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Nr.1001

An Fräul. Jenny Gaudioz

Paris 31 décembre 1860

Chère Soeur en N.S.

Je suis bien en retard avec vous pour vous remercier de vos bonnes lettres et me réjouir avec vous de la grâce insigne de votre vocation et de votre prise d'habit; - cela m'a fait un grand plaisir, et il sera plus grand encore quand vous recevrez la grâce entière et perpétuelle, celle de la Profession religieuse. Vous avez, bonne Soeur, la meilleure part, vous unissez les deux vies de Jésus - les deux mains de l'amour, les deux grâces de la perfection. Que Dieu en soit mille fois béni et remercié!

Et comme Dieu veut toujours achever noblement ce qu'il a commencé dans sa bonté, ayez confiance pour l'avenir. - D'ailleurs vous n'avez rien à désirer; vous avez l'Eucharistie et le Cénacle - l'Apostolat et l'Amour.

Soyez donc bien fidèle à cette bonne et aimable grâce, - croissez en humilité, en la mort de Jésus, pour arriver à l'ouverture de son coeur divin. - Son coeur ne s'ouvre que par la mort à nous-mêmes, la lance qui doit ouvrir ce coeur d'amour, c'est une flèche, mais une flèche comme celle de Ste Thérèse, de Ste Julienne - qui blesse le coeur de Jésus et l'ouvre afin de pouvoir y entrer; qu'il soit votre demeure!

Je dois en effet, chère Soeur, aller à Marseille pour le 6 janvier. J'espère m'arrêter à Lyon et aller vous voir, ainsi que votre bonne Mère, que je n'oublie pas, ainsi que toute sa Communauté.

Mes bien vives amitiés à vos chers parents, que j'aime de tout mon coeur et veuillez leur dire pour moi tout ce que vous saurez de bon et de dévoué.

Je reste en N.S., Chère Soeur,

Tout à vous.

Eymard Sup.


Nr.1002

An P. de Cuers

Lettre collective aux PP. et FF. du Cénacle de Marseille pour le Jour de l'an.

Paris, 31 Décembre 1860.

Bien chers Pères et frères en N. S.,

Soyez bénis en cette nouvelle année que la grâce de Dieu nous ouvre pour la plus grande gloire de Jésus au T. S. Sacrement! qu'elle soit vraiment eucharistique pour tous, c'est-à-dire, qu'elle nous rende de bons religieux adorateurs.

Nous avons une belle part dans le royaume de Dieu, chers confrères, c'est la plus grande, la plus sainte de toutes, puisque nous possédons tout le royaume de Dieu en la Divine Eucharistie. Nous n'avons donc rien à envier aux autres Ordres religieux, sinon leur sainteté, pour mieux servir notre divin Roi.

Leurs privilèges, leur gloire, leurs distinctions ne doivent pas être pour nous un sujet d'envie. Le Dieu de l'Eucharistie est toute notre gloire, toute notre loi, et toute notre faveur sur la terre!

Oh! bien chers confrères, si la cour céleste le pouvait, elle envierait notre sort, nous sommes la Garde royale du Sauveur du monde, sa famille d'amour!

Mais pour répondre à tant de grâces et d'honneur, soyons toujours de bons religieux du T. S. Sacrement.

Soyons toujours fidèles à ces quatre points fondamentaux:

Que la Divine Eucharistie soit l'unique fin de notre vie, et par conséquent que le service de l'adoration soit le service royal, auquel tout soit soumis et que tout respecte.

Dans le culte eucharistique, obéissance entière et absolue aux règles liturgiques de la Ste Eglise.

Que la vérité soit la règle invariable et inflexible de nos rapports et de nos actions.

Rien en dehors de la loi commune: par conséquent sans exemptions, ni faveurs dans le monde.

Avec ces quatre fondements de l'esprit vraiment eucharistique, notre petite Société sera grande devant Dieu et puissante sur les hommes.

Ne nous en écartons jamais, si nous voulons prospérer au service de Jésus-Christ et faire un grand bien dans l'Eglise de Dieu.

Merci, bien chers confrères, de vos voeux si pleins de coeur et de bonne volonté.

Merci de votre bonne et cordiale fraternité pour tous.

Dans quelques jours, j'irai vous porter de vive voix les voeux bien affectueux de tous vos frères de Paris.

Il me sera bien doux d'aller vous voir, et vous embrasser en N.-S., en qui je suis, bien chers confrères,

Tout vôtre.

EYMARD, Sup. S. S.

P. S. - Je pense vous arriver vendredi soir vers les 7 heures. Les quatre Anges sont achetés.


Nr.1003

An Frau Franchet

(Sans date. En chemin de fer)

Bonne Dame,

Je viens vite vous dire que l'idée de votre cher fils m'était inconnue, c'est vous qui me l'apprenez, elle est par conséquent bien neuve et demande examen, prières et conseils qui ne lui manqueront pas. Pour moi, je ne sais pas ce que Dieu veut de Charles et de vous en cette circonstance, mais je vais commencer par dire non.- J'espère qu'il sera reçu, car il a fait de si jolies choses en dessin. - Il est toujours bien pieux, bien sage et bien simple, en un mot, digne de vous, bonne mère.

Mes respects à M.Franchet. Je n'ai que le temps de me dire

Tout à vous.

Eymard.


Nr.1004

An den Architekten Perret

Nota: A la suite d'une lettre du P.Carrié, portant la date du 1 décembre 1861, mais le contenu de cette lettre indique qu'elle a été écrite le 1 janvier 1861 (d'après le R.P.Troussier).

Bon Monsieur Perret,

Vous nous manquez bien ici pour les bonnes fêtes! Je viens vous les souhaiter de loin dans l'espérance de vous embrasser en passant à Lyon, en revenant de Marseille où je vais passer une 15e de jours. Je pars jeudi ou vendredi prochain.

Si je pouvais avoir deux heures devant moi, j'irais vous embrasser, mais je crains bien que non.

Recevez donc de toute la maison les sentiments de l'amitié la plus tendre et la plus dévouée, et surtout de Votre affectueux Serv.

Eymard Sup.


Nr.1005

An P. Champion

Marseille, 19 Janvier 1861.

Bon Père,

Merci de votre lettre et des bonnes nouvelles qu'elle renfermait; serait-ce possible que Michel eût laissé le billet? Voyez encore dans le cahier. D'ailleurs, il ment en disant que c'est moi qui l'ai mis dans le tiroir; je le lui ai donné à lui-même. Je vous assure que je me sens bien soulagé de tout cela, car avec ses qualités il me faisait bien souffrir, etc.

Tout va bien ici, l'octave a été magnifique et suivie avec beaucoup d'empressements et de piété.

Notre-Seigneur s'est recruté un bon prêtre, Mr Daspres; il serait parti avec moi, s'il avait pu obtenir sa permission de suite, mais Mgr est très malade en ce moment; on craint beaucoup, c'est un dépôt au coeur qui a nécessité l'opération, et la plaie ne se ferme pas, on craint pour les poumons.

Je suis bien enrhumé depuis trois jours, impossible de me mettre encore en route; cependant, dès que la toux sera calmée, je me hâterai de vous arriver. Je pense m'arrêter un peu à Lyon.

Mes bien vives amitiés à tous.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD.

Le R. P. Champion,

Religieux du T. S. Sacrement,

rue fg. St Jacques 68, Paris.


Nr.1006

An Marg. Guillot

Marseille, 19 Janvier 1861.

Chère fille en Notre-Seigneur,

Je vous envoie la lettre de soeur Maria, lisez-la, tout le monde ici est d'un avis unanime qu'elle ne peut rester en cet état.

Je suis bien enrhumé depuis trois jours, c'est ce qui m'empêche de partir; mais j'espère arriver, comme je l'ai dit, avant le mois de février.

La retraite a été bien suivie et Notre-Seigneur m'a bien soutenu, car je n'ai pas été fatigué.

J'ai trouvé ici quelques bons sujets en préparation.

L'affaire de Mlle Gagnerie en restera là, je l'espère, je me suis prononcé absolument. J'ai vu Mlle Dalaca à Toulon ainsi que les deux soeurs, tout va bien. Mlle Vidal gagne dans sa vocation. Je l'ai trouvée très bien, mais ses affaires ne sont pas encore terminées. S'il fait trop froid, et si mon rhume n'est pas passé, je n'irai pas dire bonjour à ma soeur.

Si vous aviez à m'écrire, faites-le chez votre soeur à Lyon.

Je m'y arrêterai toujours en passant.

Adieu, bonne fille, ma bénédiction à toutes, et cela de tout mon coeur en Notre-Seigneur.

EYMARD.

Que soeur B. soit bien sage et prie bien pour mon voyage afin qu'il soit tout pour la gloire de Dieu.


Nr.1007

An Fräul. Danion

Paris, 26 Février 1861.

CHERE SOEUR EN N.-S.,

Le P. Champion vous a accusé réception de vos messes, mais il ne peut remplacer mon coeur pour votre oeuvre et mon désir de la servir. Je continue donc vos messes d'action de grâces, le mardi à six heures, comme aujourd'hui: c'est un souvenir s'alimentant au saint Autel, et s'élargissant sur vous et votre belle oeuvre. - Que Dieu la bénisse! Elle est bien selon son coeur, car il y a tant de mendiants et si peu de reconnaissants! Puis les hommes, les personnes pieuses et beaucoup de prêtres pensent si peu au Dieu de l'Eucharistie! Oh! quel déchirement de coeur! que de gens de métier! de dignités! de vanités! et si peu qui puisent dans les dons et les bienfaits de l'amour du Seigneur Jésus!

Je crois aux tempêtes qui sont à venir, je vois des flèches trempées dans le sang divin méprisé, oublié; je vois la coupe de la miséricordieuse justice se remplir. Hélas! tout le monde regarde l'Italie, Rome, les méchants! et personne ne pense à l'amende honorable personnelle d'abord. Allons! bonne soeur Anne du Très Saint Sacrement, il faut vous centupler et vous charger de la réparation de mille mauvais ministres.

Remerciez bien pour moi ce bon Mr Levoyer; ses messes nous rendent bien service, ou plutôt font honneur au Grand Roi. Quand il en aura de reste, qu'il veuille bien me les réserver; nous n'en recevons pas de Paris, n'étant connus que de la misère et des pauvres.

Oui, je prie pour votre soeur, je bénis cette mort du juste: heureux celui qui meurt dans l'amour du Seigneur; cela fait tant de bien, de savoir le vol des Elus!

Adieu, bonne soeur, parlez-moi plus souvent et surtout aux pieds du bon maître.

Tout vôtre.

EYMARD, S.


Nr.1008

An Frau v. Grandville

Paris, 12 Février 1861.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Me voici à Paris depuis le 2 février. Je n'ai aucun projet de voyage; si je devais m'absenter après Pâques, je vous l'écrirais. Assurément je serais trop heureux de faire un peu de bien à votre chère âme si aimée du Bon Dieu.

J'attends toujours la grâce de Rome; je l'espère par Mgr Fiaramonti, à qui j'ai écrit de Marseille, la première personne m'ayant fait défaut.

Je vous renvoie votre précieuse supplique. - Vous êtes donc toujours souffrante, bonne dame! C'est votre retraite avec Jésus au jardin des Olives, la purification de l'âme.

Sachez bien trouver Jésus sur la croix et encore mieux rester avec lui à ses pieds; on est très bien là où l'amour divin nous met, mais il faut y être comme Dieu le veut.

Allez bien à Notre-Seigneur par le coeur et par l'abandon; c'est la voie royale de l'Eucharistie, plus courte, plus douce, plus noble que toutes les autres.

Adieu, bonne soeur et fille en N.-S. Que Jésus vous bénisse.

Mes respectueux et bien dévoués souvenirs à votre bonne soeur.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, Sup.


Nr.1009

(Paris) Mercredi 14 février 1861

Madame Chanuet mère.

Bonne Mère,

Je viens vous dire un petit bonjour du coeur, et vous remercier de votre bon accueil, et de votre Providence. Je n'ai reçu qu'ici votre bonne lettre d'invitation, mais je sais et saurai que j'ai à Lyon une et la première famille; f. Michel va bien, il se prépare au sous-diaconat pour le 23 févr., priez pour lui. Quand il dort ou ne prie pas assez, son Ange le réveille en lui disant: Michel! Michel! Tout va à l'ordinaire.

Je n'ai que le temps de me dire, Bonne Mère, Tout vôtre.

Eymard


Nr.1010

An P. de Cuers

Jeudi matin, 15 Février 1861.

Bien cher Père,

Un bonjour de coeur.

J'attends toujours de Nantes le dimissoire, et cependant j'ai écrit de suite, la vérité se fait justice (de miséricorde). La grippe est à Paris, un peu chez nous, le frère Eugène l'a depuis huit jours, moi un peu, je suis paresseux à écrire surtout!

Le reste marche!

L'ordination des trois minorés au Sous-Diaconat, le 23 février: priez. - Merci de la caisse; je vous écrirai ces jours-ci longuement.

Amitiés de tous, surtout de votre tout vôtre

EYMARD.

le R. P. de Cuers,

Supérieur des religieux du T. S. Sacrement,

7 rue Nau.

Marseille.


Nr.1011

An P. de Cuers

Paris, 19 Février 1861.

Bien cher Père,

C'est la seconde lettre que je vous envoie, la première ne vous est pas arrivée, faute de mon envoi. Depuis mon arrivée ici, que de choses!

frère Eugène malade, - il a repris hier le train ordinaire; je redoutais une fluxion de poitrine, mais heureusement ce n'était que l'apparence.

Notre second cuisinier a failli s'en aller, par suite de tentations contre sa vocation, aujourd'hui le voilà à son affaire; c'est qu'il n'osait pas être franc, ou mieux avait craint d'être renvoyé, s'il l'était trop.

Le prêtre de Rennes qui s'était offert, vient d'être refusé, c'est un coureur de communautés et scrupuleux au suprême degré.

Arras est revenu à la charge, nous offrant une fondation pour le 19 Mars prochain avec le nom d'oeuvre d'Expiation, je viens de leur dire que nous ne pouvons accepter à ces deux conditions.

Nos petites dettes courantes se paient. A Lyon, une bonne personne m'a remis en dépôt 500 fr. et sans intérêt; cela a été une providence qui jointe à une aumône faite par une de mes pénitentes a payé les deux mois dus. Le frère Chanuet m'a donné pour celui-ci, mais les impositions nous talonnent! Vive la divine Providence!

On nous a offert la Patronage des Ramoneurs, maison et terrain, rue des Fourneaux, avec école de deux frères, nous avons remercié comme de juste.

Un ami est venu nous parler d'un terrain à bon marché 29 fr. le mètre (le plus bas prix possible est introuvable); il y a à 7000 m., il est placé rue N. D. des Champs; c'est ce grand jardin profond, presque au commencement de la rue.

Il y aurait pour les deux branches, l'église au milieu avec toutes les conditions. Cet ami est ingénieur en chef de la ville, il nous serait très utile pour nous faire vendre à la ville à l'amiable ou par le jury; mais d'avance, il me propose d'en faire l'offre au préfet. Mr Deschamps, qu'il a vu, lui a dit d'en faire faire l'estimation, et de proposer un prix à la préfecture, on lui a dit que le boulevard était certain et que le préfet y tenait. Il me semble que c'est la Providence qui nous vient au-devant. On nous a offert ce terrain; cet ami s'offre à faire le remblais, à diriger notre affaire à la Préfecture, il craint qu'un trop long retard nous fasse manquer ce terrain; qu'en pensez-vous? Je vais en faire faire l'estimation, préparer ma lettre au préfet; nous ne risquons rien, dit-on; si l'offre n'est pas assez forte, nous la refuserons; on m'a dit qu'on nous donnerait le temps de bâtir: voilà une grosse affaire et qui me fait suer d'avance.

Mgr L'Evêque de Nantes vient de m'écrire en me disant qu'il ne donnera le dimissoire au frère Martin qu'à deux conditions: que ses voeux seront perpétuels; qu'il lui fasse un engagement par écrit, par lequel il s'engage à ne jamais demander à exercer le ministère dans le diocèse de Nantes. Sa Grandeur écrit qu'aussitôt cet acte reçu, Elle enverra le dimissoire. Veuillez le dire au frère Martin, mais comme la chose est trop pressée et que les pièces ne seraient pas arrivées pour l'ordination de samedi prochain, son ordination sera renvoyée au Samedi de la Passion. Il s'y préparera bien.

La coutume de l'Eglise universelle, dit le P. Champion, permet depuis au moins deux siècles de manger des oeufs et du laitage les jours de jeûne et le Carême, ainsi que le fromage: ainsi vous êtes en arrière de deux siècles et demi! Par conséquent pas d'aumône.

Je n'ai que le temps de vous embrasser. Pardonnez au frère Martin, tout en lui montrant sa faute; Dieu lui a imposé sa pénitence.

Tout et toujours.

EYMARD.


Nr.1012

An P. de Cuers

Paris, 28 Février 1861.

Bien cher Père,

Je m'y prends de bon matin pour répondre à votre chère lettre du 21 Février.

Pour le terrain de N. D. des Champs: rien de fait, on est en pourparler; tout le monde dit que 29 fr. le mètre, c'est bon marché; on a visité les catacombes, elles sont dans de bonnes conditions pour bâtir; le remblais ne les exposera pas, et ce remblais dédommagera à peu près, m'a dit l'architecte, du surcroît de dépense pour les fondations, d'ailleurs il ne serait pas nécessaire de remblayer le jardin du côté d'ouest, c'est-à-dire, de 2 à 3 mille mètres. Voici sa forme: de 80 à 83 mètres de façade sur la rue. En mettant la chapelle au milieu, gardant le jardin, nous pourrions ou vendre ou bâtir ce qui serait sur la rue N. D. des Champs, ce qui serait, dit-on, une bonne affaire, et nous assurer des rentes, ou payer la plus grande partie du terrain acquis.

Quant à l'acquisition, nous avons des concurrents, mais on a demandé le temps d'examiner d'abord et de savoir si la ville voudrait acquérir maintenant notre terrain (ce que j'ai demandé), et à quel prix; on me dit le moment favorable; puis l'ingénieur en chef de la ville, qui est cet ami pieux qui désire tant nous avoir près de lui, connaît beaucoup tous ces MM. et est à la préfecture.

Je ne puis donc rien vous dire autre chose, sinon que nous prions beaucoup, que nous examinons, et ferons toutes les recherches possibles pour voir le pour et le contre.

Ce qui fait que ce terrain n'est qu'à 29 fr., c'est que cette rue n'est pas encore transformée, que le propriétaire veut vendre tout à la fois, et que, n'ayant pas de débouché sur la rue de l'Ouest, il y a trop de terrain pour un propriétaire; mais nous aurons le moyen, nous, d'avoir un passage, et qui ne sera pas dispendieux. Seulement, m'a dit l'ingénieur, il faut laisser venir à nous les voisins qui ne demanderont pas mieux [que] de s'ouvrir ce passage.

L'affaire de Nantes n'a pas cette couleur sombre ni déshonorante pour nous. Il a toujours été convenu avec Mgr que les voeux seraient la condition du dimissoire, parce que Sa Grandeur ne croyait pas que Mr Martin pût faire en paroisse: sa voix désagréable, son extérieur, puis n'ayant pas réussi dans l'enseignement, y ayant même eu du désagrément.....

Mr Richard, grand vicaire, ajouta devant Mgr que Mr Martin était innocent, qu'il était sûr qu'il ne méritait pas les soupçons qu'on avait eus d'abord, que sa conduite lui paraissait bonne; sur cela nous l'avons essayé, reçu. Mgr ne me parla pas de cet écrit; on me dit qu'il n'aime pas voir revenir les religieux, qu'il y en a eu déjà d'autres et qu'il est très sévère sur ce point, parce que cela fait mauvais effet dans son diocèse si pieux.

Pour la question des oeufs et du laitage, vous pouvez en faire usage sans autre dispense. Rome vous le dit, puisque cette loi est tombée en désuétude à Rome même, et que là il n'y a rien à donner, ni aucune dispense: cela est devenu l'usage universel. Ainsi vous pourrez user de la coutume générale: un Evêque ne peut pas, dit le P. Champion, me priver d'un bien général accord, par l'Eglise. - Mais il y a dispense à Marseille et une aumône? - On répond que, dans les commandements de l'Eglise, il y avait la dîme, il y a quelque temps, et encore aujourd'hui: Vigile, jeûneras etc.

Bref, vous pouvez user de la coutume générale, donner en aumône au diocèse 50 centimes; et restez avec la gloire du sine privilegio.

Notre ordination a été belle. Maintenant, informez-vous s'il y a une ordination à Marseille pour le Samedi de la Passion, le 16 Février. Mr l'abbé Nègre sera ordonné à Toulon ce jour-là, on pourrait l'y envoyer, et alors je ferai faire le dimissoire au nom de l'Evêque de Fréjus.

Je n'ai que le temps de vous embrasser bien affectueusement en N. S.

EYMARD, S. S.


Nr.1013

An Fräul. v. Revel

Paris 10 mars 1861

Mademoiselle & chère Soeur,

Je vous envois /sic/ le résultat des démarches faites sur Thevenet; Mr Faure mon ami qui les a faites est un homme des plus consciencieux,- & bien posé, ayant fait partie du bureau de bienfaisance -

Rien de nouveau, sinon les nuages noirs & les anxiétés de tout ce qui est honnête.

Les méchants triomphent, ils ont pour eux la force, l'argent, & l'audace il faut bien se tenir aux pieds de Notre Seigneur - Je n'ai que le temps de me dire, bonne demoiselle, comme toujours

Tout vôtre

Eymard


Nr.1014

An P. de Cuers

Paris, 11 Mars 1861.

Cher et bon Père,

J'ai reçu votre bonne lettre et son envoi: tout sera fidèlement rempli.

Vraiment! le diable du vol nous en veut! Il faudra, je pense, que la fille imite la mère, il n'y a rien à gagner avec les voleurs: vous avez bien fait d'en finir; mais il faudra aller à Aix! Oh! maintenant nous devons y être habitués!

J'attends ma citation devant le juge de paix, mais je l'ai écrit à Michel, il pourra bien le payer cher, car il faudra bien qu'il rende compte de ce billet de 500 fr. A la grâce de Dieu!

Le statu quo de notre maison à exproprier peut-être dans deux, quatre, six ans, si la ville ne vient pas à notre désir, m'attriste quelquefois, car notre chapelle ne peut pas rester ainsi: attendons le moment de Dieu.

Est-ce une porte pour Lyon? Je le crois, je reçois à l'instant cette lettre de ce saint prêtre que je connais, cela me sourit, j'aime cette oeuvre des premières Communions, c'est l'Oeuvre royale des noces Eucharistiques, à Lyon elle serait belle! Il faut une oeuvre avec l'adoration et qui soit avec l'adoration.

Que pensez-vous de cette lettre? Je n'ai encore rien dit à personne.

Notre cuisinier nouveau nous a quittés, parce qu'il ne savait que dire à l'adoration, et qu'il ne pouvait se lever comme la Communauté. Quand il m'a dit cela, je lui ai dit qu'il n'était pas à sa place, et que nous ne gardions pas des étrangers.

C'est le frère Charles qui fait la cuisine, et moi aussi: on a trouvé mes plats fort bons; j'avais oublié le sel dans la soupe.

Nous avons un aspirant qui est bon adorateur.

Merci au bon Père Leroyer. Je mettrai la Semaine eucharistique dans le manuel, il s'avance: je travaille comme un bourreau.

J'aurais intention de donner pour insigne et signe de l'Agrégation un petit cordon blanc, qu'en pensez-vous? et qu'en pense le Père Leroyer? le cordon est symbolique, est dans l'esprit de l'Eglise.

Vous ne me dites rien du dimissoire; est-ce que Monseigneur l'Evêque serait encore à l'envoyer? Qu'on m'écrive de suite: si la chose est en retard, nous avons encore le temps.

De tout mon coeur, bon Père,

Tout vôtre.

EYMARD.

P. S. On est revenu à la charge à Arras avec les mêmes conditions du 1er Mai, et j'ai répondu: Sint ut sunt, aut non sint, point de concession!


Nr.1015

An P. de Cuers

Paris, 14 Mars 1861.

Bien cher Père,

Merci de votre frère Paul, notre cuisine marche bien, le frère Charles fait très-bien, je ne suis plus cuisinier, le second frère paraît bien aller, et on pourra aussi en faire un cuisinier au besoin.

Je vais obliger les frères qui sont ici à apprendre un peu de cuisine, afin d'être utiles au besoin.

Le cordon blanc, dont je vous ai parlé, serait l'insigne de l'Agrégation, sans être obligé toutefois de le porter sous peine de n'en plus faire partie. Ce cordon blanc sourit.

J'écris à Lyon, et je vais voir ce qui en résultera; je prie avant tout Mr Chevrier de voir le Cardinal et de lui parler de son projet, et au besoin de lui montrer ma lettre.

Si Dieu nous veut là, l'Autorité nous dira: Venez; c'est le signe premier.

Je vous écrirai bientôt au sujet du frère Martin.

Je n'ai que le temps de vous embrasser in Co.

EYMARD.


Nr.1016

Au frère MARIE RATONS

Paris 20 mars 1861

Bien cher enfant,

Je vois avec plaisir que votre désir d'être au S. Sacrement est persévérant et ardent, que vous appréciez bien cette grâce, ayez encore un peu de patience, votre moment viendra.

Soyez toujours bien pur, car pour servir le Roi des Rois, N.S. J.C., il faudrait être des Anges - évitez bien le péché, et surtout ce qui peut offenser la sainte modestie. Soyez toujours bien pieux envers N.S. au T.S. Sacrement et envers sa divine Mère; si vous voulez hâter votre entrée, adressez-vous au bon et glorieux S. Joseph - c'est le protecteur tout puissant - c'est le premier comme le plus parfait adorateur de Jésus.

Ayez confiance, mon cher enfant, ce que Dieu a commencé reviendra (1), le démon jaloux de votre bonheur et de votre vocation et à vous en rendre encore plus digne. - Ecrivez-moi de temps en temps, c'est avec plaisir que je reçois toujours de vos nouvelles et que je lis vos lettres.

Mes amitiés à vos bons et pieux parents. Vous êtes bien heureux, cher enfant, d'avoir de si bons parents - écoutez-les bien et leur obéissez comme Jésus obéissait à Marie et à Joseph.

Je vous bénis de tout coeur.

Eymard Sup.


Nr.1017

An Fräul. v. Fégely

Rue Faubourg-Saint-Jacques, 68, Paris, 20 Mars 1861.

Madame la Comtesse,

Comme je suis en retard avec vous! Je suis resté longtemps à Marseille, et votre lettre est restée ici. J'ai été fatigué aussi par la grippe; mais tout cela n'est rien comparé à vos peines et angoisses, bonne et excellente dame! Hélas! hélas! comme la croix vous accompagne! et cependant vous êtes toute à Dieu et à son bon service.

Il paraît donc que notre bon Seigneur et Maître, cherchant quelque âme grande et forte pour l'aider à sauver de nouveau notre pauvre société, s'est un peu arrêté chez vous avec sa croix; cela cependant m'a bien ému pour vous, et nous prions bien afin que cette grosse croix fleurisse et vous soit, avec tant d'autres, une ample bénédiction spirituelle et temporelle.

Vous me manquez bien à Paris; votre bonté m'avait habitué à vous voir en toute simplicité. Pourquoi Fribourg est-il si loin? Je vous aurais fait une visite de coeur et aussi de dévouement.

J'espère bien que votre excellente fille, Mlle Aloysia, est bien remise; que le pays, sa jolie maison, sa belle campagne ont ramené la joie native. Veuillez bien lui dire un mot de moi, ainsi qu'à votre bonne demoiselle Marie, que je présente aussi tous les jours avec vous toutes à Jésus, hostie d'amour et de grâce.

Bonne mère, quand vous aurez un petit moment, écrivez-moi un petit mot; ce sera une grande charité.

Daignez me croire toujours en N.-S., bonne et excellente dame,

Tout à vous.

EYMARD, Sup.


Nr.1018

An Fräul. Danion

Paris, 20 Mars 1861

BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,

Dans le doute si j'ai répondu à votre dernière lettre du 9 mars qui m'envoyait des messes, je viens prendre le parti le plus sûr et le plus convenable.

Vos 77 messes se disent et se continuent; c'est le P.Champion qui les dit, puis un autre.

Vos messes d'action de grâces je me les réserve, trop heureux de prier pour une oeuvre qui nous est commune en l'amour de notre bon Maître, puis vos 3 messes particulières.

Remerciez encore pour moi le bon et aimable Mr Levoyer; comme je lui suis reconnaissant de sa charité envers nous! Oui, oui, nous recevons avec la même reconnaissance les honoraires à 1 fr. Eh bien! bonne soeur, il y a de quoi bien remplir nos fins eucharistiques, surtout la réparation!

Oh! vous avez bien raison, le mal vient de plus haut, il vient du sanctuaire surtout; et, comme nous dormions, l'homme du mal a semé la zizanie, allumé le feu des passions, et maintenant c'est un incendie qui ne sera éteint que par les eaux d'un déluge de grâces et sous la cendre et le cilice. Oh! que l'enfer est riche! que le démon des ténèbres est puissant! On dirait le commencement du triomphe de l'Antéchrist. Ce qu'il y a d'affreux et de lamentable, c'est le peu de courage public des catholiques qui suivent le torrent des erreurs et de l'impiété, ou du moins se taisent et crient: A la paix! à la paix!

La paix est dans la justice et la vérité, ils n'en veulent pas.

Je partage bien votre désir, chère soeur, mais vous êtes si loin! Et puis le devoir est local; je suis convaincu que, si Dieu le veut, la difficulté n'en sera pas une.

Quand votre oeuvre sera assez nombreuse, vous m'inviterez à aller vous donner une retraite eucharistique; et si je puis, ce sera le signe de la volonté de Dieu. Priez bien pour nous, bonne soeur, car nous sommes dans de grandes occupations.

Je vous laisse aux pieds de mon divin Roi en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD, Sup.


Nr.1019

An Frau v. Grandville

Paris, 20 Mars 1861.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

J'ai reçu lundi la réponse de Rome; elle est négative. Mgr Fiaramonti a fait tout ce qu'il a pu pour l'obtenir, il n'y a pas eu moyen. - Est-ce que votre évêque ne pourrait pas vous donner ce que je vois accord, par tant d'autres? Je regrette bien de ne l'avoir pu moi-même.

Il faut, pour ne pas l'oublier, vous dire tout d'abord que je ne sais pas du tout quand je donnerai une retraite à ces dames; je vous le dirai quand ce sera. - Pour la retraite écrite, je vous la promets bien; mais j'ai besoin de la corriger, et le temps m'a manqué. Je vais m'y mettre de suite après Pâques.

J'en viens à vous, bonne fille. Si j'étais à Nantes, ou si vous étiez ici, je vous gronderais beaucoup et tous les jours. Vous n'êtes pas sage de penser à vouloir laisser la Communion quotidienne; il ne manquerait plus que cela! Et où serait alors votre aliment? votre centre? votre grâce? votre vertu même? Allons, très mauvaise pensée! c'est la fièvre qui vous revient, le trouble qui vous gagne, et votre bon confesseur devrait vous chasser du confessionnal et ne vous y recevoir que tous les huit jours.

Absolument, bonne fille, il faut corriger cette crainte servile de votre conscience; cela doit tenir aussi à une cause physique, puis aussi à ce que vous avez laissé entrer ce brouillard de vos anciennes inquiétudes.

Croyez-moi, n'examinez jamais si vous devez communier ou non dans l'intervalle de votre confession ordinaire, mais regardez la sainte Communion comme une invitation de miséricorde de notre bon Maître, et qu'il ne faut pas laisser votre place vide à la table de Jésus.

Quels que soient vos péchés dans l'intervalle, allez en avant; vous les ramasserez tous, le jour de votre confession, comme on ramasse la poussière d'un appartement quand on le nettoie.

Laissez donc là tous ces pauvres jeûnes! Vous ne devez ni ne pouvez jeûner; ou mieux, on vous dit: Ne jeûnez pas, et tout est dit.

Oui, oui, je vous voudrais sous une obéissance plus parfaite et plus entière: vous y seriez très heureuse; mais il faut que Notre-Seigneur vous fasse un couvent particulier et de sa belle main. En attendant, soyez bien la fille de l'obéissance aux grâces qui passent, au devoir du moment, aux exigences de votre état maladif ou souffrant. Tout cela est très bon; mais le coeur! le coeur! reste libre, doit battre toujours pour son bon Maître. Occupez-vous un peu plus de Jésus votre Roi et Dieu, - et pas tant de votre toilette spirituelle, - et il sera plus content et moi aussi.

Allons, bonne fille! ,écrivez-moi bientôt que vous faites comme je le désire. Je vous bénis de tout mon coeur en N.-S. en qui je suis

Tout à vous.

EYMARD, S.


Nr.1020

An P. de Cuers

Paris, 23 Mars 1861.

Bon et cher Père,

Je vous envoie ma lettre au frère Martin, lisez-la, et la lui donnez cachetée, si la sienne vous a été donnée cachetée; ou bien faites comme vous le trouverez mieux. S'il venait à la prendre mal, écrivez-le moi, car alors je prendrai un autre moyen; elle est un peu forte, peut-être, mais il faut profiter du moment.

J'aime bien la lettre de ce séminariste, et il me semble qu'il y a lieu à quelque espérance de vocation.

Voici le compte de votre cire, 1108 fr.; on vous enverra à la prochaine fois les autres comptes.

Le frère Henri est le plus heureux des hommes, il est et fera un bon religieux.

Le frère Chanuet est sous les drapeaux de Notre-Seigneur, il est tout à son Bon Maître, il s'est tout donné, il sera le saint du jour.

Nous attendons un prêtre novice au mois d'avril, vers le 15, celui dont je vous ai lu la lettre; j'ai refusé un prêtre scrupuleux à devenir pénible et inutile.

Michel ne fait rien, ne dit rien, il restera tranquille à la vue de ma menace d'aller plus loin.

Rien de Lyon. Il faut toujours entrer par la porte de l'Autorité: c'est la voie royale de l'Eucharistie et le in hoc signo vinces.

La ville acceptera avant le temps l'expropriation; on prépare les pièces, l'estimation; nous attendons. Le Bon Maître m'a envoyé Adolphe (l'ancien serviteur); je l'ai pris à la journée pour apprendre à faire la cuisine à nos deux frères; il est content et nous aussi; il vous aime beaucoup. Enfin il demande à être religieux; je vais l'éprouver. Il m'a cent fois demandé à aller vers vous.

Adieu, bon et cher Père, mille amitiés pascales à tous, Pères et frères.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD S. S.


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