôt.
EYMARD.
A Mademoiselle Guillot Marguerite,
Rue du Juge de Paix, 31, Fourvière,
Lyon (Rhône).
Chazey, 13 Septembre 1853.
MES CHERES SOEURS,
Je suis encore à Lyon. J'ai été un peu fatigué par une fausse fluxion de poitrine; maintenant je vais bien, même mieux qu'avant cette indisposition. Je suis venu passer quelques jours à la campagne chez un de nos amis: cela m'a bien reposé. Je vais partir pour Toulon jeudi, et c'est de là que je vous écrirai. J'ai vu les Dlles Guillot. Mlle Marguerite a été fatiguée par une névralgie à la suite de la mort de leur pauvre mère; elle va mieux. Je me suis bien occupé de la place du fils de Mr Chaix; on doit me rendre réponse ces jours-ci. Dans une maison sur laquelle je compte un peu, le maître est en voyage: c'est ce qui a retardé l'affaire. Si vous le voyez, veuillez lui dire que je lui écrirai bientôt.
Ménagez-vous bien et priez pour moi.
Tout à vous en J.-C.
Votre frère.
EYMARD.
La Seyne, le 18 Octobre 1853.
BIEN CHERES SOEURS,
Je commence enfin à avoir un peu de liberté; je commence par vous. On vous a exagéré la gravité de ma petite maladie à Lyon; j'en ai été vite remis, et cette indisposition était dans les desseins de Dieu, car j'avais besoin de rester encore à Lyon pour traiter une grande affaire pour ma maison, et tout a réussi à merveille; de sorte que j'ai même bien remercié le Bon Dieu de cette maladie.
En arrivant ici j'ai eu la retraite, puis la rentrée et la retraite de nos élèves; les jours étaient trop courts pour ce que j'avais à faire. J'ai une nombreuse famille: cent trente élèves, dix-huit maîtres, dix soeurs et six domestiques. Vous voyez par là comme j'ai besoin d'être un peu partout.
Ma santé est bonne. Nous avons eu bien beau temps, mais une triste saison: tout est bien cher; si au moins les hommes se convertissaient à la vue de ce fléau de Dieu! mais, hélas! il y a un grand aveuglement sur la terre: on ne connaît presque plus Dieu.
J'ai vu avec beaucoup de plaisir Mr Giraud; il est si bon! Nous avons bien causé de vous et du pays.
Allons, mes chères soeurs, priez bien pour moi, afin que je devienne un saint. Moi je prie toujours pour vous, afin qu'un jour nous soyons réunis au ciel.
Tout à vous.
Votre frère.
EYMARD,p. s. m.
Pensionnat de La Seyne
La Seyne 22 8bre 1853
Ma Bonne Demoiselle,
J'ai une occasion pour Lyon & je n'ai que 5 minutes pour vous envoyer ce petit mot avec la croix indulgenciée pour le chemin de croix, avec 5 pater & ave & la Bonne mort dans une grande lettre je vous expliquerai toutes les indulgences.
Je recevrai volontiers Melle Aurrun dont vous me parlez dans votre lettre recommandée par vous & Mme Ste Eudoxie cela suffit.
Merci de votre bonne lettre, je commençais à me plaindre de la poste de Lyon.
Je vais assez bien. Je voudrais que votre santé fut /sic/ aussi bonne que la mienne - Soignez-vous bien.- Moi aussi je prie beaucoup & toujours pour vous, car votre âme m'est aussi chère que la mienne.
Adieu, à bientôt les 5 minutes s'en vont, on part
Tout à vous en N. Seig.
Eymard.
P.S. J'ai vu Mme Spazier elle ne va pas mal...
La Seyne-sur-Mer, 28 Octobre 1853.
Tout pour Jésus, par Marie.
Je viens enfin, ma chère fille, vous donner signe de vie; après quelques jours d'une bonne névralgie en arrivant, j'ai pu me remettre à l'ouvrage. Heureusement, j'avais fait une petite retraite à N.D. du Laus. Ici, comme à Lyon, je l'ai faite sur mon lit, que Dieu soit béni et remercié de tout!
Nous avons cette année beaucoup plus de pensionnaires que l'an passé: cent quatre, et vingt-quatre externes. Nous avons bien besoin que le Bon Dieu fasse tout. J'ai bien besoin de prières, car je n'ai que le temps d'être pris et repris. Si le Bon Dieu veut que je le serve par l'abnégation, oh! je le veux de tout mon coeur.
J'ai bien remercié Dieu de votre mieux. Il faut, ma chère fille, servir Dieu comme il le veut, malade en souffrant, demi-malade en souffrant et en agissant selon ses forces.
Je vous désire un peu plus de santé, afin de glorifier Dieu par le zèle de sa gloire, et par la charité pour le salut des autres.
Soyez tranquille sur la communication de votre peine de conscience... je sais trop combien... il s'agit...(deux lignes effacées). encore une fois, n'y pensez plus, ainsi que moi. Je sais... que Dieu soit toujours avec... Maintenant, ma chère fille, remettez-vous entre les mains de votre Père qui est dans les Cieux et à sa grâce toujours paternelle. Gardez dans votre âme la reconnaissance pour le bien (fait) par les serviteurs de Dieu, mais ne vous laissez pas troubler par la privation. Jésus ne vous laissera pas. Il est votre Epoux divin, il a nourri par un oiseau son serviteur dans le désert, il vous enverra plutôt un ange que de vous abandonner. Confiez-vous bien à ce bon Maître pour tout. Vous savez ce que je vous ai été, j'ai toujours pour votre âme le même dévouement, et prie toujours pour vous.
Acceptez tout ce qu'on vous imposera pour le T.O. et cela pour l'amour de Jésus et de Marie.
Mes souvenirs bien affectueux à toute la maison de Nazareth.
Tout à vous en J.M.
EYMARD.
P.S. ...(trois lignes effacées)....................
..............................................
Allez à Mr Huguet et des premières. Embrassez la croix de Notre Bon Maître, souffrez pour ce cher T.O. J'ai grande confiance que Marie le bénira plus abondamment.
Tout pour Jésus par Marie.
28 Octobre 1853.
Il y a bien longtemps, ma chère fille, que je n'ai point reçu de vos nouvelles. Etes-vous malade? Avez-vous eu des malades? Une lettre que j'ai reçue du P. Champion me dit que vous êtes à Lyon et je me hâte de vous y trouver.
Je ne réponds pas à votre dernière et vieille lettre, c'est trop tard; je pensais, je comptais y répondre de vive voix à Lyon, puis le Bon Dieu ne l'a pas voulu. Ce qui me consolait un peu, c'était de savoir le P. Champion à Lyon, et comme je connais sa charité et sa prudence, il pouvait vous être bien utile. C'est une peine pour moi de penser que vous ne le trouverez plus à Lyon. Si vous avez besoin de moi, vous savez tout le désir que j'ai d'être utile à votre âme.
Vous voyez, ma chère fille, ce que c'est que de servir Dieu en cette vie d'exil. Dieu est toujours et ses créatures passent en nous faisant du bien ou du mal, mais elles passent comme le nuage, comme la goutte d'eau du ruisseau ou du torrent.
Soyons toujours avec Dieu qui ne passe pas, qui est toujours dans sa sainteté et dans sa bonté.
Soyez toujours la fille de la Providence et de la grâce. Priez pour moi et croyez-moi toujours.
Tout à vous en Jésus et Marie.
EYMARD.
28 Octobre 1853.
MA CHERE FILLE,
Je ne voulais pas vous écrire par un autre, et voilà que je vous fais attendre ma réponse. Je m'en veux bien. Faites comme ceci: fixez-moi le jour que vous attendez ma réponse, et vous verrez que je serai exact.
J'en viens peut-être trop tard à votre demande.
Voici mon avis sur vos chers enfants. C'est de ne pas les envoyer au catéchisme public de la paroisse, de les garder auprès de vous, de leur faire vous-même le catéchisme. Ma raison, la voici: Il vaut mieux conserver la simplicité de la piété que de les exposer au scandale dans un âge si tendre.
Puis la dissipation, le laisser-aller des catéchismes de certaines paroisses sont d'un grand danger pour la piété. Je vous conseillerais aussi de leur faire faire leur première Communion dans une maison religieuse: il y a plus de garanties et de préparation.
Comme aussi priez bien pour connaître la pension la plus morale. On m'a dit beaucoup de bien de celle de Montgré, près Villefranche; mais d'ici là nous en causerons. Si je n'étais pas si loin, je les prendrais bien avec moi et j'en aurais le soin d'une mère.
J'attends avec plaisir votre petit travail sur Jésus souffrant et eucharistique. Priez toujours pour la grande oeuvre dont je vous ai parlé; le capitaine de frégate dont le Bon Dieu s'est servi pour cette belle pensée va entrer cette année dans les Ordres sacrés.
Je connais bon nombre de grandes âmes qui appellent de tous leurs voeux l'Ordre du Très Saint Sacrement, surtout Mr Dupont de Tours, si connu par sa dévotion à la Sainte Face et par son zèle pour répandre partout l'Adoration perpétuelle.
Ma santé va bien: je voudrais vivre pour servir Jésus et le faire aimer; je voudrais mourir pour ne plus l'offenser.
Adieu, bonne fille; que Notre-Seigneur vous comble de ses grâces, vous, votre bon mari, vos enfants, vos parents.
Tout à vous en Jésus et Marie.
EYMARD.
P.-S. Le Père Chambrost vous remercie de votre bon souvenir.
28 1853.
Vous devez murmurer un peu contre moi, ma chère fille; vous auriez bien un peu raison. Cependant, j'ai bien un peu droit à l'indulgence, on excuse un malade.
J'aurais désiré vous voir à Lyon pour voir où vous en êtes avec Dieu et avec vous; pour vous dire de bien aimer le Bon Dieu et de le servir toujours en votre simplicité et pauvreté de coeur, mais aussi dans une grande confiance et abandon en sa divine bonté.
Soyez heureuse, joyeuse d'être à Jésus, le meilleur des pères et le Roi des coeurs et l'Epoux des âmes.
Priez pour moi.
Tout à vous en Jésus et Marie.
EYMARD.
Le 28 octobre 1853
Tout pour Jésus
Excusez-moi, ma chère fille, si je ne vous ai pas encore renvoyé votre cahier; la dame qui l'avait en sa possession s'est trouvée en voyage au départ du P.Reculon; cela m'a fait de la peine. Je vous l'enverrai dès que je pourrai et par une voie sûre.
Merci, ma bonne fille, de votre bon souvenir, ma santé va assez bien. Je me lève à quatre heures, donc je vais bien, puis le Bon Dieu me donne une si grande famille que je n'ai guère le temps de penser aux petites misères de la vie.
Oui, oui, je veux du bien à votre chère âme, je lui veux tout le bien de Dieu, puisqu'elle est toute à Dieu.
Ayez toujours bonne confiance, à force de ramer, on arrive toujours au port; mais N.S. a dit une parole bien bonne: "Vous gémirez et pleurerez alors que le monde se réjouira; mais ayez confiance, un jour votre tristesse se changera en joie".
On m'a dit qu'on allait donner un sous-directeur au T.O., essayez d'aller à lui, on le dit très intérieur! c'est celui qui a fait le mois de Marie des âmes intérieures.
J'ai dit un mot de vous au P. Fa....- mais voilà le temps des missions.
Communiez, ma fille, communiez; la religion de l'amour, c'est la Communion, la vie de l'amour, c'est la Communion. - Pauvre et faible, vous avez besoin du Dieu fort. Seule et solitaire, vous avez besoin de Jésus dans le Palais de son amour.
Allons, du courage, vous voilà déjà un peu vieille (et j'en ris) vous avez déjà passé la moitié du désert rocailleux de l'Arabie; encore un peu de courage et le Jourdain ouvrira son passage à la terre promise.
Adieu, ma fille. Tout à vous en Jésus et Marie
Eyd.
La Seyne, 19 Novembre 1853.
T.P.D.S.
J'ai reçu toutes vos bonnes lettres, ma chère fille, et les ai lues avec plaisir. Soyez bien persuadée que vos lettres ne sont pas trop longues, et qu'elles sont les premières lues et bénies. Vous êtes ma dernière et première à Lyon, ainsi que votre chère famille. J'attends toujours un long moment pour vous écrire, et jamais il n'arrive; je suis tellement pris et repris que je ne vis jamais avec moi, mais vos lettres m'apportent un petit moment de distraction et de repos. Je me retrouve à Lyon, et je converse un peu de Dieu et de votre âme; ici, il faut toujours n'entendre et ne parler que des choses de ce monde, et souvent bien pénibles. Hélas! quelle triste vie! mais le Bon Dieu le veut ainsi, qu'il en soit béni!
Pour ma santé, je ne sais trop comment elle se porte; un jour bien, le lendemain moins bien; qu'importe que la machine s'use, pourvu qu'on arrive au port! Je commence à penser un peu mieux à la mort, j'ai peur ici de tout perdre, alors je dis souvent au Bon Dieu: j'aime mieux mourir plutôt que de pas vous aimer.
Priez pour moi afin que je ne me perde pas au milieu de tout ce monde vaniteux et si humain.
Vous avez été empoisonnées, est-il possible! Ah! il ne manquerait plus que cela à ma croix! mais aussi que vous êtes enfants toutes de ne pas savoir cela! Allons! soyez un peu plus sages.
Je bénis le Bon Dieu de vous avoir donné le P. Favre. C'est un Père bien intérieur, bien simple et bien éclairé, c'est la plus grande grâce que la Sainte Vierge pouvait accorder à son T.O. J'en suis heureux. Quand le Bon Dieu vous donnera l'occasion de le voir, voyez-le, et parlez-lui comme à moi du T.O.... A présent, je suis content, je vois que le P. Supérieur Général s'occupe du T.O.
Toutes les misères de Mr Huguet ne sont rien, la Sainte Vierge se sert de tout pour arriver à sa fin. Ne vous tourmentez pas de cette petite humiliation, c'est le fumier de l'arbre; puis il faut bien payer un peu vos dettes à votre voeu, et le Bon Dieu vous offre ainsi quelques gains précieux à faire.
Vous souffrez donc toujours de vos épreuves! hélas, que nous donnons de la peine au Bon Dieu pour nous ôter ce qui gêne sa grâce, ce qui empêche le règne de son amour en nous! laissez-le bien faire! Quand même le couteau du sacrifice va bien profond, c'est pour avoir plus tôt fait mourir cette misérable naturette.
Allons! adieu, j'écrirai plus tard à Mlle Claudine.
Je vous bénis en Notre-Seigneur.
Tout à vous.
EYD.
La Seyne, 1er Décembre 1853.
V. J. et M.
Votre lettre, ma chère fille, m'a tant fait plaisir que je l'ai portée toujours sur moi et j'en bénis Dieu. Si je ne vous ai pas écrit de suite, c'est que nous avons eu beaucoup d'embarras, beaucoup de malades et un pauvre enfant qui est mort; mais aussi, vous avez ma première lettre et mon premier moment. C'est juste; vous êtes ma fille aînée.
Vous voilà donc sur la croix que je vous ai désirée et à laquelle j'ai un peu travaillé! Je ne sais pas si je dois vous plaindre et vous consoler. D'un côté, j'y vois tant d'occasions d'humilité, la servante commandant aux maîtresses; de patience, supportant tant de petites misères de la part de cette famille encore si jeune; d'abnégation, de sacrifices, puis aussi de zèle pour les âmes, que je vous bénis et vous aime en cette charge. D'un autre côté, je vois la nature qui se révolte, le coeur qui souffre, l'amour de la solitude et de l'oubli qui réclame, la famille qui a peur. Oh! bien! il faudra dire à tout cela: je n'ai rien fait, rien voulu, rien désiré, sinon le contraire, Dieu m'a prise, il faut bien marcher à sa suite.
C'est bien sûr que je vous aiderai de toute mon âme en vos peines et perplexités, car à présent votre âme m'est doublement chère. Allez chez le P. Huguet, je crois que c'est encore le meilleur parti à prendre, il y aura double fruit. Mais surtout, comptez beaucoup sur Dieu, tout sur Dieu, sur la protection de notre bonne et aimable Mère. Soyez sa fille, soyez un peu comme la soeur Benoîte, la fille toute simple et toute pauvre de la Bonne Mère.
J'attends encore la lettre de ... et je ferai ainsi que vous le désirez.
Mes affectueux souvenirs (si vous le jugez bon) à toute la famille de Nazareth, et croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,
Tout à vous.
EYMARD.
P.S. Ma santé se soutient; seulement, ma pauvre âme est comme les pauvres qui ne mangent pas assez.
Pensionnat de La Seyne
1 Xbre 1853
eh bien, /sic/ ma chère & Bonne fille! que devez vous penser de moi! & cependant j'ai lu avec tant de plaisir votre chère lettre! & je la relis encore, parce qu'elle me remet à Lyon - écrivez m'en beaucoup & à plume volante; il me semble vous voir & vous entendre, & vous répondre, c'est un beau moment pour moi. - Mais voici le reproche! eh puis vous m'oubliez! oh non! jamais, impossible! Seulement j'ai eu tant de misères, tant de malades à veiller la nuit, & un mort. Enfin que Dieu soit béni de tout; mais la nature crie quelquefois.
Je n'ai guère le temps de l'écouter.
Vous avez dû recevoir votre croix indulgenciée pour le chemin de croix & pour la bonne mort.
Pour gagner les indulgences du chemin de croix il faut: 1o être empêché physiquement ou moralement d'aller le faire à l'Eglise, votre éloignement de votre église suffit pour vous donner le droit. 2o faire le chemin de croix ordinaire ou bien réciter une fois 5 pater & 5 ave en l'honneur des cinq plaies de N. S. devant la croix ou en la tenant dans la main. 3o dans le cas de maladie grave.. trois actes d'amour de Dieu seulement on peut faire gagner les mêmes indulgences à toute personne qui le fait avec celle qui a une croix, & est dans les conditions voulues.-
On peut léguer sa croix après sa mort avec les indulgences.
Pour l'Indulgence plénière de la bonne mort elle est personnelle, il suffit de baiser la croix en prononçant dévotement de bouche ou de coeur, les SS. noms de Jésus & de Marie.
Il y a aussi sur la croix les indulgences apostoliques.-
Vous voilà donc S. Rectrice & maîtresse des novices, que Dieu en soit glorifié & vous ma bonne fille, bénie! Je suis content de vous, cette croix pèsera gros dans la balance de la divine miséricorde, & c'est le P. Eymard qui vous a valu cette croix voyez comme le Bon Dieu est bon! & comme il vous déjà un peu crucifiée avec lui, il y a quelques années, vous ne vouliez pas de ce calice, il est un peu dur à la nature, mais confiance, c'est la mais maternelle de Marie qui le porte & vous l'offre, ce sera votre beau titre de confiance à la mort.
J'ai vu Mme Spazier, elle va assez bien, - elle a souffert de ses dents.
Ces pays-ci sont beaux, mais la misère est grande, - hélas! Dieu ne doit pas être content de nous, il est mal servi! Donnez-moi des nouvelles de votre santé de votre entourage, de tout. Moi je vais assez bien, j'ai beaucoup à faire, le Bon Dieu fait tout.
Adieu, ma bonne fille, croyez-moi toujours en
Notre Seigneur,
Tout à vous
Eymard
La Seyne-sur-Mer, 17 Janvier 1854.
MES BIEN CHERES SOEURS,
Je suis toujours paresseux; vous m'excuserez bien dans votre charité. Le mois de décembre et celui de janvier sont des mois où nous sommes très occupés à cause des examens, des recettes et des comptes.
Je commence à avoir quelques moments libres et j'en profite pour vous écrire; je n'ai presque écrit à personne.
Je vais bien; ma santé semble se fortifier; je suis déjà vieux: 43 ans.
Je suis toujours bien content. Nous avons 135 enfants; nos élèves sont bien sages: nous tâchons d'en faire de bons chrétiens.
Je vous ai souhaité une bien bonne et heureuse année en Notre-Seigneur. Pour le jour de l'an, si vous n'aviez été si loin, je vous aurais envoyé vos étrennes. Vous savez que ma seconde Messe de minuit est toujours pour vous deux, et c'est un grand bonheur pour moi de vous placer autour de la crèche du divin Enfant et le prier de vous bénir. Il en est de même du jour de l'an, et ma première prière est celle que vous m'avez apprise étant encore enfant.
Que Notre-Seigneur vous donne donc une bonne année, mes chères soeurs, une augmentation de grâces, son saint amour encore plus grand, l'esprit et les vertus de notre bonne Mère!
Pensons toujours que notre vie s'écoule et nous rapproche du ciel; regardons-nous comme étrangers et exilés sur la terre.
Ne vous laissez pas effrayer par toutes les fausses nouvelles: les enfants de Jésus et de Marie n'ont rien à redouter. J'ai été bien content de la lettre que vous m'avez écrite, je sais bien vous lire.
Je suis heureux de cette oeuvre de charité à laquelle vous prenez part: cette année est si triste pour les pauvres!
Allons! bon courage, mes chères soeurs; un jour nous serons réunis éternellement au ciel. Priez bien pour moi.
Votre frère.
EYMARD, p. m.
Pensionnat de La Seyne, 17 janvier 54
Ma chère Soeur en N. Seigneur,
Je ne savais presque plus que penser de ce rigoureux & long silence.- Je croyais à une grande maladie, - heureusement ce n'est qu'un grand embarras de petites & saintes occupations. Je vous en suis donc bien reconnaissant, ainsi que des voeux que votre bon coeur a fait & faits /sic/ encore pour moi Vous pensez bien que je vous les rendais si non au même moment de minuit, au moins de bon matin - Vous savez que votre âme m'est chère à bien des titres, aussi lui désirais-je tout le bien que je veux pour mon âme.
Oui, ma chère fille, bonne année.- que la grâce divine la remplisse, que la confiance soit votre vertu, que l'amour divin soit votre vie; encore un peu de temps & nous aurons le bonheur de voir Dieu & de l'aimer parfaitement. Vous êtes déjà à moitié dans l'éternité par les souvenirs d'espérance de votre chère famille. - Oui, je n'oublie pas l'âme de votre cher frère, mon cher fils en Notre Seigneur, je fais la neuvaine que vous me demandez dans votre lettre, pour ne pas vous déranger veuillez en donner la trop large somme, à Melle Guillot qui en a déjà quelques unes à me faire passer & dont je veux laisser le montant à Lyon (si cependant vous y voyez un inconvénient, laissez la choses)
au détail
1· Je suis si heureux d'apprendre que vous travaillez plus activement pour le T.O. que je prie doublement pour vous; restez bien à cette charge, vous y trouverez l'occasion de plusieurs grandes vertus, & Notre Bonne Mère, vous recevra avec plus de bonté.- Se sauver par les autres, est une maxime apostolique.-
Les antipathies ne sont rien quand la volonté agit par l'esprit de la charité c'est une petite misère qui se fait payer par un sacrifice plus grand.
2· J'ai ri de votre aventure du P. Teraillon
29 janv. Je reprends ma pauvre lettre ma bien chère fille, & je vais continuer sur la vôtre - J'ai ri de votre jolie aventure avec le Père, tout-à-l'heure, vous aurez plus de directeurs que vous ne voudrez; dans cette question, voici mon sentiment, vous n'avez guère besoin de directeur, mais de casuiste, alors vous pouvez aller au plus libre, le Père Ter. entrera plus dans le détails & vous donnera plus de temps. Le P. Colin est peut-être plus intérieur mais s'il est trop occupé, on est ennuyé de ne pouvoir dire toute sa pensée. Merci de votre image des Cinque plaies; je connais beaucoup Mr Dupont, c'est un saint homme & j'ai grande confiance en ses prières. Je prierai bien aussi pour la mère des Cinq plaies, pauvre Soeur! elle a bien des embarras, mais seule que faire? elle n'a pas une tête assez forte pour cela.
Votre séance de prestidigitation aurait été très bien si vous n'y aviez pas pensé après la science de l'équilibre n'est pas dangereuse ce n'est pas un tournoi, soyez bien tranquille là dessus & sur d'autres choses semblables.
3· Soyez bien vigilantes & tranchante sur les inquiétudes & les troubles qui vous viennent après une chose faite. C'est une ruse du démon, & quelquefois de l'amour propre. - l'humilité en général, la confiance en particulier, le mépris du démon, la patience pour vous-même & tout ira bien.
Voilà mon papier qui s'en va, & ma plume & ce qui l'inspire s'en plaint, mais vous savez combien je vous veux de bénédictions & de grâces.
Tout vôtre en Jésus
Eymard
(En marge de la 1re page) J'ai vu il y a quelques jours Mme Spazier elle va assez bien & travaille, elle languit de vos nouvelles - priez pour moi. Je suis toujours le même, heureux si j'aimais bien Notre Seigneur!
AU R.P.HUGUET.
La Seyne 29 janvier 1854
Je suis bien en retard pour vous remercier de vos deux pieux ouvrages et qui m'ont fait le plus grand plaisir. Je ne sais comment j'ai tant tardé, veuillez m'excuser dans votre charité. Je voulais vous écrire par le T.R.P. Favre, le temps me manque; depuis plus d'un mois je suis absorbé à n'avoir que le temps de dire mon bréviaire.
Vous voilà donc, bien cher Père, chargé du Tiers-Ordre de Marie. J'en bénis Dieu et notre bonne Mère, car vous pouvez lui faire beaucoup de bien, N.S. vous ayant donné la grâce des études ascétiques. Je vous félicite bien d'une si belle mission, il vaut mieux perfectionner que bâtir, que convertir; quelle gloire ne rend pas à Dieu une âme d'oraison, une piété bien intérieure!
Assurément celui qui a formé sainte Thérèse ou sainte Chantal a plus fait qu'un missionnaire qui aurait converti tout un pays.
Voilà le grand caractère du T.O. de Marie, de former des âmes intérieures, des âmes d'oraison, su le modèle de la vie simple et cachée de Marie à Nazareth; c'est d'ailleurs l'esprit de notre chère Société sur lequel on a essayé de fonder, c'est l'écoulement de la grâce de notre vocation mariste. Et Dieu sait quelle paix, quelle générosité ce esprit a produit dans les véritables Tierçaires!
J'ai été heureux moi-même d'admirer cette grâce en ces bonnes âmes, plus heureux de les soutenir dans cette sainte vocation. Je suis convaincu que leurs prières ont fait beaucoup de bien à la Société Mère. C'est le rameau du tronc, se glissant dans le monde et y portant partout l'esprit de Marie.
Mais vous le savez, la vie intérieure a ses phases, ses combats, ses difficultés. On marche toujours dans l'obscurité de la grâce mystérieuse de l'oraison; l'âme a besoin d'être guidée, d'être suivie, sous peine de tomber dans le découragement, ou dans une vertu stérile; plus une âme se dégage d'elle même, se crucifie au monde avec Jésus-Christ notre bon Sauveur, plus elle a besoin de secours, d'une voix qui lui dit: Courage. Avancez, ayez confiance. Voilà la belle et délicate mission du directeur; c'est la votre, cher confrère; aimez-la par dessus les autres, puisque la Sainte Obéissance vous l'a confiée. Vous serez si heureux au jour dernier, d'avoir à présenter à la Reine du Ciel les soins que vous avez eus pour sa sainte famille.
Il faut faire sonner bien haut ce beau titre de Tierçaire, de religieux dans le monde sous l'étendard de Marie, le T.O. n'est pas une confrèrie, il est plus que cela: il est le légitime enfant de la Sainte Eglise et de la Société: et ce mot-là a un grand écho dans les coeurs, c'est le mot d'ordre pour le sacrifice.
Le T.R.P. Favre m'a appris l'excellent conseil des demoiselles. J'en bénis Dieu. Il est digne de votre confiance. Vous pouvez avoir toute confiance en Melle G. rectrice, elle est d'une discrétion à toute épreuve, d'une charité que j'ai souvent admirées. Vous trouverez dans Melle de R. une personne toute dévouée et surtout bonne Tierçaire.
Je ne vous dis pas de me recommander aux prières du T.O. Non, que l'on m'oublie, pour ne vivre que pour le T.O. Mais ce à quoi je tiens, c'est que vous me donniez une petite part à vos prières et que vous me croyiez toujours en N.S., cher confrère,
Votre tout affectionné
Eymard
La Seyne, 29 Janvier 1854.
J'ai reçu votre chère lettre, ma bonne fille, que Dieu vous en récompense. J'aime ce laisser-aller, cette sainte liberté d'une petite fille envers son Père. Pour preuve de ma bonne volonté, j'ai écrit de suite à Mr Huguet, j'étais embarrassé pour le faire, je craignais qu'à Lyon on trouvât que je voulais encore faire le directeur; et comme on me l'avait défendu, je voulais être un mort. Si je n'ai pas parlé au T.O. au P. Favre, je l'ai fait exprès; lui-même ne m'en parlant pas, je ne voulais pas commencer. J'avais ce que je désirais: votre conseil, un bon directeur, mon âme était tranquille.
Je l'ai encouragé, ce bon Père; et de fait, est-il une plus belle mission que de former des âmes intérieures! quel beau temps que celui où j'étais chargé de cette belle famille de Marie! j'y pense toujours avec bonheur, et tous les jours j'appelle les bénédictions de Dieu sur elle et surtout sur vous, ma chère fille, Marie sera avec vous, soyez toute pour elle: être la servante de sa famille, c'est tout ce que vous pouvez avoir de plus glorieux et de plus parfait. Ainsi donc, courage et confiance. Quand vous rencontrerez quelques difficultés, quelques obstacles, redoublez de confiance, Marie veut faire un grand coup. Quand vous êtes humiliée, soyez heureuse, l'arbre fleurira. Pauvre T.O.! je l'aime toujours, et je regrette d'avoir si peu et si mal fait pour lui. Soyez tranquille! le T.O. aura son jour. J'ai écrit à Mlle de Revel de vous remettre 20 fr. de Messes qu'elle m'a recommandées, lui disant que vous en aviez quelques-unes pour moi. Je n'ai pas encore écrit à Mme G., je le ferai bientôt.
Il paraît que le P. Champion va bien, j'ai reçu une lettre de lui.
Je n'ai rien de nouveau, sinon que le Bon Dieu nous donne beaucoup de travail, mais il fait tout, et nous n'avons pas grand-peine de tenir le timon du petit vaisseau. Ma santé se soutient, vraiment, je ne sais comment; mon âme a bien besoin de Dieu, car tant de vie extérieure la fatigue, mais j'abandonne le tout à sa divine bonté et à sa sainte Providence.
J'en viens à votre lettre du 27 décembre. Merci de vos bons souhaits de tous, je vous les ai bien rendus aux pieds de Jésus et de Marie, et vous savez ce que j'ai demandé: A vous, l'amour du martyre de la divine charité; à Mlle Mariette, la confiance; à Mlle Claudine, l'amour de Jésus caché; à Mlle Jenny, l'abandon filial entre les mains de Dieu; à Mr Gaudioz, la bénédiction de St Joseph et son esprit au milieu de ses affaires; à Mme Gaudioz, l'amour du sacrifice et la paix de l'âme; aux deux petites, la piété: voilà mes voeux, que Dieu les ratifie! Merci de mes billets, ils me sont bien précieux. La Messe pour vos chers Parents est mon étrenne, aussi, laissez-m'en le mérite.
J'en viens à votre direction.
I· Faire marcher votre T.O. à tout prix, et pour cela, servez-vous des hommes qui peuvent lui être utiles, selon la mesure de leurs grâces. D'après ce principe, on fait un peu comme St Paul, on prêche à temps et à contretemps.
2· Pour bien faire marcher son oeuvre, il faut être un peu à tout, faire un peu tout, sans en avoir l'air, tout en poussant les autres à tout faire, et leur en laissant l'honneur.
3· Il faut aller toujours en avant, malgré les critiques, les antipathies, le sentiment, et quand on dit que tout va mal, que tout va s'écrouler, c'est alors qu'il faut avoir une plus grande confiance en Dieu. Bien faire et laisser dire.
4· Mettre au courant le P. Directeur, toujours avec prudence et charité, de manière à ce qu'il ne puisse jamais vous compromettre par une indiscrétion.
5· Mettre peu d'importance à toutes les paroles contre le T.O., en laisser le soin à la T. Ste. Vierge.
6· Pour moi, je ne suis pas encore pour cette maison tierçaire, elle n'est pas encore possible, il faut pour cela le concours du P. Supérieur Général.
7· J'aime bien cette retraite pour le T.O., cela fera du bien.
8· Arrêtez le P. Huguet, quand il va trop vite: il s'agit de soutenir, le moment n'est pas venu de faire plus. Ah! si le P. Supérieur Général le voulait, très bien! mais il n'en a rien dit.
9· En travaillant pour la T. Ste. Vierge, je comprends que la maison en souffre un peu, mais la Bonne Mère vous le rendra par une autre voie.
10· Quand la charité et pressante, qu'il faut agir, alors il faut laisser la vie contemplative pour la vie active, quoique de son propre fonds il faille toujours tendre vers la vie intérieure avec Dieu.
Voilà pour le T.O.; à vous maintenant:
1· Ne vous inquiétez pas de ne pas vous (troubler) dans l'intérieur, alors que tout l'extérieur est agité. C'est Dieu qui a pitié de vous. Retirez-vous tant que vous le pourrez alors dans le centre de l'âme: c'est le port dans la tempête.
2· Allez toujours à Dieu par le coeur, par le recueillement de l'âme: c'est plus court et plus agréable à Dieu; c'est la grâce de Dieu qui supplée à votre misère. Dans cette voie, on a beaucoup plus de distractions et de tentations; mais il faut ne pas s'y arrêter et passer vite. Se recueillir intérieurement, voilà tout, c'est-à-dire voir sa misère, et regarder Dieu, comme pour lui dire: voyez ma misère.
3· Regardez vos voeux comme la dot que vous apportez à l'Epoux céleste, aimez-les comme le doux lien de sa grâce; observez-les, comme vous le dites, en amour plutôt que par le petit détail; il faut les garder avec la sainte liberté, les suivre avec la paix du coeur, en retirer la pauvreté, comme la petite fleur à offrir à Dieu.
4· Pour vos tentations, ma pauvre fille, cachez-les toujours dans une des plaies de Notre-Seigneur et bon Sauveur. Et au fort de la tempête, cachez-vous dans le trou de la pierre mystérieuse, c'est-à-dire dans Notre-Seigneur crucifié. N'examinez pas les effets ou les raisons des tentations, allez toujours de l'avant, vous avez besoin d'être toujours tenue dans la misère de votre humiliation et sur le penchant rapide de votre faiblesse. Dieu reste avec vous: voilà votre consolation et votre force.
5· Laissez-vous conduire, pour vos pénitences, par votre confesseur du moment. On gagne par l'obéissance ce que l'on semble perdre de l'autre.
6· Suivez, comme vous le dites vos petites règles de maison, sans le dire, mais avec la sainte liberté de la charité.
Allons, ma fille! bon courage. Oui écrivez-moi quand vous le voudrez, vos lettres me font un grand plaisir, et vous savez combien votre âme m'est chère en Notre-Seigneur.
Tout à vous en sa divine charité.
EYD.
A Monsieur Jordan, Lyon.
La Seyne 30 (?) janv. 1854
L'abbé Eymard a l'honneur de présenter ses respectueux hommages aux deux familles Jordan et de les prévenir que demain dimanche M. le Commandant du Pluton les attendra avec son canot et douze matelots sur le port, à une heure, pour les accompagner à S.Mandrier, et les ramener à Toulon.
L'abbé Eymard regrette bien de ne pouvoir les accompagner, à cause du dimanche.
Toulon, 3 heures
Eymard
Nr.0439
An Herrn Jordan
La Seyne, 11 février 1854.
Bien cher Monsieur Jordan,
C'est moi qui viens vous donner de mes nouvelles, un gros rhume m'a fait garder la chambre cette semaine, ainsi qu'un peu de fièvre nerveuse. Je vais mieux. Je vous suis bien reconnaissant de tant d'intérêt à ma pauvre et misérable personne. Vous êtes si bon pour vos amis! - Je suis heureux de votre fête de l'autre jour; j'aimerais vous en procurer une autre, celle d'une pêche, si c'était possible, le jour que vous me ferez l'amitié de venir dîner en famille.
Mille choses respectueuses, affectueuses, dévouées à tout votre bonne famille. Tout à vous.
Eymard.
11 février 1854
J.M.J.
Enfin, ma chère fille, me voici à vous; c'est bien temps; votre dernière lettre, exposée toujours devant mes yeux, me disait sans cesse: - Et moi, vous m'oubliez - oh! non! lui disais-je; mais je vous réserve la meilleure heure; aux autres le moment pressé. - Je ne vous dis pas, ma bonne fille, le plaisir que me font vos lettres: vous auriez quelque droit d'en douter sur ma négligence. Mais si vous voyiez ma vie, ce à quoi elle ressemble, et comme ma liberté est morcelée et quelquefois les forces à bout - votre charité m'excuserait, comme elle le fait, j'en suis sûr, car je la connais.
J'en viens donc à vous.
Voyez, ma bonne fille, vous demandez aux créatures ce que N.S. se réserve; il est jaloux de votre abnégation, et voilà pourquoi on ne sait pas vous donner en dehors de cette voie. Demandez la sainte absolution au temps fixé et extraordinairement, quand vous en avez besoin; ayez grande confiance en la grâce de l'absolution; c'est tout, c'est la parole divine qui nous purifie et nous rapproche de Dieu.
Pour les conseils à recevoir, faites comme le pauvre qui reçoit avec reconnaissance ce qu'on lui donne, et souvent il arrive que moins les hommes nous donnent, plus Dieu se montre prodigue en sa divine bonté; mais il faut savoir attendre à la porte divine, faire le rôle de la grande pauvre de l'Evangile, la Chananéenne.
Allons, bonne fille, ne vous désolez plus de ce que les créatures ne vous aident pas, mais devenez par cette épreuve, plus grande, plus intérieure, plus dépendante de Dieu.
Vous êtes, d'ailleurs, si reconnaissante, quand on fait un peu de bien à votre âme, que Dieu veut avoir seul toute votre reconnaissance. D'ailleurs, ma chère fille, votre conscience est en bon état, vos peines ne sont pas des péchés, elles viennent plutôt de la crainte d'offenser Dieu; puis le démon est bien méchant. Vous en savez quelque chose; les tentations que vous me marquez ont dû vous faire bien souffrir; mais ordinairement elles sont le prélude de grandes grâces; non, ma fille, vous n'êtes pas perdue, mais bien sur le chemin du Ciel; continuez toujours à suivre l'amour crucifié, sans retour sur vous; aimez ce bon Maître pour lui-même et pour (par) le sacrifice du moi.
Communiez, communiez, en temps de guerre, on double la ration. Ce que vous me dites de votre liberté de la part de votre mari, doit bien vous rassurer; mais pas de voeu; il y a longtemps qu'il est fait pratiquement; pour le moment, je ne suis pas porté à vous dire autrement: nous verrons plus tard.
Pour la communion quotidienne, il faut n'avoir aucune affection volontaire au péché véniel; un vrai désir d'aimer Notre-Seigneur.
Communiez tant que vous le pourrez, mais à une condition, c'est que vous mépriserez tout ce qui veut vous troubler, défiez-vous de votre imagination, de votre esprit trop actif, le Bon Dieu vous a donné un bon coeur; Il veut que vous lui en rendiez toutes les affections; et voilà tout.
Le papier va me manquer, et je voulais vous recommander la fille d'une famille Allemande pour être placée à gagner quelque chose. Si vous pouviez savoir ce qu'elle peut faire avant tout. Le portier du petit séminaire de St Jean, M. Algager vous en donnera l'adresse.
Adieu, ma fille, cheminez tout suavement et généreusement en l'amour de N.S. en qui je suis
Votre tout dévoué.
Eymard.