Pierre Merlet, "Lutte ouvriére", n. 2217, 28 janvier 2011
Mardi 18 janvier, Laurence Parisot a attaqué une nouvelle fois
les 35 heures, s'engouffrant dans le débat sur cette question lancé
par le socialiste Manuel Valls. Les 35 heures « ça fait peur
», selon elle, et ce serait « extrêmement négatif
» pour l'économie.
La patronne du Medef a carrément proposé de supprimer
la durée légale du travail, durée unique théoriquement
applicable à toutes les entreprises, pour la remplacer par une durée
« conventionnelle » variable, fixée « par branche
ou par entreprise ». Une telle mesure reviendrait en fait à
systématiser une pratique qui s'est développée depuis
déjà deux ans, puisqu'en cas de signature d'un accord d'entreprise,
depuis 2008, il est devenu possible de déroger à la durée
légale du travail.
Elle a proposé également de remplacer la mention d'une
durée « hebdomadaire » du travail par une durée
« mensuelle, trimestrielle ou annuelle ». En réalité,
il s'agit de pouvoir faire travailler plus librement encore les salariés.
En effet, l'annualisation du temps de travail est déjà inscrite
dans la loi, mais avec un plafond de 1 600 heures par an maximum, correspondant
à la moyenne de 35 heures par semaine, et le paiement en heures
supplémentaires en cas de dépassement. En faisant sauter
les 35 heures, les patrons veulent aussi faire sauter ce plafond.
Ainsi, en combinant la suppression d'une durée légale
unique du travail et son remplacement par des accords entreprise par entreprise,
avec l'établissement du contrat de travail sur la base d'une durée
mensuelle, trimestrielle ou annuelle plutôt qu'hebdomadaire, le patronat
pourrait disposer des travailleurs à son gré, les faire travailler
plus longtemps sans se soumettre à une quelconque procédure,
quand ça l'arrange et sans plus avoir à payer d'heures supplémentaires
ni à accorder de RTT.
Et pourtant, le Medef a beau pleurer aujourd'hui contre la loi instaurée
en 2000 par Martine Aubry, alors ministre du Travail, les patrons en ont
bien profité. Car après avoir touché des subventions
lors du passage aux 35 heures, sans obligation d'embauche en contrepartie,
ils ont largement utilisé la flexibilité instituée
par la loi pour accroître l'exploitation.
Alors, non seulement il ne faut pas leur laisser les mains libres pour
revenir en arrière, mais il faudrait commencer par imposer que 35
heures, ce soit effectivement cinq fois 7 heures par semaine. En cette
période de crise, c'est au patronat de prendre sur ses profits pour
embaucher et partager le travail entre tous, pas aux salariés de
travailler toujours plus.