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Nr.0981

An Frau Tholin

Paris, 12 Septembre 1860.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je suis bien en retard avec vous; c'est le péché des pauvres gens.

J'ai reçu indirectement des nouvelles de vous et de votre famille. Je vous félicite des succès de vos chers enfants, mais surtout de leur sagesse et de leurs désirs de bien aimer le Bon Dieu. Qu'ils continuent, ces chers enfants, et la sagesse divine les bénira. Qu'ils se gardent toujours purs et bien purs, car Dieu est lumière et nous devons être des enfants de lumière; Dieu est amour et nous devons l'aimer en sa divine charité.

Vous allez donc bientôt à Hyères, bonne soeur! Vous ferez bien, et surtout d'y être tout à Dieu et à votre santé. Mr Laure sera bon pour vous, vous lui obéirez bien.

Voyez la bonne et chère Madame Laure, ma vieille fille; j'ai dit, et le redis, qu'elle sera un jour une grande sainte. Elle souffre de sa conscience: c'est sa croix; mais il faut l'aider à la porter.

Vous trouverez à Hyères un excellent curé, Mr Liotard; rappelez-moi à son souvenir.

Tout à vous.

EYMARD, Sup.

P.-S. Mr Adolphe et Mr Paul vont bien. J'ai remis à Mr Adolphe un joli livre pour vous. - Je l'ai mis en sainte liberté.

Mes respectueux souvenirs à sa bonne mère. Je fais imprimer l'Office du Très Saint Sacrement. Veuillez vous informer si, à Tarare, aux deux paroisses, et à Amplepuis, on en désirerait. Il coûtera peu.

EYMARD, Sup.


Nr.0982

An Fräul. Prouvier

Paris, 13 Septembre 1860.

Chère soeur en N.-S.,

Je lis vos lettres avec plaisir; on y voit le combat de la nature et de la grâce; puis cette pauvre âme toujours un peu dans les toiles d'araignées. Oh! si vous pouviez consulter un peu plus le Saint-Esprit en vous-même, et avoir un peu plus de confiance et de dépendance intérieure à la divine grâce, vous auriez un bon et sage directeur!

Je crois que vous avez besoin de plus de liberté; mais vous ne savez pas bien en user, ni la garder, ni la concilier avec l'obéissance. Priez donc bien Notre-Seigneur pour cela. Vos raisons pour le Tiers-Ordre de Marie comme préparation me font grande impression. D'abord, j'aurais été un peu contre, aujourd'hui je suis pour, et vous engage à le faire, si vous vous sentez toujours portée à cela.

Les Pères Maristes sont d'excellents religieux, ils ont bon esprit et sont les enfants bien-aimés de la Très Sainte Vierge. Vous ne pouvez donc mieux choisir. Soyez mère, bonne, gracieuse, dévouée. Quand la douleur de mère viendra, restez au pied de la croix, avec la Mère des mères.

Soyez comme elle debout, forte, pure dans la souffrance.

Priez bien pour moi; je le fais avec joie pour vous et pour toutes vos filles.

Adieu en N.-S.

Tout à vous.

EYMARD, S.


Nr.0983

An Marianne Eymard

Paris, 13 Septembre 1860.

BIEN CHERES SOEURS,

Je comprends le désir de votre bonne amitié de me voir à La Mure; la mienne pour vous le désirerait bien aussi, mais il faut savoir sacrifier le devoir au plaisir, et en ce moment la chose est impossible à cause de notre exposition que je ne puis quitter. La chose ne peut être possible qu'en hiver ou au printemps où j'espère aller à Marseille; mais comme ce n'est pas pour voir le pays que j'irai à La Mure, mais pour vous, l'époque ne m'arrêtera pas.

Vous avez de petites difficultés de maison et d'affaires, Dieu vous viendra en aide: ce sont de petites croix de la vie, tout le monde a bien quelques misères.

L'essentiel, bonnes soeurs, est que notre bon Maître soit bien servi et bien content de nous; nous avons peu de temps à vivre sur cette pauvre terre, il faut bien en profiter pour aimer le Bon Dieu et bien servir le Très Saint Sacrement.

Soyez heureuses de pouvoir faire un peu de bien sur vos filles et autour de vous, c'est le bonheur de la vie chrétienne.

Pour moi, je vais bien; notre sainte et belle Oeuvre fait toujours notre consolation et notre bonheur au milieu des petites épreuves de sujets que l'on a de temps en temps, mais cela est bon pour augmenter sa confiance en Dieu.

Ces Demoiselles vont bien aussi et font leur bonheur de servir Notre-Seigneur.

Allons, bonnes soeurs, du courage et du zèle. Réjouissez-vous toujours en la grâce de Notre-Seigneur et bon Père.

Tout vôtre en N.-S.

Votre frère

EYMARD, Sup.


Nr.0984

An P. de Cuers

Paris, 13 Septembre 1860.

Bien cher Père,

Je viens vous accuser réception de votre bonne lettre et de son contenu. Votre lettre m'a bien consolé, vous avez vu l'épreuve ainsi que nous, c'est-à-dire, comme une grâce: peu et bon; tant que nous suffisons au service du Bon Maître, tout va bien.

Ici, nous faisons plus que vous à Marseille avec l'adoration nocturne cinq fois par semaine, et personne n'a même la pensée de penser que l'on fait beaucoup; l'amour ne dit jamais: c'est assez; dans le monde, on travaille plus que nous. Aussi, ceux qui se plaindront, seront mal notés, et s'ils continuent à se plaindre, il faut les renvoyer comme des serviteurs paresseux et dangereux.

J'approuve bien le plan d'envoyer le P. Leroyer ici, si votre jeune homme arrive. Notre retraitant va bien avec bonne volonté, il paraît estimer et aimer notre vie; mais il ne faut pas se presser de juger, quand on a été si souvent pris: cependant il est humble, cela me donne espérance.

Jésus, Empereur des Empereurs, est trop pauvre, trop mortifié, trop pur pour le monde, et même pour les dévots; ah! qu'il y a donc peu d'âmes qui aiment Jésus pour lui-même et qui veulent le servir pour sa gloire! C'est effrayant, aussi faut-il viser à la jeunesse.

Adieu, bon Père, mes amitiés à tous, et de tous à tous.

Tout vôtre en N.-S.

EYMARD,

S. S.

P. S. - Oui, qu'elle soit bénie cette paternelle Providence, qui nous nourrit chaque jour avec tant de bonté; c'est une preuve qu'elle nous aime et agrée nos services, quoique bien imparfaits, aux pieds de Jésus notre amour.

J'en suis si souvent au dernier centime, que je me demande comment Dieu va faire, et de quels côtés viendra le secours, car vous savez nos ressources, et nos dépenses sont

grandes, et les faux frais surtout, impositions ,normes, intérêts, etc. Eh bien! tout arrive en son temps.

Je n'ose souvent m'acheter quelque chose la crainte de grever la dette du Bon Dieu, puis cela arrive à son heure, je dirai que c'est comme un miracle continuel, c'est la manne du désert, mais qui tombe chaque jour.


Nr.0985

An den Architekten Perret

Paris 19 septembre 1860

Cher ami et frère bien-aimé en N.S.

Nous avons pleuré avec vous ce bon et pieux frère, qui vous a été enlevé, nous prions bien pour lui, car il faut être si pur de toute poussière du monde pour entrer dans le Ciel.

Nous dirons volontiers les messes que vous désirez être dites le plus tôt possible - l'ayant connu et aimé, ce cher frère, ce sera une double raison de prier pour lui plus ardemment.

Votre neveu a eu la complaisance de venir nous donner de vos nouvelles. Oui, cher et bon Monsieur Perret, regardez-nous comme vôtres et votre famille à tout jamais en N.S.

Tout vôtre

Eymard S.

P.S. Tous les Pères et frères veulent que je vous dise combien ils ont pris part à votre perte et vous aiment, surtout f. Chanuet.


Nr.0986

An Elisab. Mayet

Paris 4 octobre 1860

Bonne Demoiselle Elisabeth,

Votre pieux et aimable souvenir est dans ma chambre. J'ai voulu en jouir à l'aise, il me recueille et me fait penser avec plaisir à ce bon Maître que vous avez si bien tracé. Merci de tout mon coeur de votre don - il m'est bien doux et me rappelle aussi de si bons souvenirs! Je ne l'ai pas oublié, ce portrait, depuis sa 1 ère vue, il me semble encore le voir dans cet aimable salon de famille, où l'on était si bien et si bien reçu.

Je regrette bien de n'avoir pas vu ce bon Claudius qui me l'a apporté, je l'aurais remercié deux fois. Ce Paris est si grand. C'est votre bon Tonny qui me l'a apporté de Lyon, remerciez-le bien pour moi. Je comprends qu'il n'ait pu venir jusqu'ici, avec toutes ses affaires, puis c'est si loin. Je l'en aime tout autant.

Votre silence me dit que vous n'avez pas vu votre cher frère Abbé. J'espérais en avoir un petit bout ici à son passage.

Nous en avons bien souvent parlé avec Mgneur de Charbonnel, capucin et devenu notre voisin. Ce bon évêque est venu dîner avec nous à l'Assomption, après une confirmation et il est encore plus aimable que sous sa belle soutane violette.

Ces Dames que vous connaissez vont bien, elles aiment bien le bon Dieu - et surtout imitent bien la vie simple et cachée de la T.S.Vierge et de Notre-Seigneur. C'est ce qui me donne bonne espérance.

Nous allons bien, nous, tantôt par la croix, tantôt par la joie, mais qu'importe! pourvu que le bon Maître soit content!

Et vous, bonne fille, aimez bien le bon Dieu et soyez le centre de la famille Mayet, c'est le droit et le privilège des vieilles soeurs. C'est la meilleure part.

Adieu. Croyez-moi toujours, comme il y a 20 ans,

Tout à vous.

Eymard Sup.


Nr.0987

An Frau Tholin

Paris, 4 Octobre 1860.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je vous enverrai plus tard les offices du Très Saint Sacrement, parce qu'ils ne sont pas prêts. Je désire faire un manuel pour les agrégés et les adorateurs, qui, j'espère, remplira votre but et vos désirs; ainsi veuillez attendre.

Nous aurions besoin de couvrir nos murs d'une tenture blanche; il nous faudrait une centaine de mètres de mousseline brochée avec de gros dessins, mais pas cher, parce que ce n'est que pour un peu de temps; pourriez-vous nous en envoyer quelques échantillons, ainsi que le prix? Nous verrions si nous pourrions faire cette dépense. Nous avions bien une belle tenture en damas blanc, mais comme elle est déjà noircie et ne pouvant la changer maintenant, nous pensons la couvrir avec cette mousseline.

J'ai vu votre dernier frère qui est venu me demander une petite lettre. Il m'a bien plu et il me paraît avoir beaucoup de caractère; il m'est bien cher puisqu'il est votre frère.

Vous allez, bonne dame, recaser vos deux petits enfants; que le Bon Dieu les bénisse bien et qu'ils soient toujours bien purs, afin d'être bien agréables à Jésus et à Marie: c'est la vertu des Anges et de tous ceux qui aiment souverainement Dieu.

Et vous, bonne dame, vous irez à Hyères; je désire bien que votre santé s'y rétablisse parfaitement. Mr Laure vous sera tout dévoué.

Adieu, bonne dame et soeur, je vous bénis en Notre-Seigneur et suis

Tout à vous.

EYMARD, Sup.


Nr.0988

An Frau v. Grandville

Paris, 4 Octobre 1860.

MADAME ET CHERE FILLE EN N.-S.,

Vous avez bien raison de vous plaindre de moi; et si ce n'était vous, je n'aurais pas encore le courage d'écrire. Hélas! pauvre Italie! malheureux Italiens! c'est le triomphe du mal.

J'aurais bien désir, vous dire un petit bonjour, mais mon temps s'est écoulé presque tout en voiture. Vous savez combien votre âme m'est chère en Notre-Seigneur.

Soyez en effet exacte aux exercices du matin. Pour ceux du soir, ce sera à la liberté des devoirs. Vous n'êtes pas obligée de tout quitter pour cela; non, non.

Vous ferez bien de vous cacher le jour de votre retraite du mois.

Je ne puis encore vous envoyer cette retraite du mois, ainsi que mes notes; je n'ai pas eu le temps.

Laissez-moi vous dire ce que l'on m'écrivait le 19 septembre de la personne dont je vous ai parlé; je copie: - "La sainte Vierge a dit: "A pareil jour je suis descendue sur la montagne pour annoncer de grands malheurs; ils vont arrivés, si le peuple ne se convertit pas. Je ne puis plus retenir le bras de mon Fils. Ah! mes pauvres enfants! si vous saviez tout ce qui se commet!" Et en disant cela elle a regard, le Saint Sacrement; de grosses larmes tombaient de ses yeux; elle a fait une bonne pause, puis elle a dit: " Vous faites ce que font les Anges dans le Ciel; tout le Ciel envie votre bonheur; profitez-en bien. Prie surtout, ma fille, pour les mauvais prêtres; il y en a tant qui n'aiment pas ton petit Jésus!" Sr a dit: "Mais, ma Mère, il y en a bien de bons!" Elle m'a répondu:" Ah! mon enfant! il y en a beaucoup qui passent pour bons, qui se couvrent du bien et qui font le mal! Ah! pauvre France! Italie! Espagne! Prie beaucoup que le fléau n'arrive pas jusqu'à l'oeuvre."

Voilà, bonne soeur, ma lettre.

Adieu, la poste part.

Tout vôtre.

EYMARD, Sup.

Madame de Grandville,

8, rue S.-Laurent,

Nantes (Loire-Inférieure).


Nr.0989

An Fräul. Danion

Paris, 5 Octobre 1860.

CHERE SOEUR,

J'ai manqué le courrier du commencement de septembre et nous voilà au mois d'octobre; mais il y a une grâce de plus: vous avez fait votre retraite, vous êtes meilleure, toute à Dieu et à la gloire de Jésus, hostie d'amour au Très Saint Sacrement. Soyez-en bénie.

J'ai bien prié pour votre retraite, elle m'intéresse trop! J'aurais voulu vous voir à Paris, pour parler un peu de notre combat eucharistique; je vois que vous pensez comme moi sur les amis, les pieux, les zélés. J'en suis bien revenu: il n'y a rien à faire de ce côté-là, ou bien l'on paie trop cher le concours des gens dévots. - Il nous faut des hommes nouveaux, des âmes qui ne veulent que Jésus-Christ et sa gloire, et non leurs goûts spirituels, leur attrait (d'amour-propre), leur zèle (d'activité naturelle).

Hélas! hélas! qu'il y en a peu pour le service pur et désintéressé de Jésus! Je n'aurais jamais cru qu'il y eût tant d'esclaves de nature au sein des grâces et des faveurs de Dieu. Nous ferons maintenant comme le Roi de l'Evangile: les invités ayant refusé de venir, nous allons chercher les gens pauvres et méprisés du monde; ou plutôt Dieu nous les envoie, ceux-là, et ils sont bien reçus.

Mais oui, bonne soeur, nous voulons être tout unis avec votre chère oeuvre et en faire partie, comme vous êtes de la nôtre. Ce n'est pas pour rien que Jésus nous a trouvés à ses pieds à Lyon! Il a ses desseins, et je puis vous assurer que tout ce que désire notre bon Maître est ma suprême loi et mon unique bonheur.

Priez pour nous; la grâce de la croix nous vient souvent visiter, le démon enrage contre notre oeuvre, les demi-vocations nous crucifient et les mauvaises, hélas! nous feraient mourir si Jésus n'était pas notre vie.

Tout le monde nous a abandonnés; mais mon âme est dans un paradis de joie, de n'avoir aucune protection humaine, aucune amitié, même religieuse, en dehors de chez nous. Aussi ma grande ambition est d'être le chevalier du pur Amour de Jésus, et pour sa plus grande gloire au Très Saint Sacrement.

J'ai vu ces jours-ci Sr Isabelle sortie, elle m'a prié de la rappeler à votre bon souvenir.

Quand viendrez-vous à Paris? ou quand serez-vous sur mon chemin? Vous savez que je vous suis, en N-S.,

Tout dévoué.

EYMARD, Sup.


Nr.0990

An Fräul. Danion

Paris, 11 Octobre 1860.

BIEN CHERE SOEUR EN N.-S.,

Merci de votre bonne lettre. Je rends grâce à notre bon Maître de vous avoir inondée de grâces pendant votre aimable retraite; nous en profitons un peu tous.

Oui, oui! je suis assuré, comme vous, que nous avons la vie et la vie éternelle, dans l'adorable Sacrement, et que jusqu'à la fin du monde nous serons sa garde d'honneur, sa petite cour eucharistique. Les hommes, les démons, nos imperfections la secouent cette petite nacelle, mais elle porte Jésus-Christ. J'aime bien votre oeuvre, elle est vitale et royale, elle a tout mon coeur, et ici, chez nous, elle a la plus large part. Avant tout exercice, nous faisons l'invocation de louanges et d'action de grâces en public comme en particulier. Laudes ac gratiae sint omni momento Sanctissimo ac Divinissimo Sacramento.

Pour faire partie de votre association, la condition d'une messe par mois nous arrêterait tout court, parce que nous donnons toutes nos messes pour le luminaire, et cette question trouverait peut-être des difficultés pour les autres maisons. Considérez-nous alors comme une seule, et inscrivez celle de Paris. Nous dirons la messe de chaque mois, le premier samedi du mois, et c'est moi qui m'en charge, et après moi ce sera toujours le Supérieur, etc. Les autres conditions sont faciles.

Vous avez raison, bonne soeur, il ne faut pas des gens qui, comme les mendiants, acceptent tout et ne tiennent compte de rien. Il y a beaucoup de personnes pieuses qui croient faire beaucoup d'accepter.

Ayez quelques bonnes âmes qui pèsent beaucoup dans la balance, et cela vaudra mieux.

Sr Isabelle est sortie il y a longtemps; voilà au moins quatre ans que je la vois. Quand je lui ai parlé de vous, elle a pleuré de joie, et son premier désir a été d'aller vers vous; elle a été obligée d'aller chez les autres. Je crois que ses yeux ne supportent pas la couture; elle a trop pleuré, et elle pleure toujours un peu.

Allons, bonne fille et chère soeur, du courage! Nous servons un bon Maître et nous n'avons besoin de la protection de personne pour le servir.

Tout à vous en N.-S.

EYMARD, Sup.


Nr.0991

An Frau Franchet

Paris, 16 octobre 1860

Bonne Dame,

Ne pouvant m'arrêter à Lyon pour le moment, je vous envoie la lettre de votre cher fils que j'ai vu il y a quelques heures. Il est bien sage, ce bon Charles, et il le sera toujours et sera digne de vous et de son bon père, à qui je vous prie de faire agréer mes meilleures amitiés.

Je voulais hier qu'il vînt dîner avec nous, mais il était attendu.

Je l'ai recommandé, en partant, à mon confrère, et lui ai conseillé d'aller vers Mgr de Ségur qui est si pieux et si bon!

Si en remontant, dans un mois et demi, environ, je puis m'arrêter à Lyon, je vous dirai un petit bonjour en courant.

Priez un peu le Bon Dieu pour nous, je le fais pour vous et suis en N.S.

Tout à vous.

Eymard.


Nr.0992

An P. de Cuers

Paris, 17 Octobre 1860.

Bien cher Père,

Je vous remercie bien de votre bien-aimée lettre, elle m'a bien consolé. Je l'attendais. Je désirais bien avoir de vos nouvelles; sachant que le P. Leroyer vous avait écrit, je ne l'avais pas fait; j'étais aussi un peu peiné de ce long séjour à Angers, et j'attendais son retour pour vous écrire; enfin il est arrivé ce matin, que Dieu en soit béni! Il entre en retraite pour se préparer à ses voeux; il nous a bien intéressés en nous parlant beaucoup de vous et de Marseille.

Je vois avec bonheur qu'il est bien dévoué à l'Oeuvre, et qu'il vous est cordialement attaché.

J'en viens à votre lettre:

Pour le prêtre de Rennes, j'écrirai demain à Mgr. l'Archevêque pour en avoir des renseignements; l'âge ne fait rien, s'il est tout dévoué à l'Oeuvre et s'il peut en remplir le but, ou mieux, si c'est le Bon Maître qui l'envoie, qu'il soit le bienvenu!

Le parti que vous avez pris pour le jeune philosophe Porte est bien le plus sage.

Vous pouvez faire compter le noviciat des deux frères de l'Assomption ou de Dimanche prochain 21, fête de la Pureté de la T. Ste Vierge.

Je trouve même que ce temps d'approbation est trop long, car le plus long devrait être de trois mois à six..... comme on le voit dans quelques Corps, à ce que je crois, de Bénédictines; mais ce qu'il y a à remarquer, c'est que dans le Corps d'honneur, le postulat est toujours très court.

J'en viens à la question de l'achat de la maison; on ne peut compter nullement sur la soeur Maria, qui est ici: à nos yeux elle n'a pas vocation, et on m'a dit de même. Je crois qu'elle pense plutôt à s'en aller, car ces jours-ci elle a la tête montée, et ne reste ici que par vertu.

Je n'ai pas d'autre ressource à offrir que l'espérance de la vente de notre maison ici; nous attendons toujours la nouvelle du décret, on nous dit que probablement ce sera l'année prochaine; si la chose était ainsi, nous vous donnerions tout ce qu'il faut. Je répugne bien à ce que les soeurs et les frères aient une même chapelle, le P. Champion et le P. Leroyer sont de même avis. Pour le moment, peut être, il n'y aurait pas grand inconvénient, mais il y a quelque chose qui fait craindre de ce mauvais siècle.

Je suis bien content de la bonne disposition de Monseigneur; vous, vous êtes sur les lieux, vous voyez mieux que nous.

Il me semble que, si l'on achète, il faudrait le faire par Mr Guérin, et à son nom ou au nôtre, par contrat privé, car quand on fait le contrat public, on met les noms que l'on veut.

Le P. Leroyer fera ses voeux mardi, fête du St Rédempteur, et vous arrivera à la fin de la semaine tout couronné et brodé d'or de la charité divine.

Excusez-moi; je ne vous ai pas écrit plus tôt, attendant chaque jour votre lettre, je me disais : je ne ferai qu'une réponse.

Tous vous embrassent, moi par-dessus tous.

Tout vôtre.

Eymard, Sup.

J'écrirai à Mlle Gagnerie


Nr.0993

An P. de Cuers

Paris, 25 Octobre 1860.

Bien cher Père,

Le bon P. Leroyer retourne vers vous avec grand plaisir, le temps lui dure même de sa belle chapelle et de vos belles adorations, tant mieux! Je suis convaincu qu'il aura une grâce nouvelle et plus eucharistique encore pour le service et la plus grande gloire de notre bon Seigneur et Maître.

Faites faire les cellules du second, c'est temps, la moisson blanchit, les adorateurs vont venir, il faut dilater un peu cette petite tente. Le Bon Maître paiera bien, le Père Céleste est la caution divine de son divin Fils, et s'il le faut, nous nous vendrons pour son service.

Examinez aussi si vous n'auriez pas la facilité de faire un petit cabinet dans le passage où étaient les latrines, à côté de la sacristie; ce petit cabinet serait très utile pour les confessions des hommes, pour recevoir en particulier un homme, pour mille choses; vous n'auriez qu'un briquetage à faire, et à vitrer la porte de sortie.

Le P. Leroyer emporte les effets de Mr Golliet que j'ignorais être dans la maison, le Frère Charles les avait mis dans un coin de sa lingerie.

Quant à l'effet de 30 fr., Mr l'abbé, Meynier ne le connaît pas; et s'il l'a reçu, il l'a remis à l'avocat; d'ailleurs, m'a-t-il dit, si ces 30 fr. sont une bonne valeur, ils doivent être pour les honoraires de l'avocat.

Et je pourrais ajouter: nous avons avancé au compte de Mr Golliet 40 fr. pour son procès; il m'avait dit qu'il les rembourserait à la maison de Paris, et je n'ai rien reçu.

J'ai avancé au P. Leroyer 50 fr. pour son voyage à Marseille et 14 fr. pour son voyage à Angers. C'est sur le compte de la divine Providence, mais ma pauvre bourse s'en va et si notre Bon Maître n'était pas si loin, j'aurais peur pour demain.

Adieu, bon Père, soyez heureux, mes affections à tous, Pères et frères; je serais aussi bien désireux de les voir dans quelque temps.

Tout vôtre.

EYMARD S. S.

P. S. Le frère Michel est tout content de vous envoyer de ses confitures, et le frère Charles de ses fruits, et nous tout notre coeur.


Nr.0994

An die Familie Rosemberg

Paris 28 octobre 1860

Bien chers Amis,

Un petit bonjour de coeur, et en l'honneur de la divine Eucharistie.

Vous m'êtes toujours présents aux pieds de l'adorable Hostie, et avec toute votre famille j'aime à faire une petite couronne aux pieds du trône du divin Roi.

J'ai prié l'excellente Madame Fégely de Fribourg de vous voir, avec ses bonnes demoiselles.

Soyez un peu leur Ange Raphaël pour leur montrer les ruines de S. Martin, S. Gatien, S. Julien.

J'aimerais bien que Madame de Lignac, cette bonne et si bonne Mère, voulût bien les recevoir et prier pour elles.

Adieu, chers amis.

Tout vôtre en N.S.

Eymard Sup.


Nr.0995

An P. de Cuers

Paris, 10 Novembre 1860.

Bien cher Père,

Je vous renvoie ma lettre à Monseigneur pour le frère Carrié, elle a fait le tour de la France et m'est revenue.

Votre cire est commandée, Mr Marziou averti; j'attends sa réponse qui, j'espère, sera favorable; son Gazomoteur l'absorbe, il en attend un immense succès.

Excepté le froid qui gèle tout, tout va à l'ordinaire ici.

Ayez soin de vous et défendez-vous du froid, je vous en conjure.

Je n'ai pas besoin de vous dire le bonheur et la joie que nous nous faisons tous de vous voir après un si long temps.

Mes amitiés à tous.

Tout vôtre.

EYMARD Sup.


Nr.0996

An den Architekten Perret

Paris 3 décembre 1860

Bon et cher Ami et frère en N.S.,

Je viens vous accuser réception de votre bonne lettre et de ce qu'elle renfermait pour des messes.

Tout le monde était inquiet, on craignait que vous ne fussiez malade, j'allais vous écrire, la pauvre et si intéressante aveugle vous attend comme le Messie. Le P. de Cuers est ici, il me charge de vous dire mille amitiés, et qu'il aurait été heureux de vous voir - il doit repartir dans une 10e de jours.

Les Ordinands, ff. Carrié et Chanuet, au jour de l'Immaculée Conception, vont recevoir les 4 ordres Mineurs, ils se recommandent bien à vos prières.

Je dois aller prêcher le jour de l'Epiphanie à Marseille, si je puis m'arrêter à Lyon, j'irai vous embrasser avec bonheur.

Tout en regrettant bien votre absence, nous en bénissons Dieu en voyant le bien qu'il fait par vous.

Oui, bon et cher frère, faites-en beaucoup, car il se fait tant de mal.

Nous sommes toujours heureux ici aux pieds de notre bon Maître.

Donnez-nous de temps en temps de vos chères nouvelles... puisque nous ne faisons qu'un, il faut de temps en temps se le redire.

Je suis donc en N.S.

Tout vôtre

Eymard Sup.


Nr.0997

An Frau Jordan

Paris 6 décembre 1860

Vous faites bien de me gronder, car je vous grondais moi-même le premier et croyais que vous me deviez, mais non, nous n'en sommes pas à l'étiquette; c'est vrai, une grande tristesse me lie les mains et comment n'être pas triste à la vue d'un temps si noir et si chargé? - En voyant Rome et le Père des fidèles persécuté et abandonné des siens, - n'ayant pour lui que des pauvres et des femmes, et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est de lui donner tort. Ah! les impies, les sociétés secrètes triomphent bien en ce moment, elles font peur aux Rois et les enlacent dans leurs filets, et les Rois font des promesses comme on en fait à Constantinople, comme quand on a peur.

La voilà bien libre notre Ste Eglise de toutes les protections royales, elle qui a sacré et défendu les Rois. Pas un n'arrive là autour d'elle, chacun prend la loi du "Sauve qui peut".

Mais le second psaume de David se réalisera: Quare fremuerunt gentes. Dieu est toujours Dieu et J.C. est et sera toujours Roi des Rois.

Ici nous ne cessons de prier et de gémir au pied du trône de miséricorde, c'est notre mission.

Et vous, bonne Dame, que faites-vous ? assurément nous nous rencontrons sur le chemin du Ciel et de Rome.

Il faut bien prier et réveiller sa foi et sa confiance.

Voici la fête de l'Immaculée Conception qui va nous sauver, car la T.S.Vierge Immaculée n'a pas encore payé à la terre sa belle fête. Je pense que Lyon, cette année encore, fera sa fête du 8 et comme on ne le fait nulle part, car Lyon est la 1 ère ville de Marie.

Je vais à Marseille du 3 au 21 janvier, je passerai à Lyon, (si je dois y dire la sainte messe à Ainay, je vous l'écrirai) pour vous dire un petit bonjour par votre droit d d'aînesse.

Adieu, à bientôt.

Tout vôtre en N.S.

Eymard.


Nr.0998

An P. de Cuers

Paris, 26 Décembre 1860.

Bien cher Père,

Merci de votre bonne lettre; combien nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné de suite de vos nouvelles! car nous étions tous bien en peine de vous.

Votre départ a été une grande privation et une grande peine. Dieu vous voulait encore sur le champ de bataille, où j'irai vous rejoindre bientôt.

Le lendemain de votre départ j'ai réglé une chose bien naturelle et liturgique, c'est que les séculiers ne servent pas à l'autel quand on a des clercs; par conséquent nos messes sont servies par nos acolytes, et en surplis; tous les matins, en voyant les habits laïques me servir la messe, je voulais l'arrêter, mais la messe finie, la pensée s'enfuyait. C'est maintenant réglé.

Je vous envoie la bonne nouvelle de Mr de Benque; bénissons-en Notre-Seigneur; c'est une victoire bien bonne à ceux qui l'aiment.

Notre première Communion a été bien édifiante, ainsi que la Confirmation: quarante-deux jeunes gens, seize filles et des renouvelants.

Nous avons fait tout cela à notre chapelle et en dehors du presbyterium, afin de sauvegarder les principes, les enfants tenaient la moitié de la chapelle. Il y a eu moins de fidèles, mais la règle a été gardée.

Noël, temps affreux comme on en voit rarement, neige en tourbillon tout le jour; en retour toutes les églises étaient pleines.

Mes bien vives amitiés à tous, je me fais un vrai plaisir d'aller les embrasser tous, et surtout vous, bon Père.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

EYMARD S. S.

P. S. Je viens de rencontrer Mr de Villequiet; il m'a demandé de vos nouvelles, et, lorsque nous serons expropriés, si nous n'irons pas nous réfugier à Marseille, pour ne faire qu'une maison; ce bon Monsieur ne compte que par nombre, il paraît - il est content. - La Mère Supérieure va mieux et travaille avec activité. Tant mieux!


Nr.0999

An Frau v. Grandville

Paris, 31 Décembre 1860.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Qu'il y a longtemps que le silence est entre Paris et Nantes! Nantes attend, et je n'est encore rien. Paris attend, et je ne reçois rien même de Nantes.

Etes-vous malade? ou bien en attente? Me voici sur mon départ pour Marseille, le 3 janvier (rue Nau, 7); j'y resterai une quinzaine de jours. Je vais visiter notre maison et parler un peu de la divine Eucharistie à ce pays de feu.

Quand irai-je en faire autant à Nantes? Je suis bien triste de vos nouvelles.

Est-ce donc que votre âme souffre?

Je vous souhaite une année de Dieu, toute pour Dieu, toute à la divine Eucharistie, notre unique boulevard contre nos ennemis.

Je ne sais si c'est un beau rêve, mais il me semble que Dieu va nous pardonner et payer les dettes du dogme de l'Immaculée Conception. Il aura tout fait: à lui aussi toute gloire.

Voudriez-vous présenter à votre bonne soeur tous mes respectueux hommages et lui dire d'espérer?

Croyez-moi en N.-S.,

Bonne dame,

Tout à vous.

EYMARD, Sup.S.S.


Nr.1000

An Marianne Eymard

Paris, 31 Décembre 1860.

BIEN CHERES SOEURS,

Je viens vous souhaiter une bonne année comme je vous la souhaitais depuis mon enfance, mais en y ajoutant une grâce de plus, celle de notre sainte et aimable vocation.

Oui, qu'elle soit bonne et eucharistique cette année nouvelle que Dieu nous offre dans sa divine bonté! Elle peut être la dernière, qu'elle soit la meilleure de toutes !

Aimons bien Notre-Seigneur au Très Saint Sacrement, chères soeurs, servons-le encore mieux, allons le visiter tous les jours avec plus de ferveur et de piété, faisons tout pour lui plaire, faisons tout pour son amour; alors cette année sera l'année royale de notre vie.

Je n'ai pas besoin, chères soeurs, de vous dire que je prie sans cesse pour vous, que ce que je demande pour moi je le demande pour vous: c'est si naturel !

Rendez-moi mes voeux au pieds des saints Autels, et surtout de notre bonne Mère, et je serai content.

Je pars pour Marseille le 3 janvier, j'y resterai une quinzaine de jours, et si, en revenant, j'ai trois jours à ma disposition, j'irai vous voir, mais vingt-quatre heures seulement; il faut que je sois ici à la fin du mois pour une prise d'habit.

Je vais bien, ces Dames aussi. Ce sera pour moi une grande consolation d'aller vous voir, bonnes soeurs, ce sera une petite fleur dans cette pauvre vie de misère.

A bientôt donc si le bon Maître le veut.

Votre frère.

EYMARD, S.S.S.

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

La Mure d'Isère.


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