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Nr.1041

A Mademoiselle Zénaïde Blanc de S. Bonnet

Paris, 17 juillet 1861

Mademoiselle,

J'attendais votre lettre pour vous écrire, afin d'avoir un point de départ plus précis.

Et d'abord ne craignez pas d'être trop longue, ce serait encore une petite paresse; puis écrivez comme vous pensez dans le moment - la nature comme la grâce se saisissent au passage et non dans l'observation.

Vous aimez Dieu, c'est certain, - vous avez la soumission à la volonté de Dieu, c'est la bonne voie - la voie royale. - Dieu a gardé votre coeur, car c'est là la plus grande grâce de votre vie: maintenant vous voulez être tout à lui - eh bien! nous vous aiderons dans cette noble tâche.

Il m'a semblé remarquer dans vous un amour et un besoin de liberté - et il y a à craindre par conséquent la tentation et le défaut d'indépendance même spirituelle, et par conséquent la crainte de la grâce, - des imperfections de la vertu, - des petits sacrifices et aussi, dans l'ordre du devoir ou de la convenance, de travailler, d'aspirer à vite en finir, pour être libre après. Je dis que cela peut devenir une tentation de nature, mais il ne faut pas s'en troubler. Le grand principe qu'il faut suivre dans toute votre vie, Mademoiselle, doit être de faire de bon coeur la Ste Volonté de Dieu connue, et connue soit par le devoir, soit par les circonstances, et aussi par la lumière intérieure de sa grâce; et pour les choses à venir, vous tenir dans la disposition à faire cordialement tout ce que la Ste volonté divine vous demandera en son temps.

C'est là le meilleur centre de vie que vous puissiez avoir - et dont il ne faut pas sortir - votre amour de la liberté y trouvera sa vie, et votre amour de Dieu sa règle et sa perfection.

Il faut aussi avoir la dévotion au devoir, c'est-à-dire tenir à accomplir fidèlement vos pratiques ordinaires de piété.

Dans une prochaine lettre, veuillez me marquer quelles sont vos pratiques pieuses ordinaires; car avant tout il faut se fixer un régime spirituel et y tenir comme à la condition de

la santé.

Puis il faut les suivre par amour du devoir, sans autres espérances de consolation, parce que ce motif sera toujours également puissant. Entretenez votre coeur dans la sainte joie de la confiance en Dieu - vous en avez besoin - je crois, c'est un peu votre part.-

Nous allons bien prier pour votre femme malade, afin que vous soyez soulagée.

Soeur Benoîte, f. Michel (Chanuet) - vous offrent aussi leur souvenir bien religieux et dévoué, et moi aussi.

Je suis donc, en N.S., Mademoiselle, Tout à vous.

Eymard Sup.


Nr.1042

An Fräul. Adèle Julhien

Paris 18 juillet 1861

Mademoiselle et chère Soeur en N.S.

Enfin je vous envoie le certificat de votre miracle, je l'aurais fait plus tôt, mais je ne savais où prendre votre Docteur; puis je craignais, n'étant pas connu de lui.

Vous allez donc à la Ste Montagne! Que N.S. vous y conduise et vous y comble de ses abondantes bénédictions d'amour! Vous êtes à lui, il est à vous. La Ste Croix vous unit tous deux; c'est le lien de votre alliance. Que Dieu en soit glorifié et vous bénie! portez-la bien, vivez comme n'en ayant point. L'amour aime la Croix et lui donne un autre nom, le nom de l'amour rendu.

Votre état d'obscurité et de pure foi est le meilleur de tous pour vous, puisque c'est Dieu qui vous l'a choisi dans son amour. - Cet état dégage l'âme de tout lien terrestre, de tout sentiment humain, de tout amour-propre, pour mettre entièrement à la dépendance de sa grâce et de son amour. La paix, le calme que vous éprouvez, Mademoiselle, sont une preuve certaine de la bonté de votre état, et du contentement de Dieu sur vous.

Allez donc toujours ainsi, tant qu'il plaira à la divine bonté de vous y laisser, la volonté de Dieu est la royale voie de l'amour.

Tenez votre âme dans l'action de grâces habituelle; c'est l'exercice le plus agréable à N.S., et le plus doux au coeur.- Faites action de grâces de tout, car tout est grâce, tout peut être une louange à Dieu. Mais si vous voulez être la fille bien-aimée du coeur de N.S., suivez ce que je vais vous dire: allez à son coeur par le pur amour. Le pur amour c'est la flamme qui sort et s'élève de son foyer, mais n'y revient plus, elle va vers sa fin. Le pur amour, c'est l'Ange qui aime Dieu et ne se regarde pas, ou bien que pour redonner à Dieu ce qu'il en a reçu.

Laissez ce Bon Maître vous tourner et retourner comme il lui plaira, et soyez contente du contentement de Dieu. Vous n'êtes plus à vous, il y a longtemps; donc le Bon Dieu doit être Maître chez vous et y faire ce qu'il voudra.

Souvenez-vous que jamais l'âme n'est dans le même état, Dieu la met toujours dans un état nouveau, afin qu'elle soit toujours nouvelle en son amour; ainsi regardez Dieu en vous et suivez-le.

Adieu, bonne Demoiselle Julhien, j'espère que vous ne m'en voudrez pas au Ciel; et si vous venez à Paris, vous me trouverez Votre tout dévoué en N.S.

Eymard S.S.


Nr.1043

An die Familie Rosemberg

Paris 20 juillet 1861

Chers amis,

Je voulais vous écrire par les amis de Tours, je ne l'ai pu.

Merci de votre bonne lettre, je savais tout. Il faut prier et plaindre cette pauvre mère, (allusion à Mme Lafont, de Tours) si on la jugeait sur ses paroles, on la jugerait très sévèrement; mais hélas! elle parle en femme du monde, en mère irritée, et qui prend des mesures dont elle se repentira peut-être un jour.

Je lui ai dit ses devoirs, et les droits de conscience de sa fille. Il ne reste qu'à prier. Je vous ai bien mis en dehors, comme de juste: voilà la pauvre nature!

Eh bien! bon père Rosemberg! voici bientôt le mois d'août, votre cellule et nos coeurs vous attendent; vous savez que vous êtes chez vous ici.

Mes amitiés à toute votre famille. Que Dieu vous bénisse tous!

Tout à vous en N.S.

Eymard ss

Mes bonnes amitiés au bon Père Dupont, à la bonne Mère Marceau.


Nr.1044

An Fräul. Danion

Paris, 20 Juillet 1861

BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,

J'ai reçu vos messes et celles de votre excellent Père, remerciez-le pour moi. Elles se disent selon votre désir, elles ont été commencées de suite. Je me réserve toujours celle du mardi, que je dis toujours avec bonheur.

J'ai vu votre amie, elle m'a paru bien à Notre-Seigneur et à l'oeuvre de l'action de grâces. C'est une amie qui vous est dévouée: plût à Dieu que Notre-Seigneur les comptât par milliers! J'ai reçu une excellente lettre de Madame la Supérieure des Ursulines de Quimper, grâce à vous. Je vous en remercie. Je me propose de lui écrire.

Je viens de prêcher à Saint-Sulpice la neuvaine solennelle du Sacré-Coeur. Vous pensez bien que c'est surtout du Coeur eucharistique de Notre-Seigneur que j'ai parlé; il n'est que là vivant, puis au Ciel!

J'ai parlé de son amour, de l'ingratitude des hommes, du peu d'âmes fidèles et dévouées qui se donnent entièrement à lui.

Voyez, bonne fille, il en est dans la religion comme dans la vie économique du monde: on fait d'avance son budget et on ne veut pas dépasser ce qui est réglé.

Voilà le pire des serviteurs.

Ecrivez de ma part à Mme Lepage à Rennes; c'est une belle âme; faites connaissance et amitié en Notre-Seigneur.

Adieu; mes bien affectueux souvenirs à Mr Levoyer.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, Sup. S. S.


Nr.1045

Témoignage de la guérison de Melle Julhien (survenue le 25 octobre 1856).

24 juillet 1861.

"Je soussigné, Supérieur des Prêtres du T.S.Sacrement de Paris, certifie le fait suivant, en l'honneur de N.D. de La Salette pour la guérison de Mademoiselle Adèle Julhien, de Marseille. Cette demoiselle, malade depuis bien longtemps, était venue à Paris pour y trouver dans la science médicale quelques soulagements à ses maux si aigus. Mais la science des hommes les plus éminents de la capitale fut stérile, les remèdes étaient impuissants, le mal empirait, il arriva à un tel degré de gravité qu'ils déclarèrent tout remède inutile. C'était le dernier mot de la vie et de la mort. Mademoiselle apprit cette nouvelle comme une épouse de Jésus qui désire se réunir à celui qu'elle a préféré à tout. Elle demande les derniers sacrements. M. l'Abbé Lance les lui administre, elle était calme et recueillie, au milieu des pleurs; elle semblait n'avoir plus qu'un souffle de vie et le médecin avait dit qu'elle passerait dans un moment de crise.

J'arrive dans ce moment, on était venu m'appeler dans la crainte que M.l'abbé Lance n'arrivât pas à temps. Ce fut alors que je dis à la malade que le ciel sans doute était bien beau et bien désirable, mais qu'il fallait encore travailler à la gloire de Dieu, et qu'alors elle allait faire avec nous une neuvaine à N.D. de La Salette pour demander sa guérison entière, qu'elle promettrait d'y aller en pèlerinage. La malade le promit, nous convîmes des prières à faire. Je lui donnais de l'eau miraculeuse de la fontaine. Ce qui est à remarquer, c'est que Melle Adèle n'avait d'abord pas confiance à N.D. de La Salette. Cette confiance ne lui vint que le troisième jour. Alors, elle fut pleine d'espérance et assurait à toutes les personnes qui étaient auprès d'elle qu'elle serait guérie à la fin de la neuvaine.

Le neuvième jour devait être, en effet, un jour béni pour la malade et ses amies. On lui apporte une seconde fois la Sainte Communion, et chacun se disait tout bas, pauvre fille, ce sera la dernière, elle n'avait plus qu'un souffle de vie, dévorée encore par une fièvre brûlante et continue, mais quelle grâce! Quelle joie dans la maison! Mademoiselle Adèle est guérie.

Son action de grâces faite, plus de fièvre, plus de mal, c'est comme une résurrection. J'arrive dans cet intervalle et je trouve la malade levée, sans mal, mais joyeuse et ne parlant plus que de la bonté de N.D. de La Salette; en effet, elle était guérie, elle partit presque aussitôt pour Marseille. La guérison a eu sa preuve de constance, elle aura toujours celle de la reconnaissance. Elle est si bonne, Marie!"

Paris, le 24 juillet 1861

Eymard, Sup.Soc.S.S.

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Réf. R.M.S. n.570, p.103-104, et

Evêché de Grenoble, Fonds de La Salette,

cahier n· 103, n.276

Le 1 août 1865, le P.Eymard donne l'instruction du soir, à La Salette. Il fait le récit d'une conversion et il la transcrira sur l'Album du Sanctuaire. Comme son écriture a précocement vieilli! Voici ce qu'il écrit:

Un père de famille de Lyon, chef de commerce, résistait depuis longtemps aux tendres et pressantes sollicitations de sa pieuse soeur de revenir à Dieu et à ses devoirs de chrétien. Le bon exemple à donner à ses enfants, la piété héréditaire de la famille, ses années chrétiennes, rien ne le touchait, il tournait, au contraire, tout en ridicule et devenait insolent quand on le pressait un peu.

A bout de tout moyen, la soeur lui dit un jour: "Eh bien! frère, puisque rien ne te touche, je m'en vais à La Salette demander à la Sainte Vierge ta conversion!" - "Tu peux bien aller à Rome et à Jérusalem, lui dit le frère obstiné, vas (sic) tu me trouveras comme tu me laisses". La soeur part un peu désolée, car son frère n'avait pas voulu lui promettre de dire un Ave Maria pour elle. Son pèlerinage se fait avec piété, elle prie avec ferveur et avec larmes sur la Sainte Montagne, elle demande à tous les pèlerins des prières, il lui semble que la Très Sainte Vierge l'a exaucée et qu'elle trouvera son cher frère mieux disposé.

Elle part, arrive à Lyon et, revoyant son frère, "Eh bien! lui dit-elle, un peu émue, ai-je été exaucée? J'ai bien prié pour toi, j'ai bien offert toutes les fatigues de ce pèlerinage!" Le frère ne disait rien, il était agité. "Tu ne me dis rien", dit la soeur? -"Et que veux-tu que je te dise, je veux rester comme tu m'as laissé, je te laisse libre, laisse-moi libre, je ne fais de mal à personne, je suis un honnête homme. Bonsoir, ma soeur, vas (sic) vite te reposer". - "Oh! repartit la soeur, ce n'est pas possible que Notre-Dame de La Salette ne m'ait pas exaucée, tu aurais donc le coeur plus dur que la pierre ?" Elle ne put en dire davantage, le frère se retira presque en colère.

La pauvre soeur ne dormit presque rien de tristesse, elle priait, elle conjurait la Bonne Mère de venir à son aide.

Quand, de bon matin, quelqu'un frappe à la porte. "Qui va là "? "C'est moi, ton frère". "Que veux-tu?" "Je n'y tiens plus, lève-toi, je veux te parler". Elle se lève, et voilà son frère qui lui dit:" mène-moi chez ton confesseur, je veux me confesser. Toute la nuit j'ai souffert comme une âme de damné, j'ai réfléchi, et j'ai vu que je ne menais qu'une vie de bête et non de chrétien, j'ai eu peur de ma conduite, c'est pour de bon, je veux me convertir." Et la pauvre soeur pleurait de joie en embrassant son frère, elle l'accompagne et me l'amène; la conversion était facile, la Très Sainte Vierge l'avait faite. Il se confesse et après quelque temps de préparation, il communiait à côté de sa soeur. Il était le plus heureux des hommes; il goûtait le vrai bonheur de la maison de Dieu, et il a persévéré. Son exemple fut une belle leçon à ses employés et une grande joie pour sa famille. L'arbre continue à porter des fruits de salut.

EYMARD

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Réf.R.M.S. n· 571, p.127-129 et Ev.Grenoble, cahier 103, n.279.

A ce même auditoire du 1 août 1865, le Père refait le récit de la guérison dont il avait écrit la première confidence à Melle de Brissac (cf. plus haut) et le transcrit sur l'Album du Sanctuaire à la date du 3 août 1865.

Il y a quelque temps, une des personnes pieuse (sic) était tombée malade. La voyant bien fatiguée, des amis vinrent appeler son confesseur, religieux du T.S.Sacrement. C'était le soir, on venait de dire Matines chez les Pères du T.S.Sacrement. Voyant que le confesseur restait longtemps, j'allais au devant de lui pour avoir des nouvelles de la malade que je connaissais. Je trouve le Père dans la cour, qui descendait de chez elle. "Eh bien! Comment va la malade?" "Pas très mal, me dit-il, je ne crois pas qu'il y ait danger". "L'avez-vous confessée?" "Oui, par précaution." "Eh bien! puisque je suis là, veuillez m'accompagner, je vais la saluer". Il monte avec moi, la malade me reconnaît, je lui dis un petit mot du Bon Dieu, et je causais avec ses amies sur la maladie si subite, quand je m'aperçois qu'elle tombe en agonie, elle n'entendait plus, ses yeux étaient vitrés, ses membres sans mouvement, je cherche de suite le pouls, elle n'en avait plus, la sueur froide commençait, le râle de l'agonie annonçait sa fin prochaine. Je m'écriais alors: elle est perdue, vite l'extrême-onction.

A cette parole, son amie se précipite sur elle et invoquait Notre-Dame de La Salette; elle s'écrie en larmes: "Notre Dame de La Salette, sauvez-la". Elle lui fait boire un peu de l'eau de la fontaine miraculeuse. On ne cherche pas à aller chercher les saintes huiles, car, à peine lui eût-on donné de l'eau de La Salette que le râle cessait avec la respiration, ses membres se raidirent, le froid de la mort annonça que tout était fini. On laisse tomber sa tête sur son chevet, car on la tenait pour la soulager. Chacun de la pleurer, car elle était bonne et pieuse.

Je me mis à genoux devant son lit pour réciter le De Profundis, et tout en le disant sans pouvoir le finir, je me plaignais à la T.S.Vierge." Est-il possible que Notre-Dame de La Salette si bonne, et si puissante, ne lui ai (sic) pas obtenu le temps de recevoir au moins les derniers sacrements", disais-je en moi-même.

Cinq à six minutes se passèrent ainsi, quand la morte se lève, s'assied, et nous regarde d'un air étonné:" Qu'est-ce qu'il y a donc, dit-elle ? Vous avez l'air tout triste, qu'est-il arrivé?" A ce mouvement, à cette parole, nous sommes tous tellement surpris que personne ne peut lui répondre. Je me lève alors et tout tremblant, je m'appuyais sur la muraille, les autres poussaient des soupirs d'étonnement." Nous vous avons crue morte", lui dis-je alors." Mais je n'ai point de mal, je vais bien", et la voilà causant à tout le monde, et un instant après on lui apporte une soupe qu'elle mange.

Nous nous en retournons avec mon confrère, en bénissant Dieu. Je pensais que la pauvre personne en aurait au moins pour quelques jours de convalescence quand, le lendemain matin, disant la messe de 6 heures, la première personne que je communie, c'est notre ressuscitée. Le respect de cette divine fondation (sans doute il faut lire: fonction), le saint lieu retiennent ma surprise, mais augmentèrent ma reconnaissance. La guérison était complète. Après la Ste Messe, je fis entrer au parloir cette personne si heureuse, et lui demandai ce qui était donc arrivé la veille.

"J'étais, me dit-elle, sur le point de passer de ce monde à l'autre, je sentais qu'il n'y avait plus qu'un fil, qu'un souffle qui m'y retenait, quand il m'a semblé voir Notre Dame de La Salette, qui m'a dit: Ma fille, je t'ai obtenu miséricorde, alors j'ai ouvert les yeux, mes oreilles ont entendu, je me suis senti guérie".

"Mais comment était habillée la T.S.Vierge?", lui dis-je alors.

"Elle avait une couronne de rayons de lumière, elle avait sept épées tous (sic) plongées dans le coeur, puis une croix avec un marteau d'un côté et des tenailles de l'autre".

"Comment était son vêtement?"

"Je ne puis pas bien dire, c'était blanc, mais d'un blanc qui n'a pas son semblable".

"Et son visage ?"

"Oh! qu'elle paraissait bonne, mais digne, c'était une bonté qui vous ouvre le coeur, et vous fait aller vers elle, puis une dignité, un air si noble, si grand qui vous inspire le respect, mais un respect d'amour."

Voilà le récit d'une grâce dont je fus l'heureux témoin, la personne vit encore et elle a pour Notre Dame de La Salette une reconnaissance et une dévotion qui la rendent toujours heureuse et dévouée.

La Salette, 3 août 1865.

(Signé) Eymard.


Nr.1046

An P. de Cuers

Paris, 26 Juillet 1861.

Bien cher Père,

Je viens vous dire un petit bonjour, et que tout va bien ici; c'est toujours la journée de l'Horloge eucharistique, toujours le même devoir et toujours le même bonheur de l'accomplir.

Ce sont les vacances pour le monde: aussi nous ne voyons personne, ni nous ne voyons poindre aucune vocation. Tout le monde court ou veut courir: la Garde du Corps reste à son poste.

Je travaille tant que je le peux au manuel; je suis si dérangé, si occupé, que je vais lentement, puis la tête est souvent creuse.

Les poinçons que je vous ai envoyés peuvent servir avec la cire; comme aussi celui de l'exposition pourrait vous faire un sceau à sec, voyez.

Veuillez donner cette lettre au P. Locudent. Tous vous embrassent et vous aiment. - Lyon est silencieux.

Adieu, bon Père.

Tout vôtre

EYMARD S. S. S.

P. S. L'affaire Marziou ne rend encore rien: on en a de magnifiques espérances. Le Gazomoteur est là en objet d'admiration; on dit que votre argent vous rendra un jour beaucoup, voilà tout ce que j'en ai encore.

Le R. P. de Cuers, Supérieur

des religieux du T. S. Sacrement,

7 rue Nau.

Marseille.


Nr.1047

An Frau Jordan

Paris, 4 Août 1861.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Vous devez me croire malade ou mort; malade un peu. J'ai été fatigué à la suite de prédications trop fortes pour ma faiblesse. En cet état je n'avais ni le goût ni la force d'écrire; je ne faisais que de tousser. Je vais un peu mieux pour la toux; le reste marche à l'ordinaire, c'est-à-dire que je fais comme tout le monde.

Plus je vais, plus Paris m'absorbe et me vole tout ce que j'ai; vous savez ce que c'est que cette ville de Paris.

A vous! Vous avez été à Notre-Dame de la Salette! Beau et saint voyage! l'âme va plus près du Ciel, et là elle semble y être un peu avec cette bonne Mère.

Assurément vous avez fait provision des deux eaux: de l'eau miraculeuse, puis de l'eau vive de l'amour de Dieu; vous en avez tant besoin! Seule, et seule comme vous l'êtes! forcément il faut que vous soyez tout et toute à Dieu, autrement vous êtes forcée d'être triste et pauvre.

C'est une grâce d'être obligé de ne trouver son bonheur qu'en Dieu.

Oui, oui, soyez très charitable envers celui que Dieu vous a donné à conduire au Ciel; c'est votre mission et votre Croix de vertu.

Economisez votre temps pour Dieu, pour la contemplation de sa bonté; il le faut à présent plus que jamais, afin de vous y attacher plus fortement.

N'ayez plus ces petites passions de ce monde qui passe, des créatures qui fuient; laissez tout cela, et moi je vous bénis. On m'appelle.

Adieu.

Tout vôtre.

EYMARD, Sup.


Nr.1048

An Frau Chanuet (Sr. Kamilla)

Paris, 16 Août 1861.

BONNE MERE,

Je vous envoie le Fr. Michel, vous serez son Supérieur et sa mère, et il vous obéira bien; oui, oui, il vous portera les bénédictions de son état et aussi de toute la Société, car vous êtes devenue aussi par lui notre mère, puisqu'il est notre frère! Il est bien heureux! et comment ne le serait-on pas au pied du trône de Dieu de tout amour? Il a quitté beaucoup, il a retrouvé, tout Jésus-Christ et tous les siens en Jésus-Hostie! Bon frère Michel! vous l'aimiez tous bien, j'en suis heureux! Et vous, bonne mère, que faites-vous ? Votre première lettre me disait vos luttes naturelles; la deuxième lettre me dit vos luttes de vertu; aux premières, je ne réponds pas, parce que vous y avez répondu cent fois. Ce monde apparent est un mystère, il me donne l'idée du respect de Dieu pour la liberté humaine, même pour les méchants. Et aussi me rappelle ces paroles d'Abraham au mauvais riche : Mon fils, tu as reçu et joui des biens de la vie.

Lazare n'a eu que des maux !

Oh! vivent les maux de Lazare! La croix de Jésus! cette croix, le scandale des juifs et la folie du païen!

La deuxième lutte est meilleure; j'aime la tristesse, c'est une grâce; elle vous a sauvée, bonne mère. Ce qui rend coupable extrêmement devant Dieu, c'est la jouissance finale des biens, des plaisirs de ce monde. Vous n'avez joui, vous ne jouissez pas, vous ne jouirez de rien que de Dieu seulement. Bonne mère! ne vous appesantissez pas trop sur la misère et la tristesse de cette vie.

Laissez un peu plus le secret et le remède à Dieu; cette tristesse devrait prévenir le recueillement. Allons un peu plus aux pieds du bon Maître! Oh! oui, je voudrais bien vous voir ici à Paris un peu longtemps! et si je vais à Marseille en automne, je tâcherai d'aller vous saluer en passant, car votre maison est un bien doux Béthanie.

Adieu, bonne mère, priez pour moi, pour tous.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, S.


Nr.1049

A Mr. Amédée Chanuet

Paris 16 août 1861

Cher Monsieur Amédée,

Le frère Michel va vers vous avec bonheur, je me réjouis de celui qu'il va vous procurer et de la bénédiction qu'il va porter dans votre maison et sur la famille.

J'aurais été heureux d'aller avec lui, vous rendre vos bonnes visites et à votre si bonne et excellente Dame, mais impossible pour le moment. Si je pouvais voler un ou deux jours en revenant de Marseille, j'irais vous voir. Que je serais heureux de bénir le petit Amédée Chanuet qui vient du Ciel pour remplacer son oncle! Adieu, bon et cher Monsieur Amédée, mes bien affectueux souvenirs à Madame Blanche, qu'elle ait courage et confiance.

Tout vôtre en N.S.

Eymard Sup.


Nr.1050

An die ehrw. Mutter Rosa vom Herzen Jesu

Paris 22 août 1861

Ma Révérende Mère,

J'ai reçu depuis quelques jours la réponse de Son Eminence sur votre communauté; c'est l'épreuve, c'est la grande épreuve! On ne veut pas autoriser la profession et la prise d'habit, c'est dire que l'on ne veut pas vous approuver.

M. le Rebours chargé par S. Em. de me donner cette triste réponse, m'a ajouté que S. Em. ne voulait pas vous ôter de suite l'habit, mais vous laissait un peu de temps pour prendre vos mesures si vous vouliez entrer ou vous fusionner dans quelque communauté; mais que la chose était décrétée, que l'on n'y reviendrait pas; que les Dominicaines de Nancy suffisaient pour le Tiers-Ordre de S. Dominique.

Voilà, ma Révérende Mère, la triste nouvelle que je porte depuis quelques jours et qui me fait gémir devant Dieu, - en pensant à la douleur qu'elle va vous causer, ainsi qu'à vos bonnes et chères filles. Que veut Notre-Seigneur? Il faut lever le coeur et les yeux vers Celui que vous avez choisi et suivi, et lui demander ce qu'il reste à faire, et s'il faut faire voile ailleurs. - Souvent ce que l'on croit être un malheur est un bonheur et une grâce de vie. Oh oui! Dieu sait tout l'intérêt que je vous porte, et que vous méritez si bien. - Aussi je les pris avec larmes pour vous et pour toutes vos filles.

Croyez-moi toujours en N. S., ma pauvre Mère,

votre tout dévoué.

Eymard Sup.


Nr.1051

An P. de Cuers

Paris, 22 Août 1861.

Bien cher Père,

J'ai attendu d'avoir toutes vos commissions faites pour vous écrire, et aussi un bon moment.

Mgr Cruice, que je n'ai pu voir qu'hier, ira le 2, lundi, faire sa visite à votre chapelle; quant à l'heure, Mgr n'a pu la préciser, ayant ce jour-là toutes ses grandes visites à faire; il faudra bien vous entendre avec son grand vicaire, pour savoir son itinéraire, ou par une autre voie. Mgr n'a pas promis de prêcher; je comprends son embarras.

J'ai vu Mr Gondon et lui ai remis de l'argent dont il avait grand besoin; j'ai été content de lui et édifié de sa tenue à l'église, où il est allé de lui-même, il a eu de grands embarras, il m'a promis de revenir. Je tâcherai de sonder la plaie, s'il y en a une, j'aime à croire que non.

Votre jolie burette est arrangée, elle a coûté 8 fr., il a fallu faire un verre de cristal exprès, puis démonter toutes les nervures.

Votre argent reçu a été appliqué de suite à sa destination; mais la commande de la cire étant faite comme à l'ordinaire, je ne sais si on pourra changer les formes.

Assurément, ce serait un grand plaisir d'aller vous voir, mais je ne le puis en ce moment. Mr l'abbé Dhé nous quitte demain, nous restons deux prêtres, puis je vole tous les moments libres que je peux pour en finir.

J'écrirai au P. Leroyer bientôt; la poste part; le temps me manque, remerciez-le pour moi.


Nr.1052

An Frau Chanuet

Paris 24 août 1861

Oui, bonne Mère, gardez votre cher fils jusqu'à mercredi ou jeudi; c'est bien juste que vous en jouissiez un peu; quoique prêtre, il sera toujours votre fils, et au Ciel vous aurez le droit de mère.

Je n'ai que le temps, bonne Mère, de me dire en N.S. tout vôtre.

Eymard Sup.

Un souvenir au milieu de votre chère et bien aimée famille.

Mme Vve Chanuet

à Lantignié par Beaujeu (Rhône)


Nr.1053

An P. de Cuers

Paris, 10 Septembre 1861.

Bien cher Père,

Merci de vos grandes lettres, elles m'ont fait grand plaisir. Je vois bien que vous êtes toujours l'ami, le frère et le religieux d'accord sur un point fondamental: le service du T. S. Sacrement; nous le serons toujours sur les questions du bien ou du mieux.

J'ai lu avec grande joie et affection les belles pensées du P. Leroyer, et qui sont celles du coeur de la Société; mais à demain ou après-demain pour cela et la grande question des lettres.

Je n'ai que le temps aujourd'hui pour deux choses:

Pour Mr Gondon, je l'ai vu cinq à six fois depuis; il m'a paru bon et religieux, je l'ai vu entrer dans la chapelle de lui-même et il priait N. S. avec grande piété et révérence; il ne savait pas que je le voyais et le savais là. Nous avons causé de pratique, je le crois bien. Mais il faut que son frère lui vienne en aide, il est dans la plus grande misère, ne sachant comment il vivra le jour; je ne puis lui avancer de l'argent, je n'en ai pas; les 200 fr. ont été remis et aussitôt absorbés par les dettes criardes; veuillez intéresser son frère à lui. Il pense sous peu avoir une indemnité du gouvernement qui le remettra à flot.

La seconde chose: je vous prie d'écrire vous-même au P. Hermann. Notre correspondance en est restée là, avec lui. Sa dernière lettre était un peu à la juive.

Avec vous, c'est le vieil ami; vous me ferez grand plaisir de me débarrasser de cette lettre.

Amitiés à tous, de tout coeur.

Tout vôtre.

EYMARD, S. S.


Nr.1054

An Frau v. Grandville

Paris, 10 Septembre 1861.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

J'ai eu la consolation de voir votre chère et bonne soeur. Elle aurait été complète si vous aviez été là, car il y a longtemps que je ne vous ai vue! Et puis vous avez été malade, vous souffrez toujours, l'âme est souvent plus souffrante que le corps. Pauvre fille! la croix de Jésus, voilà votre lot; mais son amour, voilà votre force. Soyez bien grande en l'amour pour être plus grande que vos croix, plus forte que la mort même.

Toujours vous avez quelques retours de crainte de la sainte Communion. Allez donc, bonne fille, sans crainte vers votre bon Dieu et bon Père. Servez-vous de vos misères mêmes pour avoir votre droit d'entrée à ses pieds comme la Madeleine, et à sa table avec les pauvres. Méprisez donc toutes ces craintes de péché: c'est un reste de vieille fièvre qu'il faut bien couper par la vertu de la sainte Obéissance. - Soyez tranquille! votre âme peut prendre la poussière du chemin comme tous les voyageurs, mais elle n'a pas de blessures mortelles ni graves.

Comme aussi je voudrais bien vous voir plus calme dans la tempête, plus douce dans la contrariété, plus silencieuse dans l'émotion! Mais si la nature va plus vite que la grâce, la sensibilité plus vite que la conscience, il ne faut pas trop vous en tourmenter: ce sera là le vêtement de pénitence qu'il faudra porter tout doucement et sans vous fâcher trop contre vous-même. Les épines sont bonnes, elles éloignent les mains téméraires, et défendent les fleurs de la rose; eh bien, bénissez quelquefois Dieu de vos défauts extérieurs qui vous humilient, et puis allez en paix le recevoir.

Je n'ai pas encore la dernière lettre, mais je ne veux pas que vous l'écriviez vous-même, c'est trop fatigant; vous pourrez le faire par d'autres.

Je ne sais pas quand je m'absenterai de Paris. Je dois, vers la fin du mois ou au commencement de l'autre, aller prêcher une retraite aux Bénédictins de la Pierre-qui-vire; je vous en avertirai d'avance.

Adieu, bonne fille, priez pour celui qui vous est, en N.-S.,

Tout dévoué.

EYMARD, S.


Nr.1055

An die ehrw. Mutter Rosa vom Herzen Jesu

Paris 20 septembre 1861

Ma Révérende Mère,

Voici la retraite ecclésiastique finie. Je vous propose une pensée, c'est moi-même d'aller voir S. Eminence, et de lui demander encore une année scolaire pour vous, afin de vous donner le temps de vous caser toutes, de profiter un peu du bénéfice de votre rentrée qui s'annonce belle, et de payer ainsi quelques dettes pressantes.

J'espère que j'obtiendrai peut-être quelque chose, même de M. Rebours qui a trop d'honneur et de conscience pour ne pas vous faire cette charité; car faites-y bien attention, restant ainsi, vous êtes toujours sous le coup de la loi, et d'un jour au lendemain on peut vous intimer l'ordre de quitter votre habit; or comment vivre en paix sous le poids de cette attente? tandis que si nous obtenons un temps fixe, vous serez tranquilles et en jouirez en paix.

Mais je ne puis aller voir Monseigneur sans une lettre de vous, que je puisse présenter à Son Eminence, et cette lettre doit constater que vous me priez de prier Son Eminence de vouloir bien accorder encore un an d'attente, qu'à la fin de l'année scolaire qui va commencer, ou vous quitterez le S. Habit ou vous quitterez le diocèse que vous ne demandez pas que l'on revienne sur la décision prise, mais que l'on daigne vous accorder une année de charité, pare que vous n'êtes pas en mesure de quitter actuellement sans un grand dommage pour vous et pour vos créanciers.

Voilà, ma Révérende Mère, ma pensée; examinez-la et jugez. Je crois que c'est la seule chose possible peut-être, et encore je n'en réponds pas. Je prie sans cesse pour vous et votre chère Communauté.

Tout à vous en N. S.

Eymard.


Nr.1056

An Frau Blanc v. St. Bonnet, geb. Chanuet

Fragment d'une lettre adressée par le B. Père EYMARD à Madame BLANC de Saint BONNET, née CHANUET. Il est conservé dans notre couvent de VIENNE-GUMPENDORF (Autriche)

(depuis janvier 1996 le document se trouve dans les archives de la Province à Bozen)

Référence: A 13 (photocopie et aussi copie authentique faite par le R.P. Robert WERMEILLE décembre 1958).

/Paris 21 septembre 1861/ (date de la poste sur l'adresse)

pour communier. Quant à vos dispositions intérieures, à votre amour de Dieu, il ne faut pas les consulter, ce serait vous guider vous-même, et devenir juge de votre communion, mais il faut plutôt aller à Notre-Seigneur par le sentiment du besoin, du désir, de la faim de lui - voilà la meilleure de toutes les préparations pour vous, chère Dame.

Usez des adoucissements que veut votre position et votre état, et cela sans préoccupation de mortification ni de pénitence, ce serait une tentation. Vous ferez celles que le Bon Dieu sèmera sur votre passage et voilà tout, et encore ne faudra-t-il pas en faire une affaire, ni une occupation. Vous devez à Dieu toute l'attention et la puissance de votre amour. Ne le divisez pas.

Allons, dormez sur les genoux de la divine Providence, laissez-vous guider, porter et nourrir par elle, et vous serez toujours bien approvisionnée.

Adieu, chère Soeur. Je vous laisse entre les bras de cette aimable Mère, toujours veillante, toujours aimante, toujours prévenante.

Tout à vous en N. S.

Eymard

Madame Blanc de St. Bonnet

à St. Bonnet par Vaugneray (Rhône)


Nr.1057

An P. de Cuers

Paris, 21 Septembre 1861.

Bien cher Père,

Me voici tout à vous, et désirant avoir assez de temps pour vous écrire longuement.

A toutes mes occupations, je joins celle de professeur de latin, M. Dhé n'y étant pas, ce qui me prend une petite heure par jour; je le fais avec plaisir, en attendant mieux.

Le P. Champion a été tout heureux de vous envoyer le premier exemplaire du P. de Machault sur l'Eucharistie. Il vous a écrit sur son vin, nous en reparlerons; il dit qu'il est difficile de le soigner, mais à cela on répond que difficile n'est pas impossible. Il fait imprimer un beau Missel Romain; nous voilà décidément en possession de la Sainte Liturgie Romaine à Paris, cela était bien d- au T. S. Sacrement.

Pour le postulant chartreux, je n'en ai reçu encore aucun renseignement de la Chartreuse. Je ne voudrais écrire à son Archevêque qu'après l'espérance conçue de lui qu'il a la vocation, car c'est pénible et un peu humiliant de demander des renseignements sur des sujets de passage; gardez-le encore un peu, car s'il a été renvoyé à la Chartreuse comme incapable, ou comme tête faible, il ne faut pas le recevoir.

Je suis d'avis que l'on ne reçoive aucun sujet renvoyé pour non vocation: ceci est toujours de mauvais augure.

Si Notre-Seigneur lui donnait vocation, j'en ferai un professeur ici; mais comme ce n'est là qu'un emploi, et non une vocation, il faut avant tout s'assurer de la première question, s'il a de la santé; s'il est pieux, a bonne volonté, aime la vie eucharistique, a bon esprit, nous en tirerons toujours un bon parti au service du Bon Maître.

Je voudrais bien avoir quelque chose à vous offrir pour le bon P. Leroyer, je n'ai rien, ni ne vois rien pour le moment; si je savais où prendre, je vous en aviserai, mais il faut que le Maître ouvre la porte le premier.

En relisant votre lettre, je vois que c'est le lever de la nuit qui a provoqué la sortie de ce novice chartreux (dont vous ne me dites pas le nom), mais alors la question est toute tranchée: ici nous nous levons la nuit; vous le ferez et tous le feront; on ne peut donc aller plus loin avant d'avoir assuré l'exécution de ce point.

Je suis bien content du retour à la confession de votre frère: impossible, au service eucharistique, de rester longtemps loin de Dieu, avec une conscience souillée.

Pensez à recevoir les volumes du P. Machault et à renvoyer le double, qu'on a confondu avec les autres.

Je goûte bien ce que vous me dites sur la marche à suivre: c'est juste; mais Dieu vous a montré à vous comme à moi qu'il faut passer par les épreuves et que l'on n'y voit pas toujours bien clair.

Je sais bien et le sais très bien, qu'il me manque beaucoup de qualités qu'un supérieur devrait avoir, que ce que votre charité appelle débonnaireté, c'est plutôt ma faiblesse de caractère et un défaut; j'en gémis, et si c'était selon Dieu, je quitterais à l'instant et sans retour toute supériorité pour faire la cuisine, ou le dernier emploi de la maison, et cela avec bonheur: ce n'est pas que je me décourage, non, non, je m'en humilie devant Dieu; d'ailleurs, j'ai besoin de cela. Il faut bien que vous sachiez, vous, cher Père, et tous les autres, que ce n'est pas par mes qualités, ni par mes vertus, que la Société va, mais par la pure grâce de Dieu, que je suis un gâte tout.

L'expérience que je pouvais avoir des hommes et de la vie religieuse active est tout en défaut sur la vie actuelle: la vie contemplative est un miroir toujours présent où rien n'échappe, où la nature finit par éclater souvent sur son calvaire perpétuel. Oh! que souvent je dis à Notre-Seigneur: envoyez donc le bon supérieur! Moi, je ne suis qu'un mauvais fumier de l'arbre, ou une vieille pierre de fondation, qu'il faut cacher.

Mes amitiés au bon P. Locudent, aux frères; ce sera avec grand bonheur que j'irai vous voir, dès que le service du Maître ici sera assuré: ce sera là le signe.

Vous devriez bien avoir une balance de lettres, votre dernière a eu 16 sous en surtaxe.

Comme le Supérieur a bien besoin de prières, ici, après le chapelet, on ajoute un Pater et un Ave aux intentions du P. Supérieur et pour les recommandations; je vous engage à en faire autant, ce sera au moins une prière de reconnaissance et aussi de charité.

Adieu, bon Père.

Tout vôtre.

EYMARD.


Nr.1058

An den Architekten Perret

Paris 29 septembre 1861

Cher Monsieur Perret,

J'ai été bien obligé de faire le sacrifice de ce charmant voyage des Sauvages, pour répondre à votre aimable invitation.

Je devais prêcher les 40 heures aujourd'hui et je pars demain pour la Pierre-qui-vire où je vais donner la retraite aux religieux pendant huit jours. Si au moins vous y étiez! J'y verrai vos beaux travaux, votre joli chemin de croix. Vous avez donc, cher Monsieur, la mission des chemins de croix ? elle est belle! puisqu'elle conduit au Ciel, mais prenez garde de n'être pas un jour crucifié.

M. Daus n'est pas encore arrivé, je pense qu'il se sera arrêté à Lyon pour vous embrasser et qu'il aura eu le plaisir de votre belle cérémonie.

Tout le monde vous languit ici et votre bonne et pieuse aveugle.

Adieu, cher Monsieur Perret et pensez à vos vieux et bien affectionnés amis.

Tout vôtre en N.S.

Eymard Sup.


Nr.1059

An Fräul. v. Revel

Paris 29 7bre 1861

Mademoiselle & chère Soeur,

Si je pouvais avoir un sentiment contre votre silence, votre bonne & aimable lettre ferait ce que fait le soleil sur les brouillards du matin - non non, c'est /ou: il est/ impossible après un pareil passé d'avoir un avenir d'indifférence j'excuse votre plume, votre - petite lenteur,- mettez le bon désir du paresseux.-

Vous êtes charmante d'avoir fait l'énorme sacrifice du feuilleton cela vaut une grande victoire - aussi Notre Seigneur vous en a bien récompensé /sic/.

Soyez bien tranquille sur vos restitutions Je m'en suis chargé & je vous en liquide - vous n'avez plus rien à faire ni à donner à cet effet - ainsi plus de frayeur.

Ni plus de crainte sur vos communions - je vous assure qu'elles ont été & sont bonnes, je ne dis pas parfaites mais profitables, & très utiles à votre âme.-

J'aimerais bien avoir une 3e maison à Lyon cela a failli se faire. Puis le Bon Dieu a ajourné cela .--

Allons n'oubliez pas si long que la plume a besoin de répéter la pensée & le sentiment du coeur.

Je vous quitte en N. S. pour aller prêcher

Tout vôtre

Eymard

Sr


Nr.1060

An Frau Gourd

Paris, 29 Septembre 1861.

Madame et chère soeur en N.-S.,

Je viens seulement d'achever la lecture de votre lettre, absorbé jusqu'à ce moment par des affaires imprévues.

1· Vous pouvez venir en aide à ce bon jeune homme selon vos ressources, et plutôt plus que moins. C'est une charité ecclésiastique.

2· Vous auriez pu faire dire votre messe d'usage; en pratique, soyez plutôt large que craintive, consultez la raison, la convenance, la grâce du moment.

La paix que vous éprouvez est le fruit de l'obéissance et le sceau divin du contentement de Dieu.

Soyez, bonne fille, à tout le monde et en toutes choses au bon plaisir divin.

Je regrette de n'avoir pu écrire à votre chère fille, je le ferai à mon retour d'une retraite de dix jours que je vais prêcher demain.

Je vous bénis de tout mon coeur.

EYMARD.


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