Une femme voilée sur une liste du NPA - La lutte pour l'émancipation ne peut pas s'accommoder du voile

Sophie Gargan, "Lutte Ouvrière", 12 février 2010


« On peut être féministe, laïque et voilée ! » C'est ce qu'affirme la jeune femme musulmane candidate aux élections régionales sur la liste du NPA dans le Vaucluse, et c'est ce que prétend aussi le NPA.
Le foulard blanc que porte la jeune femme, et qui enserre sa chevelure de manière à ce qu'aucun cheveu ne s'en échappe, est à lui seul, pas seulement le symbole, mais l'attribut concret de l'oppression que des hommes veulent infliger aux femmes. Pourquoi les femmes devraient-elles dissimuler leur chevelure ? Parce qu'elle ferait naître chez des hommes des pulsions incontrôlables ? Alors, si tel est le cas, qu'ils consultent et se soignent ! Mais le problème n'est bien évidemment pas là. Qu'on l'appelle voile ou foulard, cet attribut n'est pas qu'un carré de tissu, c'est la marque de la soumission que des mâles imbéciles et réactionnaires veulent imposer aux femmes.
Des femmes, nous dit-on, portent ce voile par choix personnel. Peut-être, mais alors elles acceptent inconsciemment une oppression sociale, car ce qui est bel et bien réel, c'est qu'un grand nombre de femmes et de jeunes filles sont aujourd'hui contraintes, ici et de par le monde, de se voiler. Des maris, des pères, des frères, des petites frappes machistes le leur imposent, dans le but de les priver de liberté, de les réduire au rang de domestiques tout juste nées pour les servir et assouvir leur plaisir, tout juste faites pour être des reproductrices. Et non seulement ils l'imposent, mais ils tiennent à afficher cette oppression devant toute la société en faisant du voile, en quelque sorte, le drapeau bien visible de cette oppression. Et, contre cette oppression, des dizaines de milliers de femmes se battent, ici comme dans tous les pays où sévit cette pratique, dans un combat dont nous devons avant tout être solidaires.
Contrairement à ce que certains laissent entendre, le voile n'est pas « un simple signe religieux » qui relèverait d'une liberté individuelle et dont le port serait « une affaire privée ». Ce qui relève de la liberté individuelle et est effectivement une affaire privée, c'est de croire - ou de ne pas croire - en ces dieux que les hommes ont inventés au cours de leur lointaine histoire. Mais le voile n'est pas cela, ne serait-ce que parce que seules les femmes doivent le porter et que les hommes, eux, sortent et vivent sans avoir à se cacher. Il est une de ces marques d'oppression que les dignitaires des religions imposent aux femmes depuis des lustres, du pape et de ses émules qui militent contre l'avortement, aux intégristes juifs qui imposent aux femmes de se raser, en passant par les intégristes musulmans qui les contraignent à se cacher sous un tissu.
Alors, le choix du NPA de présenter une candidate portant cet emblème de l'oppression de toutes les femmes est une attitude inqualifiable. C'est faire bien peu de cas de toutes celles qui se sont battues et de toutes celles qui doivent encore se battre contre cette marque d'avilissement.
Justifier ce choix au nom de la liberté individuelle de celle qui le porte, ou du respect de ses croyances, ne le rend pas meilleur.