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Nr.0181

An Fräul. Julie-Antoinette Bost

J. M. J.

Lyon, 7 Février 1850.

MADEMOISELLE,

J'ai abusé de la latitude que me laissait votre bonne lettre. Je l'avais emportée avec moi dans mes voyages dans le Midi de la France, espérant trouver un bon moment pour y répondre, et voilà que je me trouve au mois de Février!

Vous me pardonnerez bien encore, et j'espère que vous m'écrirez avec la même simplicité, persuadée que vous trouverez toujours en moi un père tout dévoué.

J'en viens à votre lettre.

  1. Je vous permets de grand coeur de communiquer les procès-verbaux à votre amie, heureux si elle peut y trouver une miette spirituelle. Vous êtes trop bonne d'y mettre tant de prix. Hélas! Mademoiselle, demandez pour moi l'amour de Notre-Seigneur, car tout découle de cette source infinie et doit y remonter.
  2. Pour [votre] vocation, je persévère dans le même sentiment. Plutôt que de tout briser et froisser dans votre famille, attendez. Vous êtes d'ailleurs libre pour vos exercices religieux, et, devant Dieu, vous pouvez être parfaite religieuse, puisque lui seul a le secret de votre coeur et l'hommage de votre vie.

Puis vous avez une si bonne soeur! et qui marche dans la même voie spirituelle, quoique sous un autre drapeau.

Oh! non, restez encore un peu; mais priez beaucoup, et faites tous les petits sacrifices de position, dans la vue de la sainte Volonté de Dieu.

Vous désirez aimer beaucoup le Bon Dieu. Jetez souvent un aliment dans ce petit feu, afin qu'il devienne un brasier, un incendie dévorant. Cet aliment, c'est l'abnégation de tous les instants.

Adieu, mes chères filles en Notre-Seigneur. Je vous bénis de toute mon âme.

EYMARD.

P.-S. Je pars samedi, 16, pour Chalon-sur-Saône, pour y prêcher le Carême à l'église de Saint-Pierre. Là, je serais aise d'avoir de vos nouvelles.

Madame Tholin-Bost,

à Tarare (Rhône). - Mlle Bost.


Nr.0182

An Marg. Guillot

Chalon-sur-Saône, 28 Février 1850.

Mademoiselle.

J'ai reçu vos deux lettres: la première m'a fait plaisir, c'était la première de Lyon que j'attendais, la seconde m'a bien attristé et m'attriste encore par les douloureuses conséquences qu'elle semble présager; hélas! ne reverrais-je donc plus votre bonne mère? je ne pouvais pas m'attendre à une si triste nouvelle, moi qui aimerais tant à soulager sa peine, et à recevoir sa belle âme à Dieu; mais enfin j'aime mieux croire que votre lettre n'est que le fruit d'une alarme; cependant j'unis bien mes prières et saints sacrifices à ce que vous faites pour votre mère, à qui je vous prie de bien présenter mes sentiments de peine et de dévouement affectueux.

J'en viens à vous.

  1. Santé, ni bien, ni mal, mais suffisamment pour remplir mes fonctions; cependant je ne suis pas aussi fatigué que la première semaine.
  2. L'adresse de Mlle Regnier est rue Puy-Guillot, n 17 au 3me (il y a un coude pour entrer dans l'allée).
  3. La règle du T.O. pour les Prêtres n'est pas encore approuvée; ainsi, j'attends en patience: le moment de Dieu n'est pas sonné!
  4. Je ne permets rien de nouveau pour les pénitences, sinon ordinaires et dont nous sommes convenus. Mortifiez le corps, mais ne le tuez pas, et cela par un principe de pauvreté, pour n'être pas obligée plus tard à le soigner à grands frais;
  5. Une heure la nuit, s'il n'y a pas fièvre grande, accablement du corps, maux de tête.
  6. Dépense de 5 fr., oui; images, oui.
  7. Il faut communier tout de même, et surtout avec une grande pauvreté, une grande humilité; aller à Notre-Seigneur comme la première fois que la Madeleine alla se jeter à ses pieds. Méprisez vos troubles, vos tentations, vos craintes, je dirai plus, vos péchés, et allez vers ce bon Jésus avec vos haillons: Notre-Seigneur ne veut de vous que cette disposition ou au moins cette obéissance.
  8. Vous me permettrez de vous faire l'aumône de 20 centimes pour vos lettres et de les recevoir sans image d'affranchissement.

Ecrivez-moi quand vous en aurez besoin, tous les huit jours. Hélas! pauvre fille, je voudrais pouvoir être pour votre âme affligée l'instrument des grâces de Dieu! Mais que peut un pauvre néant?

Je vous bénis toutes en Notre-Seigneur, et vous en particulier.

Excusez-moi, car vous aurez ma première lettre.


Nr.0183

An Marianne Eymard

J. M. J.

Chalon-sur-Saône, 9 Mars 1850.

MES BONNES SOEURS,

Je quitte tout pour venir vous dire une bonjour fraternel; il me tardait de trouver un moment pour être avec vous. J'ai appris que vos santés se soutenaient dans le mieux que j'ai demandé au Bon Dieu; qu'il en soit béni! Ayez soin de ce petit mieux, car un petit souffle éteint une petite flamme. Si vous vous sentez fatiguées au printemps, voyez Mr Telmat, il est bien instruit, et veuillez lui présenter mes hommages.

Je vais bien, je ne suis pas écrasé d'ouvrage, quoique bien occupé. Le Bon Dieu bénit les quelques paroles de son pauvre prêtre. Priez pour lui puisqu'il est votre frère et que nous travaillons par moitié pour le ciel.

Les temps paraissent calmes; ainsi, mettez votre confiance en Dieu et en la Sainte Vierge.

En ce saint temps, concentrez votre piété et votre amour sur Jésus crucifié, sur les mystères de sa Passion... C'est la grâce du temps.

Je vous embrasse en N.S.

Tout à vous.

EYMARD, p. s. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Eymard Marianne,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0184

A Monsieur Blanc de Saint-Bonnet

Chalon-sur-Saône, 10 mars 1850

Monsieur,

Vous avez eu la bonté de m'adresser votre précieux livre qui apprend à souffrir. Je viens vous en remercier. Je l'avais déjà apprécié avec son modeste Auteur, et je l'aimais, espérant avoir un jour le bonheur de le connaître. J'aime un Auteur qui a le courage de penser et d'écrire sa pensée intime et apostolique; j'aime un livre original, il doit l'être pour être de l'auteur, et me révéler quelque chose de moi-même. Mais, Monsieur, quand on part de votre point de départ, quand on a un si beau et si grand principe à humaniser, tel que celui de la Religion - il faut s'attendre à la contradiction aveugle qui ne veut pas examiner, à l'opposition systématique de ceux qui ne veulent pas croire à un travail nouveau, puis à la bassesse de la coterie d'une classe d'esclaves.

Si j'étais quelque chose dans le monde, je vous dirais: vous avez une mine précieuse à exploiter, une belle mission chrétienne à remplir; ne vous arrêtez pas en (si) bon chemin.

L'Apothéose du chrétien n'est que sur sa tombe, ou mieux, dans le combat pour la vérité et la manifestation généreuse du bien divin.

En arrivant à Lyon, j'oserai aller vous remercier en personne, et je vous prie d'excuser mon retard, il ne vient pas du coeur.

Je suis dans les sentiments les plus dévoués, Monsieur, votre très humble serviteur.

Eymard o.s.m.


Nr.0185

An Frau Galle, geb. Villedieu

Chalon s.S. 10 mars 1850

Madame,

Je viens vous remercier de votre bonne lettre, elle m'a fait un sensible plaisir, on a besoin quelquefois d'une pensée de consolation, et je suis consolé de penser à vous, à vos prières et j'aime à le dire à N.S., aux désirs que je forme pour vous tous les jours afin que vous l'aimiez davantage, que vous soyez forte dans les peines de la vie et du coeur. Voyez, ma bonne Dame, il faut que vous ayez toujours un lien avec Jésus souffrant, parce que votre amour s'affaiblirait, mais quand on aime, la souffrance est pénible et douce en même temps. Je suis content que mon dernier travail à Lyon ait deviné vos besoins.

Je voulais vous le porter, N.S. n'a pas voulu que j'aie cette satisfaction. Allons! entre Chalon et Lyon, il y a un coeur divin dont les extrémités nous touchent et nous unissent.

Adieu en N.S. Tout à vous.

Eymard.

P.S. Vous voulez de mes nouvelles. Les 1ers jours, je pensais n'aller pas à la fin

maintenant je vais bien. Ah! le Ciel n'est pas encore pour moi!


Nr.0186

An Frau Franchet

Chalon 11 mars 1850

J-M-J

Madame,

Je ne comprends pas comment j'ai pu arriver jusqu'à ce jour sans vous écrire, ainsi que je vous l'avais promis. C'est ce pauvre procès-verbal, toujours inachevé qui en est la première et l'unique cause, car je ne pouvais jamais le finir. Enfin je vous l'envoie comme mon excuse.

Mais pour le souvenir devant Dieu au St. Autel, ah! je ne suis pas en arrière, je vous ai si souvent offerte à N.S., afin qu'il vous soutienne et vous conserve dans son saint service et son crucifiant amour. J'aime à me dire: Elle est généreuse, cette bonne fille, elle sait où est la force et l'amour divin du coeur, elle ne craint rien.

Le Bon Maître ne peut laisser un coeur qui veut être tout à lui. Puis j'ai appris que vous aviez à Lyon d'excellents prédicateurs et j'en bénis Dieu. Je voudrais que le monde fût rempli de ces apôtres zélés pour le remuer dans sa léthargie et son indolente vie.

Qu'est-ce que vous faites à Chalon ?

Je fais un peu de bruit, hélas, pour le fruit, j'attends que mes bonnes filles de Lyon obtiennent des conversions. Il y a peu d'hommes; triste ville! Les hommes ne valent pas les enfants! Je crains que la colère de Dieu n'éclate sur eux; la justice divine, hélas! aurait trop à frapper.

Cependant il y a un bon noyau de personnes pieuses, et c'est ce qui console. L'église est remplie quand j'ai 40 à 50 hommes; c'est beau!

Il est tard, je suis las, je viens de prêcher, si demain j'ai un moment, j'ajouterai quelques lignes.

J'ai reçu et lu votre lettre, mais qu'elle est triste!

J'espère que vous m'aurez dit et laissé toute votre tristesse; je présume qu'il y a trois tristesses en une, tristesse de corps, de coeur et d'esprit; mais vous en ferez encore une matière généreuse de vertu et vous aimerez le Bon Dieu quand même. Ce sont de ces peines de l'âme qu'il ne faut pas raisonner, ni analyser, mais offrir tout simplement à Dieu puis les oublier.

Je voudrais pouvoir vous l'ôter; mais le Bon Dieu veut que vous portiez cette lourde croix et que votre amour finisse par la rendre légère. Je vous laisse à la garde et à la grâce de N.S., et me recommande à vos bons souvenirs devant Dieu.

Eymard.


Nr.0187

An Marg. Guillot

Chalon, 16 Mars 1850.

Mademoiselle,

Je viens vous remercier de votre bon souvenir.

J'ai été bien occupé, et le serai encore plus la semaine prochaine; c'est la semaine de la grande Retraite que je recommande à vos prières, ainsi qu'une pauvre âme qui est à peu près dans votre état.

Je suis bien content du mieux de votre bonne mère, de la sagesse de vos soeurs: que Dieu en soit béni et glorifié!

A vous, deux mots:

  1. Faites vos communions comme une pauvre lépreuse, mais humiliée; offrez au bon Jésus toutes vos tentations, toutes ces horreurs, comme les haillons de votre misère; mais n'examinez pas, ne raisonnez point ces peines, c'est assez d'avoir le sentiment de votre pauvreté.
  2. Je vous permets la neuvaine et demande à N.S. de vous fortifier avec lui au jardin des Olives.
  3. Permission de bonnet.
  4. Vous ne donnerez plus rien au frère, défense absolue.
  5. Je vais assez bien, on dit même bien, car j'ai une forte voix; il est vrai que le Bon Dieu me soutient comme par miracle.

Adieu, ma fille, soyez bien petite, bien pauvre, bien patiente, bien suave envers votre pauvre coeur, encouragez-le plutôt que de tant le torturer.

Que Notre-Seigneur ait bien pitié de vous... oui, il en aura pitié.

EYMARD.

P. S. J'ai écrit à ma soeur en général, je n'ai pas le temps à présent...

Excusez-moi de vite finir, on m'attend de tous côtés. Je dirai la Messe pour vous à la fête de St Joseph. Puis, de vos nouvelles.


Nr.0188

An Frau Jordan Camille

Chalon-sur-Saône, 24 Mars 1850.

MADAME,

Toujours en retard, toujours débiteur: voilà le même P. Eymard; mais pour le souvenir devant Dieu, oh! non, je suis sûr d'avoir plus pensé à vous que vous à moi. Et puis, tous les jours je le disais: Allons! aujourd'hui; puis mille choses m'en ont empêché. Voilà quinze jours que je n'ai pas un moment: toujours en chaire ou au confessionnal. Aujourd'hui je viens de clore la grande retraite et je suis à vous, et par où commencer? par vous remercier de votre lettre et surtout d'apprendre que le temps est beau, calme et serein. J'espère qu'il ne sera pas assombri; moi qui ai écrit à Mr Marceau qu'il vous avait guérie! Puis tous ces bons prédicateurs vous auront fait beaucoup de bien, et je vais vous trouver toute fervente; que Dieu en soit béni!

Ma station de Chalon a été bien consolante sous le rapport des femmes; pour les hommes, hélas! quand on en comptait soixante on était content ici. Hélas! tristes hommes! dignes de leur réputation. Quand la justice de Dieu passera, je ne sais ce qu'elle va faire à Chalon à cette irréligieuse bourgeoisie; mais, hélas!...

J'espère être à Lyon mardi soir et vous dire ici bonjour le mercredi matin. En attendant, priez encore pour votre frère dauphinois, il en a besoin.

Tout à vous en N.S.

EYMARD.


Nr.0189

an Fräul. Julie-Antoinette Bost

Chalon-sur-Saône, 24 Mars 1850.

MADEMOISELLE,

J'ai un moment. Je suis heureux de vous le donner et vous prouver mon désir de vous être utile, et vous prouver mon dévouement.

Je vous remercie donc bien de votre lettre. Je l'attendais, et je l'attendais telle.

Saint Jour de Pâques.

Hélas! Mademoiselle, j'ai été forcé par les travaux absorbants du saint ministère de laisser jusqu'à ce jour ma lettre inachevée, sans avoir un moment. Mais votre coeur m'excusera. Je vous donne mon premier moment libre après la sainte Messe.

Aujourd'hui plus que jamais, je vous ai bénies, vous et votre bonne soeur; je vous ai présentées à Jésus ressuscité, afin qu'il vous communique de sa vie divine, de sa gloire, de son bonheur, son amour. Aujourd'hui, beau jour! Qu'on est heureux d'être l'enfant de Jésus-Christ!

Vous m'avez ouvert votre coeur comme une enfant; et j'ai béni Dieu de pouvoir y lire son amour et un grand désir de le servir tout seul. Il a bien souffert ce pauvre coeur, et il souffrira encore; car l'amour divin est un pressoir qui pressure toujours pour faire sortir de notre âme l'humain et le trop naturel, pour faire place à l'amour divin. C'est ainsi que Dieu conduit ses grandes âmes.

Voyez, Mademoiselle, faites toujours votre centre, et allez de Jésus aux créatures, et vous serez toujours heureuse. C'est par une disposition de son amour qu'il a permis pour vous toutes ces privations de secours auxquels vous aviez bien droit. Notre-Seigneur voulait être votre seul bâton de voyage. Cependant, demandez toujours.

Oui, restez chez vos parents, et vivez-y en religieuse, simple devant Dieu.

Que votre bonne soeur soit comme votre maîtresse de novice: le Bon Dieu l'aime bien. La nouvelle que vous me donnez de sa maladie m'a bien affligé. Je ne lui souhaite pas encore le Ciel, mais l'amour de Dieu actif, grand, immense. C'est le temps de l'amour glorifiant Dieu.

Dites-lui, à votre bonne soeur, que je prie bien pour elle. Et, à vous, vous savez votre double droit.

Allons! dans la disette, allez vers Jésus et Marie: dans la désolation, jetez-vous sur leurs coeurs; dans la joie, faites la provision de force.

Adieu, Mademoiselle. J'ai droit à ma grâce, à vos prières.

EYMARD, P. M.

P.S. Je suis content d'apprendre que le bon Mr Tisseur vous a fait du bien. Il prêche un Carême; je le connais de réputation.


Nr.0190

An Marg. Guillot

Saint Jour de Pâques. Chalon, avril 1850.

Mademoiselle,

Je vous ai déjà, ce matin, souhaité la bonne nouvelle, la Sainte Résurrection de Jésus, sa grâce, sa force, son bonheur, son amour; et je l'espère, ce bon Maître m'exaucera, car il sait combien je vous désire sienne et toute sienne. Votre état me peine et me console; je vous vois sur la croix, mais j'espère que cette croix tournera à la gloire de Dieu et à votre sainteté. Pauvre fille! que ne puis-je vous ôter cette lourde croix portez-la avec Notre-Seigneur...

Mes voeux, mes sentiments tout paternels à toute votre maison. Que Notre-Seigneur en fasse comme de son tombeau un Sanctuaire de grâce et de sainteté.

Je partirai d'ici mardi ou mercredi. Je vais assez bien. Merci de votre lettre. Je vous laisse pour courir à la grand-messe.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD.

Mademoiselle Guillot.


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