Dans ses mains
partie XVII
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Dans ses mains
Partie XV
La nouvelle était tombée la veille,
mais Alain ne l’appris qu’à son arrivée à la caserne avec la demande
d’enrôlement d’André : l’ancien commandant avait remis son congé et serait
prochainement remplacé par un nouveau.
Les soldats étaient nerveux. « Pas une seule fois ils ne nous diront les
choses » avait-il commenté dans le dortoir avec
une grimace de dégout, essuyant sa bouche du revers de la main avant de passer
la bouteille à un autre camarade.
Non pas qu’ils étaient fidèles à l’ancien commandant Du Bourg, loin de là, mais
au moins maintenant ils connaissaient ses habitudes, et ils avaient appris à
obéir sans s’éreinter pour autant.
Mais un nouveau commandant c’était une autre histoire, il y avait gros à parier
qu’il y aurait des mois de services supplémentaire, des règles différentes, et
de nouveaux ordres auxquels obéir, tout pour leur briser le dos, en clair. Les
officiers étaient tous des nobles, et tous des salauds. Parmi tous ceux qu’il
avait connu il n’y en avait pas un pour racheter l’autre. Une belle saloperie je
vous jure.
Le nouveau d’après les rumeurs était un ancien de la Garde Royal. Et s’il avait
été muté chez eux c’est qu’il avait du être disgracié, un dandy arrogant qui
ferait payer à ses troupes le fait d’avoir été muté dans le corps d’armée le
plus mal dégrossis, avec des gars venants du peuple qui ne faisaient ça que pour
manger. Ce n’était pas une place très convoité, que celle-ci.
Mais ils en avaient vu d’autres et surviraient même à cela, fit remarquer Alain.
André prendrait son service dans quelques jours : comme il l’avait prévu, sa
demande avait été acceptée. Il avait commencé à rassembler ses affaires et se
préparait à quitter la maison. « Juste à temps » songea Alain en pensant à sa
sœur Diane.
Quand il l’avait dit à sa sœur, cela avait été terrible, les larmes étaient
montées aux yeux de la jeune fille et elle s’était enfermée dans sa chambre sans
rien dire. Il avait essayé de lui parler pour lui faire comprendre que c’était
la meilleure chose à faire… Mais cela n’avait servi à rien, car la seule
explication qui aurait pu la convaincre était celle qu’il ne pouvait pas lui
donner, celle qui ne regardait qu’André.
Il était désolé, car si les choses c’étaient passées différemment sa sœur aurait
fait un bon choix avec quelqu’un comme André… et il en aurait été heureux.
Mais il était amoureux fou d’une autre femme, et lui donner Diane aurait été la
meilleur façon de détruire la vie de sa sœur.
Non il avait bien fait, car c’était la seule chose sensée à faire même s’il en
était attristé.
Bien sûr, il aurait voulu aller trouver cette femme qui avait ensorcelé son ami
au point de lui faire endurer tout cela, et même encore à ce jour. Mais il se
doutait qu’il était arrivé quelque chose de grave, car André ne parlait plus
d’aller la retrouver. D’ailleurs sa pensée ne faisait que le tourmenter, car il
y pensait sans cesse du matin au soir.
Alain était presque fasciné par la force de ce sentiment, il n’avait jamais
connu quelque chose d’aussi fort, et se doutait que ça ne lui arriverai jamais.
André ne s’appartenait pas à lui-même mais à elle et uniquement à elle. Il ne se
souciait pas de mourir ou de vivre, il ne se souciait pas de quoi que se soit
d’autre qu’elle, même s’il continuait d’aller de l’avant, surtout par sens du
devoir, tout en gardant son calme, sans jamais commettre de folies.
Cela avait dû être une histoire incroyable… de plus, une noble qui tombe
amoureuse de son serviteur… déjà ça c’était de la folie. Pourtant selon André,
c’était le cas, elle l’aimait. Sa famille les avait séparés et avait tenté de le
tuer, mais elle, qu’était-elle devenue …
Mais maintenant il semblerait qu’André ne veuille plus rien savoir, il avait
l’air d’être au courant de tout et ne voulait pas la revoir. Mais il l’aimait
désespérément…
Qui sait, peut-être que cette nouvelle vie aura du bon et réussira à le
distraire d’elle.
Il était étrange que dans un si court laps de temps André et lui soient devenu
si bon amis. Et pourtant c’était exactement ce qu’il ressentait, il n’avait
jamais réussi à se lier réellement d’amitié avec personne par le passé. André ne
faisait rien de particulier pour lui plaire. Mais il aimait sa discrétion et sa
sobriété, cette façon d’être poli et sincère. C’était également une personne de
valeurs, de celles qui inspirent confiance. Un sentiment qui lui était étranger
au vu de la misère du panorama humain qui l’entourait.
Alain pensait que c’était une honte que son histoire avec cette noble se soit
mal finie, et qu’André ne méritait pas de souffrir ainsi.
Et allongé sur son lit, les mains derrière la tête, Alain se rendit compte que
cela faisait une éternité qu’il n’avait pas rencontré une femme qui lui avait
fait ressentir quelque chose de plus que le simple désir de l’emmener dans son
lit… oui vraiment longtemps…
C’était une triste pensée.
***
Elle rangea soigneusement dans son tiroir le message reçu le matin même avec le
sceau de la maison royale, il s’agissait de son ordre d’affectation aux Gardes
Française qui lui avait été remis dés son retour à Paris.
Puis elle prit une feuille et une plume, et la trempa dans l’encre
pour rédiger une réponse. En écrivant ces mots de remerciement pour la
Reine elle écoutait le bruissement de la plume sur le papier, elle regardait
presque hypnotisée les noirs broderies de son
écriture agile et légèrement incliné.
Elle n’avait jamais eu une écriture douce et ronde, ses lettres se liaient les
unes aux autres, fines et sèches dans un
léger étirement facilement déchiffrable.
Les dames de Versailles n’auraient pas trouvé son écriture à la mode, car elle
manquait de gribouillis et de volutes par
lesquels on s’appliquait si soigneusement à embellir des lettres d’amateurs : et
pourtant personne ne pouvait nier qu’elle était extrêmement raffinée et élégante
dans sa simplicité, dans son sens inné de la proportion, dans sa clarté non
trivial et sans affection.
Un jour, un sage académicien prodigue en galanteries avait dit qu’on aurait pu
tomber amoureux d’elle, sans ne l’avoir jamais vue juste en regardant une de ses
lettre. Elle se souvenait avoir été un peu rougissante, car cela avait été un
compliment sincère, et parce que la spontanéité presque naïve de ce compliment
était un hommage indirect et simple à sa féminité.
Elle compléta ces quelques lignes silencieuse en y apposant au bas sa signature,
laissant aller sa main à un subtil paraphe - la seul mignardise qu’elle
s’autorisait depuis toujours- sur le ‘s’ de Jarjayes, son nom de famille. Elle
attendit quelques secondes que l’encre sèche laissant son regard vagabonder sur
les moulures du plafond : sa maison était confortable et lumineuse… le printemps
arrivait.
Puis elle plia la lettre avec précaution et la scella pour la remettre au
coursier qui l’attendait à l’extérieur. Elle appela une femme de chambre qui
entrant en silence et pris discrètement la lettre qui se trouvait sur le
plateau.
Fersen lui avait envoyé un certain nombre de personnel de maison choisi pour sa
discrétion et son sérieux, elle avait renvoyé une partie et conservé l’autre.
Elle sourit à la jeune femme qui venait d’entrer et eu pour réponse une
révérence de gratitude. Elle avait su créer immédiatement une bonne harmonie
avec son nouveau personnel, il la respectait parce qu’il sentait également son
respect. La plupart d’entre eux avaient d’ailleurs été surpris au début, parce
qu’Oscar avait une réputation de personne inflexible et froide, solitaire et
sévère.
Elle resta assise sur sa chaise, se laissant envelopper par la chaleur du début
d’après-midi. Commandant de la Garde Française était une tache difficile, mais
stimulante. La Reine avait entendu sa requête mieux qu’elle ne l’espérait, elle
ne lui avait pas donné un rôle de représentation, mais une mission dans laquelle
elle avait fort à faire et où toutes ses connaissances seraient mise à
l’épreuve.
Mais c’était très différent de la cour, une autre réalité si loin et pourtant si
proche de cet environnement avec lequel elle ne voulait plus rien avoir à faire.
Elle se rendit compte que Marie-Antoinette la connaissait beaucoup mieux que ce
qu’elle croyait, elle avait appris à la connaitre en l’observant toutes ces
années.
Elle vivait seule, du moins presque toujours. Elle aimait cela et c’était
ce dont elle avait besoin en ce moment. Même Fersen son seul ami, elle ne
l’avait pratiquement pas revu. Elle était allée le remercier pour son aide à son
retour de Bretagne, et avait diné avec lui en lui racontant les derniers
événements, puis était partie sans tarder. Hans avait compris ce besoin et, même
s’il lui avait offert son complet appui, il n’avait été en aucune façon
importun. Il lui rendait visite, très rarement, et jamais sans avoir auparavant
annoncé sa venue par un message.
Ils n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, et Oscar comprenait
enfin ce que cela signifiait vraiment d’avoir un ami comme lui. Après avoir
chassé des fantômes pendant des années, maintenant elle pourrait profiter de
cette intimité sincère à laquelle autrefois elle n’avait su attacher de
l’importance. Elle sourit pensant que maintenant elle était en harmonie avec
Fersen, parce qu’ils avaient deux âmes semblables, la même éducation, et avaient
évolués dans les mêmes cercles. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait cru à
de l’amour au début de leur rencontre.
Pourtant l’amour c’était André, lui et lui seul. Avec toutes les différences,
les blessures, les craintes d’une relation avec lui. Avec toute la distance de
leurs caste, la difficulté de comprendre l’autre, le chemin à parcourir pour
répondre, l’agitation et les craintes qui l’assaillait même quand ils étaient
ensemble, car avec André elle se sentait beaucoup plus fragile et vulnérable, ce
bonheur infini que seul André savait lui donner, se tenait là, dans un
mystérieux et précaire équilibre qu’elle n’avait éprouvé qu’avec André et lui
seul. Équilibre caché, et pourtant si vrai, dont le secret ne se dévoilait que
quand ils étaient ensemble. Mais il se révélait toujours, ce tenace et profond
secret qui était la seule chose qui pouvait la rendre heureuse, maintenant elle
le savait.
Elle baissa la tête avec un peu de tristesse à cette pensée, pas seulement parce
qu’elle l’avait perdu. Mais aussi tout simplement parce qu’elle l’avait eu,
l’avoir aimé et perdu devait induire une inévitable douleur. Car l’amour c’est
aussi de la douleur pensa-t-elle les yeux fermés, et aimer c’est aussi la
douleur d’aimer.
****
«Quoi? Comment as-tu dis qu’il s’appelle ? »
« De Jarjayes, pourquoi? »
« Oscar ? Oscar de Jarjayes ? »
« C’est cela, comment le connais-tu ? »
Le soldat en face de lui le regarda d'un air perplexe, embarrassé par cette
réaction.
« Tu le connais Alain ? »
« Oui ... non ... pas vraiment. Pas moi, mais ... »
« La rumeur était vrai, il vient bien de la Garde Royale, mais ce n’est pas un
simple officier, c’est le Commandant, le Commandant lui-même ! »
Il se gratta la tête n’en croyait pas ses oreilles, de toutes les coïncidences
celle-ci était la plus grande.
« Il semblerait que se soit un personnage public, même intime avec les
souverains…
Hey, Alain ! »
Son compagnon interrompit le cour de ses pensées et le fit revenir à lui.
« Est-ce qu’on t’a dit ce qu’il vient faire ? Pourquoi il est ici ? »
« Non, mais je sais qu’il est là sur sa demande et que ce n’est pas une
punition. On va rire hein ! Le commandant de la Garde Royale qui va nous donner
des ordres à nous…»
« C’est étrange… » Se dit-il a lui-même. Il se souvint qu’André était de garde
ce soir là, il attendra la fin sa ronde pour le lui dire.
***
Il referma son manteau, le printemps arrivait mais les nuits étaient encore
fraîches. Il avait presque fini sa ronde, et rêvait de retrouver son lit.
Il était très fatigué mais calme, beaucoup plus calme que ces derniers temps. Il
regardait la clarté du ciel ou les étoiles étaient apparues en silence, une
étoile particulière l’attirait, la plus brillante de toute. Il la regarda
pendant un long moment.
Oui il se sentait mieux, malgré tout il avait repris un peu confiance, et avait
d’avantage envie de bouger ou de faire quelque chose. Il ne savait pas
réellement quoi, mais il était bon qu’il sorte de la situation dans laquelle il
s’était mis, il ne pouvait pas continuer ainsi à errer dans les rues de Paris à
la recherche
d’une taverne pour se saouler et récriminer Oscar. Car cette vie là était trop
humiliante.
Il ne pouvait pas rester chez Alain, non il ne le pouvait vraiment pas.
La situation avec Diane était arrivée à un point qu’il n’avait pas deviné, et il
ne s’en était rendu compte que le jour de son départ.
« Donc tu pars… » Avait-elle murmuré sur le pas de la chambre qu’il partageait
avec Alain depuis le début.
« Oui » dit-il s’arrêtant de ranger ses affaires et se tournant vers elle avec
un sourire affectueux « Oui Diane je le dois. »
Mais elle ne semblait pas vraiment comprendre, elle le regarda hésitante avant
de parler à nouveau triturant ses doigts nerveusement.
« Tu le dois ? Pourquoi le dois-tu ? »
Avait-elle commencé sa phrase trouvant un courage qu’elle ne soupçonnait pas, et
qui la fit rougir et baisser les yeux. Mais malgré tout elle continua « C’est
mon frère qui veut que tu partes ? »
« Non… non Diane. C’est moi qui ai besoin de le faire, je ne peux pas rester ici
et vivre de cette façon » lui avait-il répondu plein de sollicitude, en
s’approchant d’elle.
« André… quand tu seras parti je ne te reverrais plus »
« Mais si on se reverra, je viendrais souvent, après tout ce n’est pas très
loin »
« Mais ça ne sera pas comme maintenant – avait-elle dit faiblement, incapable de
retenir ses larmes - nous ne pourrons plus passer l’après-midi à discuter, je ne
te verrais plus le soir au diner, je ne.. »
« Diane s’il te plait » Il avait caressé ses cheveux d’un geste instinctif et
délicat, et c’était surement là qu’il eut tort, car sans qu’il ne s’en aperçoive
elle se retrouva sanglotante dans ses bras, et il n’avait pas été en mesure de
la réconforter.
Elle sentait bon, et était si frèle et fagile.
« Je t’en prie fillette.. »
« Ne m’appelle pas ainsi ! – c’était-elle rebellée
- Alain le fait déjà… mais je ne suis plus une fillette ! Pourquoi vous
ne le voyez pas, parce que… »
Alors il avait ressenti dans son cœur une émotion douloureuse, et avait gardé le
silence. Il n’avait pas vraiment remarqué à quel point elle tenait à lui avant
cela. Il la laissa s’épandre tout son saoul puis souleva son visage et la
contempla, les yeux dans les yeux, il la regarda avec intensité comme elle
n’avait jamais était regardée auparavant. Et sans baisser les yeux lui parla, et
la regarda comme on regarde une femme.
« Non Diane non ce n’est pas vrai que je ne l’ai pas vu. Je l’ai remarqué la
première fois que je t’ai vue. Je sais que tu n’es plus une fillette, et que tu
es très belle »
Elle leva les yeux touchée, presque étonnée par ses paroles, et avait cessé de
pleurer.
« André… mais pourquoi alors ? »
« Non ne dis rien s’il te plait… c’est de ma faute Diane, j’ai tous les tors tu
n’y es pour rien. Je ne pourrais jamais te donner ce que tu mérites, je ne suis
pas en mesure de le faire. Ce n’est pas juste de profiter de ta douceur pour
guérir mes blessures. Ce n’est pas juste et je ne le ferais pas. Non seulement
parce que Alain est mon ami et qu’il m’a sauvé la vie, mais aussi parce que ce
n’est pas bon pour toi Diane, pour tout ce que tu es. Tu mérites tellement mieux
que moi. »
« Tes blessures André… » Elle baissa de nouveau la tête en continuant : «
je sais… je connais tes blessures. J’ai compris de quel genre de blessure il
s’agit, je l’ai compris depuis longtemps… Alors ne me dit pas, mais... mais
peut-être que ce n’est pas vrai que tu ne peux pas guérir André… C’est possible
si tu laisses passer le temps et que tu restes ici… »
Il avait soupiré en fermant les yeux et tenait toujours le visage de Diane entre
ses mains, puis il l’avait regardé à nouveau.
« Non Diane, pas celle là, pas cette blessure.
Je sais que je ne guérirai pas, et je risque de te faire du mal. Et je
refuse que cela se produise, je préfère encore
mourir, je parle sérieusement »
Elle lui adressa un regard triste plein d’une prise de conscience douloureuse.
« Tu préfères mourir… parce que tu n’as plus envie de vivre André ? »
Il s’était détaché d’elle et avait incliné le visage, car même s’il la
connaissait déjà, cette vérité était dure à entendre.
« Oui Diane… c’est surement ça, et c’est pourquoi je dois partir »
Elle s’était à nouveau jetée dans ses bras, et l’avais embrassé, et cette fois
il l’avait tenu longtemps. Puis il s’était écarté, et comme il sentait des yeux
qui le suivaient en silence, il avait continué à faire son sac. Quand il eut
fini il se dirigea vers la porte, lui donnant un dernier regard en silence,
avant de partir.
Il cessa de fixer l’étoile et regarda ses mains avec un soupir. Il était triste
mais serein en pensant à ce moment. Il avait pris la bonne décision et savoir
cela lui fit du bien.
Il ne ressentait pas d’amour pour Diane.
Il se rappela les yeux d’Oscar, et combien il était troublé à chaque fois de les
découvrir si bleu… Il sentit son cœur battre plus vite ce qui le fit frémir de
joie.
***
Le visage qu’avait eu André quand il lui avait parlé, il ne pourrait jamais
l’oublier de sa vie.
Il était assis sur son lit, fatigué à la fin de sa ronde, et était sur le point
de se coucher pour prendre un peu de repos.
« André, je dois te donner une nouvelle qui je pense t’intéressera »
« Qui est ? » Lui répondit-il calmement tout en défaisant sa veste d’uniforme et
avalant une gorgée d’eau.
« Tu sais que nous allons avoir un nouveau commandant… »
« Oui tu me l’as déjà dit. Alors quoi ? »
« Je sais qui c’est. »
« Ah… et cela devrait me préoccuper d’une manière particulière ? »
« Mon avis et que oui. »
André était prêt à l’écouter, calme, assis sur son lit les mains appuyées en
arrière sur le matelas. Il avait lâché un soupir de lassitude
« Eh bien dis-moi. »
« C’est quelqu’un que tu connais : Oscar de Jarjayes.»
Ces mots avaient été comme un gifle, André l’avait transpercé de ses yeux avec
étonnement, son corps s’était raidi. Puis il s’était levé et avait continué de
le regarder intensément sans dire un mot, à tel point qu’Alain avait cru qu’il
voulait le prendre par le col et le jeter contre un mur. Il avait alors fait
quelques pas vers la fenêtre, puis s’était tourné vers lui dans l’attente de
plus amples explications.
« Je viens de l’apprendre – lui avait-il précisé tout en détaillant son visage -
mais je ne sais rien d’autre, sauf qu’il est ici sur sa demande »
André l’avait regardé sans le voir. Il y avait une feuille de papier, sur la
table derrière lui, contenant les services de la semaine : les doigts de la main
droite, qu’il avait suspendu au-dessus du papier, se crispèrent alors en le
chiffonnant. « Oscar… », Avait-il dit.
« Oui Oscar, André. Celui là même que tu appelais dans tes délires, la personne
que je suis allé trouver pour lui dire que tu étais toujours en vie. Tu vas
enfin pouvoir le voir ».
Il s’était tu attendant la réaction d’André, mais celui-ci le regardait sans
vraiment le voir. Et il était restait ainsi sans dire un mot longtemps,
incroyablement longtemps.
« Eh bien soit – dit-il finalement comme se réveillant,
d’une voix froide et déterminée - Nous allons enfin nous rencontrer,
oui. »
Alain n’aurait su dire pourquoi mais son expression à cet instant et le ton de
sa voix ne laissaient rien présager de bon.
***
« Très bien, Oscar. Je suis ici. »
Son regard perdu à travers la fenêtre du dortoir, il était seul et pensait à ce
qui était arrivé. Il pleuvait dehors. La nouvelle l’avait bouleversé, mais
maintenant il avait repris le contrôle de lui-même tout du moins en apparence.
Alors comme ça Oscar venait d’être transférée et allait les commander.
La coïncidence était telle qu’il ne put s’empêcher de se demander si Alain
n’était pas au courant depuis un moment et que c’était pour cela qu’il lui avait
proposé de s’enrôler. Mais non, Alain n’était pas comme ça, et d’ailleurs
pourquoi aurait-il fait une telle chose…
Deux jours.
Maintenant plus qu’un jour et demi.
Et ils se retrouveraient… il avait essayé de rester froid, mais son cœur était
dans la tourmente… il ne le voulait pas, mais c’était ainsi. Il allait la
revoir, lui parler. Elle Commandant et lui simple soldat. En face l’un de
l’autre, encore une fois, chacun habillé selon son rang. Un Commandant en
uniforme, donnant ses ordres… comme toujours en uniforme.
La femme qu’il avait aimée. Elle qu’il imaginait en uniforme d’officier puis
totalement nue devant lui. Il se revit même en train de la toucher.
Dieu comment était-ce possible… comment était-ce possible qu’elle l’ait
oublié… elle avait été sienne, elle était sienne à l’intérieur… personne ne
connaissait son âme, ses sourires, ses craintes. Personne d’autre ne l’avait
tenu dans ses bras comme lui… personne d’autre, non…
« NON ! NON ! »
Il frappa le mur.
Non personne, ne savait ce qu’il savait, et ce maudit Fersen ne pouvait rien
savoir d’elle.
Pourquoi en était-il si certain ? Pourquoi ? Parce que malgré ce qu’il avait vu
il ne pouvait pas croire qu’elle avait oublié ?
Oscar était sienne, à lui seul. Sa vie lui appartenait, elle la lui avait donnée
il y a si longtemps. Tout
comme lui n’appartenait qu’à elle. A aucune autre, à elle seule, pour toujours …
Il se passa une main dans les cheveux et réalisa que sa respiration était plus
rapide. Il n’arrivait pas à imaginer ce qu’il éprouverait face à elle, ce qu’il
lui dirait. Il y avait tant d’amertume et de ressentiment dans son cœur, tant de
chagrin à cause de ce qu’elle avait fait. Que lui dirait-il ? Et cela lui
importera t’elle ?
Quoi donc … Que lui dirait-elle ? Elle qui l’avait laissé mourir quelque part
sans même se soucier de le chercher, alors que jusqu’à la veille ils allaient
fuir ensemble, qu’elle lui avait dit qu’elle l’aimait et qu’ils seraient
heureux…
Mais elle avait récupéré rapidement, avec un autre homme, cet homme… et ne
s’était pas souciée de savoir s’il était vivant. Comment pourrait-elle se
justifier ? Que dirait-elle ? Oui parce qu’elle lui devait, elle lui devait une
explication quoi qu’il arrive…
Il se demandait comment elle allait réagir à la vue de son visage, car elle ne
savait pas qu’il se trouvait dans la caserne. Elle ne savait rien de ce qui lui
était arrivé, même pas qu’il était encore vivant, en admettant qu’elle s’en
souciait.
Et se retrouver après tout ce temps... que fera-t- il ? Quels mots utilisera
t’il ? Quoi ?
Il était empli d’impatience et de crainte à l’idée d’être ensemble. Car une
chose était certaine, cela serait douloureux, dans tout les cas. Il n’y aurait
pas de joie à leurs retrouvailles.
Mon Dieu quelle situation absurde.
Comment… comment cela avait-t-il pu se produire ? Ils dormaient ensemble,
s’aimaient … et maintenant… tout avait disparu sans crier gare…
Il baissa la tête sentant les larmes sur son visage. Depuis combien de temps
n’avait-il pas pleuré ? La dernière fois c’était avec elle. C’était elle qui
l’avait réconforté et ils avaient pleuré ensemble.
***
Elle fixa les boutons de son nouvel uniforme, et passa une main derrière sa tête
pour libérer ses splendides cheveux blonds de la veste, le miroir lui renvoyant
l’image d’un officier fière et charmant.
Les bottes blanches contrastaient avec le bleu intense de son pantalon ajusté
qui rendait sa silhouette encore plus élancée, et son épée accroché sur le coté,
avec son cordon de gala qui pendait, brillait de mille feu avec sa garde. Cela
faisait si longtemps qu’elle n’avait pas endossé un uniforme. C’était un
officier fascinant, c’est vrai…
Elle se contempla un long moment avant de se déplacer, oh non ce n’était pas de
la vanité. Par le passé cela lui était arrivé, parfois. Mais maintenant ce
n’était plus de l’orgueil face à son aspect, ni à l’élégance que lui conférait
ces vêtements. Elle se regardait et se souvenait de ces années lointaine ou pour
la première fois elle s’était vue en uniforme : maintenant ce n’était plus la
même sensation. Car le reflet qu’elle découvrait à présent était bien celui
d’une femme. A cette époque ce n’était pas la même chose : à ce moment-là elle
pouvait encore croire être un homme, du moins s’efforcer d’en être un, et tenter
de se convaincre de cette absurdité.
Mais maintenant elle se regardait, et voyait qu’elle ne l’était pas, et qu’elle
ne l’avait jamais été. Et qu’elle ne le voudrait jamais. Jamais, même si elle
était en mesure de choisir. Même si
le sort l’avait condamnée à passer le reste de ses jours dans la solitude.
Puis elle pensa à André et comment son amour l’avait transformée de manière
irrémédiable.
Elle secoua lentement la tête, les yeux fermés, elle pensait à lui en
permanence. Même dans les moments les moins appropriés elle avait des fantasmes
comme ceux-ci. Et elle continuait à penser a lui, elle ne pouvait pas s’en
empêcher.
Elle était le Commandant de la Garde Française et elle l’aimait.
C’était ainsi.
Elle se détourna du miroir et prit sur la table la tasse de thé pour en boire
une dernière gorgée. Elle prenait son service ce jour là, le premier jour dans
son nouveau rôle.
Elle en était ravie, malgré tout.
***
"Alors, les gars, qu’en pensez-vous?"
Alain se grattait l’oreille avec le petit doigt
et ne répondit pas. Ils venaient d’exécuter la revue d’accueil du nouveau
commandant et les soldats s’échangeaient déjà des commentaires.
« Ben, ce gars n’est pas pour le moins un vieil épouvantail… - avait osé dire
l’un des soldats -. Il est jeune et semble bigrement intelligent »
« Mais cela ne signifie pas qu’il est bon ! »
« Oui, oui, mais quand on va risquer sa peau, il est mieux d’avoir un commandant
qui connais son affaire, faut pas l’oublier »
« Eh qui te dis qu’il l’es ? On ne l’a vu que de loin »
« Eh bien, dés le premier coup d’œil il donne quand même une bonne impression »
« A condition de faire attention aux apparences… pour moi ce blanc bec plein de
bouclettes et tout propret n’est bon que pour danser dans les salons, il ne
m’inspire pas confiance. Je préférerai un gars avec les jambes tordu, mais avec
des grosses couilles »
« Ouais, il vient de la Garde Royale ça se voit… »
« Et il va sentir le parfum toute la journée »
« Vu l’odeur qui il y a, ça c’est
sûr... »
Ils se mirent tous à rire.
« Je ne le tiendrai pas pour acquis, cependant : vous avez vus comment il
monte ?
Il ne doit pas etre homme à avoir le cul en dehors de la selle même au coup de
canon, c’est moi qui vous le dis.»
« C’est vrai... et quel regard perçant… je me suis approché, lors de la revue,
et il m’inspectait de haut en bas. »
« C’est une mauvaise nouvelle alors, on va bientôt nous donner l’ordre de polir
nos boutons d’uniforme pour qu’on s’y voit dedans.
« Non il n’a pas du faire attention à ça,
il étudiait la situation. De plus nous étions trop loin pendant le défilé »
« Je n’y compterai pas trop. »
« Bah... je pense qu’il ne faut pas s’y fier. Dans tout les cas ce sont des
ennuis moi j’vous dis. T’en pense quoi toi Alain ? »
« Aucune idée » répondit-il, puis il se retourna et demanda : « Et toi André ?
Qu’en penses-tu ? »
Ils se tournèrent tous vers le nouveau, qui n’avait pas bougé de sa fenêtre, et
leur tournait le dos sans répondre.
Puis quand les commentaires cessèrent et que tous s’étaient dispersés, Alain
l’avait rejoint. André était là perdu dans ses pensées.
« Hey, vous deux ! » les interpela un soldat
Ils se retournèrent vers leur compagnon.
« Le commandant est dans son bureau, et demande à parler au représentant des
soldats »
« Ah et qu’est-ce qu’il veut ? »
« Expliquer ses règles » lui dit André avec une voix neutre posté derrière lui.
Alain le regarda.
« Tu devrais y aller Alain – dit l’autre soldat- nous te considérons tous comme
notre chef et tu pourrais parler en notre nom »
« Moi, non je ne pense pas »
« Pourquoi pas Alain ? » André était intervenu avec une étrange
détermination dans la voix
« Je pense qu’il est l’heure d’aller rencontrer notre nouveau commandant, je
viens avec toi. »
Alain ne dit rien et détailla son visage.
« Très bien alors allons-y » finit-il par dire.
« Je ne manquerais cela pour rien au
monde », pensa-t-il.
***
Quand elle entendit frapper à la porte, elle était assise à son bureau,
« Entrez » dit-elle rapidement, levant les yeux du rapport qu’elle lisait.
Sur le seuil, deux soldats l’un à la suite de l’autre, dissimulé dans l’ombre du
couloir, l’un d’eux, avait levé son visage vers elle.
« Entrez… » Dit-elle en les regardant, mais sans finir sa phrase car quelque
chose dans ce mouvement lui avait semblé familier.
Tout se passa si soudainement qu’elle ne se rendit pas bien compte de ce qui
c’était passé.
« Soldat Soisson, mon Commandant, à votre disposition » dit Alain avec un salut
militaire.
« Eh bien, je vous ai fait appeler… ANDRE ! »
Le Commandant s’était levé violemment de sa chaise tout en les regardant les
yeux écarquillés : « André… »
Son compagnon c’était alors montré, entrant dans le cône de lumière de la lampe.
« Bonjour Oscar » avait-il dit calmement d’une voix irréelle.
Mais Oscar de Jarjayes n’avait pas répondu.
Le Commandant
se tenait devant eux, pale, son corps figé comme de la glace, ne respirant plus.
Il était resté ainsi un long moment.
« André… c’est toi … »
Puis il avait tenté de bouger, mais ses jambes s’y étaient refusées, et il était
tombé inconsciente sans un gémissement, à coté de son bureau.
« Oscar ! »
Criant son nom avec un ton complètement différent, presque déplacé, André
s’était précipité vers lui pour le retenir. Il s’était penché sur son corps
étendu au sol et avait soulevé sa tête. Et l’avait pris dans ses bras, comme
s’il ne pesait rien, le détaillant les yeux empli de larmes et l’avait déposé
sur le canapé qui était dans la pièce.
Il l’avait couché, et défaisait sans hésitation les premiers boutons de son
uniforme.
« Oscar… » Murmurait-il caressant son visage de ses mains.
« André mais… »
Alain était confondu par cette scène « Il s'est évanoui », dit-il.
Il s’était placé juste derrière eux et ainsi pouvait voir de prés. De si de près
le Commandant avait des traits parfaits, une peau claire, et de longs cils
s’étiraient sur ses yeux fermés.
André lui caressait les cheveux, assis à coté de lui, les larmes aux bords des
yeux.
« Le Commandant s'est évanoui, André... »
André inclina le visage secouant la tête en silence, et revenant à Oscar il
murmura sans le regarder, une profonde douleur dans les yeux. « Cela
ne c’est jamais produit, elle ne c’est jamais effondrée ainsi.
»
« Elle
ne c’est jamais effondrée
? Mais qu’est ce que… »
Il les regardait avec étonnement, incapable de le croire. Des mains très
blanches et fuselés dans celles d’André, cette cascade de cheveux blond et doux,
et cette voix qu’il avait…
« Jésus… mais… ANDRé… c’est une
femme ! »
Son ami hocha la tête sans se retourner.
« Une femme… »
Alain le regarda la bouche ouverte, quand il se tourna enfin, vers lui.
« Oui c’est une femme Alain, c’est Oscar. »
« Oscar… le nom que tu ne cessais d’appeler… »
C’était fou.
« André, mais alors… »
L’autre le regardait sans rien dire.
« Il est donc… Elle est ? Oscar est cette femme ? »
« Oui »
« Mon Dieu… »
Il porta sa main à sa bouche en découvrant les gestes experts d’André sur son
corps. Déboutonnant le reste de la veste, libérant le col de sa chemise. Puis
une main restant dans ses cheveux à coté de son front blanc, et avec l’autre il
lui caressait le bras posé le long du corps.
« C’est une femme… est-elle… ta femme … l’est-elle ? »
Il le vit hocher la tête et l’entendit dire : « Oui elle l’était »
Combien de minutes étaient passés il ne le savait pas, la scène qui se déroulait
devant lui était incroyable. Puis finalement il trouva le courage de poser cette
question, mais il ne le finit pas, André répondant avant.
« Mais comment ont-ils pu… »
« Oscar est la sixième fille du générale de Jarjayes, qui n’avait aucun héritier
male – dit-il d’une voix blanche - Son père lui donna un nom masculin et l’éleva
en homme, en militaire. Elle commande aux soldats depuis toujours, et elle est
exceptionnelle. »
« Et toi ? »
« J’étais son ordonnance, nous avons grandi ensemble »
« Ordonnance… voila alors pourquoi l’épée et les armes… »
« Oui »
« Et vous vous connaissez depuis toujours ? »
« Depuis que nous étions enfants. Enfant j’ai été accueilli dans sa maison après
la mort de mes parents. Son père voulait qu’elle grandisse entourée d’hommes, et
qu’elle n’ait que des camarades masculin »
« Et elle t’avait »
« Oui moi, pour la durée d’une vie. Nous étions tout le temps ensemble ».
« Et tu n’as jamais pensé que c’était un homme … »
« Mon dieu André … c’est impensable… mais comment ont-ils pu faire ça… »
« C’est impensable oui… et ils l’ont fait »
« Maintenant, je comprends tout ... »
« Je ne pouvais pas te l'expliquer. »
« Non. Je ne l'aurais pas cru. »
Elle commençait à respirer normalement et à reprendre ses esprits. Il lui
caressait le visage.
« Et elle t’aime… »
« Elle m’aimait. Et moi aussi je l’aimais »
« Non, tu l’aimes encore André. »
Il n’y eu pas de réponse.
« Maintenant laisse nous s’il te plait. »
« Oui, bien sûr ... »
Et sans se retourner alors qu’il entendait Alain sortir de la pièce il rajouta
« Ne le dit à personne, Alain.
Personne.
»
A suivre…
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pubblicazione sul sito Little Corner del maggio 2020
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