Dans ses mains
partie XVIII
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Dans ses mains
Partie XV
Son visage reprenait des couleurs, il y avait si longtemps qu’il ne l’avait pas
vu. Seul dans cette chambre avec elle, il pouvait la toucher. Ce n’était pas
comme il se l’était imaginé. Son cœur était submergé d’émotion d’être ici avec
elle. La joie que lui avait procurée l’effleurement de sa peau vibrait encore
dans ses doigts. Mais ne devait-il pas la haïr ? La haïr pour ce qu’il avait vu
depuis cette fenêtre ?
Mais non, il ne la haïssait pas.
A un certain moment, il ressentit une douleur aigue, il souhaita, absurdement,
qu’elle ne se réveille pas, qu’ils n’aient
pas à se parler. Qu’ils aient tout oublié et que le seul besoin soit de la
serrer dans ses bras, la tenir prés de lui, car c’était la seule chose qu’il
voulait faire à cet instant.
« Oscar… Oscar… »
Son nom était sorti de ses lèvres dans un murmure, il se sentait complètement à
la merci des évènements. Il ne se souvenait plus des intentions avec lesquelles
il était entré dans ce bureau, et le ressentiment qui l’avait accompagné depuis
maintenant si longtemps. Le désir de la punir, de l’accuser, de lui jeter à la
figure tout son chagrin d’avoir été abandonné, trahi. En prononçant son nom à
voix basse, tout a coup, tout d’elle lui revint en mémoire.
« Oscar… »
Il la vit ouvrir les yeux, poser son regard sur lui pendant un long moment sans
changer d’expression, comme si elle ne comprenait pas encore. Et les larmes
jaillirent en silence, dévalant sur ses joues, sans qu’elle ne le quitte du
regard. Et c’est en voyant ses lèvres trembler légèrement qu’il comprit qu’elle
était trop faible, à la fois dans son cœur et dans son corps, pour pouvoir se
redresser.
Il se pencha sur elle, très prés, fixant son regard.
Ce fut alors qu’Oscar leva une main pour le toucher, puis l’autre, et resta
ainsi, ses mains autour de son visage, et imperceptiblement elle secoua la tête
incapable de parler.
Elle pleurait en silence et dans un gémissement l’entoura de ses bras et se
cramponna à son cou. Une étreinte de plus en plus intense, et le son muet de ses
pleurs se changeant en sanglot, et des mots désunis qui parlaient de lui, pour
lui…
« André… André…tu…je…tu es là … »
Et il reconnu son abandon, la tendresse avec laquelle elle se donnait, et pour
la première fois il la sentit fragile comme jamais auparavant.
Sans qu’il ne le décide réellement ses bras l’entourèrent machinalement, la
pressant contre sa poitrine, sans qu’il ne s’en aperçoive il la maintenait
assise tout contre lui, la serrant fort, de plus en plus fort, son visage contre
le sien, les yeux fermés tout en désirant qu’elle ne prononce pas le moindre
mot. Qu’il n’y ait rien à dire, à se souvenir ou même à expliquer. Que les
sensations qu’éprouvait son corps soient vraies, qu’elles soient les mêmes qu’à
cette époque, et même plus encore, oui… Et son corps à elle, son corps dans ses
bras… et ces mots qu’il avait au bord des lèvres et qui voulaient s’échapper,
mon amour… mon amour…
« Mon amour… André… mon amour… mon amour… »
« Oh… Oscar…. »
Elle lui avait dit, ces mots étaient ses paroles à lui mais dans la bouche de la
femme qu’il aimait, serrée tout contre lui. Et ses mains qui la tenaient serrée,
faisant fi de la raison, la caressant dans le dos par dessus son uniforme.
Oscar l’avait appelé mon amour, elle l’avait appelé encore mon amour.
Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé, ni même ou il se trouvait.
Toucher son visage, s’abandonner à son parfum, lui rappela les instants ou il la
tenait ainsi dans ses bras, ce n’était pas comme quand il l’imaginait et qu’elle
n’était pas là si proche, ce n’était pas ainsi, non… Et il voulait qu’à cet
instant le temps s’arrête, exactement comme il avait souhaité qu’il s’arrête ce
jour là au bord de la rivière, quand ils avaient longuement parlé sur cette
couverture et qu’ils avaient échangé leur premier baiser. Avant que les
explications ne viennent, qu’ils ne comprennent, et que l’un d’eux ne fui de
trop de peur.
« Tu es vivant… Tu es vivant André… »
Elle était revenue à elle mais ne pouvait toujours pas y croire. Elle murmurait
ces mots d’une façon désarmée et heureuse, les yeux brillant, continuant à
s’accrocher à lui car elle ne voulait pas renoncer au contact de son corps.
André caressait avec ses pouces le dos de ces mains blanches qu’il tenait dans
les siennes, tendrement, et fixant son mouvement alors qu’il les caressait, sans
la regarder. Il comprit que s’il n’arrêtait pas tout de suite il ne parlerait
pas, et l’embrasserait avant de lui faire l’amour sur le champ, sur ce canapé,
dans ce bureau.
« Oui je suis vivant Oscar, je suis là » dit-il levant son visage pour la
regarder dans les yeux.
« Oh tu es là… tu es là… je pensais qu’ils t’avaient tué… Je pensais que tu
étais mort. »
Dans ses bras elle pleurait à nouveau sans être en mesure de s’arrêter. André la
laissa ainsi s’épandre pendant un long moment, jusqu’à ce qu’elle reprenne le
contrôle d’elle-même
Puis il se leva lentement pour prendre sur la table voisine un verre d’eau qu’il
lui tendit.
Il la regarda pendant qu’elle buvait, retrouvant lentement ses forces,
puis mettait un pied au sol tout en restant assise sur le canapé en face
de lui, les mains encore posées sur les oreillers.
Alors il fit un pas dans la pièce, comme pour mieux la regarder pendant qu’ils
parleraient.
« Je me suis cru mort également, Oscar. On m’a tiré dessus le jour ou nous
devions nous retrouver, et je ne sais par quel miracle ils ne m’ont pas tué»
« Oui - lui répondit-elle en le regardant et se levant pour aller de nouveau
prés de lui - je sais ».
« Tu sais ? » dit-il, levant son visage quand elle saisi ses mains. Elle
remarqua sa surprise et en fut blessée.
« Attend –dit-elle- je dois tout t’expliquer »
« Oui Oscar, dis moi tout s’il te plait. Dis-moi pourquoi je ne t’ai plus vu si
tu étais au courant… Dis-moi pourquoi je t’ai perdu le jour ou je pensais enfin
pouvoir être avec toi. »
« Oh, André ... Je suis désolée, tellement désolée ... ça a été terrible, je
sais. »
« Oscar ... pardonnes-moi, mais ... »
« Attends… attends André, c’est une histoire horrible et difficile à expliquer,
j’ai tout découvert beaucoup plus tard ».
« Tu as tout découvert… mais qu’y avait-il à découvrir Oscar ? explique moi s’il
te plait -dit-il incapable de cacher les notes tristes dans sa voix- Dis moi
pourquoi tu avais promis de me suivre, et à la place… à la place… » Il n’avait
pas bougé, mais avait serré les poings presque sans s’en rendre compte.
« J’ai été trompée André » répondit-elle sans attendre, presque anxieuse « Nous
avons été trompés tout les deux… quelque chose de terrible… je suis venue à
l’auberge ce soir là…Je t’ai attendu…Je t’ai tellement attendu… » Dit-elle une
fêlure dans la voix au souvenir de cette nuit
Il se souvint lui aussi : l’auberge, pensant qu’elle arriverait bientôt, il
avait allumé le feu dans la cheminée.
« Et ensuite qu’est-il arrivé ? Qui t’a trompé ? Qu’est ce que … »
« Mon père André. Mon père et sa maitresse Me de Surgis, je ne le savais pas.
Nous avons été découverts, on t’a tendu une embuscade et à moi l’on m’a fait
croire que tu m’avais menti et que tu t’étais joué de moi… Et je l’ai cru… je
l’ai cru pendant si longtemps… Je croyais que tu m’avais abandonnée André »
Il secoua la tête étonné par ses paroles.
« Oscar, mais comment as-tu put croire cela, après tout ce qui c’était passé
entre nous… après tout les projets que nous avions fait… comment as-tu put
croire que j’étais capable de te quitter ainsi sans un mot ? »
« Tu as raison, je n’aurai pas du le croire, mais j’étais choquée et blessée… Tu
n’étais pas venu… et cette lettre… André, j’y ai cru pendant longtemps, j’ai
longtemps pensé que tu m’avais abandonnée, et que tu étais partit en me laissant
ici. J’étais si mal André, parce que je ne comprenais pas, je me suis interrogée
sur toi, sur nous, je pensais avoir tout faux… et peut être que je ne l’aurais
pas compris André, que je serais encore chez moi à souffrir le martyre
et a me poser des questions si Fersen ne m’avait pas aidé… »
« Fersen ! »
Ce nom, rien que ce nom avait le pouvoir de le faire entrer dans une sourde
colère
« Fersen bien sûr –dit-il d’une voix basse et bouleversée- Moi tu ne pouvais pas
me croire, mais le comte de Fersen oui… »
Soudain lui revinrent les images d’elle dans les bras de cet homme derrière la
fenêtre, le baiser qu’ils s’échangeaient, la surprise et la douleur qu’il avait
éprouvé à les voir. Mais aussi les images de tout ce qui était arrivé avant,
avant qu’ils ne soient ensemble. Quand Oscar était amoureuse de cet homme, et
cela pendant de nombreuses années ne voyant même pas ce que lui ressentait.
Quand Oscar s’enivrait seule, et qu’il ne pouvait que regarder, l’aider
seulement en ami alors qu’il mourait intérieurement de trop l’aimer. Quand Oscar
n’était pas encore sienne, même s’il l’avait tenue dans ses bras et l’avait
embrassé, et que le comte de Fersen était venu à Jarjayes lui jetant sa noblesse
au visage avec sarcasme, parce qu’il avait compris qu’il l’aimait Oscar, et il
avait tenté de la lui prendre, il avait presque réussi...
il avait réussi... il avait réussi
finalement...
Il la regarda et il y avait de la colère et de la douleur dans ses yeux, comme
si ce doux et intime moment, dans lequel il l’avait enfin retrouvée, reconnue,
où il c’était à nouveau senti lui-même comme avant, s’était envolé loin… très
loin d’eux… dans un souffle.
Oscar comprit.
« Non, non... attends André, à quoi penses-tu ? Le Comte de Fersen et moi étions
proche… attend... »
« Oh je ne doute pas que vous ayez été proche… très proche Oscar ! »
Il s’était retourné, il y avait du mépris dans sa voix : « Il a trouvé un moyen
de te consoler de ma disparition, et il y est arrivé à la perfection et en un
rien de temps. Il est merveilleux Oscar je te félicite ! Quel imbécile je fais »
« Non, mais qu’est ce que tu veux dire André ? A quoi penses-tu ?… S’il te
plait… Hans nous a aidés. »
Il se retourna, presque offensé par cette phrase et lui jeta un regard
réprobateur
« Ah, Hans nous a aidés ! Je dois lui
en être reconnaissant alors » Il était en train de perdre le contrôle.
« André ! »
« Arrête Oscar, arrête ! Chaque mot que tu prononces ne fait qu’empirer les
choses… »
« André, mais qu’est ce… »
« ASSEZ ! Je vous ai vu Oscar, tu comprends ? Je vous ai vu… je vous ai vu ! »
Elle le regarda avec étonnement « Tu nous as vu… qu’as-tu vu André ? »
Il se rapprocha d’elle, jusqu’à se tenir très près, et il lui répondit très bas,
d’une voix tendue sans même la toucher et de la haine dans le regard.
« Je t’ai vu dans ses bras… je vous ai vu vous embrasser. J’étais derrière la
fenêtre de ta chambre… tu n’as aucune idée de ce que j’ai du faire, des risques
que j’ai du prendre, pour venir te voir… te parler… comprendre… non tu n’as
aucune idée… je suis venu chez toi en secret, pour te trouver et t’expliquer ce
qui m’était arrivé… Et je vous ai vu vous embrasser Oscar, devant la cheminée…
tout comme je t’y avais embrassé par le passé… »
« Oh non André… »
Ses bras étaient retombés ballants le long du corps, alors qu’elle avait laissé
aller sa tête en arrière. Elle s’était de nouveau assise sur le canapé, les
mains dans les cheveux, désespérée.
« Mon Dieu non… »
Sa voix froide la rejoignit « Comme tu le vois Oscar, je sais… tu n’as pas
besoin de me l’expliquer. Mais ce qui me fait le plus de mal c’est de découvrir
que tu me l’aurais caché … c’est peut être même pire que de savoir que vous
êtes… Mon Dieu, je ne peux même pas le dire… Oscar »
Elle leva les yeux de surprise et vit que les siens étaient remplis de larmes.
Il se détourna et se dirigea vers la porte, une main déjà sur la poignée.
« André ! André que fais-tu ? Où vas-tu !? »
« Cela n’a pas de sens de parler après ça » dit-il doucement sans se retourner
« Tu ne sais pas ce que je ressens Oscar. J’ai connu des femmes, ces derniers
mois, après avoir vu ta trahison… J’ai essayé, mais je n’ai pas pu malgré tout
aller avec elles… je n’ai pas pu… Mais toi… tu y es arrivée.
Comment as-tu fait ? Comment ? »
Il ne continua pas. « Peu importe… » Dit-il, puis il abaissa la poignée.
Il avait ouvert la porte et avait déjà un pied dehors.
« ANDRE Arrête ! »
« ANDRE NE SORS PAS DE CETTE PIECE ! »
Ce qui l’arrêta se ne fut pas ses mots mais le ton qu’elle employa, fort et
déterminé qui avait fait vibrer sa voix troublée. Elle s’était levée à sa
rencontre, et l’avait rejoint à la porte qu’elle avait fermée.
« Arrête. Tu dois attendre et m’écouter, tout écouter… » Il la vit tenir son
regard sans chercher à l’éviter, avec une assurance qui le frappa.
« Ensuite tu t’en iras si tu veux, même si tu ne me pardonne pas, même si tu me
déteste, je l’accepterai. Mais avant tout tu dois tout savoir. Tout par moi.
Elle le fit s’assoir, alors qu’elle restait debout devant lui, triturant ses
mains même si elle se contrôlait.
« Soit André, tu nous as vu, je ne peux pas le nier, c’est vrai. Cela me peine
que tu nous as aperçu, mais je suis
également en partie soulagée, car je ne supportais pas de vivre avec ce fardeau,
ce secret »
Il la regarda en silence, cet aveu lui avait fait mal, profondément mal.
Malgré tout, ses mots mais surtout la façon qu’elle avait eu de les lui
dire, si honnêtement, provoquèrent en lui une sorte de respect presque
contradictoire avec la situation.
Oscar recula légèrement et vint s’appuyer sur son bureau, elle continua de
parler tout en regardant le sol, les mains croisé sur sa poitrine.
« Il y eu en effet un baiser, et ce qui est le pire… c’est que l’initiative en
fut mienne. Fersen était venu me voir ce soir là en ami, il se sentait impliqué
dans mon désespoir. Je souffrais, je pensais que tu m’avais abandonné… j’avais
bu… mais ce n’est pas une excuse. Je ne sais pas ce qui m’a pris, je sais juste
que ce n’était certainement pas de l’amour… J’essayais peut être de trouver un
peu de réconfort, ou je voulais tout simplement me détruire complètement. »
André mit sa main sur son front avec son regard fixé au sol.
« Il y eu un baiser mais seulement ça André. Fersen n’est pas et n’a jamais été
mon amant. Il s’est de lui même soustrait à ce baiser car il avait compris que
c’était mon désespoir qui parlait et nullement de l’amour. Je me suis d’ailleurs
rendue immédiatement compte que j’avais fait une erreur. Je n’étais pas
moi-même, je ne ressentais rien pour lui, et c’est toujours le cas. Je l’ai
regretté immédiatement et même maintenant je suis emplie de remords. Mais ce fut
après ce moment de faiblesse que je fus en mesure de tout comprendre. Je lui ai
raconté tout ce qui m’était arrivé et il m’a écouté comme un ami, vraiment comme
un ami, longtemps. Ensuite il m’a aidé à réfléchir et surtout à comprendre, et
nous avons découvert la vérité comme cela. On a été trompé d’une manière
terrible André. »
Elle plongea de nouveau son regard sur lui.
« C’est arrivé une fois, et plus jamais ensuite. Il est parti ce soir là et nous
ne nous sommes pratiquement pas revus, même maintenant, même si je le considère
comme un bon ami, le meilleur et le plus loyal que je n’ai jamais eu. Tu t’es
fourvoyé, il n’y a rien entre nous, rien au-delà de ce que je t’ai raconté en
tout cas. Je ne t’ai jamais oublié, ce n’était pas possible que je t’oublie, et
si tu regarde au fond de ton cœur tu dois le savoir, si tu te rappelles encore
de nous… Aucun homme n’aurait été capable d’effacer ce que je ressens pour toi,
ce que je n’ai jamais cessé de ressentir.
Elle se tut un moment émue et fatiguée.
« Je vis seule dans un appartement à Paris André. J’ai quitté ma maison, mon
père, la cour après avoir tout découvert. Voila pourquoi je suis ici aux Gardes
française. J’ai tout quitté, plus rien n’avais de sens, ton absence avait tout
emporté. Tu es libre de me haïr pour ce que j’ai fait, mais tu dois me croire,
parce que c’est la vérité… »
Elle se tut, André resta silencieux un long moment.
Il la croyait
Il la croyait, oui, il ne pouvait pas ne pas la croire. La personne qu’il avait
en face de lui était l’Oscar qu’il avait toujours connu, il n’eut donc pas le
moindre doute, que cela fussent la vérité dès le premier mot.
Il laissa échapper un soupir silencieux … Elle lui avait dit qu’elle n’aimait
pas Fersen, qu’il n’avait pas pris sa place… que lui seul était dans son cœur et
qu’il y avait toujours été.
Il leva alors à son tour les yeux, le regard sérieux : « Je te crois Oscar »
Alors ce fut elle qui lâcha un soupir de soulagement, et dut se battre pour ne
pas s’écrouler.
Cela faisait longtemps qu’ils s’étaient perdus, et se retrouver là si proche
l’un de l’autre, mais la douleur avait creusé un fossé entre eux. D’autres
avaient creusé cet abime de solitude sur le chemin qu’ils empruntaient ensemble.
Ce n’était pas leur faute, du moins pas seulement de leur faute… mais il n’était
pas facile de retrouver ce chemin égaré. Elle en était consciente, effacer en un
instant tout ce qui avait déchiré leur cœurs, toute cette douleur...
Elle le regarda d’un air sérieux mais triste et sans s’approcher lui
murmura « merci ».
« Oscar …. Raconte-moi tout calmement. Qu’en est-il de cette histoire entre ton
père et sa maitresse, et qu’ont-ils fait ? Tu as parlé d’une lettre, quelle
lettre Oscar ? Raconte moi tout, je t’en prie, car je ne sais rien… rien… »
Elle se dirigea vers son bureau et sortit un courrier du tiroir. C’était un
morceau de papier plié, chiffonné, qu’elle lui tendit sans réussir à réprimer
son dégout et sa douleur.
« Voici André. Voici la lettre qui fut passée sous la porte de l’auberge le soir
ou je t’ai attendu en vain. »
Il la prit et l’ouvrit, tressaillant quand il réalisa : « C’est mon écriture… »
Oscar baissa la tête peinée « Oui je l’ai cru… »
Ces quelques minutes passèrent dans un silence irréel, André lisait serrant la
lettre dans sa main, sans lever les yeux du papier. Il la lu plusieurs fois,
revenant sur certains passages comme s’il ne pouvait pas y croire.
Enfin il leva les yeux et tourna son regard empli de consternation.
D’indignation.
« Qui a fait cela ? »
« Mon père, André »
Ils se regardèrent un moment, incapables de parler.
Puis Oscar lui expliqua tout, la mémoire avait une voix douloureuse à cet
instant, une tristesse infinie.
« Mon père a découvert ce qu’il y avait entre nous, il a trouvé la dernière de
tes lettre dans mon uniforme… non je ne l’avais pas détruite… c’était la seule
».
Elle détourna son regard vers la fenêtre pendant qu’elle poursuivait.
« Mon père avait une maitresse, Me de Surgis, c’est elle qui l’a convaincu de
monter toute cette histoire. A la base il voulait nous tuer tout les deux, sur
le champ, mais au lieu de cela, ils ont tout orchestré, me faisant croire que tu
m’avait laissé cette lettre… et je l’ai cru »
« Oscar… »
« Je sais, je n’aurais jamais dû y croire, je n’ai pas eu confiance en toi, en
nous… Mon Dieu André, si tu savais à quel point je me sens honteuse pour cela,
et a quel point je me le suis reproché… »
« Oscar je t’aimais… je n’aurais jamais pu te quitter… et avec une lettre... et
t’écrire des choses si indignes… Oscar combien de temps as-tu cru que j’étais
misérable à ce point ? Combien de temps m’as-tu méprisé, détesté ? »
Il la vis couvrir ses yeux de ses mains, et entendit sa voix dans un
sanglot : « Non, je ne te détestais pas André… jamais… »
« Ils m’ont attaqué Oscar. J’étais là, j’étais à Paris ce soir là, je
t’attendais… j’ai été pris en embuscade dans une ruelle par deux hommes… on m’a
tiré dessus… Oscar… non, je te jure rien n’aurais put m’empêcher de venir… à
part cela. »
« Je sais, je sais André… tu n’as pas besoin de le dire... je sais maintenant… »
« C’est pourquoi tu es revenue au domaine de Jarjayes ? Que tu as repris ta vie
d’avant ? »
« Oui … oui... Je ne savais pas où aller… je ne savais pas quoi faire sans toi.
Tu avais disparu, et dans cette lettre il y avait des choses que toi seul
connaissais, et je ne pouvais pas imaginer... je ne pouvais pas …»
Sa voix se cassa sur ses larmes.
Il se leva alors, pour lui prendre les mains « Non ne pleure pas, je t’en prie
ne pleure plus »
Il lui essuya une larme : « Et
ensuite, qu’est-il arrivé Oscar ? »
Il attendu car elle n’était pas encore en mesure de continuer
« Je ne pouvais pas me faire une raison, je n’y arrivais pas André. Je buvais,
seule… je ne parlais à personne… les jours passaient et je me rappelais de nous,
et je me demandais encore comment cela avait pu se produire… Oh André je ne sais
pas comment l’expliquer… »
« Tu n’en as pas besoin, j’ai vécu la même chose Oscar »
« Cela à duré tellement longtemps, et ça aurait pu continuer ainsi… Je n’avais
plus la force de croire en quoi que ce soit. »
Doucement elle retira ses mains des siennes et se détourna comme par pudeur
« Puis un soir… ce soir là Fersen est venu me voir».
André soupira, ferma les yeux et écouta, derrière elle.
« Fersen avait réalisé que quelque chose de grave c’était produit - dit-elle à
voix basse -, car c’est lui qui m’a retrouvée le soir de la lettre. J’étais
désemparée et inconsciente dans les rues de Paris et c’est là qu’il m’a trouvé.
Il m’a recueilli et aidé… Je n’étais pas moi, et je ne l’ai pas été pendant tant
de jours… »
« Et puis … »
« Il m’a accueilli chez lui jusqu’à ma décision de rentrer à Jarjayes. Mais je
ne lui avais rien expliqué, je ne pouvais pas… Peut-être qu’il a compris quelque
chose… Mais il ne me demanda rien »
« Jusqu'à ce soir là ? » continua André pour l’encourager à poursuivre.
« Jusqu’à ce soir là oui. » Oscar baissa la tête tout en continuant de dos.
« J’étais désespérée André. Plus le temps passait et moins je trouvais de
réconfort, ou même des explications à tout ça. Je ne pouvais pas accepter que tu
m’ais abandonné, je n’arrivais pas à me faire une raison. Je pense avoir touché
le fond ce soir là. J’étais ivre même en sa présence, et même s’il était
embarrassé je ne m’arrêtais pas de boire pour autant. Alors… »
« Non c’est bon Oscar. Assez. Ne dis rien je ne veux pas l’entendre »
Elle se tut tout en secouant la tête et après un moment reprit : « André… Oh
excuse moi André… si je pouvais tout effacer je le ferais… mais je ne peux pas…
j’étais hors de moi, je ne savais pas ce que je cherchais, ou ce que je
voulais… »
« Je t’en pris Oscar, s’il te plait » murmura t’il sa voix retenue par la
souffrance.
« Oui André d’accord… » Elle s’essuya les yeux d’une main, et se remit.
« Mais c’est ce soir là que j’ai tout compris. Nous avions beaucoup parlé car il
voulait vraiment m’aider… et il l’a fait… Si nous n’avions pas réfléchi ensemble
sur les choses que nous découvrions au fur et à mesure je ne l’aurais jamais
compris. J’étais trop bouleversée, trop seule… Mon Dieu André, si tu savais
combien la solitude peut faire de mal, si tu savais ce que cela signifie... »
« Je sais… je sais exactement ce que cela signifie Oscar. »
« Mais depuis lors tout a changé, tout » Elle se tourna vers lui avec une
nouvelle lumière dans les yeux. « J’ai tout découvert, et j’ai fait avouer cette
maudite femme ainsi que son secrétaire, et j’ai fait face à mon père ... »
« Ton père ... »
« Oui mon père… mais il ne l’es plus désormais, André. Plus depuis que je l’ai
confondu, et maintenant je n’ai plus peur de lui. Je suis partie, quittant ma
vie, ma maison, tout, je ne veux plus les voir. J’ai demandé une nouvelle
affectation, loin de ce monde odieux qui nous avait fait ça, et je ne veux plus
jamais y retourner.»
« Et maintenant … »
« Et maintenant je suis ici. J’ai pris un appartement sur Paris. J’ai aussi fait
un voyage dernièrement… J’étais en Bretagne et je voyais enfin ces endroits dont
tu me parlais. J’ai rencontré ton cousin Philippe… et je ne cessais de penser à
toi, tout le temps… Oh André, je croyais que tu étais mort, et j’étais morte
aussi au fond de moi… Je pensais ne plus jamais te revoir… Mais tu es ici… tu es
ici… »
Il lui jeta un regard doux et triste à la fois. « Oui je suis ici… c’est
étonnant mais je suis ici Oscar »
« Mais toi… que t’es t’il arrivé ? »
« Ce soldat qui est venu avec moi tout à l’heure. Il se nomme Alain. Il m’a
sauvé la vie ce soir là, il m’a trouvé et a empêché ces deux tueurs de finir
complètement leur sale boulot. Il m’a emmené chez lui et m’a soigné et caché
pendant longtemps. Puis il m’a demandé de m’engager et j’ai signé… moi aussi je
ne savais pas quoi faire d’autre. »
« Oh André… André… »
Il s’était rapproché et pouvait sentir son souffle... lire dans ses yeux… il
resta silencieux en la regardant puis murmura son nom : « Oscar… » Il sentit son
cœur s’emballer, et ne put l’empêcher de battre ainsi, alors qu’il la
contemplait, et humait son parfum. Il ouvrit les bras presque subitement et
l’attira à lui, comme pour l’enlever, comme s’il ne pouvait pas l’éviter, il ne
voulait pas d’ailleurs. Il l’enlaça, la tenant fermement contre son corps, ses
mains appuyés sur sa vie, sur ses épaules, pendant qu’elle tremblait, il
approcha son visage du sien, ses lèvres touchant presque son oreille, dans ses
cheveux. Il ferma les yeux ne voulant plus les ouvrir et, sentit une larme
sortir, courir sur son visage, il pensa que vraiment il pouvait mourir
maintenant, et que cela n’aurait pas d’importance.
***
Le printemps arrivait. L’air de la ville était doux, et sans uniforme il le
sentait s’infiltrer à travers les vêtements légers qu’il avait mis pour sortir.
Il venait d’être libéré de son service, et ce jour là le commandant n’était pas
à la caserne. Il se demandait où il pouvait être, mais il savait pertinemment
qu’en dehors de ses heures de garde il était toujours chez lui.
Le commandant… André sourit de l’avoir appelée ainsi dans sa tête, ce commandant
qui avait été sa femme si longtemps. Elle avait été son amie, son amour et la
distance l’avait presque détruit, tué.
Aujourd’hui il était sortit seul, et pensait à elle.
Il secoua la tête, il n’aurait jamais arrêté de penser à elle, car il l’aimait
encore.
Il voyait le visage d’Alain qui n’arrivait pas à comprendre.
« Mais pourquoi ? » lui avait-il demandé. « Maintenant que vous vous êtes
expliqués, vous êtes de nouveau ensemble ? »
Et lui incapable de lui fournir une réponse, peut être parce que c’était encore
trop tôt, cela ne faisait après tout que deux semaines qu’ils s’étaient
retrouvés, une poignée de jours au fond.
Non, il n’avait pas été en mesure de l’expliquer, et Oscar non plus. Ils
écoutaient seulement leur cœur, pas à pas, un jour après l’autre, tout
doucement. Peut être le temps pour eux de se retrouver vraiment, c’était peut
être la seule façon d’y arriver.
André s’assit sur un muret regardant la Seine s’écouler paisiblement, sentant
l’air caresser ses cheveux. C’était une drôle de sensation, il n’avait pas
l’habitude de les avoir si courts. Il avait fait ça à son entrée aux Gardes
Françaises, et Oscar lui avait dit que ça lui allait bien.
Pas à pas… il y avait eu trop de douleur et trop de haine… cela avait été causé
par d’autres… mais ils l’avaient nourri, sans foi, sans espoir, pendant trop
longtemps.
Dans son bureau ils s’étaient embrassés, et lui l’avait tenue fort dans ses
bras, et elle s’était abandonnée versant quelques larmes.
Mais ils n’avaient pas eu le courage d’aller plus loin, ni l’un ni l’autre.
Pas encore… Comme s’il y avait un temps à laisser passer, une bonne distance à
trouver.
Non il ne pouvait pas l’expliquer. Il ne pouvait pas expliquer ce désir spécial
et mélancolique, ce désir de l’avoir juste là, à ses côtés, et d’éprouver cette
joie sereine d’être juste ensemble.
Hier ils étaient sortis ensemble dans l’après midi après leur garde. Ils
s’étaient éloignés de la ville, et avaient trouvé un vieux chêne au sommet d’une
colline, et s’étaient juste assis dessous.
Il avait pris sa main, faisant courir ses doigts dessus, et l’avait vu fermer
les yeux.
« Je voudrais te faire l’amour… » Lui avait-il dit sans bouger, la contemplant
elle, fixant son regard sur ses boucles ébouriffés par le vent, et la douce
couleur rose dont s’étaient parés ses joues, sous le coup de l’émotion.
« Moi aussi » Lui avait t’elle répondu sans bouger, laissant sa main dans la
sienne.
Il resta à ses côtés silencieusement.
Les soldats avaient commencé à l’accepter, même si cela n’avait pas été facile
car ils avaient découvert que c’était une femme. Il n’y avait pas de mystère,
d’ailleurs, elle l’était. Mais seul Alain était au courant de toute la vérité.
Oscar était extraordinaire et savait se faire respecter.
Il l’aimait encore, comme toujours.
Il regarda autour de lui, et ses yeux s’attardèrent sur les pavés
disjoints, il songea à l’époque qu’ils vivaient. La situation était difficile,
la faim, la misère, les rassemblements sur les places, et le fait que sa charge
l’obligeait à tenter de maintenir l’ordre.
Mais quel ordre en fait ?
Cet ordre qui avait essayé de les séparer, de les rendre malheureux.
Très souvent il restait écouter les discours de ces orateurs improvisés, et au
fond de lui il n’y trouvait rien de mal bien au contraire.
Il se leva, et sillonna le long du fleuve, le soleil d’après midi se reflétant
sur l’eau ainsi que sur les fenêtres des maisons où le linge était étendu à
sécher. Il donna une pièce à un mendiant qui tenait une flute usée. Joue pour
moi, lui avait-il demandé en soupirant, alors qu’il s’éloignait déjà.
La mélodie douce et plaintive toucha son
cœur, le poursuivit docilement, jusqu’à ce qu’il tourne au coin de la rue.
Oscar… j’ai envie de toi, j’ai envie de te faire l’amour Oscar.
Maintenant… j’arrive et nous allons faire l’amour…
Me feras-tu entrer chez toi Oscar ?
Voudras-tu toujours faire l’amour avec moi comme avant, même si j’ai douté de
toi ?
Il pensait ne pas la mériter, car il l’avait haï si longtemps. Car il s’était
abandonné à la douleur, au désespoir. A la jalousie.
Parce qu’il n’avait pensait qu’à lui, dans tout ça, et n’avait jamais essayé de
voir sa douleur à elle, ou même de tenter de la comprendre.
« Moi aussi André… moi aussi quand j’ai cru que tu m’avais abandonné » lui
avait-elle avoué il y a quelques jours.
Ce fut notre grand amour Oscar ?
Il laissa échapper un long soupir, les mains enfoncés dans les poches.
Nous nous sommes fait annihiler par les événements, tous les deux. C’était
également de notre faute.
C’était de ma faute.
Mais je t’aime malgré tout, malgré ce que j’ai fait. Ce que je t’ai fait.
Je t’aime tellement
M’aimes-tu ?
Non, ne promets pas. Ne jure pas que tu ne douteras plus de moi, cela n’as pas
d’importance. Je vais t’aimer même si tu ne jures pas, je vais t’aimer même si
tu risque de douter encore.
Je vais te faire l’amour parce que je veux te consoler de ce mal, et moi je
souhaite que tu me consoles, en me serrant dans tes bras.
***
«Les hommes sont nés égaux. Aucune loi
ne peut établir qu'ils n’ont pas les mêmes droits! »
Ils applaudissent, ils crient
Il y a vingt ou trente personnes peut-être.
Oui, il a raison. C’est lui qui a raison.
Heureusement je ne suis pas en uniforme, je peux donc l’écouter sans être
remarqué par le peuple et sans recevoir l’ordre de disperser ce rassemblement.
Cet homme parle bien.
Et il parle beaucoup aussi, le nombre de ses auditeurs ne cesse de grandir, cela
fait dix minutes que je l’écoute et une petite foule c’est déjà formée.
Je scrute les alentours. Cela devient dangereux. Ce serait mieux si tu arrêtes
maintenant.
Il y a trop de monde, et toi tu parles trop.
Il serait préférable de partir, ils vont bientôt envoyer la garde.
Et si au contraire je restais pour te défendre, et me faire également disperser
comme les autres subversifs ?
OSCAR…
Oscar mais que… que fais-tu ici !
Il l’avait vu tout d’un coup au milieu de cette foule en habit civil.
Oscar, qu’est-ce que tu fais ? Tu prends part aux rassemblements rebelles ?
« Oscar ! »
« André ! »
Tes yeux semblent effrayés, mais heureux.
« Oscar il faut s’en aller cela devient
dangereux ici ! »
Les
voici, les soldats. Je le savais,
malédiction.
« Non ! Tout est sous contrôle ! »
« Arrête Oscar ! Ce ne sont pas tes hommes, tu ne pourras pas les arrêter ! »
Tu t’es mise au milieu de la rue, les bras en croix. Tu cries.
« Partons ! C’est dangereux »
« André ! »
Je ne te laisse pas parler, je ne t’écoute pas. Tu ne peux pas les arrêter
Oscar, nous devons fuir comme les autres. Les soldats tirent sur le peuple et
ils vont nous tirer dessus aussi. Tu n’es même pas en uniforme Oscar !
« André… »
« Non Oscar, non ! »
Je t’emmène loin d’ici, même si tu résistes.
Tu veux les arrêter mais tu ne le peux pas, mon amour. La porte de cette
maison, oui. Entrons, vite. Ne parle pas, Oscar, ne crie pas, tais toi...
Je renferme la porte juste à temps. Les soldats passent au galop. Cris, coups de
feu.
Il fait sombre. Je te tiens solidement,
immobile, contre le mur. Je mets une main
sur ta bouche en te suppliant de te taire. Notre vision s’habitue
à l’obscurité, il y a une faible lueur qui filtre
par les interstices. Je vois tes yeux ouverts, je sens tes lèvres sur ma
paume. Elles bougent.
« André j’aurais pu les arrêter… »
« Non tu ne pouvais pas. Tu aurais pu te faire tuer ! »
« André… »
« Non s’il te plait… s’il te plait tais toi… »
« André… »
« Tais-toi... je ne te laisserai pas te faire tuer... je ne te perdrais pas à
nouveau... »
« An… »
« Tais toi, mon amour, tais toi…»
Un baiser. Je t’embrasse, enfin, mon amour. Dehors ils tirent, ils crient, et je
t’embrasse, je t’embrasse... mes lèvres se posent sur les tiennes. « Je t’en
prie, mon amour - dis-je dans un murmure
- ne me chasse pas.
« Je t’aime… je t’aime Oscar… »
Je t’aime. Je te serre dans le noir. Je t’aime, je murmure et gémis pendant que
je t’embrasse. Combien de fois je te dis que je t’aime, Oscar. Embrasse-moi,
embrasse-moi mon amour, embrasse-moi toi aussi...
« Pardonne-moi mon amour… pardonne-moi… je t’aime … je t’aime… »
Je ne sais pas si je te demande de me pardonner pour t’avoir amenée ici, et
t’avoir forcé à t’enfuir,
ou alors pour tout ce que je t’ai fait
avant, toute la douleur, pour tout ce que tu as éprouvé de par mon fait, et
parce que malgré cela j’ai envie de toi, encore, et je te ferai souffrir encore,
peut-être, par le seul fait de mon amour, parce que je ne suis qu’un homme et
que je me suis trompé, que je me trompe encore… mais je ne veux pas te perdre…
je refuse de te perdre… je ne veux pas te perdre...
« Je ne veux pas te perdre Oscar… je t’aime… pardonne-moi mon amour…
pardonne-moi. »
Oui maintenant je suis fou, je suis fou et peu m’importe. Car je t’aime Oscar,
et toi aussi tu m’aimes, nous nous aimons même dans ce monde qui tue, qui nous
fait du mal, et dehors ils crient, et il n’y a pas de lune ni la paix du soir,
mais cette odeur de poudre, le bruit des chevaux, et de ces femmes qui pleurent,
des lames cachés dans les sacs, et ces corps … et je t’aime, pardonne-moi mon
amour, pardonne-moi et embrasse-moi, je t’en prie, mon amour, pardonne-moi et
embrasse-moi également, et dis-moi que toi aussi tu m’aimes, parce que si c’est
le cas nous pouvons vivre mon amour, même dans ce monde qui nous fait du mal, et
même malgré le mal que nous nous sommes fait… je t’en prie ne résiste pas,
pleure si tu veux mais ne résiste pas et embrasse-moi toi aussi, permet moi de
te serrer tout contre moi, pour que je sente encore ton corps, tes mains…
pardonne-moi mon amour… pardonne-moi, je…
« Je t’aime Oscar. Je t’en prie aime moi, aime moi toi aussi s’il te plait… »
« Oh André…André… je t’aime, je t’aime oui… »
Les lèvres d’Oscar s’entrouvrirent, enfin, accueillant les siennes, alors que
ses bras se nouèrent autour de son cou, sa bouche se laissant embrasser,
gémissante, pendant que son corps était scellé par lui contre le mur dans
l’obscurité. Il répondit à ses baisers avec passion, avec la même ferveur qu’il
lui avait toujours donné, celle de naguère, celle de toujours, dans un nouvel
élan d’amour comme inconnu jadis. Et des larmes s’échappèrent de leurs yeux,
alors qu’ils s’embrassaient sans jamais se dérober, au milieu de ces ténèbres,
les yeux emplis de cris, et des coups de feu dans le cœur.
***
Puis ce fut le soir.
« Viens » lui avait-elle dit, simplement.
Et Oscar le conduisit chez elle… Son domaine à elle, ou il n’était encore jamais
venu.
Il gémissait doucement, en cet instant, alors qu’il détaillait ses lèvres avec
les siennes et faisait courir sa main sur son corps en la déshabillant
lentement, lui allongé sur le lit tout près d’elle.
« Oscar mon amour… »
Elle avait porté un doigt à sa bouche, pour qu’il ne rajoute rien, et avait
scellé sa demande de silence par un baiser très doux. Elle avait soudé son corps
au sien, et d’un geste consacré, avait enlevé la chemise de ses épaules. Il
l’avait imitée, lui aussi, et dans un soupire chargé de tension et d’excitation,
avait révélé la douceur de sa poitrine. Il était resté immobile quelques
instants, en la contemplant, parce qu’il avait failli ne plus s’en souvenir de
son corps, enfin presque. Il
s’était penché sur sa peau. Et Maintenant il embrassait doucement sa poitrine,
il avait fermé les yeux.
« Je t’aime » murmura t’il se redressant pour regarder son visage, ses yeux
éclairés par la nuit.
Il lui avait dit comme si cela avait été la première fois, et elle comprit.
Dans cette maison ils n’avaient pas besoin de se cacher, il n’y avait personne
qui puisse entrer, les découvrir, trouver à redire quoi que ce soit.
« Nous ne nous cacherons plus André, plus jamais je te le jure. »
Elle lui avait murmurait ces mots alors qu’elle s’allongeait sur le lit et
l’attirait à elle, et ses gémissements étaient abandonnés et très doux, alors
qu’elle s’offrait à ses caresses. Elle l’effleurait de gestes délicats en le
déshabillant, et pouvait saisir ses sourires dans la pénombre.
Sa peau nue entre les draps, tout contre elle.
Il laissa s’échapper un soupir sifflant chargé d’émotion, et il ferma les yeux
tout en continuant à l’embrasser de toute son âme, longtemps.
Longtemps, les mains dans les mains, leurs doigts entrelacés, dans les bras l’un
de l’autre, il n’y tenait plus.
« Oscar je ne peux plus attendre… »
Elle se porta alors volontaire passionnée, hissant son corps sans pour autant
lâcher ses mains, et il lui donna le plus passionné des baiser alors qu’il était
déjà en elle.
Combien de choses avaient-ils appris ensemble, en même temps, en faisant
l’amour. Et maintenant il ne souhaitait plus que cela, juste être à l’intérieur
d’elle… doucement… rester en elle, se déplacer à peine dans d’infimes mouvements
à l’écoute du rythme que lui donnait son corps.
Rester en elle. Longtemps, le plus longtemps possible. Rester à l’intérieur
d’elle pour toujours. Voilà la seule chose qu’il désirait.
« Oui… - il l’entendit gémir très doucement - oui… » Et il se rendit compte que
cette langueur, la douceur de ce transport silencieux et intense lui faisait
perdre la raison, et qu’elle pleurait, car elle voulait cela aussi, seulement
cela.
« André… »
« Dis moi que tu m’aime Oscar, dis le moi… »
« Oh je t’aime…je t’aime André… oui…oh, oui…oui… »
Et tandis qu’il l’entendit gémir, tandis qu’il se souvenait et ressentait son
plaisir, il ferma les yeux dans un soupir plus intense, il embrassa ses cils
fermées de ses lèvres, s’abandonnant à son étreinte pour oublier tout ce qui
n’était pas eux, car il n’y avait rien aucun monde en dehors de son étreinte et
de son amour pour elle.
A suivre….
A suivre…
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Ghanima: (ka1@free.fr)
pubblicazione sul sito Little Corner del giugno 2020
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