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di Michel Schneider
Data di pubblicazione: 10/01/98
Le Point

Alessandro Baricco - Océan MerAvant le fameux " Soie ", Alessandro Baricco avait connu un immense succès en Italie avec " Océan mer ". Le voici traduit en français.

De certains livres, on se dit que leur auteur aurait gagné à être plus lecteur. Bien pauvres sont les romans de ceux qui n'en lisent guère. Ce n'est pas une question de culture ou d'érudition, mais d'humilité et d'admiration. Alessandro Baricco, lui, a beaucoup lu, et son livre est fait de livres, comme la vague se décompose en vagues. 

La première des trois parties du roman, avec ses personnages errants fermés sur leur propre folie, est une réminiscence de Conrad : elle s'intitule " La pension Almayer ". Le personnage étrange voué à la tâche infaisable de mesurer la mer (Conrad intitula justement l'un de ses romans " Le miroir de la mer ") se nomme Bartelboom, souvenir de Melville, mêlé de Larbaud et de Joyce. La deuxième partie reprend en un récit et un contre-récit l'épisode du " Radeau de la Méduse " et le compte rendu de Corréard et Savigny, qu'il prolonge d'une histoire de femme tuée et de vengeance atroce. La troisième partie fait penser à Stevenson pour la tristesse des ciels, ou à Sterne et ses emboîtements de parenthèses. 

Avec sa narration en vagues successives, ses courtes séquences énigmatiques, son sens très maîtrisé des chutes (" Quelquefois je me demande ce que nous sommes en train d'attendre. Silence. - Qu'il soit trop tard, madame "), Baricco allie le classique et le baroque. Classique, le drapé du récit, les répétitions rhétoriques, l'étonnement des images : le peintre enfoncé dans la mer, qu'une barque vient chercher, " peu avant le coucher du soleil, quand l'eau déjà lui arrive au coeur ". Baroque, l'emmêlement des lignes, la prodigalité des intrigues, le déploiement des figures errantes : le père qui écrit neuf mille cinq cent deux prières, le savant qui emplit une malle de lettres d'amour à une femme inexistante. Il y a du Bartleby dans chacun, comme d'ailleurs chez Novecento, le pianiste qui préférerait ne jamais descendre dans les villes. De même que dans "Châteaux de la colère" l'auteur aurait pu faire cent romans avec celui-ci. 

La marque des grandes oeuvres est que rien ne peut leur être ajouté ou soustrait. Il en est ainsi d'" Océan mer ". On ne questionne pas un instant ses personnages et ses événements. On douterait plutôt de soi et de sa propre existence. Baricco possède l'art le plus rare, celui de taire. En musique, il faudrait aller chez Haydn pour trouver des silences si exacts. Dans l'ordre du visuel, Léonard de Vinci disait que la peinture procédait en ajoutant et la sculpture en ôtant. La plupart des romanciers posent des glacis, coulent des jus, placent des touches les unes sur les autres. Rares sont ceux qui enlèvent et laissent à nu le moins qu'on puisse dire. A ceux-ci va ma lecture. Non qu'il soit plus court de les lire. Au contraire, comme celles de Baricco, leurs phrases appellent la lenteur et même la stagnation, et, comme pour la poésie (bien que son livre mérite pleinement le nom de roman), il y a des jours où l'on n'a pas envie d'un langage aussi exigeant, des instants où une pointe de distraction ou d'ennui déchire le tissu de la lecture. Il arrive que la mer aussi entête, lasse et qu'on regrette la bêtise et la pollution des lieux et des jours ordinaires. Mais je connais peu de romans où chaque mot ait un tel poids, une telle nécessité. Ceux d'Adalbert Stifter, peut-être, ou " Adolphe " sont écrits de cette façon : comme si les choses vous entraient directement dans les yeux. 

Qu'est-ce qui guérit la petite fille malade ? Qui lave le peintre de sa nostalgie ? Qu'est-ce qu'on attend et qui ne vient pas, qu'est-ce qui vient quand on ne l'attend pas ? Qu'est-ce qui a ses ressacs, ses calmes ? Qu'est-ce qui ne finit nulle part ? La mer. Ou la douleur. C'est elle, le personnage principal d'" Océan mer ", où vivent dans les six chambres d'une pension au bord du sable des hommes et des femmes peu ordinaires. L'un cherche où commence l'océan, l'autre où il finit. On s'y aime, on y tue, on y croise des enfants étranges. Dans la septième chambre, un inconnu, l'auteur, sans doute, s'enferme pour " dire la mer ". 
Le récit " Novecento ", lui aussi, se déroule tout entier sur un paquebot et met en scène un pianiste qui cherche où s'arrête la musique et découvre que " ce clavier-là, il est infini ". En sorte que Baricco paraît renverser le vers de Baudelaire, et dire : " Souvent la mer me prend comme une musique. " La mer est tout. La mer n'est rien. Elle est à la fois invisible (les toiles du peintre sont toutes blanches) et aveugle ("elle n'a pas d'yeux"). Elle noircit des pages où rien n'est vrai. Elle bruit comme on écrit : pour mourir un peu moins. 

"Océan mer", d'Alessandro Baricco (Albin Michel, 275 pages, 98 F). Du même auteur, les éditions Mille et Une Nuits publient une nouvelle en forme de monologue théâtral, " Novecento : pianiste " (79 pages, 10 F). 
L'auteur. En six ans et trois romans, Alessandro Baricco, qui n'a pas 40 ans, a créé un événement littéraire en Italie. Le critique musical obscur est devenu romancier célèbre après avoir été chroniqueur à La Stampa et à La Repubblica et avoir animé des émissions littéraires à la télévision. Mais le véritable prodige, c'est que pour une fois le succès médiatique et la grâce d'écrire sont allés de pair. Aujourd'hui traduit, "Océan mer" (1993) reçut le plus prestigieux prix italien, le Viareggio. C'est le deuxième roman de Baricco, après "Châteaux de la colère" (1991), qui obtint le Médicis étranger en 1995, et avant "Soie" (1996), qui eut un incroyable succès en Italie comme en France. Tous ses romans ont été traduits par Françoise Brun chez Albin Michel. 

© Le Point - 10/01/1998 - N°1321 - Culture - Page 078 - 1013 mots Culture Le Point par Michel SCHNEIDER 

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Ultimo Aggiornamento_Last Update: 2 Mag. 2002