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Nr.0011

An Marianne Eymard

V. M.

Lyon, 9 Novembre 1839.

MES CHERES SOEURS,

Je profite de la même occasion qui m'a apporté mon manteau pour vous en remercier et vous donner de mes nouvelles. Je me porte bien, et je suis toujours bien content de la précieuse vocation à laquelle la Sainte Vierge m'a appelé. Maintenant, je ne désire qu'une chose: c'est de vous rendre participantes de mon bonheur, en vous engageant d'abord à adorer la Volonté de Dieu, puis à imiter, autant que vous le pourrez, la vie cachée de la Sainte Vierge; car, après tout, qu'en ce monde nous soyons séparés pour quelques jours les uns des autres, ce n'est pas une grande perte; mais ce que nous devons avoir à coeur, c'est de nous trouver dans le Ciel. C'est pour cela qu'il faut que nous travaillons à nous détacher de tout ce qui ne peut s'allier avec l'amour de Dieu, pour n'aimer que Jésus-Christ crucifié et caché au Saint Sacrement.

Je vous dirai que les gens de la campagne sont bien plus heureux que les gens des villes: nous voyons ici toutes les classes, mais aussi toutes les misères humaines.

J'ai aussi à vous éclairer sur une peine que vous avez eue. Vous avez cru que mon but était de partir pour les missions étrangères. Je voudrais avoir la santé nécessaire que j'en pleurerais de joie, mais je ne porte pas mon ambition si loin: je reste à Lyon. Je vous engage par toute la tendresse fraternelle à vous soigner et à vous réjouir dans le Seigneur; c'est ce que je demande bien souvent à Marie pour vous.

Votre frère.

J. EYMARD.

P.S. Rappelez-moi au souvenir de Joseph Desmoulins: quoique je sois à Lyon, tous les jours je pense à lui, et plût à Dieu que je puisse lui être encore utile dans le Seigneur!

Mademoiselle,

Mademoiselle Julien-Eymard, rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0012

An Marianne Eymard

Lyon, 21 Novembre 1839.

MES CHERES SOEURS,

Aujourd'hui, le beau jour de la Présentation de la sainte Vierge au Temple, j'ai eu le bonheur de vous offrir avec moi à Marie à Notre-Dame de Fourvière; et toutes les fois que j'y vais, et j'y vais deux fois par semaine, je ne cesse de prier cette bonne Mère pour vous; et assurément, si mes prières étaient aussi efficaces que fréquentes, vous seriez heureuses autant que l'est en ce monde une épouse de Jésus-Christ et de Jésus-Christ crucifié.

J'ai vu Mr Faure, et assurément j'ai reconnu de plus en plus en ce bon ami combien son attachement pour vous est grand, puisqu'il n'a pas craint de faire un si grand voyage. Assurément, si des motifs humains m'avaient guidé dans mon choix d'une vie plus parfaite, la présence et les raisons de Mr Faure m'auraient touché; mais quoique je ne me fie nullement ni sur mes forces, ni sur aucune qualité humaine, je mets toute ma confiance en Marie, et je lui abandonne mon sort, et j'espère persévérer dans cette belle vocation, de porter son nom, de la servir et de la faire aimer.

Quoique je ne vous sois pas un sujet de gloire, cependant il me semble que votre dévotion à Marie devrait être contente d'avoir un frère Mariste; et si je suis inutile, au moins pourrez-vous vous adresser à Marie avec plus de confiance et de droit.

Consolez-vous donc avec la Sainte Vierge votre patronne, et souvenez-vous que Marie est plus grande au pied de la croix que lorsqu'elle avait le bonheur de vivre avec Notre-Seigneur.

Ah! si j'étais digne d'être exaucé, cette crainte de manquer et d'être malheureuses dans l'avenir ne vous troublerait pas, et je n'aurais pas le coeur déchiré d'apprendre que vos larmes coulent toujours. Dieu vous a éprouvées, et si vous avez une grande confiance, l'épreuve cessera. Et vous ne pensez pas que peut-être votre tristesse afflige le coeur de Jésus-Christ et le coeur de sa sainte Mère, et qu'en abrégeant ainsi vos jours vous voulez abréger les miens? Allez! quoiqu'on vous ait dit que j'étais dur et ingrat, que je ne voulais plus de vous, le Bon Dieu sera mon Juge, et il sait combien je vous suis attaché, et qu'aucun motif humain ne m'a conduit ici. Je suis triste que vous vous soyez laissées surprendre par ces discours pleins de malice et de mensonge; vous connaîtrez par là ce que c'est que le monde: oui, Dieu seul est seul aimable.

Je vous envoie mon mandat, Mr Faure n'ayant pu l'emporter. Pour cette donation, comme il me faudrait plus de 100 francs pour la faire, je ne puis me décider à faire une si grande dépense. Mais consolez-vous bien: jamais, non jamais, la pensée de vous en dépouiller ne m'est venue et ne me viendra jamais. J'ai ici un testament en votre faveur: il sera le premier et le dernier, parce que je sais que, si vous me survivez, votre intention est de faire des bonnes oeuvres de ce qui vous restera. Ainsi je vous donne tout, persuadé que vous n'oublierez pas que je suis votre frère. Que le démon ne vous tente donc plus!

Remerciez Madame Reynier de son pieux souvenir, et qu'elle soit assurée que dans mes faibles prières je la mettrai toujours près de vous. Je dis ordinairement la messe à six heures et demie.

Quand vous verrez Mr Ripert, dites-lui bien que mon affection pour lui est toujours la même.

Je me porte bien et je demande pour vous la même grâce; c'est dans cette intention que j'ai commencé hier à Fourvière une neuvaine pour vous, offrant tout ce que je pourrai faire pour obtenir ce dont vous avez besoin.

Votre frère en N.S.

J. EYMARD, p.

Je vous prie de m'écrire tout de suite la réception pour me tirer de peine, crainte qu'elle ne s'égare.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Julien-Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0013

An Pater Gay

AU R.P. GAY

REGLEMENT DE VACANCES tracé par le P. EYMARD pour le jeune GAY, élève du Petit-Séminaire de Belley, devenu plus tard MARISTE.

Réf. A-9 365 (autographe)

Belley 3 août 1840

QUI REGULAE VIVIT, DEO VIVIT (S.Paul)

Il est temps de réchauffer mon coeur glacé. C'est faute de nourriture céleste que mon âme est réduite à cet état de tiédeur qui me ruine. Pour en sortir, j'emploierai les moyens suivants:

PIETE

Prière entière du matin et du soir dans un lieu paisible. Plus on souffre dans la prière, plus on touche le coeur de Dieu.

2 dizaines de chapelet. Marie sera toujours l'objet de mes plus tendres amours.

Une lecture pieuse. Je prendrai la vie d'un saint etc... mais je continuerai le même ouvrage, afin d'éviter l'inconstance, si nuisible à la piété.

Je m'approcherai des Sacrements à l'Assomption et à la Nativité.

Je ferai mon examen chaque jour en me promenant sur mon règlement.

Mon travail n'excédera pas 2 heures par jour - en cela je suivrai mes forces.

Quiconque s'affiche comme un incrédule ou corrompu, celui-là sera pour moi un démon. Si la nécessité me force à être en sa compagnie, une tenue négative sera ma réponse.

Si l'on m'interroge, je ferai franchement ma confession de ma foi. Si on la tourne en ridicule, je quitterai la compagnie ou mon silence me fera remporter deux victoires.

Je tâcherai de me tenir dans un état calme, évitant la passion des désirs violents, je m'exercerai à la sainte indifférence, attendant la volonté de Dieu. Toutes mes prières tendront vers ce but.

O mon bon Ange, rappelez-moi ma promesse, présentez-la à Marie et vous, ô Mère, à Jésus. Que ce soit là un des fleurons de ma couronne de commencer et de persévérer.

Belley 3 août 1840


Nr.0014

An Marianne Eymard

Belley, 9 Août 1840.

MES CHERES SOEURS,

Il est temps de vous écrire, depuis longtemps j'attends de vos nouvelles avec anxiété. Si, en ne répondant pas à mes deux dernières lettres, vous avez voulu affliger mon coeur, vous avez réussi; car vous devez savoir que par un adieu au monde on n'a pas fait adieu à la charité fraternelle. Certainement je mérite bien que vous ne me soyez plus attachées, je sais combien je vous ai fait souffrir toute ma vie; mais que voulez-vous! si le Bon Dieu veut que je sois votre croix, il veut aussi que vous aimiez cette croix. Hélas! mes chères soeurs, mieux vaut que vous pleuriez sur mon corps que si j'avais eu le malheur de vous faire pleurer sur mon âme.

Il est vrai que je vous suis temporellement inutile, mais la Sainte Vierge, à qui je vous recommande chaque jour, vous tiendra compte de tout. Ainsi je ne vous demande qu'une chose, que vous m'écriviez l'état de votre santé. Si je ne puis vous soulager, au moins je compatirai à vos peines et je prierai avec plus d'ardeur...

Pour moi, je me porte bien; nous avons donné nos vacances, et maintenant nous nous reposons un peu. J'ai appris avec peine les fameuses banqueroutes qui ont eu lieu à Grenoble; je remercie bien le Bon Dieu maintenant de n'avoir pas vendu de votre consentement le peu qui nous reste: aujourd'hui on ne parle que de banqueroute, on ne peut plus placer son argent que sur hypothèque.

Allons, mes chères soeurs, courage et confiance; je n'irai pas vous voir cette année: ma présence ne ferait que renouveler des douleurs; puis le Bon Dieu veut ce sacrifice, parce que je ne pourrais aller à La Mure sans voir Monteynard, et je n'aurais pas le courage d'aller pleurer sur la tombe de ces personnes que j'estimais tant.

Ecrivez-moi; vous savez que je ne vous fais pas attendre la réponse: j'éprouve vraiment un plaisir de vous écrire.

Je dirai la messe pour vous le jour de l'Assomption: unissez-vous d'intention.

J'irai peut-être faire un voyage à Saint-François Régis: là, soyez sûres que vous aurez la plus grande part à mes prières!

Tout à vous en N.S.

J. EYMARD.

Mademoiselle,

Mademoiselle Julien-Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0015

An Marianne Eymard

Belley, 27 Septembre 1840.

MES CHERES SOEURS,

Continuez à apprendre à écrire, je vois avec plaisir que vous profitez: je vous lis très bien. Quand vous lisez, examinez bien comment les mots sont écris, afin de les bien écrire: il faut bien apprendre à compter les lettres.

Votre lettre m'a bien réjoui. Que le Bon Dieu et sa sainte Mère vous bénissent, car vous êtes toujours présentes devant Dieu. Je ne demande rien au Ciel sans partager avec vous.

Pour l'argent dont vous me parlez, pour ces 8 francs, je n'avais pas acquitté ces huit messes; car vous savez que je n'acquittais que la première et la dernière de la neuvaine lorsqu'on ne payait pas, afin de ne pas tout perdre. Si vous pouvez garder cet argent, j'acquitterai les huit messes au plus tôt. Aux grandes fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge, unissez-vous toujours d'intention à moi, parce que je dis la messe en partie pour vous.

Pour le voyage à La Mure, je suis obligé d'y renoncer, d'abord parce que mon voyage à La Louvesc m'a fatigué; cependant je suis assez bien maintenant. Ensuite, nous voici à la rentrée de nos élèves: il faut que nous préparions bien tout. Puis je dois m'absenter cinq ou six jours pour nos affaires, pour voir nos professeurs.

Si Mr le Curé a tant de bonté de penser à moi, veuillez l'en remercier. Le bon Curé, hélas! je l'aime beaucoup: il me voulait du bien.

Pour le bon abbé et cher ami Baret, sa place est toujours dans le coeur.

Je remercie le Bon Dieu de la providence si paternelle pour ses enfants: on m'a dit que la récolte avait été belle.

Je suis obligé de vous quitter: nous sommes en retraite; j'ai été obligé de demander dispense pour voir le bon Benvin et vous répondre.

Toujours votre frère chéri en J.-C.

J. EYMARD.

Mademoiselle Julien-Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).

(Par exprès.)


Nr.0016

An Marianne Eymard

Belley, 8 Décembre 1840.

MES BIEN CHERES SOEURS,

Depuis un mois je suis poussé à vous écrire et je ne sais pas comment il est arrivé que votre lettre m'ait surpris dans cette paresse: j'en suis tout honteux. Je ne puis pas m'excuser sur mes nombreuses occupations, parce que j'aurais plutôt dû prendre sur mon sommeil. Enfin, pardonnez-moi mon retard: une autre fois je serai plus exact; au commencement d'une année d'études il y a tant à faire que vraiment on est un peu excusable. Je soupirais toujours après une heure bien libre, pour pouvoir m'entretenir avec vous; puis je restais toujours à la désirer.

Enfin, aujourd'hui, le beau jour de l'Immaculée Conception, je vous écris, et à la première. J'ai au moins six lettres à écrire. Depuis deux mois, j'ai vécu en solitaire, sans aucun rapport avec mes amis. Je me porte très bien, grâce à la Sainte Vierge, je n'ai pas été malade. Il paraît que mon occupation présente convient bien à mon tempérament: il y a toujours à faire et pas trop forcé.

Nous n'avons eu aucun malheur à déplorer ici: Belley est un peu élevé, il n'a rien à craindre; mais dans le département il y a des malheurs incalculables: c'est une visite de Dieu; nous l'oublions un peu trop, et voilà pourquoi il nous afflige.

Ma bonne soeur, vous m'en voulez toujours de ne vous avoir pas visitée pendant mes vacances; soyez-en sûre, il m'en a bien coûté. Je pensais vous écrire de Chatte pour vous y attendre toutes les deux; mais je me suis dit: Je ne vaux pas la peine de faire courir si loin mes bonnes soeurs; puis il me faudra les consoler, essuyer leurs larmes, moi qui aurai le coeur déjà bien gros de leur tristesse. Aller à La Mure: un religieux est sous l'obéissance; puis, y aller pour recevoir mille plaintes, mille reproches de la part de mes amis; à vous dire vrai, je ne me serais pas senti ce courage. Enfin pardonnez-moi encore cette faute, si cela en est une.

Vous ne me donnez aucun détail, ni sur votre santé, ni sur vos affaires: eh bien! je vous le pardonne aussi. Tenez: je vais vous dire une petite malice, mais sans rancune: celui qui a écrit l'adresse vous a conseillé de finir votre lettre ainsi: "Vous avez raison de ne pas nous aimer autant que vos amis." Je dis d'abord que c'est un gros mensonge, mais aussi que c'est une grosse sottise pour moi. Je vois bien que la lettre a été dictée, car vous m'auriez reproché plus doucement ma faute et ma paresse.

Voyez si je ne suis pas bien sage: je prie plus pour vous que pour moi; tous les matins, à sept heures, vous avez la moitié de ma messe, et quand je fais le chemin de croix, tout ce que je demande, vous en avez la moitié: faites de même pour moi. Nous ne mangeons pas le même pain, mais nous avons le même Père Céleste, et un jour nous serons sur le même trône.

J. EYMARD, p. S. M. D.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0017

An Marianne Eymard

Vive Jésus.

Belley, 2 Janvier 1841

BIEN CHERES SOEURS,

J'ai reçu hier votre lettre de bonne année. Vous me la souhaitez heureuse; je vous en remercie et je vous fais à toutes les deux le même souhait: qu'elle soit heureuse cette année pour le ciel. Voilà, je pense, votre pensée; car, pour le bonheur sur la terre, il n'y en a jamais eu depuis que Dieu dit à Adam pécheur: "Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front." Il n'y aura jamais de bonheur en ce monde pour les disciples de Jésus-Christ, mais des persécutions, mais des croix à supporter, mais des sacrifices continuels à faire: voilà ce que Jésus-Christ nous réserve en ce monde et dont il vous a nourries depuis longtemps. Mais, mes bonnes soeurs, quand on veut tailler une pierre pour en faire un bel ornement d'un palais, on ne prend pas une mauvaise pierre, toute calcinée; ce serait inutile: elle se briserait sous les premiers coups de l'ouvrier. Quand on veut se choisir un ami, on l'éprouve avant de lui ouvrir son coeur; ne soyez donc pas étonnées si le Bon Dieu en agit ainsi à votre égard. Ce n'est ni moi, ni les autres qui sommes causes de vos sacrifices... nous en sommes seulement l'occasion. C'est Jésus-Christ qui le veut, qui se sert jusque de votre frère pour vous faire souffrir. Que faire? s'estimer heureuses d'avoir quelque chose à offrir à Dieu: ce n'est pas à tout le monde qu'il est donné de suivre de si près Notre-Seigneur.

Examinez, consultez tant que vous voudrez: la dernière réponse à tout, c'est que pour entrer dans le ciel il faut beaucoup souffrir sur la terre. La patience évangélique et la générosité de l'épouse du Sauveur, voilà, mes chères soeurs, ce que je vous souhaite et ce que je demande deux fois par jour à la Sainte Vierge pour vous.

Vous pouvez le croire, jamais je n'ai tant prié pour vous que depuis que je suis religieux; vous êtes la seule chose que j'aime dans le monde et le seul objet de mes désirs en Jésus-Christ.

L'accident qui vous est arrivé ces jours passés m'a bien fait de peine pour vous, mais il faut s'en consoler et mettre toute sa confiance en Jésus et Marie: il ne vous arrivera jamais que ce que Jésus-Christ veut et désire.

Vous feriez peut-être bien d'assurer votre maison chez Mr Clavel, ou, mieux, prenez la Sainte Vierge pour assureur; donnez-lui chaque année une petite somme pour cette fin, et elle la gardera bien.

Demain, fête de saint Joseph, je dirai la sainte Messe pour vous.

Apprenez toujours bien à écrire; mais j'aime toujours voir la signature de la bonne Nanette, et je ne sais pas pourquoi je ne la vois plus... Je pense bien qu'elle n'est pas malade.

Dans vos lettres je voudrais quelques détails du pays. On m'a dit qu'un des vicaires était parti à l'occasion de quelques tripotages: tant pis! Voyez, mes chères soeurs, croyez à mon conseil: respectons beaucoup les prêtres, honorons-les beaucoup, soyons heureux de leur prouver toute notre estime et confiance; mais pour ces tripotages, mais pour faire partie pour quelqu'un contre les autres, gardons-nous-en bien; mais je sais sur cela que vous êtes prudentes.

Donnez-moi, je vous prie, des nouvelles de Mr Lesbros, de la mère Cros, de l'honorable famille de Mr Fayolle. Si l'occasion se présente, veuillez leur présenter mes respects.

Rien de nouveau ici. Je me porte assez bien. Je vous aime toujours bien. Dites-moi toujours vos peines et je les porterai de moitié avec vous: nous sommes frères. Je vous embrasse dans les coeurs de Jésus et de Marie.

Votre frère.

J. EYMARD, p.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0018

An Marianne Eymard

Belley, 5 Février 1841.

MES BIEN CHERES SOEURS,

C'est aujourd'hui un beau jour pour moi, c'est aujourd'hui que je vous ai eue pour marraine. Vous savez que de millions de fois je vous ai appelée de ce doux nom. En entrant dans l'état ecclésiastique, je vous ai donné celui de soeur; mais les sentiments de filleul resteront jusque dans le ciel; car je [vous] dois beaucoup, surtout de m'avoir retenu dans ma jeunesse loin des occasions du mal, de sorte que je puis dire que c'est en partie à vous que je dois ma vocation à l'état ecclésiastique. J'étais alors entouré de trop de mauvaises compagnies pour ne pas devenir bien vicieux. Je prie bien Notre-Seigneur de vous en tenir compte au grand jour des récompenses. J'ai toujours conservé pour sainte Agathe, fête du jour de mon baptême, une grande dévotion.

Je sens aussi le besoin de vous écrire pour vous demander de vos nouvelles. Je suis bien en peine depuis cet accident dont je n'ai pu que vous écrire un mot. Je crains bien que la surprise et le mauvais sang ne vous aient rendues malades toutes les deux. Si vous voulez me faire un plaisir, c'est de m'envoyer de vos nouvelles.

A peine vous ai-je envoyé ma dernière lettre qu'un regret m'a saisi, quand j'ai pensé que je vous envoyais des paroles de croix au lieu de vous consoler. Je vous engageais à aimer la croix, et peut-être vous en étiez chargées. Enfin, ne pouvant vous soulager par ma présence, il ne me restait qu'à vous montrer Jésus-Christ en croix, puis le ciel ouvert et cette double couronne qui vous attend.

Je me porte assez bien. J'ai un grand désir: celui de vite devenir un saint pour m'en aller au ciel trouver la Sainte Vierge avec notre pauvre père et ma bonne mère. Je commence à languir sur la terre. Je vous aime bien toujours; mais ne m'en voulez pas si tout mon amour pour vous se borne à votre perfection, puis au ciel.

Cependant je prie Notre-Seigneur de vous laisser encore un peu sur la terre: j'aime mieux que vous fassiez ici votre purgatoire. Dans votre lettre donnez-moi des nouvelles de Madame Lesbros à qui vous présenterez mes respects, de l'abbé Second, de Joseph Desmoulins. S'il y a quelques morts, veuillez me les nommer: j'aime tant à prier Dieu pour ceux que j'ai connus!

Tout à vous en N.S.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0019

An Marianne Eymard

III,19-20

A-2 55

B-3 36

R2-25 27

V.M

Belley, 19 Avril 1841.

MA BONNE SOEUR,

J'espérais aller vous voir après Pâques, mais j'ai été arrêté par un rhume et un mal de gosier jusqu'à présent. Je vais mieux. Dans une dizaine de jours nous ferons notre Première Communion; comme j'en suis chargé, je ne pourrai aller vous voir qu'après. Ainsi au commencement de mai j'irai vous faire une petite visite, s'il plaît à Dieu.

Les lettres que j'ai reçues sur votre état sans doute m'attristent bien, elles m'engagent à bien prier pour vous: c'est un devoir et une consolation pour moi. Pour vous, mettez bien à profit ce purgatoire, ce calvaire, cette croix. Je sais bien que la nature n'aime pas la souffrance, mais votre foi n'en devient que plus généreuse et la piété s'épure et s'unit de plus en plus au bon Jésus. Tout ce qui vous reste à faire, c'est de rester dans une amoureuse indifférence à la sainte Volonté de Notre-Seigneur.

Pour nous, nous le prierons de vous laisser encore ici. L'espérance de voir arriver le mieux me console, faites-moi donner souvent de vos nouvelles.

Je prie bien la bonne Nanette de se soigner un peu mieux: son bon coeur lui fait oublier ses besoins, mais cependant il faut se soigner; vous avez des amis qui sans doute se font un plaisir de lui aider.

Dans vos souffrances priez pour moi.

Votre frère.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0020

An Herrn Anton Mayet

B-44 (38)

A-7 3

A-8 39

R2-24 161

Réf. A-7 3 (autographe)

B-7-3

Belley 17 mai 1841

Cher Monsieur,

Je veux tenir ma parole et vous faire tenir une contrebande; vous trouverez, je l'espère, la marchandise de bon goût et Melles en jugeront; le métier est sorti de chez vous, puis la main en relève le prix; elle est si habile cette main! elle porte son coeur, et il est chaud, ce coeur, pour son cher Tonny; quand il veut s'amuser, il me (compte) (conte) vos exploits, quand il a besoin d'expansion, il me parle de vous, ah! il vous aime, ce bon frère! Je n'ai jamais trouvé encore personne si délicat, si tendre dans l'amitié.

Mademoiselle votre soeur lui a fait un plaisir indicible par le tableau récemment envoyé.

Sa santé va à peu près. Quel dommage de ne pouvoir se communiquer la force comme on échange l'amitié! Il pense aller à Uriage tout de suite aux vacances; je désirerais bien pouvoir l'accompagner. Si je puis être libre, je m'en ferai un plaisir.

Votre courte visite vous a laissé vivant dans notre estime; tous nos messieurs les professeurs vous aiment. Une seconde visite nous fera encore beaucoup de bien. Vous savez bien que de deux frères, on n'en fait qu'un, et croyez-moi le troisième.

Eymard Direct.

Pour la Congrégation, composé en janvier 1841 par Me May

(Air du chant du midi, ou: Vous en êtes témoins, cantique d'Amiens).

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Nur in der Rom-Ausgabe geschrieben:

1.

Allons! prêtez serment. à la sainte bannière,

Volons sous les drapeaux de la Reine des Cieux;

Ses soldats à jamais seront victorieux;

Marchons, et que son nom soit notre cri de guerre.

Refrain:

Oui, nous le répétons, nous voulons la servir,

Notre âme à ses drapeaux sera toujours fidèle,

Et jusqu'au dernier jour, jaloux de la chérir,

Toujours nous combattrons, (bis) nous vaincrons avec elle (ter)

2.

Entendez-vous, du fond de l'éternel abîme,

Le lion des enfers, contre nous rugissant,

Sous le nom de Marie il frémit impuissant,

Elle a d'un pied terrible écrasé sa victime.

3.

Les ainés de ton coeur, Sainte Vierge Marie,

Placés au premier rang, vers l'étendard vainqueur,

Au chemin des vertu, du devoir, de l'honneur,

Toujours nous guiderons ta famille chérie.

Oui, ...

4.

Nos frères nous suivront, dans cette noble guerre,

Ils ont les yeux sur nous, soldats chrétiens, marchons,

Un regard vers Marie ... en avant... nous vaincrons;

De la foi, de l'amour, surtout de la prière.

Oui,...

5.

Savoir se relever, oui c'est une victoire,

Qui garde le courage, amis, n'a rien perdu;

Et quand, malgré sa chute, il surgit résolu,

Marie offre au soldat la palme de la gloire.

Oui,...

6.

Marchons, les rangs serrés; la plus tendre des mères

Couvre de son Saint Coeur nos escadrons pieux.

Aimons Jésus, Marie et nous serons heureux.

Union et ferveur... Aimons-nous en bons frères.

Oui,...

Refrain:

Oui, nous le répétons, notre âme à la servir,

A la vie, à la mort, sera toujours fidèle,

En serrant nos drapeaux, nous voulons tous mourir,

La nommer en tombant, (bis) et régner avec Elle! (ter)

Fin.

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(Suit le texte d'un cantique composé de 6 strophes et

d'un refrain de 4 vers de 12 pieds)

A la fin de ce cantique le P.Eymard ajoute: Adieu, cher ami, à un autre vol; mais vous me paierez.

Monsieur A.Mayet

chez M.M.Menthe et Cie

Commissionnaires

Rue des Capucines Lyon.


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