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Nr.0221

An Marianne Eymard

Grenoble, 31 Octobre 1850.

BIEN CHERES SOEURS,

Le Bon Dieu ne veut pas que j'aille vous faire une seconde visite. Le père de celui qui me remplace au noviciat est à l'agonie et il faut que je m'en retourne de suite samedi pour qu'il puisse aller lui rendre les derniers devoirs. C'est pour moi un devoir au moins de charité.

Mais l'affaire de Gap se termine, j'espère avoir l'occasion de vous voir au printemps. Mais toujours que la sainte Volonté de Dieu se fasse. Je vais bien, le Bon Dieu m'a bien soutenu, il a tout fait; j'ai parlé pour Mr Faure, pour le reste je ne vous en dis rien.

Ayez soin de vous durant l'hiver, évitez surtout avec soin les chauds et froids.

Je suis en N.S.,

Chères soeurs,

Votre tout affectionné frère.

EYMARD.

Mademoiselle,

Mademoiselle Eymard Marianne,

rue du Breuil,

à La Mure d'Isère.


Nr.0222

An ehrw. Bruder Gabriel, Gründer und Generaloberer der Brüder der Hl. Familie in Belley

/novembre 1850 ?/

Monsieur le Supérieur,

J'ai vu vos bons Frères au petit Séminaire de Grenoble; ils m'ont paru contents; ils ont, il est vrai, beaucoup de peine et les domestiques les ont quelquefois regardés avec jalousie et...............ils se sont très bien conduits et on en est content. Mr. le Supérieur afin de les rendre plus libres, m'a fait part de ses projets; il vous prie par moi de lui réserver quelques sujets de plus, il en voudrait encore cinq, par ce moyen les frères seraient seuls et par conséquent plus indépendants; comme vous m'avez dit que vous en aviez, je lui en ai fait part et il espère de votre obligeance que vous fortifierez cet établissement.

D'ailleurs à mon arrivée à Belley, j'aurai l'honneur de vous voir.

Agréez, Monsieur le Supérieur, l'assurance de mon entier dévouement.

Eymard


Nr.0223

An Marg. Guillot

La Favorite, 13 Novembre 1850.

Ma chère fille en Notre-Seigneur,

Je viens répondre à votre lettre du 10.

  1. Ecrivez ou venez quand vous en aurez besoin. Si le Bon Maître me donne de quoi vous donner, je le ferai avec la paternité de sa charité.
  2. Faites la neuvaine dont vous me parlez, si vous n'êtes pas trop fatiguée. 1· Pour l'Heure Sainte, 2· le chemin de croix, 3· la Communion à Fourvière (et de là vous êtes près d'ici), 4· pour les 5 Pater, la nuit: c'est assez d'une ou deux fois. Ce pauvre T.O.! Je suis bien heureux que la T. Ste Vierge m'ait donné une si belle oeuvre à sa gloire; et comment se plaindre des petites croix,

quand on voit les heureux fruits de salut qui en découlent sur les âmes? Je comprends que les croix, qui nous viennent des étrangers, sont peu de choses, comparées à celles qui viennent des siens; mais si nous aimons Notre-Seigneur, nous devons en être content, car elles immolent plus entièrement la pauvre nature; non, non, je n'attends des hommes, quels qu'ils soient, que des épines et des clous. Tout ce que je demande à ce bon Jésus, c'est de me laisser crucifier comme lui en agneau silencieux et plein de douceur. J'ai besoin de la croix pour aller droit à Notre-Seigneur.

3. Faites cette oraison de silence devant Dieu, vous anéantissant devant Dieu si bon, autant que vous le pourrez. Suivez la grâce du moment, par conséquent la volonté mystérieuse ou claire de Dieu sur vous, ne vous attachez à aucun moyen, servez-vous en seulement, Dieu vous restera toujours.

La grâce d'amour va toujours en détruisant l'amour-propre, en immolant notre propre volonté. Il faut bien le laisser faire, il aime ce bon Sauveur à tout bouleverser dans ce temple de son amour et prendre son fouet pour en chasser tout ce qui n'est pas lui.

4. Continuez les procès-verbaux comme vous avez fait, l'obéissance le veut, le reste doit vous être étranger, ne vous en occupez pas même.

5. Pour Mlle C., écoutez-la avec charité, ne vous chargez d'aucune de ses commissions; ne mettez pas en vous-même de l'importance à ce qu'elle dira, non que vous deviez mépriser ce qu'elle dit, mais croire son intention bonne; pour l'exécution, ne rien faire sans le soumettre à la grâce de l'obéissance: elle pèche plutôt par la tête que par le coeur, il faut plutôt la retenir que l'encourager.

6. Je demanderai à Mlle C. les procès-verbaux; pour les autres, je laisse cela à votre prudence; pour Mme Gal, vous pouvez bien les lui remettre avec la condition de vous les rendre à vous; je me rappelle qu'elle me l'avait demandé. Je lui parlerai...

7. Gardez votre liberté vis-à-vis de Mlle Camus, ce n'est pas à vous d'aller la voir; puis j'aime mieux que vous ne vous liiez pas pour ces visites; celles qui ne vous accepteront pas comme vous êtes... laissez le tout au Bon Dieu, excusez-vous sur votre peu de santé et celle de vos soeurs.

8. Exercez-vous à la suave charité de Notre-Seigneur envers ses Apôtres grossiers et terrestres: c'est le beau bénéfice de ce commerce avec le prochain.

9. Le voile de ma soeur est pour teindre en rouge. Allons! ma fille, vivez de Notre-Seigneur, en Notre-Seigneur, pour Notre-Seigneur. Abandonnez-vous tout entière au glaive de son amour; on ne vit jamais mieux et plus fortement que dans la mort pour l'amour.

EYD.


Nr.0224

An Pater Chiron

Au R.P. Marie CHIRON, Fondateur de la Congr. Ste Marthe de l'Assomption pour le soin des aliénés.

Lyon le 13 novembre 1850

Bien cher Père,

Excusez-moi donc dans votre charité sur mon retard à vous répondre. J'ai été plusieurs semaines absent et n'ai pu vous prouver l'affection que je vous ai vouée.

Si le bon Maître veut se servir de moi pour vous être utile, je les veux de tout mon coeur; mais demandez-lui bien les grâces et les lumières dont je ne puis être qu'un pauvre et misérable instrument.

J'ai bien prié pour vous répondre, et voici ce que j'ai pensé vous dire:

1· Bienheureux les pauvres d'esprit. Ce sont les amis, les frères, les favoris de N. S. Aimez donc bien cette sainte et divine pauvreté comme une bonne et tendre mère. Elle sera la source de toutes vos richesses.

2· Le temps du repos, de l'oraison suffit. Donnez aussi ce que vous pouvez à l'étude sacrée: restez ignorant sur toutes les sciences mondaines.

3· Pour le crucifix et l'étole, il me semble qu'il est selon l'esprit de Dieu d'avoir la permission des évêques des lieux où vous passez et restez et de les laisser, s'ils ne le voient pas avec plaisir.

4· Nous prions bien pour le pauvre possédé, mais il faut bien se défier du malin esprit et le tenir dans l'humilité du silence et ne pas lui donner l'occasion de s'enorgueillir.

5· Les Gloria Patri ne sont pas nécessaires pour les croix. Toutes les croix indulgenciées par moi ont l'indulgence personnelle de la bonne mort pour celui à qui elle appartient.

Priez pour moi, bien cher Père, afin que je sache bien me laisser crucifier avec notre bon Maître et que je tire bon profit de sa divine croix.

Je suis en sa divine dilection Tout à vous

Eymard.


Nr.0225

An Pater Bertholon

AU R.P. BERHOLON.

La Favorite 22 St Irénée

Lyon 16 novembre 1850

Bien cher Confrère,

J'ai une bonne et consolante nouvelle à vous annoncer, ainsi qu'à la Soeur Thérèse de Jésus /Melle Théodelinde Dubouché/.

Son Eminence m'a fait appeler près d'Elle, pour me demander des renseignements sur cette nouvelle oeuvre d'adoration perpétuelle et réparatrice de Melle Dubouché. Elle m'a dit: que tout son désir était d'établir à Lyon les Quarante Heures comme à Rome dans la Communauté des religieuses de l'adoration; le Cardinal m'a ajouté: je recevrais avec grand plaisir les bonnes religieuses de Paris, mais je voudrais avoir avant des renseignements positifs sur leur but, sur leur manière d'être et de s'établir, nous leur accorderions à Lyon l'exposition des 40 Heures continuelles avec bonheur, etc.

D'après tout cela, bien cher Père, conférez-en avec la Mère, et répondez-moi de suite une lettre que je puisse montrer au Cardinal, car cette pensée le préoccupe beaucoup, et il attend vivement cette réponse; envoyez-moi, si vous le jugez à propos, l'exposé le l'oeuvre. Quant à l'établissement à fonder, ma pensée est qu'il faut commencer par Bethléem pour finir par le cénacle; mais qu'il ne soit pas question de la maison de Melle Perrin, le Cardinal ne l'aime pas.

J'attends presque courrier par courrier votre réponse à l'adresse ci-dessus.

Demandez, s.v.p. à mon intention une neuvaine à vos chères filles, pour une affaire très importante. Tout va bien au Noviciat. Adieu, bon Père. Tout à vous.

Eymard.

Monsieur Bertholon

Prêtre Mariste

Rue Montparnasse 31

Paris


Nr.0226

An Frau Gaudioz

Lyon, 24. Nov. 1850

k e i n e Angabe der Veröffentlichung


Nr.0227

An Fräul. Stéphanie Gourd

J.M.J.

25 Novembre 1850.

Mlle Stéphanie.

Mademoiselle,

Votre lettre m'a fait plaisir, surtout en m'apprenant votre fidélité à la méditation et à vos autres exercices pieux.

La méthode que vous suivez dans la méditation est bonne. N'allez à ce saint exercice que pour y faire la sainte Volonté de Dieu, que pour vous consacrer à son service, vous humilier à ses pieds, lui exposer vos besoins comme une petite pauvre, lui dire votre reconnaissance, votre amour. L'amour, voilà la fin de tout; aussi ne regardez les considérations, les affections, les résolutions de votre méditation que comme des moyens pour vous conduire à l'union de l'amour divin.

Que l'amour soit donc l'âme et le fond de tout, et quand ce sentiment domine en vous, laissez tout le reste; les moyens sont inutiles quand on a la fin.

Mais vous n'ignorez pas que l'amour divin est insatiable comme le feu, qu'il demande toujours, qu'il fait souffrir en brûlant tout ce qui lui est étranger.

Tenez votre âme en paix, afin de pouvoir être bien attentive et bien fidèle aux mouvements intérieurs du St-Esprit.

Vous aurez votre âme en paix si vous la mettez sans cesse dans un état généreux de tout souffrir, de tout quitter pour autre chose, de contrarier, en un mot, votre volonté, quand la Volonté de Dieu demandera autre chose.

Ce qui nous irrite et nous contrarie, c'est notre misérable volonté qui veut trop fortement, ou bien c'est un sentiment d'indépendance qui craint trop le saint esclavage de la croix.

Tenez aussi toujours votre coeur uni au Coeur divin de Notre-Seigneur, afin que son amour devienne la vie, le principe de vos actions, le centre de votre repos.

Adieu, ma chère fille. Allez partout avec joie quand Dieu le veut; et partout se trouve le Tabernacle, le Ciel, Dieu, notre amour.

EYMARD.


Nr.0228

An Pater Chiron

Lyon 26 novembre 1850

Mon Révérend Père,

Oui, adorons la sainte volonté de Dieu dans tout ce qui se passe.

Par les refus que vous éprouvez, vous pouvez voir combien l'esprit de Dieu s'est retiré de ceux qui devraient en être remplis, et combien le matérialisme a porté loin ses ravages. Il est temps que Dieu vienne au secours de son Eglise, il ne tardera pas.

Je vous engage à ne point songer au voyage de Rome. Les évènements sont plus près que vous ne pensez; ils vous surprendraient en route.

Arès ces événements, tout changera petit à petit de face et vous obtiendrez facilement tout ce qui vous a été refusé jusqu'à ce jour.

Priez toujours, priez beaucoup pour moi, pour tous.

Je suis affectueusement dans les Coeurs de Jésus et de Marie votre dévoué serviteur.

Eymard.


Nr.0229

An Pater Bertholon

La Favorite

Quartier St Irénée

Lyon 30 novembre 1850

Bien cher Confrère,

J'ai vu hier au soir Son Eminence, je lui ai communiqué votre lettre et la notice. Mgr est bien disposé pour cette fondation; vous savez que la dévotion au T.S. Sacrement est la dévotion privilégiée de Son Eminence. Aussi tout son désir est de la voir se fortifier dans Lyon et dans le diocèse.

Sur la question du voyage à Lyon de la Soeur Thérèse, Son Eminence a répondu: Madame la Supérieure a raison, on s'entend mieux de vive voix, ainsi je la recevrai avec plaisir.

Puis Mgr m'a prié de chercher quelques positions, afin qu'à l'arrivée de la Soeur Thérèse, on put lui indiquer quelque chose. Je vais m'en occuper dès aujourd'hui. Priez et faites prier afin que je réussisse selon le bon plaisir de Dieu; surtout des neuvaines pour les âmes du Purgatoire.

Je conseillerais, pour cette fondation nouvelle:

1· de ne pas se placer hors de la ville, ou dans des positions d'un difficile accès, afin que la ville puisse aller adorer le T.S. Sacrement avec facilité.

2· de choisir une position susceptible d'agrandissement et de commencer ainsi peu à peu. Avec le Cardinal il faut aller rondement et en confiance; mais faire cette fondation comme si l'on n'avait rien à attendre de lui, quoique cela viendra bien, car il est si bon! puis, les âmes pieuses de Lyon sont généreuses.

3· Pour les retraites à faire dans la maison pour les personnes étrangères, il sera bon de ne pas appuyer là-dessus, cela viendra plus tard et comme naturellement.

Assurez la bonne Soeur Thérèse de tout mon dévouement, et croyez-moi toujours, cher Père, votre tout affectionné confrère.

Eymard p.m.

Monsieur Bertholon

Prêtre Mariste

Rue Montparnasse No 9 ou 35

Paris


Nr.0230

An den Generalobern P. Colin

(Notice du P. Mayet)

Lyon, décembre 1850.

Je viens remettre entre vos mains le Bref du Pape pour le Tiers-Ordre, et ce que Son Em. le Card. Archevêque de Lyon m'a fait remettre et qu'il a appelé institution canonique. Il paraît que le Cardinal a été flatté de cette confiance du Pape envers lui et du pouvoir dont il l'investissait, car à peine eut-il lu le Bref et la lettre du P. Theiner qui l'explique, qu'il m'ajouta: "Eh bien, nous expédierons ce Bref avec plaisir; nous sommes obligés de faire un écrit avec les attentis et d'expédier un diplôme en règle. Je ferai le reste plus tard." Et je réponds: "Son Eminence fera ce qu'elle jugera nécessaire."

Et voilà que j'ai reçu cette institution canonique avec toutes les formes, et quand je l'ai reçue, un sentiment de joie et de tristesse en même temps remplit mon coeur, surtout quand je lus le 4o où mon nom se trouve; mais je veux bien dire à votre Paternité que j'en suis bien innocent, et que si j'avais pu prévoir cela, je m'y serais bien opposé; mais il y a un bon remède, celui de ne solliciter que de vous ces quelques articles fondamentaux du Tiers-Ordre.

Vraiment, mon Père, je ne puis que m'étonner et adorer Dieu, quand je considère la marche du Tiers-Ordre, ses épreuves (et j'avoue qu'elles ont eu le même caractère que celles de la Société), quand je vois venir cette approbation du Souverain Pontife, et par une faveur si singulière, le Cardinal, qui jusque là était assez froid, y prendre tant d'intérêt, et cela quand je croyais le T.O. à l'agonie.

Je l'avoue moi-même, ennuyé et attristé, j'en désirais la mort, surtout depuis que j'avais su votre peine, mon Très Révérend Père, que l'indiscrétion de quelques Pères avait répandue dans le public. Tout cela m'avait peiné au point que j'avais renvoyé les directions spirituelles à tous les 2 ou 3 mois.

Je ne recevais plus de nouveaux membres, je n'osais y encourager, je laissais aller à la Providence... et voilà que la bénédiction de l'Eglise vient raffermir ce qui était chancelant, et laisse tout le temps et toute la liberté pour le perfectionner.

A la vue de tout cela, je ne puis m'empêcher de dire: Digitus Dei est hic! vous m'avez dit votre pensée sur le Tiers Ordre; soyez assuré, mon Très Révérend Père, que je ne m'en écarterai pas et que je serai toujours votre fils affectionné et obéissant.

J. Eymard.


Nr.0231

An Frau Gourd

La Favorite, 22, St-Irénée,-Lyon,

4 Décembre 1850.

Madame,

J'aurais bien eu de la joie de vous voir avant votre départ pour Paris; mais, puisqu'Il ne l'a permis, qu'Il en soit béni!

Je n'ai pu vous répondre plus tôt; mille choses m'étant survenues ces jours-ci.

Quand au jeune homme, il aurait été à désirer qu'il s'éloignât: l'absence prolongée corrige la folie de cette maladie. Vous avez bien fait de lui parler raison; mais à présent, que faut-il faire? Il me semble que votre devoir de charité est rempli, et que vous n'avez plus que celui d'un silence improbateur, et que vous ne pouvez compter, pour être soutenue, sur la faiblesse du père. A votre place je laisserais un peu aller les choses, tout en donnant des avis de prudence. Quand je dis "laisser aller la chose", je veux dire être un peu passive et les laisser un peu se débattre entre eux. Vous le voyez, je suis un peu embarrassé, parce que, ne connaissant pas les personnes et le mal du coeur, je ne sais presque que vous dire. Si vous deviez rester aux Thorins, une marche suivie pourrait tout sauver; mais, étant obligée de partir, je ne vois que ce que je vous ai dit plus haut.

Les nouveaux détails que vous me donnez, Madame, sur Mr B., me confirment dans la pensée de ma première lettre : savoir, que Mr B. fasse le bien selon sa grâce du moment. Il ne faut jamais se presser pour faire un établissement, il faut en quelque sorte que le Bon Dieu nous pousse et nous presse; mais il ne faut pas hâter ses moments. Attendons encore pour les difficultés de local, et tout cela n'est rien quand on fait une école, gratuite surtout.

Vivez du Bon Dieu, Madame, de Notre-Seigneur Eucharistique; car, autrement, vous ne pourriez être une victime d'amour habituel. Ayez l'oeil vigilant sur la marche de la divine Providence sur vous. Dieu fait tout, organise tout, prévoit tout pour vous amener à lui; soyez donc sans passé, sans futur, mais toujours présente à la volonté divine de ce Bon Maître, et il vous conduira par la main à travers toutes les difficultés jusqu'à la grâce de la perfection de son amour.

Adieu, Madame: que Notre-Seigneur soit votre voie, votre vérité et votre vie. Mes respects à Mademoiselle et un souvenir dans ses prières; je suis aise des bonnes nouvelles que vous m'en donnez.

L'amour pour Mademoiselle est dans une abnégation joyeuse et amoureuse de sa volonté à celle de Dieu.

Tout à vous.

EYMARD.

Madame,

Madame Gourd.


Nr.0232

An Pater Theiner

Au R.P. Augustin THEINER, prêtre de l'Oratoire,

Rome

J.M.J.

Lyon, 16 décembre 1850

Mon Très Révérend Père

J'ai reçu par les deux scholastiques que vous m'avez adressés, le Bref précieux que vous avez obtenu de Sa Sainteté pour l'approbation du Tiers-Ordre de Marie; vous dire la joie et le bonheur que j'en ai ressentis, n'est pas possible, mais comment vous exprimer notre reconnaissance; je ne puis qu'en vous appelant le Père du Tiers Ordre et son premier Fondateur dans l'Eglise. Que la T. S. Vierge vous rende tout le bien que vous nous avez fait et que vous voulez encore nous faire...

Tout le Tiers-Ordre prie et priera longtemps pour vous.

Son Em. le Cardinal de Bonald a été très sensible à votre bon souvenir et à l'ouvrage dont vous lui avez fait hommage, elle m'a chargé de vous dire son affection et sa reconnaissance particulières.

Son Eminence, en vertu des pouvoirs obtenus, a fait l'institution canonique du Tiers-Ordre en forme, comme délégué du S. Siège, et l'a pourvu des indulgences marquées dans la Supplique. Nous voilà donc bien en règle, et j'espère que la bénédiction de l'Eglise sera une source de vie et de grâces pour tous les Tierçaires.

J'ai la douleur de vous annoncer qu'aujourd'hui vos deux protégés M. M. Mangold Desmas et Fr. Xavier Valdogl ont été obligés de partir la Bavière, ils ont reçu hier au soir une lettre pressante et menaçante de leurs familles afin qu'ils eussent à revenir de suite dans leurs pays; déjà plusieurs fois ils avaient reçu des lettres semblables, à cause des dettes qu'on avait contractées pour eux. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour les retenir, mais cela a été impossible, ils sont partis et nous les pleurons, car ils nous ont tous bien édifiés, ce sont des savants et des saints jeunes gens, ils nous ont promis de revenir plus tard.

Ne pouvant être reconnaissant envers vous, mon Très Révérend Père, j'ai tâché de l'être à cause de vous envers eux, car ils étaient sous ma direction immédiate, je leur ai fourni un peu les moyens de faire leur voyage. Si j'avais un jour le bonheur de vous voir, je serais heureux de vous demander quelques détails sur la grâce que vous nous avez obtenue du S. Père pour le Tiers-Ordre.

Daignez agréer, avec mes sentiments de vive gratitude, ceux du profond respect, avec lesquels je suis, en N. S., T.R. Père,

votre très humble et très obéissant serviteur,

Eymard P. Mar.

(mon adresse est à la Favorite No 22 Quartier S. Irénée, Lyon)

P.S. Je vous prie d'excuser mon retard à vous envoyer ma lettre de reconnaissance. J'attendais une occasion. Si vous pouviez encore aider Mgr Luquet pour un savant qui vient de faire hommage à Sa Sainteté Pie IX de tous ses ouvrages, 4 volumes in 4o.

Croyez-moi toujours, mon T. R. Père, votre tout reconnaissant

Sr /Serviteur/

Eymard.


Nr.0233

An Fräul. David

La photo est venue plus tard.

La Favorite 19 décembre 1850

En priant d'une manière toute particulière pour notre cher Tiers Ordre, dans mon action de grâces, je me suis fortement senti pressé de vous écrire ma pensée sur la réparation par l'Adoration.

Depuis longtemps je désirais un centre régulier pour le T.O., car je voyais l'impossibilité future d'être nous-mêmes le centre dans la maison-mère de la Société. Tôt ou tard il faudra en sortir; le nombre des Tierçaires augmentant; mais il fallait que le T.O. passât son enfance orageuse à côté de sa mère, sous le même toit, afin qu'il pût vivre de son esprit et grandir sous son ombre, il fallait cette proximité, afin qu'on fît attention à lui et que le voyant béni de Dieu, on le bénît aussi.

Mais aujourd'hui le T.O. est devenu l'enfant de l'Eglise, il faut qu'il puisse s'enraciner plus profond, il lui faut un centre d'action et de secours permanents. Je rêvais ce centre, je le demandais à Dieu, tout ce que l'on m'avait proposé ne me satisfaisait pas; j'avais même suggéré cette pensée aux Soeurs Maristes, mais on n'y entra (pas), on préféra un nom beau, il est vrai, mais qui est resté dans le berceau; leur enfance n'a pas eu et n'a pas assez d'aliments, d'exercices et voilà que le bon Dieu se sert de moi (pour amener) ces Dames de Paris à Lyon, que S.Eminence les appelle à Lyon comme étant du T.O. de Marie, que le T.R.P.Supérieur recommande leur établissement, qu'il les accepte comme TIERCAIRES, qu'il veut en faire le centre régulier du T.O.. A la vue de si grandes marques et de si fortes preuves de la Divine Providence, je n'ai pu m'empêcher de pleurer de joie, car voilà trois ans que j'avais cette pensée et j'en demandais à Dieu la réalisation, si c'était pour sa plus grande gloire. Le caractère de l'Oeuvre des Soeurs de la Réparation, va très bien de manteaux extérieurs, pour couvrir et cacher s'il le faut le T.O.. Je désirerais que ces Dames portassent ce nom tout en étant Tierçaires régulières; la réparation par l'adoration du T.S. Sacrement serait le moyen, l'aliment, l'exercice de la vie intérieure des Tierçaires dans le monde, mais non pas leur nom, la vocation et le lien religieux entre les membres du T.O. séculier, la réparation par l'Adoration du T.S. Sacrement ne pouvant être établie que là où les Tierçaires réguliers auraient des maisons. La grande pensée qui me frappe dans cela, c'est que le T.O. régulier serait comme le Cénacle eucharistique du T.O. séculier existant comme Congrégation.

Ainsi la T.S.Vierge après la Pentecôte passait sa vie (toujours simple et cachée) aux pieds du divin tabernacle et c'est la place d'honneur d'une fille de Marie à côté de sa bonne et tendre Mère et le T.O. garderait sa devise, ce qui l'a rendu et le rend si précieux, il resterait le Tiers-Ordre de la vie intérieure, car il est tout cela et il n'est que cela. Quels seront les rapports des Tierçaires séculières avec les Tierçaires religieuses ? Tous les rapports les plus intimes et les plus fraternels, n'ayant toutes que le même esprit, la même famille, le même but.

On dira peut-être: mais les Pères nous abandonnent! Non, non, jamais, ils seront encore plus dévoués aux biens spirituels des Tierçaires, j'en ai la conviction profonde et la parole du T.R.P.Supérieur Général.

D'après cela, ne craignez pas, Mademoiselle, d'entrer en communication intime avec ces Dames, faites cause commune et fraternelle, regardez-les comme vos soeurs, vos mères même, la T.S.Vierge se servira d'elles pour vous faire du bien et de vous pour les soutenir et les fortifier.

Si elles n'avaient pas été Tierçaires de Marie, je vous aurais dit: "Venez à leur aide, secondez leur oeuvre; mais comme vos Soeurs, je vous dis, aimez-les en Soeurs, je dirais presque en filles tendres et ce sont elles qui doivent recueillir vos dernières années, votre dernier soupir.

Il me vient une pensée subite, je vais simplement vous la manifester et la laisser à votre sagesse et à votre prudence. Je ne voudrais pas que la générosité des Soeurs fît ce qu'elle a fait à la Société l'an passé. Notre grande récompense c'est de vous faire paternellement du bien et de vous voir toutes croître dans les vertus de Marie et dans l'amour de Notre-Seigneur. Ce que j'aimerais mieux, ce qui assurément serait bien vu, c'est que si jamais on voulait se montrer reconnaissantes (et on l'est trop envers nous, car nous faisons si peu pour vous), ce serait de venir en aide à cette nouvelle fondation, plutôt qu'à nous, on élèverait à Jésus un tabernacle d'amour, et cela vaudrait infiniment mieux. Oh! je vous prie, que l'on ne fasse rien pour nous, je crois que cela ne ferait pas plaisir au P.Supérieur et que cela le peinerait même. Ce n'est pas que je sache quelque chose, non, mais connaissant le bon coeur des Soeurs, je crains toujours que ce bon coeur veuille être trop généreux.

Voilà une grande lettre, je vous l'envoie et prie N.S. d'être toujours votre vie, votre centre et votre bonheur.


Nr.0234

An Herrn v. Leudeville

La Favorite, 22, quartier St-Irénée,

Lyon, 19 Décembre 1850.

Cher Monsieur,

J'ai reçu votre bonne lettre avec un immense plaisir. Bien souvent déjà j'ai remercié la divine Providence de m'avoir donné l'heureuse occasion de faire votre connaissance. Quand un même esprit se rencontre entre deux coeurs inconnus, le lien est bientôt formé; et quand c'est Dieu qui est ce lien, il devient bien doux et bien fort. C'est donc avec bonheur que je vous reçois novice du Tiers-Ordre de Marie, et, d'après les pouvoirs que j'ai reçus, je délègue votre excellent directeur pour recevoir votre première consécration, que je vous envoie ci-jointe, et même pour recevoir votre profession avec la communication de toutes les indulgences que nous venons de recevoir du Souverain Pontife, savoir: Indulgence plénière pour les Tierçaires, le jour de leur profession, deux fois le mois à leur choix, aux fêtes de Noël, de l'Epiphanie, de Pâques, de la Pentecôte, du Très Saint Nom de Jésus, du très Saint Coeur de Jésus; aux fêtes de l'Immaculée Conception, de la Nativité, du Saint Nom de Marie, de la Présentation, de l'Annonciation, de la Visitation, de l'Assomption, de la Transfixion (vendredi de la Passion), de Notre-Dame des Sept Douleurs (3e dimanche de septembre), du Très Pur Coeur de Marie, de Notre-Dame de Mercede (sic); aux fêtes de la Toussaint, de saint Joseph, du Patronage de saint Joseph, de saint Michel Archange, de saint Gabriel, de saint Raphaël, des Saints Anges Gardiens.

Toutes ces indulgences sont applicables aux âmes du Purgatoire; mais on ne peut les gagner que lorsqu'on a fait sa profession.

Je vous conseillerais de faire votre consécration de novice à la Noël et votre profession à Pâques, vous dispensant du reste du temps; et si les temps devenaient orageux, vous pouvez vous faire recevoir quand vous le voudrez.

Je désirerais, cher Monsieur, que cette faveur restât secrète, parce que nous ne voulons pas encore rendre le Tiers-Ordre public. Et si le O... voulait en faire partie, je donne, bien volontiers, à votre directeur, une seconde délégation avec plaisir.

Je vous remercie des nouvelles précieuses que vous m'en donnez, et je prie tous les jours pour lui au saint Sacrifice de la messe.

J'ai fait votre commission auprès de Mlle Chauda et l'excellente dame d'Apohier, que j'estime beaucoup.

Je vous enverrai, plus tard, ce que je pourrai du Tiers-Ordre. J'ai agrégé l'enfant que vous m'avez recommandé; les conditions sont: 1 que l'enfant portera le nom de Marie à son baptême; 2 que l'on récitera chaque jour, jusqu'à son baptême, un Ave Maria, ou un Memorare, avec cette invocation: "O Marie, Mère de la sainte Espérance, priez pour nous.".

Vous êtes entre bonnes mains, cher Monsieur, votre âme est bien dirigée. J'espère que ce nouveau lien que vous allez contacter avec la Sainte Vierge sera pour vous un trésor de grâce et de mérites, et surtout un bouclier puissant au milieu des dangers.

Je ne puis que vous encourager à faire l'oraison mentale, en toute simplicité et abandon à la bonté divine. La méditation est laborieuse, c'est vrai, mais elle est toujours fructueuse: les peines qui l'accompagnent deviennent la matière des plus grandes vertus et la source de grâces précieuses; et quand on a l'esprit d'oraison, on a tout : c'est le remède à tous les maux.

Allez à l'oraison comme l'enfant pauvre, et vous y serez toujours bien; l'oraison n'est et ne doit être que l'exercice humble et confiant de notre pauvreté spirituelle; et plus on est pauvre, plus on a de droit à la charité divine : c'est cette pensée qui a fait la richesse de bien des âmes souffrantes.

Agréez, en frère, les sentiments affectueux et tout dévoués de celui qui est heureux d'être

Tout à vous in Christo.

EYMARD.

(Mon adresse est: à La Favorite, N 22, quartier Saint-Irénée, Lyon).

Je vous enverrai plus tard la formule de la profession. Excusez ma précipitation; je tiens à faire partir ma lettre aujourd'hui.


Nr.0235

An Marg. Guillot

La Favorite, 26 Décembre 1850.

Mademoiselle,

Je viens de voir Mlle Jenny, je l'ai trouvée levée, elle sent un peu plus son mal; ces Dames m'ont dit qu'elles la trouvaient un peu mieux. Je lui ai tracé sa règle de conduite à suivre, et surtout lui ai donné l'ordre de bien suivre les prescriptions du médecin, elle me l'a promis. Je l'ai un peu rassurée sur toute votre maison, car elle était inquiète et surtout désolée d'avoir laissé Mlle Claudine si fatiguée, ainsi que vous; elle m'a avoué qu'elle aurait fait une grande imprudence d'aller seule à Chasselay, et je lui ai montré sa maladie comme un coup de Providence.

Comment allez-vous? êtes-vous mieux et surtout un peu plus forte? Mais qu'y a-t-il donc entre nous deux? je n'y comprends plus rien; je vous fais souffrir sans le vouloir, sans le savoir; mais d'où cela vient-il? je n'en sais rien, j'aime mieux penser que c'est le Bon Dieu qui le permet, puisqu'il me semble que je ne veux que votre bien, et vous aider de mon mieux dans le sentier épineux et crucifiant de votre vie journalière.

Que faire au milieu de toutes ces épreuves? hélas! prendre patience, se tenir encore plus uni à Dieu, à sa sainte croix; attendre avec amour le moment de Dieu. Je sais bien que quand on est sur la croix, au milieu des douleurs du crucifiement, on n'a plus qu'une pensée, qu'un sentiment du sacrifice, et qu'alors tout souffre, et tout devient une souffrance et augmente les épreuves.

Allons! ma pauvre fille, il faut aimer Jésus en croix jusqu'à la mort, jusqu'à la sépulture, jusqu'à la résurrection et l'ascension triomphante. Je prie bien pour vous, que le Bon Dieu vous rende le bien pour la croix que je vous ai donnée.

EYD.

27 Décembre. J'allais vous envoyer ma lettre, quand la vôtre m'est arrivée. Je l'ai lue et relue. Je vous en remercie bien, car je n'ai vu là que votre amour pour le T.O. et votre charité pour moi. Les choses que vous me dites sont justes, et je les ai bien appréciées; déjà j'avais pris des mesures et avais eu des explications sérieuses avec la Supérieure sur ce qui vous avait frappée dans cette oeuvre d'adoration; ce serait trop long de vous expliquer ici, mais elles laissent au T.O. toute sa nature, son esprit de vie intérieure et cachée. Ce ne sera que dans un an, quand ces Dames seront bien assises, que nous les aurons jugées à l'oeuvre, que nous verrons sérieusement pour l'union; nous sommes approuvées et ces Dames ne le sont pas; elles n'ont rien encore, et le Bon Dieu a béni le petit grain de sénevé du T.O. Ainsi, dans un an, on voit bien des choses, et on a le temps d'examiner. Pour moi, ainsi que je l'ai dit, je ne regarde l'oeuvre de la Réparation que comme une oeuvre en dehors du T.O. pour le moment, dans laquelle cependant je suis bien aise de voir entrer librement les Tierçaires, mais on pourra être du T.O. sans appartenir à cette oeuvre.

Ainsi, soyez bénie de votre franchise et ouverture de coeur envers moi: c'est ce que j'estime le plus en vous. Priez le Bon Maître que je ne sois pas trop ardent et empressé; c'est vrai, la pauvre nature voudrait de suite sortir de ses difficultés et de ses peines à la première issue qui se présente.

Priez surtout la T. Ste Vierge, afin que je sois un peu plus généreux, ou plutôt que je ne recule pas devant les sacrifices, car la nature regimbe quelquefois.

Pour la réponse positive que vous me demandez, je n'en ai à donner d'autre qu'à vous bénir et à demander à Notre-Seigneur que vous vous laissiez bien immoler par le glaive à deux tranchants de son amour; que la nature ne gâte pas ce que la grâce a fait en vous! Eh quoi! vous vous étonnez que je vous crucifie? Et il le faut bien puisque le Bon Dieu le veut et le fait malgré moi, plaignez-vous à ce bon Père, et non à moi, qui souffre déjà assez de vous voir dans un tel état de souffrances et de misères. Allons! à vous le Paradis, à moi une solitude parfaite, une vie de mort, et nous serions tous deux heureux.

+

P.S. Vous êtes gênée pour savoir ce que vous devez écrire? eh! ce que vous voudrez, pourrez, pensez, souffrez: que vous êtes enfant quelquefois!


Nr.0236

An Marianne Eymard

La Favorite, 22, Quartier St-Irénée,

Lyon, le 31 Décembre 1850.

CHERES SOEURS,

Je viens vous remercier de tous vos bons souvenirs, vous prier de me pardonner mes retards pour vous écrire. Je ne sais pas comme les jours passent, les semaines et les mois, ma vie est si occupée que j'attends toujours en vain un beau moment libre pour vous écrire bien au long.

Ce qui me console un peu, c'est que la bonne demoiselle Guillot vous écrit plus souvent. Je ne crois pas pouvoir aller prêcher le Jubilé à La Mure, ni nos Pères, car pour moi je ne puis quitter le noviciat, l'ancien Supérieur n'est pas encore bien remis.

Je me suis bien offert aux Supérieurs deux fois pour La Mure en voyant leur embarras, mais cela est impossible pour le moment; je le regrette bien pour Mr le Curé. C'est que le Jubilé de Grenoble a été annoncé plus tard que celui de Lyon, et alors les curés de Lyon ont pris le devant. Mr le Curé de La Mure m'a écrit son ennui, je le comprends bien, il y a bien de quoi, mais contre l'impossible il n'y a pas de moyen.

Je suis toujours bien content au noviciat et m'y porte même mieux qu'à Lyon. Mlle Guillot m'a appris que le nombre des Tierçaires augmentait à La Mure. Oh! je vous en prie, que l'on soit prudent, parce que cela me ferait avoir des misères. Je désirerais même que l'on suspendît pour en recevoir de nouvelles, parce qu'il faut de nouveaux pouvoirs depuis que le Tiers-Ordre a été approuvé. Puis, ne faites pas de réunions de Tierçaires chez vous, ni ailleurs; les pierres parlent, et vous connaissez les susceptibilités. Si on vous en parlait, dites que ce n'est qu'une affiliation particulière, et en effet ce n'est que cela.

Que vous souhaiterai-je, mes bonnes soeurs, en cette nouvelle année? Rien autre qu'un accroissement de l'amour de Dieu en vous, une grande fidélité aux grâces de Dieu, et avec cela vous serez parfaites.

Détachons-nous tous les jours de quelque chose de ce misérable monde, quittons-le tous les jours, retirons-nous en Dieu, vivons dans la paix de Notre-Seigneur, et nous serons heureux.

Comme le monde passe! C'est une fumée, et la vie c'est un jour, et notre vie est presque passée. Ah! chères soeurs, vivons pour le ciel, dans le ciel, cela vaut mieux encore que tout.

A mon ordinaire j'ai dit la sainte Messe de Noël pour vous. J'aime bien vous présenter à l'Enfant Jésus.

Qu'il vous bénisse comme je vous aime! Je suis en sa divine charité,

Chères soeurs,

Votre frère.

EYMARD, p. s. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Eymard Marianne,

rue du Breuil,

à La Mure d'Isère.


Nr.0237

An Marg. Guillot

Fourvière-Lyon, Janvier 1851.

Mardi.

Mademoiselle,

Je vous écris de Fourvière, de chez Mlle Jenny; elle va bien, je l'ai prévenue de tout, c'est-à-dire, de la maison louée chez Mlle Jaricot, elle en est bien contente, elle restera ici jusqu'à ce que vous le lui fassiez dire. Elle a vu hier Mlle Berlioz, elle ne doit prendre sa purgation que la semaine prochaine.

Je viens aussi de chez Mlle Jaricot. Elle vous recevra à bras ouverts, elle vous offre de bon coeur ses deux chapelles, surtout celle qui est intérieure; elle vous donne le choix des deux appartements ou de ceux qui sont dans la bibliothèque, au 1er, ou la maison de St Joseph qui est de 150 francs. Celle de la bibliothèque vaut mieux et je vous la conseillerais; mais Mlle Jaricot a mis une condition, c'est que, si elle trouvait à affermer sa grande maison, elle voudrait se retirer dans les chambres de la bibliothèque et alors vous passeriez dans la maison de St Joseph. Elle vous fournira quelques bois de lit et quelques chaises. J'ai arrêté et conclu pour vous, c'est une affaire finie.

Hier, je suis allé voir deux maisons à Saint-Irénée, mais partout c'est plus cher que chez Mlle Jaricot.

J'espérais aller vous voir aujourd'hui, je suis trop resté chez Mlle Jaricot, mon temps y a tout passé. Dieu en soit béni, et vous toutes aussi, en sa divine charité!

EYD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,

Lyon.


Nr.0238

An Marg. Guillot

La Favorite, 1er janvier 1851.

Mademoiselle,

Je viens de voir votre soeur, et l'ai trouvée comme l'autre jour, elle s'est trop affectée de cette lettre décachetée; il serait bon de prévenir toutes les émotions pénibles, cette pauvre fille est si faible! ce qui me console, c'est qu'on en a bien soin. Vous pouvez brûler la lettre que vous avez pour moi, elle m'en a dit le contenu. J'ai vu Mr Berlioz qui m'a dit que le siège de son mal était au foie, et que de là venaient toutes ses tristesses et ses peines, cependant qu'il y avait remède ........... ......................................................... hélas! je le comprends et vous aussi, mais le Bon Dieu semble vouloir impérieusement ce calvaire, puisque tout autre moyen est impossible. Ici on a besoin de tout son amour pour la sainte conformité à la volonté de Dieu, pour consentir amoureusement à se voir mourir chaque jour.

Je vous attends dimanche vers les 9 1/2.

Je vous ai bien souhaité la bonne année à toutes ce matin, à Fourvière, à 5 heures. C'est moi qui ai dit la première messe, j'y tenais; mais qu'ai-je demandé pour vous en particulier? que vous soyez bien fidèle à la grâce d'immolation que Notre-Seigneur vous renouvelle chaque jour, que vous deveniez agneau avec l'Agneau de Dieu, que vous vous laissiez immoler comme ce divin Epoux de votre coeur: l'Agneau divin est doux et humble.

Je lui ai encore demandé de vous voir soulagée dans toutes vos épreuves, au moins la grâce de les sanctifier; tout le monde vous en fait beaucoup; c'est la grâce mystérieuse de l'amour qui va en vous dépouillant de tout ce vieil homme. Souvenons-nous toujours de cette belle réponse de St Jean de la Croix, quand, en récompense de son amour pour lui, Notre-Seigneur lui demanda: "Quelle grâce veux-tu que je t'accorde?" "Seigneur, répondit cette grande âme, la grâce de souffrir et d'être méprisé par amour pour vous". Dimanche, nous éclaircirons vos difficultés, si le Bon Dieu nous en donne la grâce; mais croyez bien que je n'agis pas avec vous avec des mystères, ni avec défiance: oh! non! non! c'est que je ne pense pas à certaines choses à dire ou à apprendre. Je suis naturellement très distrait, et ai l'esprit absorbé dans une pensée.

Je comprends vos peines comme un médecin comprend les maladies qu'il n'a pas eues, mais qu'il traite avec les principes de l'art; mais ce que je sais bien, c'est que je puis répondre, et que je réponds de votre direction et des règles que je vous donne; vous, en les suivant, vous aurez plus de mérite devant Dieu que si elles avaient un caractère plus consolant. Mais pour toute grâce que je vous demande, c'est que vous cherchiez toujours le bon côté des choses et les supposiez toujours partir d'une tendre charité, qui ne veut que le plus grand bien de ses enfants.

Je vous bénis en Notre-Seigneur.

EYD.

A Mademoiselle Guillot Marguerite,

Place Bellecour, Façade du Rhône, 9,

Lyon.


Nr.0239

An Fräul. Agarithe Monavon

La Favorite, 3 Janvier 1851.

Mademoiselle,

Je viens vous dire la peine et la tristesse de mon coeur en apprenant la triste nouvelle de la mort de votre bon père, et partager les vôtres s'il était possible.

La foi et l'espérance chrétiennes vous ont fortifiée sur ce calvaire. Hélas! que vous en aurez encore besoin pour rester doublement orpheline! Mais Notre-Seigneur est là, et vous êtes sa fille et son épouse, et c'est dans son amour que votre pieux père repose et que vous le trouverez toujours.

Nous avons prié pour lui et nous le ferons encore, surtout dans le Tiers-Ordre dont il fut le premier membre.

En priant pour le père nous prierons pour ses filles, afin qu'elles soient toujours les héritières de sa foi si vive et de sa tendre piété.

Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur,

Mademoiselle,

Votre tout dévoué serviteur.

EYMARD, P.M.

Mademoiselle Monavon Agarithe, rue de Castries,

N 10, Lyon.


Nr.0240

An Fräul. Stéphanie Gourd

26 Janvier 1851.

Mademoiselle,

Continuez à faire de la sainte et toujours aimable Volonté de Dieu votre règle, votre centre et la fin de toutes vos actions et vos désirs. Notre bon Père qui est dans les Cieux a toujours les yeux de son amour fixés sur nous, et sa divine Providence prévoit et ordonne tout pour notre plus grand bien.

Ne soyez pas étonnée de cette variété d'états d'âme; cela vient de Dieu qui veut que nous nous exercions à la pratique de quelque vertu particulière, comme de la douceur, de la patience, de l'humble support de nous-mêmes. Ainsi, quand vous êtes toute triste, de mauvaise humeur, ne laissez pas ce sentiment entrer dans le coeur, ne faites pas semblant de le voir, c'est un nuage qui passe et voile en passant le soleil de charité; traitez cela comme une douleur de rhumatisme et agissez extérieurement comme à l'ordinaire. Cependant, si cela durait trop longtemps, avec trouble d'esprit et une certaine irritation de coeur, vous feriez bien d'en dire un mot à votre bonne mère, mais plutôt comme une peine que comme un sentiment du coeur.

Il serait sage de ne pas en dire la raison apparente, crainte de réveiller l'antipathie naturelle; et encore, si cela vous tourmente, dites tout.

Continuez vos communions parce que vous êtes faible, et puis qu'il faut vivre en Notre-Seigneur et pour cela le recevoir, car il a dit, ce bon Sauveur: "Celui qui me mange vivra pour moi, celui qui mange mon corps et boit mon sang demeure en moi et moi en lui."

Il vaut [mieux] aller à la sainte Communion avec nos misères que de vous en éloigner par crainte ou humilité; l'amour a plus d'abandon que de respect, plus de confiance que de crainte. Communiez avec le désir d'aimer toujours davantage, c'est la meilleure des dispositions.

Pour la méditation, je vous conseille de ne pas vous en occuper dans le jour en voulant la faire en règle.

C'est assez du matin, et la méditation du matin doit toute tourner autour du Tabernacle, ou autour de votre Jésus en votre coeur, avec cette profonde et éternelle sentence: "Jésus est mon Dieu et mon tout". Et, dans le travail de l'amour, ne parlez pas toujours, sachez garder le silence aux pieds de Jésus, soyez heureuse de le voir, de le regarder, de l'entendre, de vous savoir à ses pieds; la véritable parole de l'amour est plutôt intérieure qu'extérieure.

Allons! bon courage en la voie du Ciel! Marchons toujours au milieu des cailloux et des épines de la vie du désert.

Je vous remercie de prier pour moi; vous savez que vous êtes présentes dans mon souvenir devant Dieu.

EYMARD.


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