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Nr.0441

An Marg. Guillot

La Seyne, 5 Mars 1854.

Je viens vous dire, ma chère fille, un petit bonjour, vous remercier de votre bonne lettre. J'espère vous aller voir au temps que vous m'avez dit. Priez pour nous et surtout pour moi.

Ma santé est comme le temps. J'ai été fatigué pendant une quinzaine de jours, je vais assez bien pour travailler. Que Dieu soit béni et glorifié par mes infirmités et mes misères!

Voici le mois de Saint Joseph, nous ne pouvons pas trouver de petites statues de ce bon saint, et cependant nous faisons son mois avec beaucoup de dévotion. Je vous serais bien reconnaissant de nous en acheter en plâtre, de la hauteur de 50 à 60 centimètres plus ou moins. J'en désirerais six, et on me les enverrait par la diligence ou bien par le roulage accéléré, si la diligence coûtait plus de 10 francs.

Je vous demande pardon de la peine, nous prierons pour vous.

Mille sentiments de dévouement à toute votre famille.

Tout à vous in X·.

EYMARD.


Nr.0442

An Hochw. Rousselot, Generalvikar in Grenoble

Deux lettres du B.P. J. Eymard adressées à M. le Chanoine ROUSSELOT, Vicaire Général de Grenoble.

Réf. "Bulletin des Missionnaires de N. D. de La Salette", année 1957, n. 568, p. 59, dans un travail de M. Luis BASSETTE: N. D. de La Salette et le B.P.-J. EYMARD.

La Seyne, 8 mars 1854

Bon et Cher Monsieur Rousselot,

Je suis heureux de venir vous apprendre que la question des tableaux de Rome est résolue. Aujourd'hui, M. de Gasquet m'a fait dire qu'il s'en chargeait de Cività à Toulon par les bateaux de l'Etat dont il est le commandant en chef.

Cet excellent Monsieur va faire aussi les démarches nécessaires auprès de M. Journel, directeur des Douanes sur la question du prix d'entrée; il espère obtenir la remise des droits.

Le bateau de l'Etat part de Toulon du 12 au 15 du courant. J'ai écrit à M. Ferrucci pour lui donner avis de tout.

Je vous remercie, cher et bon Père, d'avoir pensé à moi en cette circonstance et vous me ferez toujours le plus grand plaisir de me donner de semblables preuves de confiance.

Croyez-moi toujours en Notre-Seigneur, bon Père,

Votre Fils tout dévoué et affectionné.

Eymard, supr.

Bon Père,

Je rouvre ma lettre pour vous accuser réception de la vôtre d'aujourd'hui. Tout est arrangé, quant à la question des droits d'entrée. M. de Gasquet espère en obtenir la remise.

Dans deux jours, je le saurai définitivement. Et je vous l'écrirai de suite.


Nr.0443

An Hochw. Kan. Rousselot, Generalvikar in Grenoble

La Seyne, 10 mars 1854

Bon et Cher Père,

Je suis tout heureux de vous envoyer la réponse de M. le Directeur à M. le Commandant de Gasquet. Voilà donc une affaire réglée. M. de Gasquet s'est chargé lui-même de vous adresser les tableaux par le roulage, afin qu'il n'y ait point de retard.

Auriez-vous, bon Père, un Prêtre instruit, pour les études classiques et qui aurait besoin de repos? Je connais une des plus respectables familles de la Provence qui désirerait un Précepteur ecclésiastique pour deux jeunes gens: là, on y serait comme dans un couvent et avec de bons appointements.

C'est la famille de Bouchaud, à St. Rémi, près d'Arles.

Adieu, bon et bien-aimé Père.

Aimez-moi toujours comme votre Enfant. Nous allons essayer d'organiser quelque chose pour la Notre-Dame de La Salette à Toulon. C'est une ville sans ressource. Je ne sais si nous pourrons réussir.

Tout dévoué,

Eymard, p. mar.


Nr.0444

An Fräul. Stéphanie Gourd

10 Mars 1854.

Mademoiselle Stéphanie.

Me voici enfin à vous, ma chère fille. Ce que vous me dites de votre âme m'a fait plaisir, vous savez tout l'intérêt et tout le dévouement que je lui porte et combien je serais heureux de lui faire un peu de bien.

Le Bon Dieu sait bien faire les sacrifices.

J'espérais vous voir à Lyon aux vacances, et puis je n'y ai trouvé qu'un petit Calvaire. Il le fallait, j'avais une grande grâce à demander et, pour cela, il fallait être malade. Comme Dieu sait arriver à ses fins par les moyens que nous croyons contraires!

J'en viens à votre première lettre.

1· Si vous voulez me faire plaisir dans votre ouverture de coeur, c'est d'écrire tout simplement, comme cela vient, lors même que cela ne serait pas bien dit ni bien écrit.

2· La question de la paresse que vous vous reprochez m'a touché; j'ai eu et j'ai encore cette tentation naturelle. Je la connais assez bien, elle est difficile à corriger, parce qu'elle renaît de ses cendres à chaque instant. C'est un défaut qui nous fait bien du mal. il faut travailler à le corriger, mais comment? Ici, je suis tenté de répondre que je ne le sais presque pas. Voici ce que j'essaye :

1· N'avoir d'affection pour une chose qu'autant que Dieu la veut et comme il la veut; ne pas plus tenir à une chose qu'à une autre, mais seulement à la Volonté de Dieu.

2· Ne jamais renvoyer à un autre moment ce que l'on peut et ce que l'on doit faire à un moment réglé.

3· Dans le choix de deux choses, faire ce qu'il y a de plus contrariant au goût.

4· S'imposer une pénitence quand on a manqué à cette règle.

Voilà, ma bonne fille, ce que je vous conseille pour triompher de la paresse spirituelle, et vous verrez que vous goûterez une grande paix et une grande liberté.

Pour l'antipathie qui vous a fait souffrir, ne vous en inquiétez pas trop, ma chère fille; seulement, n'agissez pas dans ce moment par suite de l'impression; et même, si vous vouliez faire un acte bien agréable à Dieu, ce serait d'aller contre l'antipathie avec un coeur joyeux, du moins à l'extérieur, et la victoire serait complète.

Puis, pensez, ma pauvre fille, que, par vos petits sacrifices de coeur, vous travaillez au salut de cette chère âme.

Vous avez bien des petites misères spirituelles: ainsi, vous vous plaignez de votre oraison mentale, - je crois en effet qu'il y a un peu de paresse à la préparer; d'une certaine disposition à la critique, etc., et à la peine intérieure contre votre bonne mère, - n'y faites pas attention, c'est un sentiment d'amour-propre qui voudrait se faire jour et dont le démon voudrait profiter. Agissez alors extérieurement comme si vous n'étiez rien et tout se dissipera comme les brouillards devant le soleil.

Le reproche de légèreté que vous voudriez vous faire vient peut-être de ce que votre âme est trop dans un état violent ou de combat dans le service de Dieu comme dans celui du prochain; alors la tristesse, un besoin d'expansion se suivent. - Que faire?

Allez au Bon Dieu avec plus de simplicité et d'abandon; au prochain, avec plus d'amour de Dieu, et votre âme sera alors dans le centre de la paix. En général, pas de contention d'esprit; cela ne vaut rien, mais bien sacrifice du coeur pour l'amour de Dieu.

Soyez joyeuse au service de notre si bon Maître et voyez plutôt sa bonté que votre malice, ses grâces que vos péchés.

Adieu, ma bonne fille; priez bien pour moi. J'espère être à Lyon au commencement du mois de mai. Si vous y étiez, nous compléterions ce qui manque.

Tout à vous en Jésus et Marie.

EYMARD.


Nr.0445

An Frau Gourd

10 Mars 1854.

Qu'il y a longtemps que j'ai commencé une lettre pour vous, ma bien chère fille! je la laisse inachevée pour en faire une autre. Votre si long silence ne m'a pas surpris, je sais combien vous êtes gênée; le mien doit vous surprendre, j'en suis étonné moi-même. Je ne m'en disculperai pas sur mes affaires ou mes petites souffrances. Le Bon Dieu l'a voulu; mais cela n'interrompt pas mes prières et mon dévouement pour vous, ma fille; au contraire, je pense plus souvent à vous. Mlle G. m'a donné de temps en temps de vos nouvelles.

J'en viens à votre lettre de janvier. 1· Occupez-vous de vos domestiques surtout au commencement; afin de les bien former, il leur faut témoigner de la confiance, mais jamais laisser une liberté d'autorité. Il faut toujours de la dépendance même dans les permissions générales, se faire rendre compte de temps en temps de leur emploi. Le mal des grandes maisons, c'est que les domestiques deviennent de petits maîtres: ce serait plutôt à votre mari qu'à vous. Que faire? Ce que l'on peut, et se reposer un peu et beaucoup sur Dieu.

Sur la question des aumônes, continuez à les faire de la même manière; vous le pouvez et vous les renfermez dans les dépenses, et pour les justifier, quand on vous en demande compte, l'aumône est une dette.

Pauvre fille, je vous plains d'avoir tant de préoccupations extérieures; l'âme souffre dans cette vie trop extérieure, la piété se dessèche, le recueillement diminue, une certaine tristesse s'empare du coeur: la crainte de ne plus être agréable à Dieu. Voilà un peu votre état; en voici le remède souverain:

Abandonnez-vous tout entière au bon plaisir de Dieu, qui vous veut dans cette vie du prochain, afin de l'honorer par l'abnégation intérieure et le sacrifice de vous-même. Alors, que la charité soit la reine; la douceur et la force, la vigilance et la patience, l'action et la prière: le cercle de votre vie.

Demandez bien souvent au Bon Dieu, ma pauvre fille, de savoir l'aimer en la charité du prochain, de savoir rester avec lui au milieu du monde, recueillie et calme dans l'action la plus absorbante. Notre âme devrait être le sanctuaire impénétrable où Dieu seul agit et d'où partent la force et la grâce de la vie.

Mais, de grâce, ne laissez pas vos communions; plus vous êtes pauvre, plus vous en avez besoin. C'est la communion de l'infirme; Dieu l'aime bien et il vous guérit de tout. Merci des bonnes nouvelles de l'eau miraculeuse: que Dieu est bon! et Marie miséricordieuse! Ah! si nous avions bien la foi et la confiance! nous serions tout-puissants.

Une bonne nouvelle! Je suis chargé de faire venir de Rome, pour Notre-Dame de la Salette, soixante beaux tableaux. C'est un don romain, aussi à Rome on ne dispute pas autant qu'en France; au lieu de tant disputer, beaucoup de personnes pieuses feraient bien mieux de remercier Dieu de cette grâce. Tout ce qui vous intéresse m'intéresse. Je prie bien pour vous et tous les vôtres. Ayez confiance, Dieu vous donnera votre mari.

Votre dernière lettre m'a fait bien de la peine. Hélas! c'est peut-être le dernier accès du démon! Assurément, le démon y est pour beaucoup dans l'état et les accès du malade chéri. Il est bien à plaindre, il faut toujours bien prier; nous redoublons de prières surtout en ce beau mois de saint Joseph, notre bon Patron.

Grand miracle que la résurrection d'un mort. Le Bon Dieu veut être prié et sollicité longtemps afin de donner plus de grâces.

J'ai bien ri de votre misère de la cuisine, et de votre petite misère : le démon, comme vous le voyez, se prend à des petits riens. Soyez douce et forte devant Dieu.

Adieu, ma bonne et chère fille, je n'ai pas besoin .......(ici plusieurs mots ne peuvent se lire), il me serait consolant de vous voir, et de vous dire de vive voix ce que l'on écrit si mal. Priez pour moi. Je suis heureux de pouvoir aller et travailler au milieu de mes misères corporelles. Ma pauvre santé est bien comme le Bon Dieu veut, et moi aussi, et j'en laisse tout le soin à ce bon Maître. Je vous dirai que je suis un peu plus indifférent.

Adieu, bonne fille.

Tout à vous en Jésus et Marie.

EYMARD.


Nr.0446

An Fräul. Elis. Mayet

(A la fin d'une lettre du P.Mayet à sa soeur Elisabeth, le P.Eymard écrivait ce qui suit)

La Seyne 22 mars 1854

Je suis bien négligent, n'est-ce pas, ma bonne fille ? c'est un peu vrai, malgré ma bonne volonté, je succombe quelques fois à la vue de ce qui m'attend et je fais comme celui qui a beaucoup à faire et ne fait rien, parce qu'il ne sait par où commencer.

J'ai été heureux d'apprendre votre belle et charmante Retraite, comme la bonne Mère gâte ses filles! Mais aussi, elles sont si reconnaissantes! J'ai lu avec bonheur votre lettre au Père, j'ai bien remercié Dieu de cette grâce si unique.

Vous avez aussi bien des peines, ma chère fille. Hélas! je comprends quel calvaire vous apparaît si douloureux. Voilez-le avec la bonté divine. Non, Dieu n'abandonnera jamais les siens; il veut sa grâce plus grande que la douleur, et son amour plus grand que le sacrifice.

Vous êtes souvent toutes deux le sujet de nos conversations avec le Père Abbé, ainsi que le bon et aimable Tonny, à qui je vous prie mille amitiés, et croyez-moi, en N.S., ainsi que votre chère soeur, Tout à vous.

Eyd.


Nr.0447

An Marg. Guillot

La Seyne, le 25 Mars 1854.

Il est bien temps, ma chère fille, de venir vous remercier de votre envoie de statues de Saint Joseph; nous les avons reçues très promptement. Il n'y en a qu'une cassée, elle n'a pas d'Enfant Jésus; si le marchand tient à ce qu'elle soit payée, payez-la comme les autres. Je suis content, très content de ce modèle. Que Saint Joseph vous le rende au centuple!

J'ai été heureux d'apprendre le beau succès de votre retraite du T.O., cela m'a fait un grand bien au coeur. Oh! que j'ai remercié avec affection Notre-Seigneur pour une grâce si précieuse pour mes anciennes filles! Vous devez en être bien contente, vous-même, ma bonne fille, pour toutes vos soeurs. Comme vous n'avez guère pu en faire, Notre-Seigneur vous le rendra autrement.

A vous maintenant:

1· Vous faites bien d'aller ainsi au P. Favre, le T.O. y gagnera; il est peut-être un peu impressionnable, soyez prudente.

Soyez tranquille sur vos voeux: quiconque ne vous connaît pas, sera d'abord effrayé de vos voeux, les regardera comme téméraires et même comme dangereux, mais ne vous y laissez pas prendre; quand je vous les ai permis, j'ai bien examiné, j'ai bien prié; vous avez besoin de ces liens divins pour vous tenir fortement à Jésus crucifié; ne vous troublez pas des épreuves que l'on vous promet, il ne vous arrivera que ce que le Bon Dieu voudra.

Si l'on vous prive de la Sainte Communion, soumettez-vous y humblement, mais avec prière de vous laisser communier. Si l'on refuse, la volonté de Dieu doit vous tenir lieu de tout. Cependant, si plus tard, - et qui que ce soit, - on vous tenait trop longtemps éloignée de la Sainte Communion, si je ne suis plus de ce monde, consultez quelqu'un d'autre: car nous avons besoin de la vie.

Dans un mois, s'il plaît à Dieu, nous irons vous voir; hélas! quand je pense à ce voyage, je sens le besoin de bien prier.

Que vous dire de moi? ma pauvre fille: que depuis près de quinze jours je souffre de ma migraine. Mais Dieu est si bon que cela me vaut une petite retraite. Aujourd'hui, cependant, je vais mieux.

Adieu, ma bonne fille, mille choses affectueuses à votre famille. Je suis heureux d'apprendre que la Règle va bien et que vous allez devenir un véritable Nazareth.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0448

An Marianne Eymard

La Seyne, 26 Mars 1854.

BIEN CHERES SOEURS,

Je suis toujours bien négligent pour vous écrire et vous dire que vos lettres me font plaisir et qu'il n'y a pas de meilleures nouvelles pour moi que de savoir que vous vous portez bien, et que vous êtes contentes et tranquilles dans votre petit coin, laissant le monde se battre, se disputer comme il voudra: pour vous, soyez en paix avec Notre-Seigneur.

Il me semble qu'il n'y a pas d'état plus heureux que celui d'une personne qui ne veut plaire qu'à Dieu, n'avoir l'estime et la protection que de Dieu, et celle du prochain comme Dieu le veut et autant qu'il le veut; alors, ni les vents, ni les tempêtes des hommes ne lui font plus rien parce que Dieu est son tout.

Oh! mes soeurs, qu'il y a un sens profond, une perfection sublime, un amour parfait dans les paroles d'un Saint: "Mon Dieu et mon Tout...!" Demandons-le bien au Bon Dieu.

Je pense que vous avez fait comme nous le beau mois de saint Joseph; ce bon Saint nous a bien bénis pendant son mois, mais aussi, nous l'avons bien prié. Le 19 est la fête du Supérieur; vous dire les compliments que j'ai reçus, les fêtes, les feux d'artifice: c'était à me faire rougir. Je disais alors à saint Joseph: "C'est pour vous, car je ne veux rien pour moi."

Ma santé ne va pas mal; j'ai été enrhumé il y a quelques semaines; puis ma migraine m'a fait faire le paresseux pendant huit jours; aujourd'hui je vais bien.

Je fais quelquefois comme nos petits enfants, je dis: Voici bientôt les vacances, nous irons voir nos soeurs, et cette pensée me fait plaisir.

Adieu, mes chères soeurs, bon courage, voici Pâques, la résurrection, la joie que je vous souhaite de tout mon coeur.

Tout à vous.

Votre frère.

EYMARD.

P.-S. Je rouvre ma lettre pour vous dire, chères soeurs, que je viens de recevoir votre dernière; merci de votre si bonne affection. Ma soeur, gardez-vous contre la tristesse, c'est un bien mauvais mal, cela tue le coeur; non, non, réjouissez-vous à la vue des grâces de Dieu et ne regardez pas les peines. Et vous, bonne Nanette, n'ayez pas tant peur du Curé, il ne peut rien vous faire, au contraire; allez-y donc hardiment.

Je m'occupe de l'affaire de Bethoux. La Provence est bien misérable en ce moment, il n'y a ni vin, ni blé, ni huile. - Je chercherai encore bien.


Nr.0449

An Frau Galle, geb. Villedieu

La Seyne 30 avril 1854

Ma chère Dame et Soeur en Marie,

J'ai reçu la triste nouvelle de la mort de votre chère et sainte Mère; mon coeur en a été saisi de tristesse, non pour elle, elle est au Ciel, mais pour vous et votre chère famille.

Hélas! depuis longtemps Dieu vous préparait à ce grand sacrifice; mais qu'il a dû être douloureux!

Pensez, ma chère fille, au ciel qui nous réunira tous et consolez-vous aux pieds de N.S. qui voulait couronner une si belle vie.

Quelle suave odeur de vertu ne vous laisse-t-elle pas, cette bonne Mère! elle n'est pas morte.

Nous prions bien ici pour son âme et pour vous.

J'ai été un peu soulagé de sentir Paul avec vous; il a dû vous dire mes regrets de le voir partir; mais dans sa position, c'était un devoir. - Dites-lui bien, à ce cher Paul, que je l'aime toujours.

Je serai à Lyon bientôt et si je puis me dérober un instant, j'irai vous voir.

Je vous laisse, ma chère Soeur, entre les mains de Jésus et de Marie. Tout à vous.

Eymard.


Nr.0450

An Herrn Jordan

Jeudi (entre janv.-mai 1854)

Cher Monsieur Jordan,

Je viens d'apprendre que le Napoléon est rentré à l'arsenal; c'est le beau moment pour le visiter avant qu'on le désarme. Si je puis aller à Toulon demain, j'irai vous prendre: ce sera un véritable plaisir pour moi que de vous accompagner.

Tout à vous.

Eymard.


Nr.0451

An Herrn Jordan

Lyon, Puylata 8 mai 1854

Cher Monsieur le Président,

Nous sommes en retraite depuis le jour que j'ai eu l'honneur et le plaisir de vous voir. Notre retraite sera terminée mercredi. Merci donc de votre si bonne invitation. Je ne partirai pas sans aller vous faire ma petite visite, ne vous donnez pas la peine de venir ici, votre temps est si précieux; puis nous sommes presque tout le jour en séance.

Daignez agréer les sentiments bien dévoués et tout affectionnés, Cher Monsieur le Président,

de votre très humble serviteur.

Eymard P.Mar.


Nr.0452

An Frau Jordan

Lyon, mardi 9.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

J'ai reçu votre petit mot. Je vous attends dimanche. Mr Jordan a eu ma première visite, il faut bien que vous ayez la seconde.

Nous sommes en retraite pour de grandes choses. Je vous dirai que le T. R. P. Général a préconisé le Tiers-Ordre en présence de la Congrégation et en a permis l'extension, grâce que je demandais depuis si longtemps; je n'attendais que cela avant de mourir et tout mon désir de voir Jésus et Marie connus, aimés et servis.

Ma santé est pauvre mais bien riche, si je sais bien m'unir à Jésus crucifié.

Adieu, ma bonne fille.

Tout à vous.

EYMARD.


Nr.0453

An Mariette Guillot

A Sr ANNE-MARIE du SS. (Mariette GUILLOT)

Réf. Arch. Servantes: L.4, v.II, p. 127

La Seyne-sur-Mer, juin 1854

Je ne veux pas répondre à la lettre de votre soeur sans vous dire un petit mot, Mademoiselle, d'ici je vous vois travaillant, priant, gémissant et je prie le Bon Dieu de vous soutenir et de vous aider à supporter ce fardeau de vos devoirs et de vos peines, offrez-les bien à Dieu, et vous aurez les mérites et l'amour de Ste Marthe. Dites souvent, le Bon Dieu me veut là où je suis, il ne veut que ce que je fais, eh bien, je vais le faire avec calme, avec paix, par amour pour lui.

Oui, Mademoiselle, c'est l'amour seul qui fait la valeur de nos actions, c'est l'amour pratique de sa sainte Volonté qui constitue la plus haute perfection. Quand donc N. S. vous veut à recevoir des visites ennuyeuses, vous lui êtes alors plus agréable que si vous étiez en oraison, à faire les plus belles actions de zèle et de charité.

Soyez toujours fidèle à l'offrande générale du matin, à la présence de Dieu durant le jour, à la sainte Communion même au milieu des embarras, et je vous promets le Ciel.

Je ne vous dis pas de prier pour moi, votre charité le fait, mais je prie aussi bien pour vous, afin que vous soyez toujours la bonne Sainte Marthe de la maison de Notre Seigneur.


Nr.0454

An Frau Franchet

La Seyne 10 juin 1854

Madame et chère Soeur en Marie,

Je voulais répondre de suite à votre lettre, je ne l'ai pas pu. Je viens aujourd'hui vous dire toute la joie que j'ai éprouvée de votre bonheur du Saint Abandon.

Vous connaissant bien, j'étais persuadée que ce petit livre ferait vos pieuses délices, et serait un trésor bien précieux pour votre âme, hélas! toujours crucifiée. Lisez-le bien et méditez-le longtemps, vous y trouverez une manne cachée, la paix, l'onction de la grâce et par dessus tout l'amour pur de N.S.

Chaque âme a sa voie, son caractère de vertu, ses grâces spéciales; il n'est pas au pouvoir d'un directeur de les changer, sa règle est de les reconnaître et de les faire suivre à l'âme que N.S. lui a confiée.

Vous savez bien que N.S. vous a tracé votre voie; c'est la vie intérieure; le caractère de vos vertus, un amour de Dieu généreux et calme, suave et fort. Vos grâces spéciales, c'est la voie du renoncement, de la sainte pauvreté, de l'abandon filial; avec cela on va droit au ciel.

C'est bien et très bien que les créatures aient des épines pour vous; elles vous font marcher plus vite vers le Bon Maître.

Oh! quand serez-vous donc tellement unie à N.S. que vous n'ayez plus besoin d'autre chose?

Je le demande bien pour vous. Vous savez et vous saurez que votre âme m'est toujours chère, en la divine charité et que tout ce qu'on a pu vous dire, n'a refroidi en rien mon désir de vous être utile; tout cela demandait plutôt une explication verbale. Souvent on est mal compris. Si une âme coûte des soins et des peines pour la sauver, elle n'en est que plus chère et si on lui faisait du mal, on en souffrirait beaucoup.

Merci de vos petits livres, ils vont faire des missions spirituelles - aux vacances j'irai vous en remercier doublement.

Mes amitiés bien vives à M.Franchet; je le prierais bien de nous envoyer la note des draps que nous avons reçus, le prix de chaque mètre, et la somme totale.

Adieu en Dieu.

Votre tout dévoué serviteur.

Eymard.


Nr.0455

An Marg. Guillot

La Seyne, 10 Juin 1854.

J'ai un moment, je viens, ma fille, vous le donner.

1· Je vais commencer par moi. L'accident du Rhône n'a été qu'une perte de temps. Nous avions trouvé une petite barque bien fragile, l'eau filtrait à travers. Il faisait nuit; et après cinq heures sur cette petite planche, nous sommes arrivés à bon port, à Avignon, à 10 h.1/2 du soir. Ma migraine n'est pas aussi forte qu'avant mon départ pour Lyon, je puis mieux la dominer, elle vient moins souvent, donc je vais mieux.

2· Votre lettre à Mlle Daniel était bien, c'est une bonne âme qui désire bien aimer Dieu; elle aime la vie intérieure. Elle est ardente et généreuse quand elle veut quelque chose, vous faites bien de lui répondre.

3· Pour Mlle David. - Messe, oui; intentions pour elle jusqu'à l'Assomption, oui. Dieu lui a fait de grandes grâces à cette bonne fille, j'ai été bien content de l'avoir vue avant sa mort.

4· J'aime bien vous voir toute dévouée et affectionnée au T.O., la T.Ste Vierge vous en tiendra bon compte: ainsi vivez, souffrez pour lui. J'ai été bien consolé de voir que le dernier acte de supériorité du T. R. P. Colin a été pour louer et propager le T.O.. C'était là ma dernière prière. Maintenant, si le Bon Dieu veut que je m'en occupe encore, je le veux de tout mon coeur, trop heureux d'avoir souffert pour lui, disposé à mourir pour faire connaître et servir Jésus, Marie et Joseph à Nazareth. J'ai observé jusqu'à présent les défenses qu'on m'avait faites de m'en occuper, et vous voyez que Dieu a tout fait: il n'a pas besoin de nous.

J'en viens à cette maison en question. Je pense comme vous qu'il faudrait deux sortes de Tierçaires; les régulières et les pensionnaires; sans cela, impossible d'avoir unité d'esprit et de vie.

Maintenant, il faudrait aussi une oeuvre extérieure; laquelle? je n'en sais rien. Celle des missions plaît de prime abord; mais pas d'oeuvres qui absorbent, comme l'éducation ou un orphelinat, etc....

Faut-il viser à acheter une maison? La chose est bien grave. Les Supérieurs n'y mettront, je crois, pas obstacle, si cette maison a des ressources. Ils ne diront jamais: faites; mais s'ils laissent faire, cela suffit, c'est un consentement tacite. Chez nous, on craint de se lier, il faut ne pas lier, mais se faire adopter, vous comprenez ma pensée.

Pour moi, j'aimerais la maison Tierçaire comme l'oeuvre des Vieilles filles, comme la retraite honorable des Invalides. Cette oeuvre manque dans le monde chrétien, et cependant, quoi de plus respectable et de plus digne de secours et de soins comme une épouse de Jésus-Christ qui a été fidèle à son divin Epoux, et qui, par amour pour lui, a renoncé au monde et à un bien-être acheté bien cher! St François de Sales avait eu cette pensée, mais aujourd'hui, la Visitation est devenue un couvent aussi difficile que les autres. (N'allez pas trop vite en cette affaire, encouragez-la).

Venons à l'Oeuvre du T.S. Sacrement. Vous savez, ma pauvre fille, que je vais avec vous sans mystère et tout simplement. Si je ne vous ai pas parlé de cette belle pensée à ma visite, je ne me souviens pas pourquoi; mais, ou je n'avais pas le temps, ou je n'y ai pas pensé. J'aime toujours bien cette pensée, je la désire, toujours dans les conditions de la Sainte Volonté de Dieu, je dirais même que je soupire après ce Cénacle. - Maintenant, où en est l'Oeuvre? elle est toujours dans la prière et l'épreuve, cependant elle a fait un grand pas pendant mon séjour à Lyon. Je me suis ouvert au P. Colin, il m'a confirmé dans cette pensée et m'a dit qu'il croyait que cela venait de Dieu, mais que nous avions besoin de prier et de marcher avec prudence et patience. Ce bon Père est tout pour cette Oeuvre, c'est sa pensée favorite, il a commencé l'adoration à la Néylière. Mais nous resterons maristes, c'est bien juste. Puis, pourrions-nous abandonner notre Mère? Il vous reste donc, ma fille, de prier toujours pour moi, afin que je ne me rende pas indigne de la grâce de Dieu.

Quant à la chapelle du T.O., je ne conseillerais pas d'en bâtir une neuve dans l'emplacement fixé, cela vous coûterait trop; il vaudrait mieux agrandir l'ancienne, cela coûterait moins: il y a une place si belle, un mur tout fait du côté de l'escalier; cette place c'est le jardin attenant à notre petite sacristie, voilà qui serait bien.

J'aimerais bien ce petit goûter de famille, mais il faudrait avoir un plus grand nombre de soeurs, et faire cela comme les premiers chrétiens; c'est beau en spéculation, et aussi en pratique, cette pensée m'a fait sourire, de nous voir toutes réunies.

Pour vous, vous voyez que Dieu vous vient en aide dès que vous en avez besoin; ainsi, confiance et abandon; vous recevrez bientôt, par la poste, un petit souvenir sur le saint abandon, lisez-le bien.

Cheminez tout comme le Bon Dieu le veut, au clair du soleil quand il luit, ou de la lune ou des étoiles, ou à tâtons avec le fil de l'obéissance: c'est la règle sûre.

Je bénis vos croix et vos peines, ma pauvre fille, Dieu ne vous abandonnera pas, mais il veut que vous l'honoriez dans l'abandon et les horreurs de l'enfer, horreurs qui font le supplice de l'enfer, mais en cette vie c'est la gloire de Dieu et sa divine miséricorde qui triomphent du démon. Courage, ma pauvre fille, les désolations intérieures plaisent plus au coeur de votre divin Epoux que toutes les jouissances et les lumières du Thabor. Vous auriez besoin, en effet, de quelques mortifications extérieures, demandez-les, puis soumettez-vous.

Je suis bien content que le P.F. soit au courant de vos voeux, allez-y de temps en temps, il est bien bon et plus intérieur que vous pourriez le croire d'abord.

Oui, faites cette retraite, elle vous reposera. Oui, j'ai reçu la lettre de Mme G. et y ai répondu.

Oui, votre déjeuner avec le P. H. est bien, il faut prendre son parti dans un cas embarrassant.

Allons, ma pauvre fille, immolez-vous à la gloire de Dieu, ou plutôt laissez-vous immoler par sa main paternelle. - Que vous êtes heureuse que Dieu daigne vous associer avec son divin Fils crucifié!

Oui, oui, je vous inscris la première sur les tablettes eucharistiques: vous me direz ce que Notre-Seigneur vous aura dit à ce sujet.

Adieu. Tout à vous,

EYD.

P.S. - J'écrirai bientôt à Mlle Mariette. Je tiens à vite envoyer cette lettre.


Nr.0456

An Generalsuperior P. Colin

(Notes P. Mayet)

juin 1854

Très Révérend Père,

Permettez-moi de recourir à vous non comme à mon Supérieur,

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(41b) /In der Rom-Ausgabe ist eine zweite Seite 41 enthalten; auf dieser und einer folgenden, nicht impa-ginierten Seite werden Zitate aus anderen Briefen und Notizen abgelichtet, die sich in den Notizen von P. Mayet finden und sich auf den Brief Eymards an P. Colin beziehen. Diese Absätze folgen hier:

N 4c, 294:

"Avant que le T.R.P. Fondateur de la Société de Marie eut accompli l'acte de sa démission ... (le P. Eymard) voulut aller lui ouvrir son âme. ... Le T.R.P. Colin, après l'avoir écouté luit dit: 'Cela vient de Dieu!'

C II, 129 - Lettre à M. Guillot - La Seyne, 10 Juin 1854: '... Je me suis ouvert au P. Colin, il m'a confirmé dans cette pensée (de l'Oeuvre du T.S. Sacrement') ...

N 4c 295: 'Quelques jours après sa démission, en Juin 1854, le T.R.P. Colin, passait à Marseille, se rendant à Rome. Un religieux (1) de la Société de Marie lui écrivit: 'Très Révérend Père, permettez-moi de recourir à vous, ...'

(1) qui? - sans doute le P. Mayet, mais ce sont les pensées du P. Eymard qu'il a prises (Note du P. Tenaillon, in h. loco).

Dans les "Notes personnelles" du P. Mayet (t.4, p. 209c - Arch. des Pères Maristes) on lit:

"Le 25 juin 1854, j'écris une lettre au P. Colin, à son passage à Marseille, lui envoyant 4 pages sur mon attrait pour l'oeuvre du T.S. Sacrement. Il encourage."

Donc: Il ne reste plus de doute sur l'auteur de ce rapport: c'est bien le P. Mayet - Même si ce texte correspond bien aux pensées du P. Eymard à cette époque. Ende der Rom-Ausgabe!/

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mais comme à un directeur éclairé, afin que vous ayez la bonté d'examiner devant Dieu les pensées que j'ai et me disiez si vous croyez qu'elles viennent de lui, comme vous le diriez à un étranger qui vous consulterait..."

(Ces lignes accompagnaient la lettre suivante:

"20-21 juin 1854, Octave du T.S.Sacrement".)

J'ai résolu d'examiner devant Dieu pendant cette Octave mes pensées, mes désirs au sujet d'un ordre qui s'emploierait à adorer la Ste Eucharistie, à la faire aimer et adorer, et dont les religieux porteraient le nom de Pères du T.S.Sacrement ou un nom semblable.

I

Il semblerait que tout annonce que cet ordre doit bientôt surgir: 1o jamais peut-être le S.Esprit n'a produit dans les âmes un mouvement si vif et si universel pour le culte de la Ste Eucharistie.- Afin de soutenir, de ranimer, de diriger ce mouvement, il faudrait, ce semble, des prêtres dédiés au S. Sacrement. Car N.S. a confié au sacerdoce les oeuvres de son Eglise, c'est sa Providence ordinaire, autrement elles périssent; 2o de différents points de la France Dieu semble préparer et faire former un corps religieux d'hommes et qui commencent à se rencontrer, du moins à s'apercevoir.- 3o De même qu'avant l'institution de la fête du S. Sacrement N.S. montre à une religieuse la liturgie sous la forme d'un astre ayant une brèche, ne pourrait-on pas dire qu'il manque à l'Eglise un ordre religieux dédié au S. Sacrement, le Sacrement des Sacrements - la dévotion des dévotions?

Ces trois raisons sembleraient annoncer que le moment n'est pas éloigné.

II

Cet ordre ne serait pas monastique, mais apostolique, c'est-à-dire contemplatif et actif. C'est la vie la plus parfaite, c'est l'essence du Sacerdoce, qui est essentiellement pour Dieu et pour les âmes.- Le temps serait donc partagé entre la contemplation devant le S. Sacrement et l'exercice du zèle par la prédication, la plume, les arts, etc... L'adoration serait même un exercice de zèle, un sermon muet sur l'amour de J.C., puisqu'elle se ferait dans des chapelles ouvertes au public, et cela dans les grandes villes, dans les grands centres de population.

Les religieux laïques qui ne seraient ni artistes ni écrivains, après leurs offices du choeur et de l'adoration, se livreraient aux travaux manuels, ou au zèle. On aurait un costume particulier, ou du moins une marque distinctive, si l'on gardait l'habit ecclésiastique, soit afin d'être toujours avertis de donner le bon exemple, soit pour faire penser les peuples au S. Sacrement dont on serait comme les apôtres.

III

Le but de cet ordre serait donc d'aimer et de faire aimer Jésus Eucharistique, de l'adorer; de la faire adorer; de le faire honorer dans son Sacrement d'amour par tous les moyens possibles, et de veiller avec le plus grand zèle à la décence et à l'éclat de tout ce qui a rapport au culte eucharistique, et d'intercéder auprès de Lui pour les âmes. C'est dans le couvent même, dans la chapelle du couvent que se ferait l'adoration perpétuelle du jour et de la nuit, soit par les religieux, soit par les gens du dehors (les hommes). On prêcher pourrait encore les Quarante Heures, les Octaves du S. Sacrement, diriger les oeuvres d'adoration perpétuelle, donner des Retraites aux Oeuvres et aux Communautés dévouées au S. Sacrement, prêcher des retraites pastorales, etc... On chercherait à allumer en soi d'abord, et ensuite dans les autres, par tous les moyens, le feu eucharistique. Ce serait un ordre tout de feu. Il est impossible qu'il n'y ait pas beaucoup de saints, d'apôtres, d'hommes morts à eux-mêmes, de grands convertisseurs d'âmes parmi des hommes qui s'exposerait chaque jour 2 ou 3 heures aux rayons du Soleil Eucharistique; ou il s'enflammeront d'amour, ou ils sortiront.- Ce sera le glaive de division pour connaître ceux que N.S. appelle. L'oraison, dit Fénêlon, ruine la nature.


Nr.0457

An Frau Jordan

Sacré-Coeur, 23 Juin.

MADAME ET CHERE SOEUR EN N.-S.,

Je viens de recevoir votre lettre bien désirée; j'y réponds de suite pour vous prouver ma bonne volonté.

1· Je brûle de suite toutes les lettres spirituelles: c'est une règle pour moi.

2· Je compatis bien à vos douleurs de tête: c'est mon mal; on vit par la tête, on agit par le coeur. Heureusement le Bon Dieu ne vous demande que votre coeur: plus il souffre, plus il est agréable à Dieu; plus il est pauvre d'affection, plus il est riche de Dieu: voilà qui console. Vous avez trouvé le livre du saint Abandon; j'en suis heureux pour vous, car il vous fera grand bien; on a tant besoin de Dieu dans la terre d'exil et sous le poids des misères humaines!

Oui, bonne fille, reposez-vous sur Dieu de l'avenir de votre chère Mathilde: elle est à Dieu avant d'être à vous; elle a ses destinées temporelles et éternelles dans la charité divine. L'homme du monde va au-devant des choses, les provoque, les force à le servir. L'homme de Dieu attend le moment de la divine Providence, aide le mouvement de la grâce, se dévoue à toute la volonté de Dieu présente et future; mais avec cet abandon filial qui en laisse tout le soin et toute la gloire à Dieu son Père. Je prierai bien pour vos deux affaires matérielles; je suis persuadé que vous y mettrez la paix avec la justice, la suavité avec la force de vérité.

Aimez le Bon Dieu, ma pauvre fille; aimez-le pour tant d'aveugles qui ne l'aiment pas; aimez-le avec votre bonne fille, avec tout votre famille; aimons-le un union fraternelle.

Vous savez combien mon âme vous est unie en N.-S.

EYMARD.


Nr.0458

An Frau Jordan

Dimanche.

MADAME,

Je vous remercie bien de votre lettre et remercie le Bon Dieu de vous avoir envoyée à temps pour recevoir le dernier soupir de notre chère soeur Rectrice. Belle âme; le Ciel a dû la recevoir en triomphe; elle a toujours été la fille de la Croix et la fille du devoir.

Le Tiers-Ordre n'étant pas connu publiquement, on ne peut le convoquer aux funérailles; il n'y a donc rien à faire qu'à prier pour notre chère soeur.

Je suis tout seul au Noviciat, mon second est en voyage; il m'est impossible de sortir.

Croyez-moi toujours en N-S.,

Madame,

Votre tout dévoué.

EYMARD.


Nr.0459

An Kan. Rousselot, Generalvikar in Grenoble

La Seyne-sur-Mer, Var, 29 juin 1854

Bien vénéré et cher Père,

Je suis tout heureux de vous annoncer que sous peu de jours vous recevrez vos tableaux de Rome.

Je les ai reçus les 23 par le bateau de l'Etat le Regium; ils sont arrivés à bon port. Et nous les avons introduits à Toulon avec la franchise des droits. Ces Messieurs étaient bien aises de faire cela pour N. D. de la Salette. On m'a demandé au roulage 14 Fr. pour 100 ??? et 14 jours pour Grenoble, vous trouverez la grande caisse un peu endommagée et raccommodée, cela s'est fait en la portant dans le magasin.

J'ai appris avec peine que Mgr l'Evêque de Gap, arrivant de Rome, dit du mal de la Salette, que le Souverain Pontife est furieux contre la Salette, que les enfants n'avaient pas révélé de secret, voilà ce que m'a écrit un prêtre de Gap, comme l'ayant entendu de la bouche même de Mgr l'Evêque.

Tandis que le peuple pieux et simple croit à la vérité de l'apparition et fait pénitence, tandis que des personnes éminentes viennent de bien loin vénérer le miracle de l'apparition et en proclamer de nouveaux, il est pénible d'entendre le blâme et le mépris de la bouche de ceux qui devraient louer et bénir Dieu d'une telle grâce, ou au moins on devrait garder un silence de convenance et de charité.

Voici bientôt les vacances, j'espère avoir le bonheur de vous voir à Grenoble, bon Père Rousselot, en attendant permettez-moi de me dire toujours

Votre enfant.

Eymard p.m.


Nr.0460

An Rousselot, Kan. u. Generalvikar in Grenoble

La Seyne, 16 juillet 1854

Bon et bien cher Père Rousselot,

L'annonce de l'arrivée des tableaux à Grenoble m'a bien fait plaisir. J'espère qu'ils sont arrivés à bon port.

Le transport par mer a été gratuit, grâce à M. de Gasquet, commandant en chef des bateaux à vapeur de l'Etat à Toulon. La franchise d'entrée en France est due à M. Journel, Directeur de la douane à Toulon; le gouvernement n'y est pour rien, mais c'est à la graciosité (gracieuseté) de ces deux Messieurs que nous devons le tout; et ce qu'il y a de positif, c'est que je leur ai dit la fin des tableaux, N. D. de la Salette.

Je laisse le tout à votre sagesse, et si cela peut faire bien de l'annoncer, j'en serais très heureux; cependant ici ce n'est qu'une affaire d'amitié.

Mais ce qu'il y a de bien, c'est de répondre à Mgr l'Evêque de Gap sur la Salette comme une victoire définitive.

Oh! si le Souverain Pontife pouvait juger par lui-même, et non sur les paroles d'un Evêque que tout le monde sait, à Gap, et dans le diocèse, avoir bien peu la confiance de son clergé, avoir bien peu de tête.

Je crois que vous feriez bien d'aller à Rome. Il est facile d'obtenir du Ministère de la Marine le passage gratuit à bord des bateaux de l'Etat; vous n'avez qu'à lui écrire comme grand Vicaire; et si Monseigneur mettait une apostille, ce serait encore mieux. C'est le 5, le 15 et le 25 de chaque mois qu'il y a un bateau pour Civita Vecchia. Alors j'aurai le plaisir de vous recevoir à La Seyne, vous ne vous arrêterez pas à Toulon, mais vous vous dirigeriez de suite vers le port, où il y a des bateaux pour La Seyne à toutes les heures.

Ne partez pas par Marseille, par les paquebots-postes, vous feriez une quarantaine rigoureuse en Italie.

Le choléra sévit à Marseille, où il fait beaucoup de victimes, quoi qu'en disent certaines nouvelles. On compte 120, 130 morts par jour.

Ne vous arrêtez pas à Marseille, mais à Valence retenez votre place directement pour Toulon, et payez-la d'avance, de crainte qu'à Marseille on ne doublât le prix.

Un mot, s'il vous plaît, de votre arrivée, afin que nous allions vous chercher.- En attendant ce bonheur, croyez-moi toujours, bon Père Rousselot,

Tout à Vous.

Eymard p.m.


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