identité,
altérité, diversité: Mithra, Jésus et nous
à R.-A. Turcan,
archéologue, dont j’ai toujours admiré la nuance et la fermeté,
en souvenir de nos déjà vieilles décennies
de commune dévotion mithriaque,
à Carlo Romano, sectateur de Sol
invictus, mon
vieux complice, et à ses chats de Recco
Que savons-nous de nos vies antérieures? Quels dieux traînons- nous dans
les veines ? Qui s'intéresse encore à Mithra, le dieu solaire tueur de
taureau, si cher aux garnisons romaines d’Hispanie ? Les ruines d’un mithræum ne se trouvent-elles pas, de nos jours
encore, sous les arènes mêmes de Mérida, la ville la plus mithriaque
d’Espagne ? Que sait-on de ce dieu qui fut, historiquement, le dernier
concurrent du Christ ? «Si le christianisme
eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, a pu soutenir avec
excès Renan, le monde eût été mithriaste».
« Dans le grand naufrage de la littérature antique, aucune perte
peut-être n'a été plus désastreuse que celle des livres liturgiques du
Paganisme... Profanes relégués à la porte du sanctuaire, nous n'entendons que
des échos indistincts des chants sacrés, et nous ne pouvons assister, même en
esprit à la célébration des mystères. » (F. Cumont)
Mithra,
Jésus et nous. Mithra décapité par le christianisme (à la fois si semblable et
qui s’en voulut si furieusement différent) et nous.
Et nos servasti […] sanguine fuso
(« Et tu nous as sauvés
[...] en versant le sang »)
inscription métrique, en l’honneur de Mithra, sous l'église S. Prisca,
Aventin, Rome.
Que
savons-nous de nos vies antérieures? Quels dieux traînons- nous dans les
veines ? De quels socles ou bouts de socles anonymes et païens a-t-on
construit les colonnes trajanes de la Chrétienté?
Qui s'intéresse encore à Mithra? Que sait-on
de ce dieu qui fut, historiquement, le dernier concurrent du Christ ?
Pourquoi
cette ignorance (ou ce refoulement) ? Et si un certain Jésus de Nazareth avait
péri à six ans comme tant de milliers d'autres enfants dans la Palestine sans
hôpitaux ni P.M.I. d'il y a vingt siècles ?
Vaste sujet : la causalité en histoire. Mithra et nous. Mithra décapité par nous.
Du
moins le Mithra gréco-romain, à qui seul je m'en tiendrai aujourd’hui. Il faut
savoir qu'il existe une longue et complexe préhistoire indo-persique du dieu,
où l'on a du mal d'ailleurs à le reconnaître (mais, après tout,
reconnaissons-nous toujours le Christ dans sa préhistoire biblique pour peu que
nous nous y jetions sans schéma explicatif préétabli ?). Mitra, qui en védique,
signifie « ami » ou « contrat », représente, d'après G. Dumézil, l'aspect
juridique de la fonction royale. Cet aspect-là transparaîtra toujours un peu
dans le « contrat » qui lie le myste à son dieu et les mystes entre eux. Dans
un vieux bas-relief, ne voit-on déjà le dieu Apollon-Mithras-Hélios-Hermès
serrer la main droite du roi Antiochus Ier de
Commagène (69-38 av. J.-C.) en signe d'alliance et de protection ?
Visiter un Musée, c'est sacrifier à beaucoup de
nécropoles à la fois. Quelles cendres avons-nous honorées quand nous vivions il
y a dix-huit siècles à Mérida ? Quelles cendres sommes-nous enfin devenus en
Austrasie, en Cimbrie, en Novempopulanie
? Quel dieu notre ancêtre obscur et buté honora-t-il ? Celui-ci? Celui-là ?
Comment s'entendre avec l'aïeul encore, croit-on, qui parle pierreusement
et prie en chacun d'entre nous ?
Je
regretterai longtemps le petit musée épiscopal sans trop d'accueil, coincé
comme un millénaire dans un angle ocre de l'ocreuse Mérida. J'y avais mes
habitudes et mes dévotions: ce petit ex-voto mithriaque d'esclave où je
sacrifiai année après année en cette ancienne capitale de l'ancienne Lusitanie.
Depuis, Mithra a été délocalisé sur un musée en préfabriqué télématique plus
fonctionnel.
Bas-Empire climatisé... Mais le culte en nous demeure intact. Intact, non loin de mon petit ex-voto, ce bel et juvénile et quasi michel-angelesque Zervan-Kronos. Une communauté de fidèles atteste ici sa vitalité dès 155. Rien d'étonnant: Mérida est la cité des emeriti, des vétérans de l'armée impériale, dont certains d'origine orientale ou perse, comme le dénommé Antestius Persicus de l'épigraphie locale (et quelle tête pouvait-il avoir, Antestius Persicus ?). Quel horizon platement quotidien ? Le vent noir d'avant-hier ? L'averse à tombereaux éternels d'aujourd'hui ? Et ce chemin, qui à l'époque ne devait pas exister, par où je suis venu, passé le pont trajan d'Alcántara, de la Lusitanie d'aujourd'hui nommée Portugal à la capitale de la Lusitanie romaine d'Antestius Persicus aujourd’hui nommée Mérida : brousse blonde et bled blond, éternité de l'éclat, de la chaleur où le corps harassé, l'œil et l'ère perdent toute limite ?
Autoroute,
nationale, parking ; un dé á coudre de liqueur indigène de gland, vite.
Rassemblons nos souvenirs. Mithra, Sérapis... dieux attachants, un peu
marginaux... incrustés dans la pierre ibère, et pourtant venus de si loin...
Depuis ses origines orientales et essentiellement perses (Mithra survit là-bas malgré le noir mollah, dans le cadre du mazdéisme, mais sous une forme qui n'a guère à voir avec notre Mithra gréco-romain) jusqu'à son apogée du IIIème siècle après Jésus-Christ, et sa destruction sous les coups du Christianisme qui décapite les idoles sataniques de ces Saturnes léontocéphales, le culte de Mithra représente plusieurs siècles de vicissitudes religieuses et d'espérance humaine.
Beaucoup d'aspects de la question nous demeurent fermés mais on peut établir en gros l'état civil du mithriacisme comme suit : religion mystérique, solaire et cyclique, fondée sur le sacrifice-communion du mithræum (façon de grotte-tanière enfouie) et, à travers ce sacrifice, sur la réactualisation mythique du meurtre initial du Taureau, force de la terre et de l'obscurité, par le dieu Mithra qui va ensuite supplanter le Soleil sur son propre char (à moins qu’il ne partage, mais c’est plus rare, un festin avec lui) : c'est le Sol invictus, le Deus invictus de l'épigraphie. Le salut apporté à l'initié, nécessairement masculin et dévoué aux valeurs de courage, est un salut « biocosmique » (R.-A. Turcan) ; et non pas individuel, ni proprement spirituel. Ce qui suffit à tracer les limites de ce culte élitiste et panthéiste (les esclaves peuvent être mithriastes, mais non les femmes [1]) et fait de lui une espèce de contre-épreuve, de palimpseste en négatif, du christianisme avec qui il partage quelques éléments : sacrifice-communion d'origine orientale, ou implantation d'abord quasi uniquement citadine.
Car
c'est surtout sur les traces de l'armée et de l'administration impériales que
Mithra se répand. Même si nul Empereur, sauf exception très limitée, n'est
ouvertement mithriaste, ce culte de scribes, de
fonctionnaires, et de prétoriens de souche parfois orientale (nous venons de le
voir à Mérida) n'en soutient pas moins souterrainement les valeurs de la vaste
romanité païenne de l'Empire : un peu comme la franc-maçonnerie fut le culte
souterrain et mystérique de la troisième République, Mithra fut la lumière
souterraine des cités-garnisons et du limes fortifié (la carte des
inventions archéologiques qui bute sur le Mur d'Hadrien ne laisse là-dessus pas
le moindre doute).
D'après
Tertullien, Mithra promettait « une façon de résurrection ». Et ce jeune
Saturne mithriaque de Mérida? Est-ce un jeune ressuscité ou, à travers cette
statue, l'image de la résurrection biocosmique, la
jeunesse devenant une image de l'éternité (solaire) elle-même ? Ce serpent
représente le soleil en ses enroulements cycliques à travers la gravitation
cosmique du zodiaque. Mon jeune Saturne porte l'effigie du lion sur sa
poitrine, quand celui d'à côté est carrément léontocéphale, lui...
Puissantes brisures ! foi épaufrée... ces ruines n'ont pas toujours été des ruines.
Raison
de plus pour aller au-delà de cette pierre mutilée (petit autel d'esclave ou
celui, plus auguste, d'un fonctionnaire mieux rémunéré) et essayer de pénétrer
en profondeur, au-delà des apparences un peu déroutantes (et que les chrétiens
trouvèrent sataniques), jusqu'à la vie même de cette foi intérieure.
S'arrêter aux encolures léonines et aux serpents solaires
qui étreignent, comme autant d'énigmatiques Laocoons,
tous ces Saturnes-là, ce n'est faire que du tourisme. Que penserait-on d'un mithriaste, s'il en restait, qui ramènerait le Christianisme aux effigies zoomorphes
des quatre Evangélistes sans, au-delà de ces apparences devenues inutiles,
pénétrer la signification spirituelle, métaphysique, de la doctrine chrétienne
et dirait ensuite que le christianisme est une religion singulière, qui amasse
au flanc de ses autels des Aigles et des Taureaux? Que des intellectuels
stoïciens ou stoïcisants, ou platonisants, aient
pensé le Mithriacisme selon leurs catégories à eux doit nous inciter à un
certain ordonnancement conceptuel. Puisque - mens agitat
molem - c'est aussi la signification qui informe
et dépasse la pierre qu'elle vient, jadis, de sculpter (la pierre même de
l'idée, sa forme vivace et dramatique) ; c'est le sens spirituel, à retrouver
de l'intérieur et par l'intérieur, qui allège l'effigie rugueuse de
l'archéologie et attire l'homme sensible aux choses du sacré et à la
connaissance des hommes à travers les dieux qu'ils se donnent.
Un ensemble de relais, que
l'on peut rétablir vaguement, a donc amené le culte d'Orient jusque chez nous :
on sait, par exemple, que les pirates de Cilicie étaient mithriastes
- mais à ce stade-ci Mithra fait figure de dieu initiatique anti-romain et même
anti-impérialiste, réservé á un groupe assez limité d'opposants : « C'est vers la même époque, en 67 av. J.-C. précisément, que Plutarque
situe l'introduction en Italie des mystères mithriaques. Les pirates ciliciens,
naguère alliés à Mithridate VI Eupator, roi du Pont,
pratiquaient dans leurs montagnes des sacrifices étranges et un rituel
d'initiations qu'ils auraient été les premiers á enseigner en Occident, une
fois capturés par Pompée. » (R.-A. Turcan ; noter le
nom de « Mithridate », nom divin, théophore, des rois du Pont, d'Arménie ou de
Commagène). Ensuite, le culte s'étend en se
modifiant jusqu'à atteindre son apogée aux II-IIIème siècles où on
le trouve dans la ville-caserne et le cité-auberge ou carrefour.
Une religion initiatique, à
temporalité cyclique et sensibilité panthéiste, voire panenthéiste, tout
revenant dans le Dieu-Monde qui nous transcende et passant par le
sacrifice-communion du spelæum, ce temple souterrain et privé, et une hiérarchie,
en elle-même déjà initiatique, pour simuler la mort physique avant la victoire
astrale de la fin. Une hiérarchie , c’est-à-dire une gradation et
graduation, un cursus sacrés à sept grades : le Corbeau,
protégé par Mercure ; l'Époux, par Vénus ; le Soldat, par Mars, évidemment ; le
Lion, par Jupiter ; le Perse, par la Lune ; le Courrier d'Hélios, par le Soleil
; le Père Sacral, par Saturne. Masques et insignes distinguaient les divers
dignitaires de ce culte sans clergé. Les Corbeaux servaient à boire, les Lions
brûlaient l'encens et purifiaient les mystes, les Soldats étaient marqués au
fer rouge. Sur chaque communauté veillait un Père, et le Père des Pères avait
rang, si l'on veut, d'évêque métropolitain.
La métaphysique mithriaste
constitue donc un amalgame vivant, une synthèse à l'originalité saisissante,
bien dans le goût de cette immense et cosmopolite romanité de Bas-Empire, entre
des éléments orientaux (origine surtout perse; rite central de la communion),
grecs et hellénistiques (symbolisme astral, tendance métaphysique), romains
(exaltation des valeurs de discipline et de virilité); avec possibilité de
réinterprétations, ou de gloses et de gnoses para-stoïciennes ou lointainement
néo-platoniciennes, encore que la métaphysique de Mithra se signale par le
monisme et le vitalisme, en aucun cas par le dualisme et l'intellectualisme
comme chez Platon.
Quelque chose de dynamique, de
carré (ou de rond) en ce Mithra latin qui peut, vingt siècles, ou dix-huit
encore après, séduire. Il y a un sang séché du mythodrame
que l'on chercherait presque dans la vieille ombre du mithræum de Mérida (qui, comme
par hasard, se trouve sous les arènes actuelles)..
Culte mystérique,
avons-nous dit. Le mot mustericos n'existe
pratiquement pas en grec, bien qu'il soit attesté. Et cependant ce néologisme -
qui n'est donc pas pour l'étymologie un barbarisme - mérite d'être retenu par
tous, amateurs de Mithra, historiens des religions ou même critiques
littéraires (dans la mesure où, par exemple, beaucoup de références de
Saint-John Perse sont « mystériques »). Dans
«mystérique», il y a, certes, l'idée de mystère religieux, mais aussi et
surtout celle, étymologique, de l'initiation (rituelle et intérieure)
que suppose ce mystère-là.
Dès 1953, l'helléniste Louis Gernet émettait ce vœu (tant il est vrai que «mystérique»
conviendrait mieux que «mythique» ou que «mystique» à certains aspects de la religion grecque, et plus précisément
à celle de Dionysos) : « Il s'agit d'autre chose ici, à quoi conviendrait mieux
le terme encore barbare de «mystérique», à condition de le replacer dans un
contexte ancien... En tout cas, une doctrine s'est propagée qui comportait une cosmogonie,
et une économie du salut, où le mythe de Dionysos a pu prendre une consistance
dogmatique ; car il y a une croyance qui paraît bien établie depuis le VIème
siècle (av. J.-C.), c'est la croyance à une rédemption qui peut être obtenue,
moyennant initiation et ascèse, par les descendants des Titans meurtriers du
dieu : quelques développements qu'ait pu fournir au concept généralisé de
palingénésie une théologie fantastique qui fut longtemps à l'œuvre sous le
patronage d'Orphée, il y a cette donnée qui est ancienne ; et dans le cadre de
ancienne ; et dans le cadre de l'hellénisme, c'est une donnée qui a son
importance » (L. Gernet, Dionysos et la religion
dionysiaque, 1953). Occasion ici de rappeler que Dionysos n'est pas
seulement le dieu spectaculaire de la végétation, de la sexualité, de la folie
- mais aussi un dieu de l'au-delà - les analogies abondant d'ailleurs entre ce
Dionysos-ci et ce Mithra-là : théologie fantastique (astrale chez Mithra) et
«palingénésie» finale préparée par la «mystérique». Cette palingénésie biocosmique que le chrétien, que l'iconoclaste Tertullien
appelait peut-être, faute de mieux, «une manière de résurrection» - ne pouvant,
lui, le créationniste, la comprendre que comme un simulacre satanique et puéril
de la vraie Résurrection (également céleste et ouranienne, pourtant, après
terrassement, non plus du Taureau chtonien, mais de quelque chose comme le
dragon des ténèbres [2]).
Si Mithra nous reste proche en
ce début de XXIème siècle encore plus ou moins chrétien, c'est bien
d’ailleurs par sa rivalité avec le Christ.
Mais où le Christ se révélera «
catholique » et universel malgré (comme Mithra) une implantation d'abord
citadine, Mithra apparaît comme le dieu des limites mêmes de l'ancien
monde romain ou plutôt romano-gréco-oriental des débuts de notre ère. Des
limites, au sens géographique et spatial. Mithra était le dieu des gens qui
voyagent : d'oú quelque universalité de son culte,
particulièrement présent sur les limes du monde alors romain. R.-A. Turcan a eu l'idée de dessiner la carte des diverses
trouvailles mithriaques : méthode géographique autant que statistique fort
révélatrice, et qui pourrait être étendue à d'autres dieux (nous pensons à
Sérapis, autre dieu syncrétique, dont il serait intéressant de suivre
l'essaimage depuis le laboratoire gréco-égyptien dont il naît á l'époque
hellénistique sur directive de Ptolémée ler).
Si nous pouvions connaître la figure que tous nos pas ont dessinée en toute une
vie, quel enseignement sur notre destin et notre personnalité ! Dans le cas
d'un dieu, et malgré les pertes considérables dues au hasard, le résultat
demeure tout aussi significatif. Confirmation par la sociologie, et non plus
par la statistique ou la géographie : les milieux militaires et bureaucratiques
sont des milieux d'apatrides et de citadins. Mithra fut
donc via villes, commerce et garnisons assez universel par son extension, et je
suis aujourd'hui, à Mérida, sur l'une des grappes de pointillés de cette vaste
géographie. Universalité donc, si l'on veut :
mais en creux.
Autre limite spatiale, non pas
horizontale mais verticale : le sacrifice-communion se déroule, non sur les
marches du temple public et sub divo, (à ciel divin ouvert), mais dans une
crypte-tanière privée, plus ou moins enfouie, du moins à titre symbolique,
quand le sol par exemple fait obstacle, où on l'enterre. Car c'est dans et par
cette opacité chtonienne et tellurique, prénatale (nuit où mourir et dont
renaître), essentiellement initiatique (selon l'archétype de la crypte enfouie
et de la caverne à voûte-cosmos en miniature) que s'effectue le mythodrame de Mithra, que se réactualise la geste mythique,
et le geste mythique de Mithra : ce geste dont le rythme puissant, précis et
très plastique, très sculptural, a été fixé par l'artiste antique ou récent (Mithra
d'André Masson).
Pourquoi sous terre, puisqu'il s'agit de lumière ? Mais le Christ lui-même ne fut-il pas confié à l'ombre passagère de la Terre et de la Mort ? Et puis peut-être aussi parce que le mithriacisme, tout en restant céleste, ne connaît pas cette coupure Terre/Ciel commune au Platonisme et au Christianisme. Puisqu'il n'y a pas de dualisme, mais seulement monisme vitaliste, autant maintenir dans la même unité les deux principes de la Lutte : Ombre et Lumière, Terre et Soleil, même si c'est celui-ci qui finit par triompher. À propos de Mithra, on peut donc proposer de parler non pas de dualisme, non pas de panthéisme monolithique (Tout est Dieu, Dieu est Tout) mais d'une forme intermédiaire : de panenthéisme (tout est dans Dieu, se résorbe dans Dieu, dans un dieu). Un dieu majeur (hénothéisme), clef de voûte de tout, mais point, à proprement parler, le seul Dieu (monothéisme). Tout rejoint et suit le dieu qui, tout en étant solaire, a tenu à illuminer sa geste et son geste dans une grotte. Dans ces conditions, le salut ne peut être que biocosmique. Dès que l'on pose le postulat du monisme et du vitalisme, même légèrement transcendants, du système religieux envisagé, le salut promis par un Mithra issu du cosmos, ne pourra être que cosmique. Le salut offert par le Christ, fils de Dieu envoyé au Cosmos par le « Très Haut », et malgré le fait de l'incarnation et de la mort transitoire, est très différent ; en son essence et sa qualité mêmes. On dira : mais les Chrétiens ont aussi enterré leurs catacombes, on trouve des cryptes et des cathédrales souterraines jusqu'à Lourdes de nos jours (toutes choses normales dans les environs immédiats d'une autre fameuse grotte). Certes. Mais la catacombe ne fut qu'une mesure passagère et peut-être tactique, imposée par les événements, et la Grotte (ou ses illustrations architecturales : cathédrale souterraine, crypte à ex-voto), sans être forcément marginale dans une religion issue de la crèche, ne constitue pas le lieu fondamental et rituel de cette religion. En réalité, le Christ, plus strictement ouranien que Mithra et qui tue le Dragon, au lieu, comme Mithra, de chevaucher le principe adverse, le Christ s'honore naturellement par des temples ou des flèches de surface : la crypte ne demeurant qu'une exception spectaculaire où l'on vient peut-être d'ailleurs chercher une sensation opaque et quelque peu inédite. En religion mithriaque, on communie au Taureau vaincu par Mithra. La Terre n'est pas renvoyée à la Terre, comme en religion chrétienne ou philosophie platonicienne, qui la dédaignent un peu, ou beaucoup. Aucun doute là-dessus : même quand le mithræum ne peut être construit sous terre, pour des raisons tenant au sol ou à la géologie, on simule l'enfouissement par un système d'escalier ; et l'honneur ontologique est sauf !
La Grotte, l'Antre est un archétype universel, que le Christianisme - universelle Incarnation - a tout simplement christianisé comme il christianise aussi de ses temples et ermitages - bornes de loin en loin géodésiques de sa propre foi - le contraire de la Grotte : l'Altitude et la Montagne : « La chapelle votive se trouve en haut du plus haut des sommets qui entourent la paroisse », écrit Miguel Torga de son Trás os montes natal, dans le Nord-Est du Portugal actuel. En revanche, on peut considérer que la montagne, qui n’est pas absente du mithriacisme et qui n’est après tout que du sol, intéresse Mithra plutôt par sa matière, peut-être sa position pour les pirates ciliciens, que par son altitude. Rappelons ce fait, déjà cité, de son immédiate préhistoire, épisode attachant s'il en est, et absolument fondamental : « C'est vers la même époque, en 67 av. J.-C. précisément, que Plutarque situe l'introduction en Italie des mystères mithriaques. Les pirates ciliciens, naguère alliés à Mithridate VI Eupator, roi du Pont, pratiquaient dans leurs montagnes des sacrifices étranges et un rituel d'initiations qu'ils auraient été les premiers á enseigner en Occident, une fois capturés par Pompée. » (R.-A. Turcan ; souligné par nous). La plus ancienne inscription qui fasse état d'une consécration personnelle à Mithra (1er siècle av. J.-C.) provient de la rocheuse Cappadoce, juste au nord de la Cilicie ; Cilicie où l'on a aussi trouvé un autel mithriaque (et les seules monnaies impériales à Mithra tauroctone, plus tardivement il est vrai). Mithra étant né du roc, le décor pierreux, et parfois montagneux, ne lui convenait-il pas par nature et par destination ? Le Mithra toujours visible, et sculpté à flanc de roc, de Bourg-Saint-Andéol en Ardèche du Sud, pays pierreux s’il en est (escarpé au-dessus comme au-dessous du sol), n’est-il point voisin d’une résurgence rocheuse toujours fertile et active (d’une grotte d’eau nourrissant à fond de quartier un proche et vaste lavoir municipal à modernes colonnes latines ) : un site cosmogonique finalement assez proche de la grotte lourdaise, au pied des Pyrénées - l’un de ces lieux où souffle l’esprit, d’où il émerge, qu’il fait émerger à son tour, structure en retour pour longtemps au plan spirituel et matériel, avec sa source froide et miraculeuse mise au jour par Bernadette, en le transformant en « paysage » sacral, au sens lexicologique et étymologique du terme (tout « paysage » étant un « pays », c’est-à-dire une portion d’espace d’une étendue minimale, presque toujours plus ou moins collectif, soumise au triple sème enchevêtré et superposé de composition-globalité-activité contenu dans le suffixe « -age »).
Il peut donc exister des analogies
superficielles et décoratives entre les deux religions, et l'on a même pu
parler, à tort, semble-t-il, d'une influence du christianisme sur certains aspects du mithriacisme. Le repas
sacrificiel dans des manières d'étroites catacombes, la victoire de l'ouranien
sur le tellurique avec implication de l'éternité (l'Aion,
c’est-à-dire « l'ère », léontocéphale, sorte de Saturne syncrétique,
est parfois présent aux deux bouts des panneaux représentant la geste à
structure et lecture cycliques puisque la temporalité mithriaque est elle-même
cyclique et astrale) : autant d'éléments qui peuvent donner une certaine
impression de déjà vu au chrétien, ou à l'Occidental de culture chrétienne. En
fait, il faut éviter, ici comme ailleurs, de confondre influence et confluence,
et se garder de l'anachronisme en rendant les deux religions à leur commune
origine orientale, extra-hellénique, et tout rentre dans l'ordre. Il serait
intéressant de dresser une table des homologies (apparentes) et des oppositions
(structurales) entre les deux religions. Le mithriacisme pourrait alors
apparaître comme une contre-épreuve du christianisme et tracer une autre carte
du monde religieux des débuts de notre ère, mais une carte en palimpseste, en
creux, là aussi, quasi souterraine (à l'image des cryptes).
Certains
chrétiens diront (et, à l'époque, ont dit) : une carte, un schéma, sans doute,
mais parodiques; et les plus indulgents diront: tragiquement parodique, dans la
recherche anxieuse du Vrai. C'est dire l'intérêt du mithriacisme et sa
paradoxale actualité. Dans quelle mesure n'a-t-il d'ailleurs pas aidé le
christianisme naissant á mieux se définir par rapport à un concurrent et à un
voisin dangereux?
Oui nos aïeux, ou tel de nos aïeux, fonctionnaire de Bas-Empire du côté de l'Hispanie Ultérieure, ou en poste en Pannonie, sur des confins toujours critiques de limes, ont peut-être été mithriastes... esclave des services douaniers, fermier de portorium, salines, mines de fer et armement, édile, décurion, affairiste jusqu'au cœur de Rome, la City cosmopolite d'Alors. Et c'est celui-là, notre prochain, qui sur la pierre mutilée de l'épigraphie mithriaque, dans l'odeur pluvieuse ou glorieuse de quelque éternité déchue (et dans le temps même où notre regard échappe à l'heure du musée et où la fatigue du voyage, ce pèlerinage, nous a dépeuplés de nous seuls pour nous repeupler de sacré et nous y repayse) - c'est lui qui a fait graver sous nos yeux : salutem ou sperat. Et nous eussions fait comme lui. Nous faisons pour l'heure, hors du siècle, comme lui en ce centre religieux et commercial, en cette acropole militaire, douanière et administrative en poste sur telle voie fluviale ou terrestre : là-bas sous le Pont Romain de Mérida, d'anciennes voix s'amollissent á l'heure fixe et terrible de la sexte et de la sieste. II y aura trois offices quotidiens au mithræum, matin, midi, et soir. Dimanche sera le jour saint, et solstices, équinoxes, davantage encore. Le mithræum est une salle à manger rituelle : deux banquettes maçonnées autour d'un corridor central donnant sur l'image de Mithra tauroctone. Là nous prendrons nos repas d'immortalité : pain, eau, vin sans doute, et, évidemment chair animale (taureau ou gibier de substitution: mouton, chèvre ou volaille). Mais pas de sacrifice de la forte Bête dans le mithræum trop étroit.
Où
mettrai-je les porte-torches du Musée, l'un avec sa torche levée, l'autre avec
sa torche baissée ? Eh! bien, soit autour de Mithra, soit de part et d'autre de
l'accès au couloir de service (torche dressée: période verdoyante de l'An ?
remontée des âmes ? ; baissée : période inféconde ? descente des âmes ?). De
même pour mes chers Saturnes léontocéphales, ce Temps divinisé. L'explication
de la geste mithriaque peut lancer le service liturgique. J'y retrouve, mais en
plus viril et militaire, cette tonalité orientale, luisante et souterraine que
d'autres cultes à mystères, que d'autres récits fantastiques (ce Rapt de
Proserpine avec sa floraison magique de sous-sol et de sous-sol extrême dans la
version du poète grec latinophone Claudien) nous ont
appris á aimer.
Épis, Sang, Semence Universelle, Ère de Lumière et Conflagration finale au terme du Cycle... Incandescente Anabase de Mithra, né du Sol, parti supplanter le Soleil, moins invincible que Lui, sur son propre Char ! Le jeune Ancêtre à tête de Lion luit d'Eternité fauve à mes côtés. Eau, vin, pain, matières simples, belles et sacrées, Cène d'immortalité, fraternité rituelle. Viande de taureau. Sommes-nous dix ? sommes douze aujourd'hui ? Ce petit nombre fait force ; nous nous savons nombreux jusqu'aux limites mêmes de l'empire, et comme à ses horizons cosmiques et astraux. Je vais bientôt passer Soldat, et de Vénus à l'âpre Mars, ce sera mon troisième dan, mon nouvel insigne est déjá prêt ; je supporte assez facilement les épreuves de mort simulée, et devrais subir sans trop de drame la marque au fer rouge de mon nouveau baptême. Oui, Mithra aura été la grande chose de ma vie d'affranchi grammairien un peu déboussolé hors de l'Æminium natal : entre les dieux indigènes, le vieux panthéon qui s'essouffle, et tant de choses nouvelles venues depuis Rome et l’Orient mythique par les chemins et les relais pavés, je m'y perdais un peu. Mon voisin est un sous-officier de l'armée impériale ; je connais un peu son histoire : perse par son père, il a toujours mâché un peu de mazdéisme avec le brouet familial et s'est tourné tout naturellement vers le Mithra romain de la deuxième génération. Quant à notre chef, à notre pater sacrorum, il travaille au péage : est-ce un Ibère, un Italiote ? Qu'importe, au fond, ici et aujourd'hui ? II n'est pas très théologien, moins que moi en tout cas, mais sa foi est robuste. Il est à sa place.
L'encre mithriaque a disparu
depuis plus d'un millénaire et demi de notre codex; mais c'est l'archéologie
qui a charge d’en restituer le filigrane, en pointillés, souvent très
incertains, malheureusement. Et pourtant, « au IIIème siècle de
notre ère, avec des représentations, des croyances et des liturgies certes
différentes, Mithra fut adoré de l'Ecosse à l'Indus. Seul le christianisme
connaîtra une pareille extension géographique» (R.-A. Turcan).
Palimpseste et marginalia. Certains affirment que la véritable culture humaine
doive se faire « dans les coins (et les coins sont obscurs) » (Jean
Dutourd). Peut-être parce que les coins sont essentiels à l'équilibre
structurel et géométrique du tout dont ils ont pour fonction de maintenir,
précisément, limites et pourtour. Ces coins et ces « repaires » (spelæa)
sont essentiels á
l'économie d'ensemble du monde d'Alors. « II est vrai que leur culte, ni public
ni officiel, les particularise dans la société romaine, mais non pas contre
cette société... Ces communautés étroites avaient l'attrait tonique de
l'ésotérisme militant » (R.-A. Turcan), et les
cohortes armées du Bas-Empire sont imprégnées de mithriacisme - ce qui vaut
bien, et de loin, l'idéologie des armées, rouges ou noires, et des hordes de
nos bas-empires à nous.
Marginalité encore, quasi
souterraine, de la documentation. Pratiquement pas de textes de première main.
Beaucoup de points d'interrogation : et le mystère scientifique qui s'ajoute au
mystère purement religieux de ce culte fermé ; se confond quasiment avec lui,
sous nos yeux, sous nos doigts, sur la pierre granuleuse et martelée. Quant aux
auteurs de référence : on trouve certes tel point de Plutarque, et le
témoignage de Tertullien ou telle bribe de
Stace, auteurs appréciables, mais aussi beaucoup de Pseudo-, beaucoup de néo-: le Pseudo-Denys l'Aréopagite, le néo-platonicien
Porphyre, le Pseudo-Augustin, Justin le martyr... Il est vrai que, depuis ces
temps déjà lointains qui semblent (illusion d'optique) s'étirer infiniment, de
l'époque hellénistique à l'époque post-hellénistique, en perdant chaque jour,
siècle après siècle, de leur puissance et de leur acuité nous avons eu tout
loisir de nous habituer á toutes sortes de « pseudo » et de « néo » et de «
post-ceci » ou « post-cela » et même, en ce qui nous concerne, à une
« postmodernité » qui doit en être déjà, tant elle s’éternise
jusqu’au poncif, au stade de la « postpost(…)modernité »
(on a les fatigues et les entropies que l'on peut) : n'empêche, il y a sans
doute dans le « pseudo- » et le « néo- » proclamés ou de fait tout un symptôme
de toute Ère saisie à son interminable tournant. Les chrétiens qui ont une
vision finaliste et providentialiste de l'histoire, auront beau jeu de dire que
c'est une telle et interminable confusion, une telle et gigantesque déperdition
ou sublimation maladroite d'énergies spirituelles en tous sens qui préparent le
terrain au triomphe du Christ, lequel présente du moins le mérite de clarifier
progressivement le paysage.
Et si nous étions nés au début
du IIIème siècle dans les fourgons et sur l'essieu ferré des
garnisons impériales, et si nous avions longé, non pas les arènes de Mérida un
dimanche entre tous, mais la tanière rituelle du mithræum d'Emerita qui s'y trouve
un jour platement faste entre tous au détour d'une Ère sans nom ni historien ni
trop de trace épigraphique - loin de tout grand carrefour culturel, à faire
seulement notre métier d'homme au jour le jour, de kalende
à kalende, entre le brouet familial et la solde
paternelle de fin de mois ?
On peut s'intéresser à Mithra
par goût de la psychologie religieuse. L'archéologue certes scrute la pierre
et, à partir de cette pierre, ébauche des théories et des systèmes. Mais
l'intuition psychologique, un certain sentiment de fraternité morale peut être,
dans une grande mesure, à l'origine du travail de l'archéologue et, en tout
cas, de son lecteur. Intuition religieuse, c'est-à-dire humaine, au contact du
surhumain. Sympathie humaine : qui cherche á saisir l'histoire, au-delà même
des pierres qu'elle nous a laissées sinon léguées, à travers l'homme qui, comme
nous et aujourd'hui en nous, regarde, palpe cette pierre et à travers elle
espère.
Sujets de Bas-Empire hellénisés
par leur patronyme, Grecs de la vingt-cinquième heure dont on aurait bien aimé
serrer la main (c'était l'usage mithriaste) ou
partager le repas, même profane, ou, avec eux, sentir ce vent sombre, mettons
de l'an 140, de notre ère vibrer. Mais sans doute le vent de ces surlendemains
d'Antiquité qui n'en finissent déjà pas de finir soufflait-il de la même façon
que notre vent de 2011 sur la page de notre Mithra et le mithriacisme,
par R.-A. Turcan (Les Belles Lettres, 1993) ou de
l'érudit Mithras Platonicus, du même, paru à Leyde
et, s'il nous semble souffler noir, au-dessus de notre peau, sur le seul passé
déchu, et mutilé, de nos musées à if poudreux. En tout cas les mithriastes de Ponza et d'Ostie (mitreo delle sette sfere) ont,
eux, bel et bien décidé, semble-t-il fort, de perpétuer (jusqu'à nous ?) l'état
du ciel en sa gravitation essentielle et dans toute l'éternité de son vent
solaire et de son souffle astral, tel qu'il s'établissait, dans le premier cas,
le 14 août 212, par temps d'éclipse, dans le second le 21 mars 172, par temps
d'aube naissante sur Ostie. Situations presque persiennes et « mystériques », s'il en est. En tout cas, qui eussent ravi
l'enthousiasme, et la sensibilité auguste du jeune Saint-John Perse, lui qui
semble mieux connaître Plotin qu'Aristote et Claudien que Sophocle, d'après le
témoignage irréfutable de sa Correspondance.
Quoi qu'il en soit, ces
espérances de salut nous touchent, car elles auraient pu être les nôtres, si
nous étions nés, non pas aux Batignolles dans la moitié du vingtième siècle
après Jésus-Christ, mais dans un hameau romanisé du limes de Pannonie ou
dans les bourgs, alors à nom romain ou latinisé, de Biesheim,
près de Colmar, de Sarrebourg, de Mackwiller ou de Königshoffen (stèle conservée au musée de Strasbourg, que
les chrétiens avaient dépecée en 360 morceaux, et que l'on a réussi à
restaurer, du moins en partie). Sub specie æternitatis et du point de vue de l'infinité des possibles, nous avions à peu près
autant de chances de naître, non pas aux Batignolles en 1950, mais d'un père
esclave ou d'un théologien platonisant, tous deux mithriastes,
à Carnuntum ou Doura-Europos - dans, et de l'une de
ces époques qui ne nous ont laissé aucun Virgile, et pas même un seul Ovide -
époques interminables pourtant, de plusieurs siècles. Siècles humains, siècles
mortels. Et ce n'est point parce qu'on ne nous a pas parlé de Mithra à
l'Université, mais seulement d'Athéna et d'Apollon, qu'il nous faut, désormais,
ignorer tous ces autres siècles d'espoirs humains que Mithra lui aussi a
portés. Et même a continué et continue de porter longuement jusqu'à nous, en
Iran, même si l'édition du Journal of mithraic
studies (Londres, Henley et Boston; Routledge
and Kegan Paul), en partie financée par la National Phalavi Library de Téhéran, a été interrompue par la
révolution iranienne.
Mithra et nous? Dans ce monde romain qui s'essouffle en armes, se disperse et cherche
enfin ses dieux, s'intéresser au mithriacisme, c'est s'intéresser aussi à un
phénomène de société en décomposition, à travers les hommes, les mortels, qui
en escomptaient l'immortel, Zeus n'étant plus et le Christ n'étant pas encore
(Zeus n'étant plus tout à fait ce qu'il était, et le Christ n'étant pas encore
le Dieu vainqueur que l'on sait). «Les petits
groupes initiatiques, avec leur hiérarchie, leurs rites, leur doctrine du monde
et de l'existence, constituaient les filiales d'une de ces sociétés qui
comblent les carences de la société humaine civile et profane en période de
décomposition. Au IIIème siècle notamment, les individus ne se
reconnaissaient plus dans l'énorme masse d'un monde cosmopolite où la qualité
de citoyen romain avait perdu toute signification. Dans d'autres sociétés
désintégrées ou dégradées, á d'autres époques, le regroupement des individus
dans le parti, la secte, le syndicat ou l'organisation clandestine et parallèle
répond aux mêmes besoins» (R.-A. Turcan). Or Mithra
vaut bien les Batignolles. Or sa mythologie sidérale vaut bien la mythologie
interstellaire et plurigalactique de notre science-fiction.
Sans oublier la mythologie de nos concierges préférées, et leur horoscope
préféré.
Le jeune Saturne mithriaque du
musée de Mérida côtoie un autre Saturne, à l'encolure léonine, mais décapité et
foudroyé dans son inachèvement, et que le destin accable au matin à peine, ou
au soir, de sa vie comme la statue d'un Michel-Ange provincial de marche
extrême de province ibère. Telle est aussi l'image du mithriacisme, décapité
jusque sur son propre socle par l'histoire, irréversible, et par le
christianisme, qui triomphe. Décapitée mais raidie dans sa volonté hautaine
d'éternité astrale. «Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par
quelque maladie mortelle, a pu soutenir avec excès Renan, le monde eût été mithriaste». Bel aphorisme, qui mériterait de devenir
proverbial, tant il nous renseigne, dans sa concision souveraine, sur la
relativité des choses de l'histoire et de nous-mêmes. En fait, pour que le
mithriacisme eût pu s'imposer, il aurait dû cesser d'être élitiste et sexiste
et envisager autre chose qu'une variante panthéiste ou panenthéiste des
religions à mystère de l'époque, qui ont toutes disparu devant une autre
religion à mystères, créationniste et spiritualiste, celle-là..
Mithra et nous. Mithra décapité
et nous.
Le drame philosophique du
mithriacisme reste donc en ceci tragiquement proche de chacun d'entre nous,
Occidentaux: que, se situant à une époque-charnière de notre civilisation, au
creux interminablement séculaire de cette crise de passation de pouvoirs entre
le paganisme, de sensibilité animiste et panthéiste, et le christianisme, dont
le système est créationniste (et la sensibilité, pour une part, dualiste : du
moins quant à la séparation du réel entre un Créateur et Sa création) - le
mithriacisme n'a pu réellement choisir entre les deux options. Le salut y vient
d'un dieu céleste, assurément - mais puisqu'il est solaire ou va supplanter le
Soleil sur son propre char, c'est encore que le salut qu'il apporte se fait par
le cosmos, et regagne le haut du cosmos après avoir réactualisé un mythodrame dans les profondeurs chtoniennes de ce même
irréfutable cosmos. Il y a de la transcendance et de la sotériologie (de la
sotériologie par la transcendance, exactement) en mithriacisme comme en
christianisme, il y a un système du monde à tendance métaphysique, en
mithriacisme comme en christianisme - mais tout ceci reste encore pris, chez
Mithra, dans l'embryon un peu confus, un peu contradictoire, d'un panthéisme
polysémique d'infinissable arrière-saison païenne :
système religieux diversement commun au petit esclave mithriaste
de Carnuntum ou d'Emerita,
au théologien néo-platonicien, au penseur néo-stoïcien - comme le système
chrétien est commun à l'intuition de la veuve sicilienne qui fleurit sa statue
de saint et au discours de Jacques Maritain, le thomiste néo-aristotélicien.
Telle est sans doute la
véritable raison de la mort du Mithra gréco-romain : sa métaphysique
syncrétique demeure par trop inachevée, en tout cas au regard de l'histoire,
qui suivra le Christ et, disent les chrétiens, va trouver, va rejoindre le
Christ, pour s'achever en lui, à la Fin. Mais ce syncrétisme de Mithra
correspondait mieux qu'un autre à cette époque de crise et de confuse, et
peut-être ultime mutation spirituelle de l'Antiquité du tournant de notre ère :
aussi les IIème et IIIème siècles de cette ère-ci
seront-ils les grands siècles du mithriacisme. En ceci, Mithra fut essentiel,
quoique souterrainement, à l'économie spirituelle de ces temps de difficile
enfantement occidental, même si, la crise de mutation achevée, Mithra retourne
à tout l'inachèvement, non plus de sa rocheuse chrysalide
gréco-romano-orientale, mais à celui, à jamais mutilé, de sa ruine doctrinale
(au besoin secondé dans cet écrasement par l'iconoclasme chrétien). Mais plus
que le marteau, plus que le fer chrétiens, c'est l'ambiguïté de sa métaphysique
- panthéisme et transcendance - qui explique la disparition de Mithra de la
scène philosophique et spirituelle. Et sur ce point, tout le monde, semble-t-il
pourra se mettre d'accord : chrétiens finalistes et historiens agnostiques ou
athées des religions.
Désormais, triomphe avec le Christ une temporalité céleste, certes, mais non pas astrale, ni seulement cosmique; une temporalité dynamique - et non point cyclique, et comme telle, païenne. Mithra, observons-le, a pu être réinterprété à la fois par les néo-stoïciens (or la métaphysique stoïcienne est moniste et cyclique), par les néo-platoniciens (qui sont dualistes et souvent mystiques) : on voit bien là quelles oscillations a pu connaître, du monisme empirique au dualisme intellectualiste, le divers Mithra. Le Christ, avec son créationnisme, répondra plus clairement et plus définitivement que Mithra à cette double aspiration d'unité et de dualité : continuité (et non plus monisme vitaliste) du Créateur à Sa création (Dieu devenant homme, qui plus est), d'une part; et d'autre part, dualisme entre le règne de l'Absolu divin et celui de la relativité dramatique de l'humain - le tout victorieusement orienté par une temporalité finaliste, d'origine judaïque, et non plus indo-persique - temporalité non régressive, temporalité non circulaire - la temporalité, entre toutes dynamique, de la Promesse autrement consolante pour les cœurs, voire les corps, á leur tour régénérés par la résurrection de l'âme, qu'un salut purement biocosmique indéfiniment perdu, après la mort, dans les éternels retours de la Substance Cosmique ou Astrale - fût-il, ce salut, dynamiquement, énergiquement, obtenu au pris d'« un semblant de résurrection » en ou par Mithra, en une manière, autant qu'on puisse le supposer, de palingénésie panthéiste, et au mieux: panenthéiste.
Chez Mithra, il y a de
la transcendance ; mais le
tout reste enrobé dans une vision immanentiste du monde. Chez le Christ, il y a
de l'immanence, mais
il y a d'abord la tanscendance ; l'immanence n'étant que seconde par rapport à la
transcendance, n'étant qu'un don de la transcendance : Dieu est d'abord Dieu,
avant de devenir, en un don suprêmement libre, homme. Dieu, comme dira un autre
néo-platonicien (mais celui-ci n'est pas mithriaste,
il est chrétien) : intimior intimo meo et superior
summo meo. Mais avant que d'être supérieur
á ce que j'ai de suprême en moi, Dieu est d'abord Dieu ; et avant que de devenir par l'incarnation (et le
sacrifice-communion d'un temple presque toujours de surface), plus intérieur
à mon être que ce qu'il y a de plus intime en moi, Dieu commence par être supérieur à ce que j'ai de
suprême en moi. Le
platonisme, comme ensuite l'aristotélisme, a pu seulement fournir, tantôt aux
uns, tantôt aux autres, des catégories intellectuelles utiles, pour essayer de
penser la forme et le contenu d'une foi. Ce pour quoi Mithra n'est pas
davantage platonicien que stoïcien, le Christ pas davantage platonicien que
péripatéticien : mais leur système respectif est là, dans sa richesse, ses
ambiguïtés, ses « mystères », et il y a intérêt à comparer le profil des deux
systèmes, mithriaque et chrétien, à la lumière des catégories de la philosophie
gréco-romaine, car tout cela fut, en son temps, contemporain voire, dans le cas
du Christ et de Mithra, furieusement concurrent.
Il n'y eut qu'un Empereur à devenir mithriaste, et à titre privé : Commode (180-192), le fils de Marc-Aurèle. Mais il faut savoir que le mithriacisme fut à deux doigts de devenir religion officielle quand Aurélien (270-275) voulut réunifier la conscience religieuse de son Empire autour du Sol invictus, puis quand les tétrarques Dioclétien (284-305), Galère et Licinius invoquent Mithra comme le garant (fautor) de leur pouvoir. À supposer que cette tentative, non pas de restauration, mais d'instauration ait été officialisée à grande échelle (mais en imposant peut-être une grave mutation à ce culte privé) - est-ce que cela aurait beaucoup changé les choses ? Julien l'Apostat lui-même (361-363) aura tout loisir de constater, plus tard, que le paganisme avait, hélas pour lui (et pour lui), fait son temps. Oui, mais voilà : Mithra lui aussi aura fait son temps.
L'histoire de Mithra n’en reste pas moins fascinante, depuis sa lointaine source indique jusqu'à son apogée chez nous (caprice fatal de la transplantation fortuite et des greffes spirituelles et idéologiques ultérieures, comme en beaucoup de religions - mais un Fleuve, un vaste Fleuve, après tout, c'est, depuis le drain hésitant de sa source, un peu cela aussi)
Et, puisque j'ai tant parlé de l'Ibérie dans cet article, je me limiterai à la source même du Fleuve par excellence de la Péninsule : le Tage espagnol et portugais (le «Tage riche en or» des Anciens et l'estuaire final de Lisbonne, la ville d'Ulysse). Sa source théorique se trouve, de peu, non en Castille mais en Aragon près d'Albarracín, et bien loin du Lisbonne et de l'Atlantique finaux : à peine un fossé herbeux où pourrait à peine boire un petit troupeau. Durant de longs mois, ce fossé qu'alimente un filet d'eau à sonorité intermittente est sableux et à sec (par exemple, en ce moment où je rédige cet article, juin 1993); la source n'est plus, et pourtant le Fleuve coule toujours à plein jusqu'à l'estuaire océan d'où sont parties tant de Découvertes lusitanes à destination d'un Nouveau Monde.
Sommes-nous parfois encore un peu mithriastes ?
Certes, on pourrait se divertir à relever les diverses mentions de Mithra faites ici et là par tel ou tel écrivain plus ou moins moderne, depuis Volney jusqu'à Marguerite Yourcenar (qui confond le tauroctone mithriaque et le taurobole-aspersion en l'honneur de Cybèle dans ses Mémoires d'Hadrien) en passant par Hugo dont le registre, à base de rayons et d'ombres, est parfois vaguement mazdéen et qui, dans ses Châtiments (1, VII), fait dire à ses tyrans: « Que nous importe au fond Christ, Mahomet, Mithra ! » (où Mithra apparaît comme dieu de justice, garant de la morale et du serment, comme en mithriacisme orthodoxe, mais en quelle compagnie !) Mais c'est encore de la littérature, et qui parfois répercute sur le plan romanesque les erreurs de la science mithriaque utilisée à une époque donnée par un auteur donné.
Or ce qui m'intéresse, c’est de savoir si telle ou telle sensation peut être pour nous, de nos jours, plus ou moins réellement mithriaque. J'ai déjà dit que le mithræum de Mérida se trouve sous les arènes mêmes : curieux hasard objectif et plus ou moins symbolique qui peut nous inciter à établir une certaine confusion entre certains aspects du mithriacisme et certaines autres de la corrida. L'habit de lumière qui triomphe de la bête noire, en un rituel de régénération inavouée qui coïncide avec le retour du printemps (c'est à Pâques que reprend la saison tauromachique en Espagne), la « viande de combat » offerte ensuite par certaines boutiques de Mérida même (ombre luisante de l'étal, odeur fade du sang ou chapelle-abattoir à rigole rougeoyante du fond de l'Ibérie) : autant de conjonctions susceptibles de ramener, avec ou sans le nom, quelque chose de lointainement mithriaque à qui sait les recevoir et s'en asperger.
Mais quelle est la part de l'autosuggestion là-dedans ? Montherlant, dans ses Bestiaires, a tenté quelque chose d'encore plus systématique : faire rentrer, à la température existentielle du vécu, le maximum d'éléments ou d'archétypes mithriaques dans le cadre d'une intrigue tauromachique et sentimentale. On a parfois l'impression d'un certain placage : la tentative n'en demeure pas moins poignante, et souvent auguste, dans sa lecture métaphysique de la corrida, ce mythodrame de l’existence et du destin.
Faut-il donc voir dans la corrida un lointain avatar du mithriacisme ibère ? Pour ma part, je préfère mettre la corrida en relation avec un culte du taureau bien plus ancien et plus généralisé que Mithra : celui de ces lourds taureaux de granit à symbolique plus ou moins funéraire que l'on trouve partout en Ibérie dès l'époque pré-romaine, les « taureaux de Guisando » que Lorca fait assister, le temps de quelques syllabes, à la mort du torero dans son Thrène pour Ignacio Sánchez Mejías (1934). Il y a là un phénomène bien plus vaste à l'échelle ibérique, et réellement autochtone, qui me semble pouvoir seul expliquer que la divinité du taureau n'ait, de l'époque archaïque à nos jours, survécu que là, sans discontinuer. Mithra, avec son habit de lumière, a pu - peut-être - rajouter son rayon à la vieille panoplie, c'est tout. N'oublions pas que l'implantation de Mithra est très ponctuelle en Espagne et que si donc il y a eu influence de Mithra sur la religion du taureau ibère, cette influence ne peut être que limitée.
L'archétype plus ou moins originaire du taureau, tel qu'on le voit à l'œuvre chez des écrivains comme Bergamín ou Miguel Torga (le Lusitanien adepte de Mérida, l’ancienne capitale de la Lusitanie romaine, et qui y éprouve en y arrivant au sortir de l’actuelle Lusitanie une sensation d’élargissement physique), peut, sur tel ou tel point coïncider avec tel détail mithriaque (fécondité, symbolique astrale), mais sans en dériver, fût-ce inconsciemment ; et l'on pourrait tout aussi bien commenter l'image par le Khéroub, également cher à Montherlant et qui, lui, n'a jamais été mithriaque ni d'ailleurs ibère. « Dans l’articulation de ces trois côtés du triangle - le campino [l’éleveur en rase campagne], le cheval et le taureau - se conjuguent les dernières forces viriles rappelant encore le Portugal des libres temps de la création, des ères sauvages et testiculaires que la civilisation a castrées. […] L’art de toréer à la portugaise, ribatejano, est la preuve que tout dans l’homme n’est pas couardise d’abattoir, mystification végétarienne. » (Miguel Torga, Portugal, chapitre « Ribatejo », la fertile région d’élevage du taureau au Portugal) « Le Khéroub, le Taureau ailé, avec dans ses cornes toute la force, avec tous les instincts dans ses génitoires bien tendues, avec toute la matière dans sa chair grouillante et dure » (Montherlant).
Si l’on veut donc quelque d’exactement mithriaque et contemporain, il faut s’en tenir à quelque chose comme le Mithra de Masson, au rythme subtil et puissant. Tous les détails sont ici orthodoxes : on reconnaît l'épi, un corbeau assez céleste mais relégué au bas du tableau, la végétation magique qui naît, le scorpion qui s'en prend aux génitoires du Taureau, et à gauche une flamme assez végétale que semble prolonger un schéma cyclique et astral, et sans doute solaire (zodiaque en miniature ? ). Le corbeau est le messager de Zeus ou du Soleil. C'est le taureau qui détient la substance vitale et lunaire. En l'immolant et, parfois en le chevauchant, comme ici, Mithra, d'après Porphyre, force les âmes à s'incarner, à animer le monde matériel. Un serpent et un chien sucent souvent le sang ; des épis naissent de la plaie et de la queue. De la moelle naît la végétation et du sperme lunaire les espèces animales. La mort de l'animal sauve la création. La figuration astrale éternise la geste et le geste. Mithra peut devenir éternel. À noter que le schéma astral de Masson est justement inverse ici (et que l'échelle à sept portes que l'on montrait aux initiés était également régressive, comme une Semaine à l'envers, de Saturne-samedi à Jupiter-dimanche). Mithra est né de la pierre comme le feu jaillit du silex et comme jaillit dans son éclat le geste énergique d’ensemble de ce meurtre (remarquable à ce sujet de se souvenir que le 21 décembre, solstice d'hiver, marquait l'anniversaire du Soleil et d'un Mithra que l'iconographie représente comme émergeant des rocs en présence et avec l'aide des bergers). Masson semble s'être directement inspiré ici de l'archéologie (Mithra de Cordoue ?).
Mithra, c'est bien autre chose qu'un ramassis d'archétypes
plus ou moins extrêmes et absolus. Mithra est un dieu, c'est-à-dire un être
vivant, avec ses drames fascinants et, finalement, sa faiblesse de colosse
astral à l'encolure de pierre et d'argile.
Hélas! les dieux invaincus aussi se terrassent.
Quand redeviendrons-nous mithriastes ?
Bibliographie pratique sur Mithra et le mithriacisme :
R. Turcan, Mithra
et le mithriacisme, Les Belles Lettres, Paris, 2004 ; admirable
ouvrage de base, assez bref ; se trouve facilement sur Amazon
R. Turcan, Mithras Platonicus.
Recherches sur l’hellénisation philosophique de Mithra (Études
préliminaires aux religions orientales dans l’Empire Romain), E. J. Brill éd., Leyde, 1975
R. Turcan,
« Les Dieux et le divin dans les mystères de Mithra », dans Knowledge of God in the
graeco-roman World (Études préliminaires aux
religions orientales dans l’Empire Romain), E. J. Brill
éd., Leyde, 1975, pp. 243-261
F. Cumont, Les Mystères de Mithra, 3e
éd., Bruxelles, 1913 (réédition anastatique, « Les
Introuvables », éditions d’aujourd’hui, Plan de la Tour, 1985)
M. J. Vermaseren,
Mithra, ce dieu mystérieux, Paris-Bruxelles, 1960
R. Merkelbach,
Mithras, Königstein/Ts., 1984
U. Bianchi, éd., Mysteria Mithræ (Études
préliminaires aux religions orientales dans l’Empire Romain), E. J. Brill éd., Leyde, 1979
J. Hinnells,
éd., Mithraic
Studies, Manchester, 1975
J. Hinnells,
éd., Studies in Mithraism,
Rome, 1994
M. Clauss,
Mithras. Kult und Mysterien, Munich, 1990
[1] À noter que cette absence du sexe
féminin continue à se vérifier de nos jours lors des congrès ou colloques
consacrés par les chercheurs à Mithra !
[2] L'image du Dragon apparaît dans
l'histoire ou plutôt la préhistoire indienne et postvédique de notre dieu. «
Quant au meurtre du Taureau (par le Mithra mazdéen et iranien) il rappelle
l'élimination par Indra du dragon Vrita. Le
rapprochement n'est pas fallacieux si l'on sait que dans l'hindouisme
postvédique le dragon-adversaire devient un taureau (mahisha)
que la déesse Gurgâ doit tuer au nom des dieux »
(Jean Varenne, Dictionnaire des mythologies, article « Mithra / Mihr, Mihir, Méher »).