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Nr.0021

An Marianne Eymard

III,20

A-2 59

B-3 37

R2-25 28

V.M.

Belley, 7 juillet 1841.

MES CHERES SOEURS,

Je suis dans une grande inquiétude sur votre état: j'attendais chaque jour de vos nouvelles, et je vois que vous m'oubliez. Je ne sais pas si je vous ai causé quelque peine; ce serait bien involontairement, car, vous le savez bien, je vous aime: mes deux voyages doivent vous l'avoir montré. Ainsi, marquez-moi vite deux mots. J'espère que cela va toujours de mieux en mieux: c'est la seule explication que je puisse donner à votre silence. J'ai fait un bon voyage, mais je ne me suis arrêté nulle part, pas même à Grenoble, où je sentais combien on avait besoin de moi.

Je me porte bien. Allons, mes bonnes soeurs, du courage! Dieu aidant, tout ira bien.

Je suis revenu de La Mure avec une vive reconnaissance pour ces bonnes amies qui vous témoignent tant d'attachement, Mme Lesbros, la bonne et respectable famille Fayolle, la joyeuse Victorine, etc.

Ma lettre est courte, mais mon coeur vous en dit bien long; aimez bien Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa sainte Mère.

Votre frère.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0022

An Marianne Eymard

III,21

A-2 63

B-3 38

R2-25 29

Belley, 30 Novembre 1841.

MES CHERES SOEURS,

Je suis un peu en retard pour vous écrire, n'ayant rien d'intéressant à vous apprendre, alors on renvoie de jour en jour; cependant, je sais que vous pouvez être en peine, parce que vous m'aimez toujours.

J'ai appris que vous alliez bien, j'aime à croire que votre santé se soutient et que Nanette se rétablit un peu de tant de veilles et de soins.

Oui, Notre-Seigneur aura écrit, dans son livre de charité et de vie, tant de souffrances, de sacrifices et de dévouement. Voilà, mes soeurs, comme le Bon Dieu traite les siens: il les laisse longtemps sur le Calvaire; mais ce bon Père est en croix sur notre tête; et sa sainte Mère à nos côtés, afin de nous encourager. Ah! votre couronne sera belle, parce que Jésus souffrant a partagé avec vous tant de calices d'amertume. Mais excusez-moi, je m'aperçois que je vais faire un sermon et je voulais seulement me recommander à vos prières, vous recommander le soin de vos convalescences, et vous dire que je me porte bien.

J'ai eu la crainte que l'arrivée de ces jeunes gens de La Mure ne vous ait fait de la peine; que cela ne vous ennuie pas, je leur ai prouvé tout l'attachement possible. Mais que faire? Ces pauvres enfants étaient trop faibles dans leur classe, et moi je ne pouvais en faire en un jour des savants. Ils sont bien partis malgré moi, surtout Gaillard... L'abbé Baret en sera peut-être fâché, mais c'est à eux tous à s'excuser plutôt qu'à moi. J'avais lieu d'être fâché. Tâchez de savoir si l'abbé Baret boude, parce qu'alors je lui écrirai...

Je suis en N.S. votre frère.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0023

An Marianne Eymard

III,29

A-2 85

B-3 51

R2-25 41

Grenoble, Jeudi.

MA CHERE SOEUR,

J'ai reçu hier la lettre de Mr le Curé et qui m'apprend l'état souffrant dans lequel vous vous trouvez; cette triste nouvelle m'a profondément attristé, j'en ai été bien affligé. Je suis parti à l'instant même de Belley pour venir vous voir; pour aller plus vite j'ai pris un chemin de traverse, mais je ne puis partir aujourd'hui de Grenoble, ne trouvant point de place à la diligence. Je ne pourrai donc partir que demain, j'arriverai demain soir à huit heures.

Hélas! ma pauvre soeur, j'avais renvoyé aux vacances pour aller vous voir, c'était décidé; mais puisque le Bon Dieu vous afflige, je veux aller pour souffrir avec vous.

Votre pauvre frère bien affligé.

J. EYMARD.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0024

An Marianne Eymard

III,22-23

A-2 65

B-3 40

R2-25 30

L. J. C. et M. Imm.

Belley, 19 Janvier 1842.

MES CHERES SOEURS,

Je m'aperçois qu'il y a déjà longtemps que je ne vous ai écrit. Je voulais vous écrire au jour de l'an, puis, aux deux occasions que j'ai eues; mais j'ai eu tant d'occupations que, différant de jour en jour, je suis arrivé tout étonné jusqu'à ce jour. J'ai appris que vous vous portiez à peu près. Il est vrai, l'hiver doit vous faire mal, surtout avec cette variété de temps. Cela doit être une raison pour vous retenir un peu plus dans la chambre, mais avec le beau temps les forces reviendront. Hélas! mes bonnes soeurs, dans un état de souffrances on a besoin souvent de toute sa vertu pour se jeter entre les bras de la Providence de Dieu, et pour se résigner amoureusement à son adorable Volonté; mais cela ne vous manque pas et, dans toutes les positions, c'est le seul moyen de consolation.

Vous avez donc vu un de mes confrères, Mr Dubreuil: cela m'a fait plaisir que ce bon Monsieur vous ait visitées. Vous avez dû être bien contentes de lui, car il est si aimable! aussi je l'en remercierai.

J'ai appris que Mr Cat était aimé, et que le brave Mr Verdun était très bien; cela m'a bien fait plaisir. Et le bon Mr Rabilloux est toujours zélé et charmant; tant mieux! je voulais toujours écrire à ces Messieurs, mais mes lettres ne peuvent rien avoir d'attrayant pour eux.

Moi, je suis toujours avec ma grande famille d'enfants; alors, ce qui m'intéresse ne peut guère les intéresser, parce que leur ministère est tout différent.

Veuillez cependant m'excuser auprès d'eux; c'est qu'aussi je suis très paresseux pour écrire. Je crois que c'est la première ou la deuxième lettre de bonne année que j'écris. J'ai reçu une lettre de mon cher ami Mr Fayolle: il va bien; il me fait bien rire en me parlant d'un changement qu'on lui offrait. Aumônier à Mont-Fleury, certes, si ces dames ont cru qu'il leur irait au-devant, pour les flatter et leur plaire, elles se sont bien trompées. Il me dit qu'elles l'ont cru trop vilain, trop impoli, trop inflexible, elles ont eu peur; et pourtant Mr Fayolle est bon, très honnête, mais sans courtisanerie, sans compliments; il fallait mieux le connaître pour mieux l'apprécier. Enfin, il est tout joyeux de son aventure...

Mes compliments, s'il vous plaît, à la bonne famille. Je me porte bien; d'ailleurs je n'ai pas le temps de devenir malade. Une autre fois je serai plus exact.

Priez pour moi, et vous pensez bien que vous m'êtes toujours présentes dans mes prières.

Votre frère.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0025

An Frau Emma Perroud, geb. Mayet

C,65

29 janvier 1842

En post-scriptum d'une lettre du P. Claude Mayet à sa soeur Mme Emma Perroud:

Le bon ami (Cl. Mayet) me donne une petite place, j'en suis bien content, pour (pr av) pouvoir vous témoigner ma reconnaissance, & vous féliciter de la solitude de la chapelle, de la maison de Nazareth à Pommiers. Je ne puis y penser qu'avec attendrissement, partout on (est) heureux quand partout on y sait trouver Jésus Marie Joseph, vivre avec eux et comme eux; avec le bon Père Mayet nous parlons souvent de Pommier, du bon père Perroud, le plus heureux des hommes, parce qu'il a trouvé et conserve un grand trésor; au Joseph de la famille de longues années, parce qu'il aura le temps de se reposer au Ciel, et de vous, Madame, mère (pr de la) d'une si grande famille. La vie de la foi vous fait trouver votre bonheur là où tant d'autres ne trouveraient qu'une triste et désolante solitude; avec Jésus, Marie & Joseph, on a tout: moins de bruit, de sujets de dissipation, moins de fêtes bruyantes, mais on a la paix de âme, l'amour de son état, le ciel sur la terre.

Nous aimons aussi à parler de la petite famille. Oh! que je vous bénis! de faire vous-mêmes leur éducation première; (pr de) à vos cotés ces bons enfants prennent l'esprit de famille, l'amour des parents, l'impression première de la Religion, impression qui ne s'efface jamais; ils seront, aussi, instruits & plus sages. Je plains beaucoup les parents sans expérience (trou dû au cachet: "ou sans"? ou bien simplement: "ou"?) prudence qui se séparent (pr des) de leurs enfants à peine raisonnables. C'est le plus grand mal(heur) qu'on puisse leur faire. On n'en fera que des enfants sans amour et sans liesse(?)

Nous prions beaucoup pour (pr Tony) l'Océanie. Violence, vol au ciel, pour cette fois il faut une grande (pr ) victoire. (pr + Bonne famille! que vous avez - reste de la phrase brouillé !). Nous espérons bien du (pr P. Mayet) cher frère, il va mieux, et pour moi, (pr je) j'y compte aussi, s'il faut un miracle, J. C. est Dieu, et Marie, sa divine mère et M. Mayet leur enfant.

Mais je ne voulais que vous dire un petit bonjour. Je suis trop long: excusez-moi; il est vrai qu'en hiver on lit. Enfin(?). Union de prières et de bonnes oeuvres, tout à moitié. L'union fait la force.

Tout à vous en N. S.

29 janvier (1842)

(signé) J. Eymard

p. m. Dir


Nr.0026

An Marianne Eymard

III,23-24

A-2 69

B-3 42

R2-25 32

V. J.

Belley, 19 Mars 1842.

MES CHERES SOEURS,

J'allais vous écrire quand j'ai reçu votre chère lettre; j'étais en peine sur votre santé. Je craignais que ce temps si rigoureux vous eût encore rendues plus souffrantes; mais il paraît, d'après la lettre, que vous allez à peu près. Dans votre état si faible, évitez tant que vous le pourrez les impressions pénibles, parce qu'elles vous feraient trop de mal. Tâchez de vous tenir dans cette joie que recommandait si souvent saint Paul, et qui rend l'âme plus forte et plus contente.

Vous me rappelez à la fin mes voyages de l'an passé. Oui, ma soeur, ce n'étaient pas des voyages de plaisir pour moi; la crainte où j'étais, puis le souvenir de vos souffrances, tout concourait à attrister mon coeur. Et ma seule consolation c'est que je vous connaissais pieuse, adorant comme moi les desseins de Dieu et baisant amoureusement sa main crucifiante.

En pensant à la complaisance et à la charité de ces bons MM. de la Cure à venir vous voir et vous consoler, ma reconnaissance croissait avec leurs bontés. Mais, ma soeur, Dieu seul est éternel et sa bonté n'a a point de fin: il sera toujours votre Père et votre Consolateur; qu'on est heureux, n'est-ce pas, de l'aimer comme un enfant!

Pour moi, ici, je me porte bien, grâce à Dieu. Mes occupations, toutes multipliées qu'elles sont, vont bien avec mes goûts et mes forces; je suis heureux de pouvoir travailler à la jeune vigne du Seigneur.

Quant à la proposition que vous me faites de permettre à Mr Lesbros un passage pour sa maison, je voudrais bien sans doute faire plaisir à ce bon Monsieur, et à qui nous devons une grande reconnaissance; mais cependant, je vois que ce serait une servitude qui diminuerait de beaucoup la valeur de notre maison si jamais nous voulions en disposer autrement; puis, cela nous occasionnerait des dépenses.

Le petit Auguste va bien, je voudrais bien qu'il réussît. Allons! mes soeurs, aimons toujours bien Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa divine Mère, établissez saint Joseph père nourricier et protecteur de la famille.

Votre dévoué frère.

J. EYMARD, Dir.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0027

An Frau Emma Peroud, geb. Mayet

C,65

5 juin 1842

En post-scriptum d'une lettre du P. Mayet à sa soeur

Madame,

Je profite de la si bonne occasion que m'offre le bon Père & ami pour me rappeler à votre souvenir de prières, car la prière qui s'élance de la solitude <allusion probable à la situation de la propriété Perroud à Pommiers, où Eymard semble avoir déjà passé> vers le ciel est plus ardente parce qu'elle est plus calme & plus pure; bonne famille! qui résumez dans un petit coin ignoré la vie de Nazareth, pour qui le monde n'est rien & ne peut même avoir accès auprès de vous: le ciel vous regarde avec complaisance & les Anges y ont établi cette échelle mystérieuse de Jacob.

Je m'intéresse à tout ce qui vous intéresse, moi aussi. Je l'aime beaucoup & j'espère. Je vous devais une visite de remerciements pour l'offre de repos à Pommier, mais je me trouvais trop fatigué; ma reconnaissance n'est pas moins grande.

Mes respects à Monsieur; tout à vous en J. & M.

(signé) J. Eymard

p.m.


Nr.0028

An Marianne Eymard

III,24-26

A-2 73

B-3 44

V.J. et M. Imm.

Belley, 25 Juin 1842.

MES BIEN CHERES SOEURS,

Je réponds à votre bonne et intéressante lettre, j'aime à la relire parce que les détails qu'elle renferme m'imposent des devoirs. Vous allez à Notre-Dame du Laus, tant mieux! Je vous envie ce bonheur, car je ne puis me rappeler sans délices les heureux jours que j'y passais aux heureux temps de pèlerinages. J'ai vu plusieurs endroits de dévotion, mais je n'en ai encore point vu comme le Laus; il y a là quelque chose de si pieux, de si touchant! D'abord cette solitude, dans laquelle on entre en sortant de Gap, ce désert, ces bois, ces oratoires parsemés le long du chemin comme de pieuses stations, préparent déjà l'âme à se dépouiller du monde; c'est comme le désert des Hébreux.

Ah! je me rappellerai toujours qu'arrivé sur la montagne, à la première vue de cette église de miracle et de grâces, je sentais mon coeur battre de joie et de désirs; une fois même je pris la course jusqu'aux pieds de la Sainte Vierge.

Si le Bon Dieu veut que j'aille vous voir aux vacances, si j'ai le temps, j'espère aller aussi voir et baiser les pieds de cette bonne Mère; car c'est là que j'ai pris ma vocation des mains de la Sainte Vierge.

Que cette bonne Mère vous y accompagne, mes bonnes soeurs; qu'elle vous donne l'objet de vos prières: cette santé, si elle est dans les desseins de la Providence, ces grâces, cet amour divin qui fait trouver le ciel sur la terre.

A la fête de la Visitation de la Sainte Vierge, je m'unirai d'intention avec vous et je célébrerai la Messe pour vous.

Si vous voyez Madame Amiel, présentez-lui bien mes respects à cette bonne et vertueuse dame; elle a bien eu ses croix et peut-être est-elle déjà dans le ciel, cette fille de Marie. Rappelez-moi aussi au souvenir de Magdelon.

Madame Lesbros est donc toujours malade! tant pis! Cette bonne dame! hélas! le Bon Dieu sème sa vie de bien des douleurs; mais sur la terre le Calvaire est partout et dans toutes les conditions, et heureux ceux qui savent y trouver Jésus et Marie.

Pour ce saint dont vous me parlez, je pense que c'est le même que celui que je priais pour elle il y a deux ans. C'est saint François Régis; mais j'ai bien confiance en la Sainte Vierge, et je lui dirai une messe à cette intention le premier vendredi du mois de juillet.

On m'a parlé d'un sirop extraordinaire: c'est le Rob régénérateur du sang, par Mr Giraudeau, de Saint-Gervais, rue Richer, n· 6 bis, à Paris. Faites-lui connaître ce sirop; il est un peu cher: il coûte 12 francs... On a la faculté d'écrire gratis à l'auteur et de le consulter. Mais il faut prendre garde, il ne convient pas à une maladie indiquée dans la recette. Je crois que ce sirop ne vous va pas, parce que votre maladie est une maladie nerveuse.

Vous présenterez bien mes respects à cette bonne dame Lesbros, et vous lui direz que je la mets à côté de vous dans mes faibles prières.

Cette bonne mère Bonnier est donc morte! c'est une sainte dans le ciel. Je suis convaincu que c'était la plus sainte personne de tout La Mure. Sa simplicité, son humilité, sa charité, ses sacrifices, ses croix; elle en avait, quand ce ne serait que celle de sentir ses enfants dans le monde.

Ce qui me faisait plaisir dans Mr Bonnier c'est qu'il l'estimait beaucoup et avait pour elle une espèce de vénération; elle était aussi si prévenante, si douce! Certainement, j'envie sa couronne; elle doit être grande.

Le pauvre Germain est mort aussi. Heureux et plus heureux que son frère, il a fait une belle mort; tout n'est rien quand on finit bien. Et tous ces biens, et tout cet avenir, voyez comme tout passe. Pauvres gens qui se tuent pour avoir un enterrement plus somptueux, et une bière un peu mieux faite!

Mais je m'aperçois que je suis bien babillard. Auguste va bien, je lui ai fait faire une blouse propre pour les promenades afin qu'il n'eût pas si chaud... il réussit assez bien, il est sage.

Mes respects, s'il vous plaît, à Mr Rabilloux. Je voulais toujours lui écrire, puis toujours cela passe. Je vois bien qu'il faudra lui porter ma lettre.

Dans votre prochaine lettre, parlez-moi de Mr Faure; je languis de ses nouvelles.

Votre frère.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


Nr.0029

An Fam. Mayet, Herrn Anton Mayet

B,46-47 (39)

Réf. A-7 7 (autogr.)

A-8-67

B-7-6

R2-24-162

Belley 6 septembre 1842

Monsieur et cher Ami,

Je tiens parole, mais non pour vous attrister par une sinistre nouvelle: le bon Abbé n'est pas plus fatigué qu'à l'ordinaire; au contraire, je le trouve très gai. L'essentiel, pour lui, c'est le silence, et là-dessus, il ne peut être trop sévère.

J'ai été forcé de faire un voyage dans mon pays et, à mon grand regret, j'ai été obligé de me séparer de ce bon ami. J'aurais bien voulu l'avoir avec moi pour le distraire un peu, mais le voyage et le séjour l'auraient trop ennuyé, alors je n'ai pas insisté; à mon retour, je l'ai trouvé dans son état ordinaire.

Ici, nous nous amusons tant que nous pouvons. Si vous y étiez, nous serions sûrs de passer de beaux moments; mais il paraît que cette mauvaise grippe vous caresse toujours un peu; je pense que Lyon, beaucoup d'affaires ne vous laissent pas le temps de bien vous remettre. Si j'étais votre médecin, je vous dirais: un peu de campagne, de Belley, du bon sens, du sans-souci, et avec cela santé.

J'espère aller à Lyon et ma première visite sera à la bonne famille.

En attendant, je suis avec toute la sincérité et la cordialité que vous me connaissez;

Votre tout dévoué serviteur et ami.

Eymard P.m.

Vous voudrez bien faire agréer à Monsieur votre Père l'expression de mes sentiments d'estime et d'amour (car on ne peut s'empêcher d'aimer un tel Père) et à Mademoiselle mes respects.


Nr.0030

An Marianne Eymard

III,26-28

A-2 77

B-3 47

R2-25 37

Belley, 7 Octobre 1842.

MES CHERES SOEURS,

Il faut bien vous donner signe de vie, et vous remercier en même temps de tous les soins que vous avez eus pour moi dans mon dernier séjour à La Mure. J'ai été fort content de mon voyage, surtout en voyant que votre santé s'améliorait; soignez-vous bien et j'espère que vous irez de mieux en mieux. Mais prenez garde d'aller à un air trop froid, évitez le passage subit d'une température bien chaude à une température bien froide, ce qui arrive souvent à La Mure.

Mon voyage à Grenoble a été un peu contrarié. Ignorant que la voiture que je pris passait par Monteynard, je me décidai de suite de rester jusqu'au soir; pressé cependant de partir, et ne voulant vous faire deux fois mes adieux pour ne pas vous faire de la peine, j'allai jusqu'au Cerf de La Motte et me dirigeai de là à Pierre-Chatel. On avait beau me dire que personne ne me verrait à Monteynard, qu'on me fermerait bien; je ne pus me décider, la vue de ce pays et de ces bonnes gens m'aurait trop ému.

Puis, j'apprends en route que Mr de Pelissière était à La Mure. A la garde de Dieu, je vais attendre la voiture de cinq heures à Pierre-Chatel; mais, point de place. J'attends celle de minuit: point de place encore, excepté celle de la banquette. N'importe, je me mets avec le postillon, et nous roulons jusqu'à Grenoble avec un air un peu froid.

Je suis resté trois jours à Voreppe, la personne que je voulais voir n'y était pas. J'ai bien eu le temps de converser avec Mr Fayolle: il est charmant; son voyage de Rome n'a pas lieu, tant mieux!

A Lyon, j'ai fait une visite à Madame Reynier. J'estime beaucoup cette dame, elle m'a dit qu'elle devait aller à La Mure.

J'ai aussi visité et consolé la soeur de Mlle Fribourg; elle a été bien sensible à la perte de son enfant. Je me suis applaudi d'y être allé, une lettre seule les aurait trop surpris.

J'ai vu aussi plusieurs gens de La Mure, l'enfant du père Cotte: il réussit bien dans sa partie, il faut qu'on le recommande toujours bien. J'ai vu le fils de Ramus: il ne réussit pas aussi bien que l'autre, mais on espère.

Les enfants qui m'ont fait plaisir ce sont les deux de la mère Balme du Breuil: ils sont très bien, et bien sages, ils se portent bien.

Mais Mr Desmoulins qui est allé à La Mure me paraît un ange de piété.

Allons, mes soeurs, du courage! aimons toujours bien le Bon Dieu et la Sainte Vierge, c'est le moyen d'être heureux en ce monde.

Vous aurez la bonté de m'envoyer par le père Artaud un livre que j'ai prêté à Mlle Césarine Reynier. Vous pourriez dire au père Artaud que la voiture de Cordon marche maintenant; mais il lui restera toujours un trajet de deux heures, des Abrets à Cordon, et la voiture n'arrive à Cordon qu'à cinq ou six heures du soir. S'il trouvait une voiture de Grenoble à Morestel, ce serait plus commode; au moins, il n'aurait pas à marcher.

J'ai encore oublié à La Mure une cravate noire; si vous la trouvez, veuillez me l'envoyer.

Tout et toujours à vous en N.S.

J. EYMARD, p. m.

Mademoiselle,

Mademoiselle Marianne Julien-Eymard,

rue du Breuil,

à La Mure (Isère).


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