Juste un baiser
(titre original: L'ULTIMO BACIO)



JUSTE UN BAISER est une fable lucide sur la génération des trentenaires, en mal de passé et avec une peur bien compréhensible du futur. 
Les protagonistes oscillent constamment entre ennui profond et hystérie contrôlée, sans toutefois comprendre comment sortir de cette impasse. Ils manquent de maturité et préfèrent se cacher derrière les apparences "d’un petit couple parfait" parfois au bord de la tragédie. 
Le sujet est sympathique mais le résultat reste léger et on ne crie pas au chef-d’œuvre en sortant de la salle, hélas… 
Le thème a été déjà trop exploité et le scénario s’enlise souvent sous l’amas de bons sentiments. 
Il demeure quelques bons moments malgré tout, de vérité ou de drôlerie, par exemple l’arrivée d’un enfant dans un couple, avec l’éviction totale du père. 
Deux actrices splendides se détachent de la composition du film qui ne joue pas sur les têtes d’affiche et reste les deux figures intenses, d’une série d’acteur un peu fade. 
Giovanna Mezzogiorno tellement touchante dans la jalousie et la rage et surtout Stéphania Sandrelli (déjà vue dans JAMBON, JAMBON de Bigas Lunas) qui rayonne en femme indécise et survoltée, mais qui ne partira pas pourtant. 
JUSTE UN BAISER évoque donc cette routine inexorable et malheureuse du couple que certain décide de contourner par la fuite ou d’embrasser sans ménagement, juste par amour. 
Le film a été un grand succès italien et collectionne les prix, c’est peut-être mettre l’accent sur la crise que traverse ce cinéma qui n’arrive pas à retrouver sa splendeur d’antan et qui préfère s’étourdir dans des comédies romantiques. 

Claire Saleres 
 

ENTRETIEN AVEC LE REALISATEUR Gabriele Muccino

Au-delà de tout ce qui a été écrit sur votre film, JUSTE UN BAISER constitue une prouesse : celle d'être un grand succès italien construit sans têtes d'affiche ni acteur de cabaret ni comique de télévision. A votre avis, quelle est la raison de ce succès, sans parler des qualités que vous reconnaissez à votre film?

"Certains font semblant de ne pas voir ces qualités. Mais, au-delà d'une première approche qui consiste à voir le film comme un simple divertissement, parce qu'il fait sourire et laisse un souvenir léger, la raison principale de ce succès est qu'il touche un nerf à vif : nous portons tous en nous une certaine forme de malhonnêteté qui nous empêche de dire les choses en face à notre partenaire, de vivre les problèmes ensemble, de les affronter avec complicité et maturité. 
Le film fait resurgir les signes et les effets de cette difficulté à vivre, de ce désarroi, de ce désir névrotique de fuite et il les représente avec sincérité. Au moment de l'écriture, je pensais que ce serait un film très sombre. Le personnage principal masculin du film est tout sauf un personnage positif. Son comportement n'est que mensonges, mesquineries et totale débâcle face à la paternité. Je suis convaincu qu'un futur père ne devrait pas agir comme il le fait dans le film mais en écrivant ce personnage, je concevais parfaitement l'éventualité de ce type de comportement, spécialement dans une situation de malaise intense, de détresse, d'incapacité ou d'infériorité par rapport à ce qu'est notre vie. 
C'est là l'idée de départ du film: affronter et raconter ces aspects de nos vies dont on n'est jamais particulièrement fiers. D'ailleurs le premier titre envisagé pour le film était non sono pensieri carini ("vilaines pensées") mais nous l'avons mis de côté parce que nous le trouvions trop léger. J'ai toujours pensé que mon film était plus grave et plus douloureux que ce que suggérait ce titre." 

Le cinéma aime placer ces personnages dans des situations extrêmes. Vos films sont animés par des personnages au caractère obsessif. Le héros DE ECCO FATTO souffrait d'une jalousie morbide. L'adolescent de Comme toi… était obsédé par sa première expérience sexuelle. On retrouve cet aspect d'obsession dans certains personnages de JUSTE UN BAISER. En tant que spectateur, plus que comme critique, je me demande ce qu'il y a de vous dans tout cela ? 

"Je ne cherche pas à faire de l'autobiographie. Mais je ressens l'urgence d'exprimer un monde intérieur que je ne maîtrise pas encore forcément, d'exprimer ce que provoque en moi l'observation de choses qui m'irritent profondément, qui me heurtent; le cinéma peut, peut-être, m'aider à résoudre ces conflits intérieurs." 

Quelles sont ces choses ?

"La médiocrité, la stupidité des gens, la vanité de la télévision. Il y a des aspects de la vie italienne que je ne supporte pas. J'aimerais pouvoir les raconter et de cette manière mieux les connaître, mieux les comprendre et peut-être moins les détester. Mes films m'ont effectivement permis jusqu'à présent d'expulser ce que je portais en moi d'indigeste. 
ECCO FATTO, par exemple, est très proche de mon adolescence : j'étais abusivement possessif et très jaloux de mes petites amies.. cela ne m'a apporté que souffrance, séparation et abandon. J'ai réellement vécu la jalousie comme un handicap personnel." 

Etes-vous moins jaloux maintenant ?

"Beaucoup moins. Et la personne qui est à mes côtés m'aide beaucoup à ne pas l'être, elle m'apporte une sérénité que les autres ne m'ont jamais donnée. Mais je crois aussi, qu'après ECCO FATTO, j'ai exorcisé cette terreur de l'abandon. Je m'agrippais de façon très puérile à la personne que j'avais peur de voir fuir. Je me suis beaucoup amélioré après le film! Je crois même pouvoir affirmer que, depuis ce film, je n'ai plus fait de ces hallucinantes scènes de jalousie dont j'avais le secret …" 

C'était si terrible ? 

"Absolument." 

De quoi en rougir ?

"Probablement, oui . Filatures, attentes dans la nuit en bas de chez elles, pour les épier.. Il m'est arrivé une fois… c'est vraiment lamentable… bref, j'étais chez mon amie à l'époque et elle était sortie, il était tard, elle ne rentrait pas.. j'ai fini par chercher dans l'armoire à pharmacie et j'ai découvert que son diaphragme n'y était plus.. je suis devenu complètement fou…" 

Cette scène se trouve dans ECCO FATTO. 

"En effet. C'est un épisode qui m'est resté longtemps dans les tripes.. j'étais réellement devenu fou. Je me suis précipité chez la personne chez qui je pensais pouvoir la trouver et effectivement elle se trouvait là, dans le jardin, à trois heures du matin, à bavarder.. je lui ai fait une scène totalement hystérique, une gifle est partie.. aujourd'hui, heureusement, j'arrive à en rire. Mais à l'époque, pour moi, c'était littéralement douloureux physiquement, un hara-kiri permanent !" 

La jalousie naît du manque d'assurance, mais vous connaissant, on n'imagine assez mal que vous ayez des difficultés avec les femmes. Je suppose que c'était aussi facile pendant l'adolescence? 

"Beaucoup moins. Au lycée, j'étais nul avec les filles. Mais vraiment nul! Il n'y a pas de raison particulière à cela, et il y en a probablement des centaines. J'étais certainement très immature aux yeux de quiconque aurait voulu me prendre en considération. J'avais un gros complexe d'infériorité vis-à-vis du monde en général, l'impression d'être différent, d'être toujours derrière, à la queue. Et finalement, au lieu de cacher ce sentiment, j'en ai fait mon trait distinctif et tout le monde m'acceptait.. au fond, j'étais justement le "bizarre" du groupe. C'est devenu un masque que je mettais pour m'intégrer. J'étais le principal responsable de ce mécanisme pervers et j'ai mis ce masque pendant des années : j'étais le "Goofie", de la bande. Mais il y avait une sorte de complaisance douloureuse dans l'acceptation de ce rôle." 

Vous étiez vraiment conscient de porter un masque ? 

"Je savais que je valais plus que je ne le donnais à penser aux autres. Ces conflits intérieurs venaient également de mes limitations verbales: je souffrais d'un fort bégaiement! Je me sentais déjà inhibé pour des tas de raisons, le bégaiement en plus à gérer… mais je crois que nous nous écartons un peu du sujet, non ?" 

(Extraits d’un entretien avec Mario Sesti - Journaliste) 

L'AVIS DE LA PRESSE :

Télérama : 
" Un chassé-croisé amoureux et gentillet qui a emballé les Italiens. C'est un peu étonnant , tout de même. Certes, la sensibilité du réalisateur est évidente mais son approche a une gentillesse un rien convenue. " 
Pierre Murat (article entier disponible sur le site de Télérama) 
 

Les Cahiers du cinéma : 
" Au cas où les marivaudages gentillets de EMBRASSEZ QUI VOUS VOUDREZ ne vous aurait pas suffi, le "jeune" quoique rance, cinéma italien vous offre un film de rattrapage (…) On a rarement vu vitellonisme aussi poussif. Comme le déclare le réalisateur, "tout ce que j'ai appris, je le dois à la télévision"… " 
Gabriele Muccino (article entier disponible dans Les cahiers du cinéma n°573, page 89) 

Les Inrocks : 
" Un Yi Yi de Prisunic, vaguement sociologique, qui fait désespérer du cinéma italien (…) L'Italie est artistiquement morte. " 
V.O. (article entier disponible dans Les Inrocks n°573, page 71) 

Première : 
" Film sur l'air du temps, JUSTE UN BAISER a fait la nique aux blockbusters américains qui règnent sans partage sur le box-office italien. La preuve que c'est en parlant de soi qu'on parle le mieux aux autres. " 
Christophe Narbonne (article entier disponible dans Première n°309, page 56)

 

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