Dominique Chablis, "Lutte ouvriére", n. 2215, 14 janvier 2011
Lors de ses vœux aux patronat et aux syndicats, Sarkozy a lui aussi
embouché la trompette contre les 35 heures, responsables à
ses yeux de pratiquement tous les maux, puisqu'il a évoqué
« les conséquences désastreuses des 35 heures sur la
compétitivité, le pouvoir d'achat et les finances publiques
».
En 1998 le gouvernement Jospin avait voulu que le passage aux 35 heures
soit indolore pour le patronat et avait donc prévu de puiser largement
dans l'argent public pour compenser les employeurs sous forme d'exonérations
de cotisations sociales. Ainsi Martine Aubry, en tant que ministre du Travail
qui a bâti cette loi des 35 heures, a commencé en 1998 dans
la loi dite « Aubry I » par « inciter » les entreprises
à réduire le temps de travail et à créer des
emplois, en leur accordant à cette condition des réductions
de cotisations sociales durant cinq ans. À partir de 2000, le temps
de travail légal de 35 heures s'est appliqué à toutes
les entreprises de plus de 20 salariés et toutes celles qui signaient
des accords de réduction effective du temps de travail et de création
d'emplois ont obtenu une réduction permanente de leurs cotisations
sociales. Les exonérations de cotisations patronales ont ainsi bondi
de 11 milliards d'euros pour l'année 1998 à 18 milliards
pour l'année 2001 dont 10 milliards au titre des 35 heures.
Mais là où la mauvaise foi de la droite est totale, c'est
qu'une fois revenue au gouvernement, elle a mis en place un nouveau système
d'exonérations de cotisations sociales qui remplaça les autres
systèmes, y compris ceux qui arrivaient à leur terme comme
la réduction pour les bas salaires mise en place par Juppé,
ou le mécanisme dit Aubry I. C'est la loi Fillon de 2003 qui augmenta
encore les exonérations et les étendit à toutes les
entreprises y compris à celles qui n'avaient pas bénéficié
des réductions liées aux 35 heures ! Après une période
de transition destinée à unifier les différents systèmes,
depuis 2005, la loi Fillon réduit de 26 points les cotisations sociales
sur les salaires au smic, les ramenant de 30,29 % du salaire à 4,29
%. L'exonération est ensuite dégressive pour des salaires
supérieurs jusqu'à cesser complètement à hauteur
de 1,6 smic.
Ces cadeaux n'ont donc plus aucun rapport avec les 35 heures. Les exonérations
de cotisations sociales ne se sont d'ailleurs pas arrêtées
là, puisque le montant n'a cessé d'augmenter les années
suivantes pour atteindre 23,9 milliards d'euros en 2006 et un record de
plus de 30,7 milliards en 2008, dont plus de 20 milliards pour la seule
réduction Fillon sur les bas salaires !
Alors ce qui coûte aux finances publiques ce ne sont pas les
35 heures mais bien la politique de tous les gouvernements qui, les uns
après les autres, trouvent toujours de nouveaux prétextes
pour faire de plus en plus de cadeaux au patronat ! Il n'est d'ailleurs
aucunement question de revenir là-dessus malgré toutes les
jérémiades sur les 35 heures qui mettraient à mal
les finances publiques !
En ce qui concerne la compétitivité des entreprises,
il ne faudrait pas oublier qu'en contrepartie des accords sur la réduction
du temps de travail, la flexibilité a été généralisée,
l'annualisation du temps de travail permettant aux patrons de faire travailler
plus quand cela les arrangeait sans même avoir à payer d'heures
supplémentaires. La diminution du temps de travail s'est traduite
aussi par une intensification du travail. Si on y ajoute le gel des salaires
parfois sur plusieurs années et les exonérations de cotisations
sociales, on ne peut pas affirmer que les entreprises y ont été
perdantes. D'ailleurs les organisations patronales pour une fois ne demandent
rien sur les 35 heures. Elles en profitent seulement pour réclamer
que les exonérations de cotisations sociales soient définitivement
intégrées au barême officiel des cotisations.