Sophie Gargan, "Lutte ouvriére", N. 2054, 17 décembre 2007
Dans une interview au Journal du Dimanche, Christine Lagarde, la ministre
de l'Économie, des Finances et de l'Emploi a livré tout son
contentement des mesures prises par le gouvernement et n'hésite
pas à affirmer : « Mises bout à bout (ces mesures)
peuvent représenter un gain en pouvoir d'achat équivalent
à un mois de salaire, voire davantage. »
Pour faire sérieux, elle s'appuie sur une « simulation
» faite par ses services : « Une mère célibataire
gagnant 1 600 euros par mois et payant un loyer de 600 euros pourra augmenter
son pouvoir d'achat d'un montant équivalent en cumulant la prime
à la cuve (150 euros), une prime de 460 euros net de son employeur,
4 jours de RTT rachetés (284 euros), les effets de l'indexation
des loyers (101 euros) sur l'inflation et une baisse des prix dans la grande
distribution (600 euros) consécutive à la réforme
de la loi Galland. »
D'abord, pour toucher la prime à la cuve, le personnage de la
mère célibataire issu de la fable de Madame Lagarde devrait
être non imposable et donc, étant donné son salaire,
avoir à charge au moins... trois enfants. Et puis, il lui faudrait
bien sûr se chauffer au fuel dans sa maison individuelle ou au gaz
dans son immeuble collectif. Sinon ceinture !
Pour toucher la prime de 460 euros, il faudrait à l'héroïne
être employée dans une entreprise de moins de 50 salariés
et... que son patron veuille bien la lui octroyer, car rien, dans les mesures
prévues, ne l'y contraint. Pour le paiement des RTT, là-encore
il lui faudrait espérer en une bienveillance patronale que rien
n'oblige.
Pour ce qui concerne l'économie de 101 euros sur le loyer, liée
aux effets de la nouvelle indexation qui, dans le secteur privé,
limitera peut-être la hausse mais sans faire baisser le montant,
elle relève d'autant plus de l'affabulation qu'il y a fort à
parier qu'avec ses trois enfants la mère célibataire, si
elle a la chance d'avoir un toit, vit dans un logement social dont le loyer
n'est pas assujetti aux mêmes règles de révision.
Enfin, pour les 600 euros économisés grâce à
la baisse des prix dans la grande distribution, c'est au mieux un rêve
mais, plus sérieusement, c'est un mensonge pur et simple.
Il faut tout le cynisme et le mépris d'une femme d'affaires
qui dirigeait avant sa nomination au gouvernement un des plus gros cabinets
d'avocat de la planète où elle émargeait à
près d'un million de dollars annuels, pour oser inventer à
l'usage des millions de salariés qui n'arrivent pas à boucler
les fins de mois des bobards aussi lamentables !
Le Figaro magique
Le lendemain de l'interview de Christine Lagarde dans le Journal du Dimanche, le quotidien Le Figaro titrait dans ses pages intérieures : « Un mois de salaire en plus pour certains salariés, selon Bercy ». Le tour était joué, la fable de la ministre s'était transformée en... « information ».